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PRISONS: LES RÉVOLTES DE
LA DIGNITÉ
Y EN À
MARRE |
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2 0
© TE de Milo Manara
Exclusivité Casterman 1987
221mars ÉCHTIONSE 2 + ocrosre s7 x cor 1 Mbertaire
f
aù à :
Ni
Une économie planifiée doit fonctionner pour la
satisfaction des besoins, non pour la course au
profit. La démocratie socialiste, est une condition
de l'efficacité économique du socialisme. L'URSS,
la Chine, la Pologne, la Yougoslavie -tous ces
pays où le capitalisme a été éliminé- se débattent
à leur tour dans une crise économique. La cause
en est la gestion bureaucratique de l'économie
planifiée, l'absence de démocratie socialiste. Les
réformes économiques mises en œuvre dans ces
pays sont empruntées à l'arsenal capitaliste. Si
elles s'accompagnent d'une libéralisation elles
menacent aussi de mettre en péril toute une série
d'acquis de la classe ouvrière. Accorder une libé-
ration à l'intelligentsia et à la bureaucratie des
entreprises est une chose, mettre le pouvoir réel
entre les mains de la classe ouvrière en est une
autre, radicalement différente. Jaruzelski, en Polo-
gne, a fait appel à l'armée; Deng en Chine, empri-
sonne des ouvriers parce qu'ils manifestent avec
les étudiants: et Gorbatchev en URSS, essaie de
secouer la bureaucratie. sans réveiller la classe
ouvrière.
La crise dans les pays non-capitalistes n’est pas la
crise du socialisme, c'est la crise du stalinisme
bureaucratique, caricature du socialisme. L'espoir
pour le socialisme démocratique autogestionnaire
ne naît pas de la politique des dirigeants de ces
pays, mais des luttes de leurs classes ouvrières,
de plus en plus nombreuses et conscientes.
L'heure viendra où ces classes ouvrières renoue-
ront avec la lutte anti-bureaucratique et avec les
vraies traditions du socialisme: la démocratie
socialiste, le pluralisme politique, la prise en
charge de tous les problèmes de la société par les
consells ouvriers démocratiquement élus.
pas de socialisme
sans démocratie
La crise qui secoue les pays dits «socialistes» est
exploitée par le grand capital pour dire qu'il
n'existe pas d'alternative, que le capitalisme est le
moins mauvais système possible. Pourtant, en
dépit d'un progrès certain dans les années "50 et
"60, il est clair aujourd'hui que le capitalisme n'a
600frs l'an
au Compte coer
007-0536851-32| :
= #
\
à
le parti ouvrier socialiste :
\ plus que jamais.
Il n’y a pas de vrai socialisme sans démocratie
socialiste. L’autogestion n’est pas un luxe, mais
une nécessité vitale.
résolu aucun des problèmes fondamentaux æ |
l'humanité.
Le grand capital détruit des pans Enter de l'indus-
trie; les pays capitalistes d'Europe, les Etats-Unis
et le Japon comptent (au moins) 25 millions de
chômeurs; aucun emploi de remplacement n'est
créé. Des générations entières de jeunes sont
sacrifiées au dogme du profit.
Le capitalisme est confronté à une montagne de
dettes: les pays du «tiers-mondes devraient rem-
bourser 1.000 milliards de dollars à quelques
dizaines de banquiers! Reagan et ses amis «néo-
ibéraux> allaient résoudrent cela d'un coup de |
|
baguette magique, mais leur politique du «laissez- |
faire» capitaliste est un échec également. Le pays |
de Reagan est le plus endetté du monde!
Rien n'arrête la course au profit. L'équilibre écolo-
gique de notre planète est en péril. L'énergie
nucléaire, aux mains du capital, peut déboucher |
sur la destruction de l'humanité. La bourgeoisie
américaine -avec ou sans Reagan- fournit ses
armes pour une stratégie de querres, petites et
grandes, menées à coups de bombes atomiques,
<s'il le faut».
Quelle preuve plus éclatante de la failite du capita-
lisme, que son incapacité à endiguer l'épidémie du
SIDA?! Une épidémie oubliée pendant des années |
parce qu'elle ne touchait «que» l'Afrique. Mise
ensuite sur le compte de la communauté homo-
sexuelle. Puis enjeu d'une course au profit, effré-
née, entre les grandes compagnies pharmaceuti-
ques, avant de servir de base à une de ces croisa-
des moralisantes dont Jean-Paul Il s'est fait le
champion. Pendant ce temps-là des milliers de |
gens meurent des suites d'une épidémie qui rap- |
pelle celle de la peste, il y a 600 ans!
La conclusion est claire: il n'y a pas d'espoir, pas
de bien-être, pas d'avenir pour le monde du travail
dans le cadre de ce système capitaliste.
3 fi ; - # J | Se =.
l’offensive du grand
> LA : et Pie
capital en Belgique
La Belgique n'échappe pas à cette réalité. Notre
pays compte 500.000 chômeurs complets, mais
en réalité il mangue un million de postes de travail.
A travers la crise le capital a détruit massivement
des emplois dans l'industrie. Du même coup se
restreint la base disponible pour développer les
équipements sociaux et culturels, Les travailleurs
pressés comme des citrons tout au long de leur
vie active, sont en plus frappés en tant que pen-
sionnés. Etre malade devient un luxe. Des dizaines
de milliers de jeunes sont poussés en marge de la
société. Selon des estimations réalistes, un million
de gens vivent dans le besoin. En Belgique, cet
«oasis de bien-êtrer!, les travailleurs immigrés sont
pris comme boucs émissaires. Ceux qui ont de la |
chance de conserver un emploi sont exploités tou- |
jours plus férocement.
Inexorablement, systématiquement et intelligem-
ment, le grand capital mène la guerre sociale con-
tre les travailleurs. Il dispose pour cela du soutien
plans en maniant tour à tour la concertation et la
confrontation sociale. C'est une offensive globale,
de longue portée. Une offensive d'autant plus bru-
tale que les holdings belges (la Générale, la Kre-
dietbank) ont raté le train de la modernisation de
l'économie avant 1974, à cause de leur course au
profit immédiat. Cette même politique à courte
vue, ils la poursuivent aujourd'hui dans la crise: en
organisant la grève massive des investissements:
en imposant une rationalisation brutale: en tentant
de reprendre 100 années de conquêtes sociales
et démocratiques. Pour eux, c'est une question de |
vie ou de mort, dans la jungle de la concurrence |
capitaliste. S'ils doivent sombrer, ces messieurs |
veulent que la classe ouvrière et la jeunesse som-
brent avec eux, et avant eux,
changement de cap
Voilà pourquoi le système capitaliste doit être
| détruit. Pour empêcher la guerre, pour casser la
du gouvernement, qui applique fidélement ses |
crise, pour protéger les acquis sociaux et démo-
ALTERNATIVE LIBÉRTAIRE *%k ASBL 22 MARS - N° 93 - OCTOBRE 87 - PAGE 2
tribune hbre
& le socialisme!
cratiques, pour relancer massivement l'économie,
le pouvoir doit être arraché des mains du grand
capital
Seuls ceux qui partagent cette espérance et pour-
suivent ce but politique pourront tenir jusqu'au
bout dans la lutte que se livrent, à l'échelle mon-
diale, le capital et le travail, en catte fin du 20° siè-
cle.
Les dirigeants traditionnels du mouvement ouvrier
socialiste et du mouvement ouvrier chrétien évo-
luent dans ce monde comme des nains politiques.
Prisonniers de la concertation sociale, démorali-
sante par l'offensive du capital, sans vision straté-
gique ni conviction socialiste, effrayés par la mobi-
lisation de leur propre base, ils sont impuissants à
diriger le mouvement ouvrier sur la voie de la
contre-offensive.
Seul un changement de cap radical dans le mou-
vement ouvrier lui-mème peut ranimer l'espoir ét la
perspective socialiste. Cela nécessite une nour-
velle direction, formée à partir de la base et dans la
lutte, avec un nouveau programme, une nouvelle
tactique et une nouvelle organisation.
La base existe. Après 10 années de crise, 10
années d'offensive patronale, 10 années d'impuis-
sance des directions de la CSC, du PS et du
MOC, après 10 années de luttes, des centaines
de travailleurs et de jeunes commencent à tirer de
ce qu'ils ont vécu, les conciusions socialistes-
révolutionnaires, Des centaines de syndicalistes
de combat ont été choisis par leurs camarades de
travail lors deb élections sociales. Comprendront-
ils la nécessité, non seulement, de lutter mais
aussi de défendre un programme de transition qui
jette un pont entre les luttes d'aujourd'hui et le
socialisme à construire? Comprendront-ils la
nécessité, pour défendre ce programme, de s'unir
et de construire ensemble un nouveau parti
ouvrier? Tout, dans les prochaines années,
dépendra de la réponse à ces deux questions.
C'est dans cet esprit que le Parti Ouvrier Socialiste
s'adresse à eux. Pour, ensemble, souder l'unité la
plus large dans les luttes pour les revendications
immédiates. Pour, ensemble, entamer le dialogue
indispensable et construire un nouveau parti
ouvrier, socialiste-révolutionnaire.
+ Parti Ouvrier Socialiste
28 rue Plantin 1070 Bruxelles
Tél. 02/523.40.23
«La Gauche», le Rues bi-mensuel du P.0.S$.
| PHILIPPINES : DES SYNDICALISTES ET DES PAUVRES
PARLENT DE L'«APRES-MARCOS 5
= REFORME FISCALE,
{ATTRAPE-NIGAUDS
= ELECTORAL
es
ET
eee Crete]
+ EU
spa nd Ph RU rtf
PTE ire pour s'informer
[22MARS;
acheter des livres par correspondance
c’est les recevoir dans les trois jours
dans sa | boîte... Le en de 22mars
EDITIONS 22 MARS ASBL
Alternative Libertaire, abonnement annuel
Taule-Errance d'Albert Balericour
L'Injure de Jules Brunin
La Scène alternative de Pirson et Taylor
Al Mainün de Serge Noël
Meurtres & Fanatismes de Jean De Meur
Le Bébé Vinyl de Joseph Morana
Mémoires d'une militante antinucléaire C. Mawet
EDITIONS DU JEU DE PAUME
Socialisme Libéral, Carlo Rosseili
Alternatives de Défense, Olivier Dupuis
EDITIONS LA THALAMEGE
L'âme de l'homme sous le sociallsme, ©. Wiide
EDITIONS NOUVELLES DONNES - ECOLO
De la croissance au développemerit, Collectif
ATELIER DE CREATION LIBERTAIRE DE LYON
Joël Fieux, Paroles et écrits PA
Les nouvelles de la Gombe, Louis Segeral
George Sand, Thérèse Plantier
Aux sources de la Révolution chinoise :
les anarchistes. JJ Gandini
Explosions de liberté, Frank Mintz
L'Imaginaire subversif, collectif
Le pouvoir et sa négation, collectif
Pa Kin de Jean-Jacques Gandini
Albert Camus dans la mouvance libertaire
Autour du pouvoir, collectif
Femmes, pouvoir, politique et bureaucralie
interrogations sur l'autogestion, collectif
Sociobiologie ou écologie sociale, M. Bockchin
Anarcho-syndicalisme et luttes ouvrières
Aventures de la liberté, Venise 84
L'Etat et l'anarchie, Venise 84
La révolution, Venise 84
Ciao anarchici, photos couleurs Venise 84
EDITIONS TRANSMURAILLE-EXPRESS
Paroles de détenus
ÉDITIONS NOIR DE GENEVE
L'œæil et la main de Mikiôs Tamés (Roumanie)
UNE EDITION PARTICULIERE
Aux larmes mégalos, critique d'Action Directe
LES EDITIONS AGORA LIBERTAIRE DE TOULOUSE |
Ce froid qui vient de l'Est, collectif
Anarchy-Comix, bandes dessinées d'aujourd'hui
EDITIONS LES LETTRES LIBRES - PARIS
La politique expliquée aux enfants, D. Langlois
La dictature démocratique, Serge Livrozet
La révoltution, Denis Langlois
Louise Michel, Annie Thomas
Vivement le doute, Denis Labaylé
Féminisme ét Pacifisme, Le Bricquir, Thibault
LES CAHIERS DU GRIF - BRUXELLES/PARIS
La dépendance amoureuse, collectif
L'indépendance amoureuse, collectif
Hannah Arendt
Nouvelle pauvreté, nouvelle société RE à
LES EDITIONS DU MONDE LIBERTAIRE - PARIS
Souvenirs d'un anarchiste, Maurice Joyeux x
Dictature et révolution, Luigi Fabbri
De la capacité politique des classes
ouvrières, Pierre Joseph Proudhon (2tomes)
L'entraide, Pierre Kropotkine
idée générale de la révolution, PJ Proudhon
Avertissement aux propriétäires, PJ Proudhon
L'Etat dans l'histoire, Gaston Leval
La conquête du pain, Pierre Kropotkiné
L'anarchie et la société moderne, M Joyeux
Philosophie de la misère et misère de la
philosophie, Proudhon/Marx (Svolumes)
* 180F
X 400F
X 500F
x 200F
X 350F
. X 300F
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1 350F
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X 500F
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X 360F
X 360F
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sm. X 800F
Total à payer pour les livres que je commande
L'envoi se fait dés réception du bon de commande accompagné du chèque barré ou du versement bancaire
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renvoyez-le nous 2rue de l’inquisition à 1040 bxl
et pour le paiement, votre choix sera le nôtre
avec un chèque barré glissé dans une enveloppe,
ou versez directement au compte 001-1632181-38
du collectif des éditions x diffusions 22 mars a.s.b.I 1
|
| rétablir l’ordre. Non pas en s’attaquant aux vrais problèmes, en ouvrant
S'informer pour transformer | révoltes de la.
|
prisons :
(Qi
Au début du mois de septembre, les prisons belges se sont
enflammées. Mutineries à Saint-Gilles, Forest et Merksplas. Grève et
refus de rentrer en cellule après la promenades à Bruges et à Eantin.
L'information spectaculaire nous en a donné la raison. Ce qui était en
cause, c'était les conditions de détention particulièrement confortables
dont jouiraient les citoyens britanniques extradés vers la Belgique dans
le cadre de l’affaire du Heysel.
Remettons les pendules à l'heure. Il ne nous semble pas que les
conditions de détention des britanniques aient été exceptionnellement
luxueuses. Disons plutôt qu’elles étaient exceptionnellement «norma-
les». Ce qui est par contre ahormal ce sont ies conditions dans lesquel-
les le détenu moyen non-spectaculaire est actuellement incarcéré. Et
c’est le sens qu'il faut donner aux révoltes de septembre: l’exigence de
la dignité... pour tous! L’exigence d’être enfin traité comme un être
humain vivant au seuil du 21° siècle et non comme un animal sans droit
| parqué dans des cachots du début du 19°. Et ce n’est pas un hasard si
les mutineries ont été les plus violentes dans les deux vieilles prisons
bruxelloises, les plus sordides, les plus délabrées. Ce n'est pas un
| hasard, si pendant l’émeute les détenus brülaient des matelas pourris,
les détruisaient, espérant par là enfin les voir remplacer par des neufs.
Face aux problèmes réels de la surpopulation, de la vétusté des
locaux et des longueurs délirantes de la détention préventive (pour ne
citer que ces problèmes là...) le Ministre de la Justice est intervenu pour
un dialogue constructif avec les détenus, en examinant leurs revendica-
tions. Non, Jean Gol, le libéral, est intervenu en envoyant police et gen-
darmerie mater les révoltés. Et le calme fut rétabli. Le bilan est lourd.
| Un mort, plusieurs dizaines de blessés (on parie d’un détenu blessé par
balles à Saint-Gilles), des scènes de ratonnades à vous faire vomir.
Aujourd’hui le calme règne, mais ce n’est que la paix des matra-
ques. Aucune piste de solution n’a été recherchée. Et si les détenus ont
été écrasés par la force, aucune des questions posées par leurs révoltes
n’a reçu de réponse. L'état a mis un couvercle en béton sur la marmite,
distribuant quelques faveurs (amélioration de la nourriture, nombreuses
libérations..) mais cela continue a bouillir. avant d’exploser une nou-
| velle fois.
Et ce ne sont pas les phantasmes paranoïaques et policiers sur
l’existence d’un complot anarchiste (suivez mon regard. l’émission
Passe-Muraille de Radio Air Libre) responsable dans l’ombre des évène-
ments de septembre qui lui permettront de mieux comprendre ce qui a
fait vaciller son autorité dans les prisons en cette fin d'été 1987.
Babar
Lire notre dossier en pages 15 et 16
Alternative Libertaire n'est le journal d'aucun groupe ou parti politique.
Nous n’avons ni militants pour le vendre, ni généreux donateurs «désinté-
j Los Alternative Libertaire est un journal de libre discussion, de
débats, centré sur les réalités de 1987. Un journal qui ne vit que par la
volonté agissante de quelques individus et le soutien de quelques centai-
nes d’abonnés. Chaque abonnement que nous recevons est à la fois un
encouragement et l'indispensable soutien financier qui permet à cette
démarche d'exister. Alors si vous trouvez que ce journal vous est utile, si
vous trouvez indispensable l'existence de ce type de presse, alors,
abonnez-vous. Nous avons besoin de vos abonnements.
alternative
éditionsasbl22mars x 2 rue de l’inquisition 1040 bruxelles téléphone: 02/736.27.76
du lundi au vendredi de 10 à 18heures x tirage: 5000 exemplaires 4 abonnement,
en versant au compte cger 001-0536851-52 pour un an et pour la belgique: 600 frs,
pour la france 100 ff x réalisé par le collectif: lolita, geneviève, attila, véronique et babar
* et pour ce numéro la complicité de jean-marie renel, josé, jean flinker, chiquet mawet,
marc vanhellemont, serge noël. et de toutes vos lettres. Les articles es n'engagent
que leurs auteurs 4 éditeur responsable : noël roger, même adresse.
la presse quotidienne
Depuis plusieurs mois, par le biais de son
mensuel <Le Petit Tram», le Centre de Loi-
sirs et d'Information de lttre annonce la mise
au point d'un projet ambitieux: faire redé-
couvrir la lecture de la presse quotidienne.
Céla dans l'optique de favoriser une meil-
leure information par là connaissance des
organes de presse quotidiens. Voilà qui
sera bientôt fait. Dès octobre et jusqu'au
début de l'an prochain. Selon une formule
extrémement originale. Pour 200 à 30OOfrs,
les candidats lecteurs (déjà plus de trente
inscrits) recevront chaque jour un journal
pendant 8 semaines. Les journaux ayant
marqué leur accord pour participer consti-
tuent un éventail complet d'opinions: la
Cité, la Dernière Heure, le Drapsau Rouge,
l'Echo de la Bourse, la Lanterne, La Libre
Belgique, Le Peuple, Vers l'Avenir! Les lec-
teurs seront invités à donner leur avis sur
les différents journaux. Îl rempliront, pour ce
faire un questionnaire. Les réponses feront
l'objet d'une remise de prix. En janvier-
février prochains, un week-end d'animation
clôturera cette expérience-enquête. Cen-
tre de Loisirs et d'information, 3, rue
Planchette à 1450 JIttre. Tél.:
067/647.73.23.
la maison de l'écologie
Durant les mois qui viennent, la Maison de
l'Ecologie de Namur organise un cycle de
conférences sur la problématique de la
santé. En voici ls programme. Le 25 octo-
bre: médecines alternatives, une autre
vision de l'homme et de la santé. Le 17
actobre : santé et destin de l'homme. Le 13
novembre: la maladie, une façon de com-
muniquer. Le 11 décembre: écologie et
santé, la nouvelle alliance de l'homme avec
la nature. Le 15 janvier : l'homéopathise. Le
+9 février: l'ostéopathie, médecine énergé-
tique. Le 4 mars: énergétique en art den-
taire. Le 1 avril: phytotérapie et astrologie
médicale. Le 29 avril: l'acupunçcture. Le 20
ma: devenir centenaire à l'exemple des
Hunzas. Ces conférences-débats débutent
toutes à 20h. Maison de l'Ecologie, 26 rue
Basse Marcels à 5000 Namur. Tél:
0817715376.
aérosols au fréon
Le député Ecolo de Charleroi, Yves Del-
forge, nous a fait parvenir la brochure <Pro-
tège ton ozones publiée par ce mouvement
dans le cadre de l'Année de l'Environement.
Cette brochure de vingt pages est rédigée
avec un double souci: celui de la rigueur
scientifique et celui de la compréhension
aisée. Elle atteint sans conteste ces deux
objectifs. L'ozone, protection gazeuse con-
tre les rayons ultra-violets, miss en péril par
le chlore atomique. Et où trouve-t-on ce
dangereux destructeur? Dans les fréons,
des gaz qui circulent dans les frigos, qu'on
utilise dans la fabrication de composés
synthétiques «expansés», dans |85 aéro-
sols. Les conséquences pour la vie sur
notre globe: développement de cancers
dus aux rayonnements utlra-violets, action
néfaste sur les végétaux, effet de serre
pouvant modifer profondémment le climat. Il
faut donc metire fin à l'utilisation des
fréons.. mais l'on sé heurte à des opposi-
tions financières importantes. Une méthode
individuelle: ne plus utiliser les aérosols
fonctionnant aux fréons. Et la brochure ne
craint pas de citer des produits nocifs ainsi
que d’autres inoffensifs. Maison de lécolo-
gle à Namur: voire adresse ci-dessus.
Ecolo, 1 rue Lebeau à 6000 Charlerol.
Té!.: 071/33.01.32
remue-méninges
L'association littéraire «<Remue-méningés»
vient d'éditer le 16* numéro de sa revue. Au
sommaire, des textes d'enfants, des textes
de Glaux, Michaux, Millon, Sampiero,
Tessa, Allard, Gucciardo, Schroven,
Palumbo. Aussi des critiques de pièces de
théâtre, de livres, de films, etc. Des illus-
trations ou collages de Baise, Dorio, Guc-
ciardo, Schrovan, Thomas. À noter que
l'association récolte les textes de jeunes
auteurs. Elle organise régulièrement des
réunions sur des thèmes littéraires ou artis-
tiques. Antonello Palumbo, 367 av. Mas-
caux à 60001 Marcinelle. Tél:
071/43.35.06.
retour à la terre
Les initiatives en faveur de réinsertion des
chômeurs par le biais de la formation ne
manquent bas. Etudes langues, informati-
que sont parmi les programmes le plus sou-
vent proposés. «Retour à la terre» a choisi le
domaine où cetis asbl peut compter sur sa
propre expérience: maraichage, petit éle-
vage, agro-alimentaire artisanal. C'est ainsi
que, jusqu'au 15 décembre 87, elle pro-
pose à des chômeurs de s'initier à quelques
activités spécifiques : vins de fruits, cidres,
jus de fruits, fromages, yaourts, élevage de
poulets, dindes, pâtés de volailles, lapins,
conserves diverses. Ces formations ont lieu
de 9 à 16h. L'asbl 5e charge d'obtenir des
dispenses de pointage pour les amateurs.
Retour à la terre, 13 rue Jacques Lion à
6040 Jurmat. Tôl.: 071/355773
année de l’environnement
Le Groupement Inter-Régional Animation-
Loisirs (inter-Gral Wallonie) organise le 24
octobre prochain un colloque auquel sont
invités les animateurs de radios libres, sur le
thème de l'environnement. MM. Pierre
Vlaerninck, Baudoin Germaux, Philippe Rey-
landt et Lucien Delvecchio répondront aux
questions suivantes: «Quel est et comment
faitre passer le méssage de l'année de
l'environnement grâce au média spécifique
qu'est la radio libre? Quel peut étre le rôle
de l'animateur, comment peut-il susciter
une prise de conscience el desactions
dans sa région?s. Ce colloque se tiendra
aux Forges Saint-Roch, 10 route Charlerna-
gne à Couvin. Inter-Gral, 474 chée de
Fleurus à 6060 Gilly. Tél.: 071/39,62,65
N° 93 - OCTOBRE 87 - PAGE 4
des affiches toujours disponibles par la poste!
Chaque mois vous trouvez au centre d’Alternative Libertaire, une affiche. C’est une façon, pour nous, |
d'exprimer graphiquement une idée qui nous tient à cœur. Sachez-le: les affiches des mois précédents
(dont celles que nous reproduisons ci-dessous) sont toujours disponibles soit directement à l’imprime-
rie (2 rue de l’'Inquisition à 1040 Bruxelles), soit par envoi postal. Pour les commander, il vous suffit de
verser 20 francs par affiche à notre compte bancaire 001-0536851-32 (ou de nous envoyer un chèque
barré), sans oublier de mentionner clairement vos noms et adresse complète, et surtout quelles affi-
ches vous voulez acquérir. N’hésitez-pas.. affichez-vous !
De gauche à droite, de haut en bas : 6 ans de gouvernement Martens/Gol c'est. les riches plus riches, les pauvres plus pauvres * Per-
dre Sa vie à la gagner « La résignation est un suicide quotidien + Contre les gouvernement Martens/Gol seule l'action pale + Conspirer
c'est respirer ensemble » À la santé du Tiers-Monde » Einstein + Le destin de l'homme
_ Jesrichés plus ric
les pauvres plis pa
5:
perdre sa vie
ALLIE
_à la santé
tiers-monde
7
ss
contre le gouvernement martens-gol
seule
l’action
ae YZrus re de rpesmn | DAQ 7 conte He CATIETS 75
Parker de l'humanité
c'en parier de sobméme, Dans Le proces
que Pine Imente perpéwellenent à Flurrianité.
est lubmäme Incréminé «tr & seule chuet qui puisse le |
micune hors de cause 25e la mars. Mes slgnificaff qu'il se trouve
coatamenent sur Je banc des accusés, méme quand If cm fuge
Personne ne peut prétendre que l'humanité eu en train de pourrir sans
avoir, tout é'abord, constaté es sympiémes de la muréfaction sue lul.mème
Personne ne peut dire que l'être humain eut mauvais sans avoir lu mème commis de
mauvaises actlons. En cc domaine, soute observation doi &re te in view. Toul êvre
vivant es prisonnier à perpétuité de l'humanisé ei comribue par sa vie, qu'il k veuille ou
non, à socroûre où à amolndrir & pan de bonheur et de mallicur, de grandeur et d'infamie,
d'espoir ex de désolauion, de l'hümañité. C'est pourquoi je puis or dire que le destin de
l'homme s Joue partout et tous le temps ot qu'il est lmipossibhc d'évaluer ce qu'un tre Mrumain
peut reprétencer pour un autre. Je crois que 13 solidarité, la sympathie et l'amour sont les dernières
chemises bandes de l'iumanisé. Plus haut que touies les venus, Je phoe cette formé d'amour que
l'on appelle le pardon. Je cools que là soif hunraine de pardon.est inextinguibte, non pas qu'il exisue un
péché originet d'origine divine ou diabolique mals parce que, dès l'onlgine, nous sommes cn hinte à
une fmphoysble organisation du monde contre laquelle nous sommes bien plus désarmés que nous
ne poumions le souhalier. Or. ce qu'il y à de vraghque dans nütre situation c'est que, tout en étant
convaincu de l'exbrence des vertus luraines, je puis néanmoins nourris des doutes quam à l'aprhude
Se l'homme à cmpècher l'anéaulsement du monde que nous redouions tous. EL ce scepticisme s'explique
parle fau que ce n'est pa l'homeme luiméme qui décide, en définitive, du son du monde, mais des
bhecs, des constellations de puissances, des groupes d'Aiaré, qui parlent vous une langue différente de
celle de l'homme, à savoir celle du pouvoir. “2 Je crois que l'ennemi héréditaire de l'homme cs Ja
macrg-oranisaton, pare que celle-ci k prie du sentiment, indispensaiée à la vie, de sa responsabilité
vers ses sembbibles. rédult le nombre des occasions qu'il a de faire preuve de solidarité et d'amwur,
et le transforme au concraire en o0-<délentour d'un pouvoir qui, même s'il parait, suc le moment
dirigé contre les aubres, est en fn de compec derigé contre lubmème. Car qu'est-ce que ke pouver
si ec n'eut le sentiment de n'avoir pas à répondre de ses mauvalses 2cions sur Sa propre vle
mals sur colle des aucrcs? ft Si, pour terminer, Je devais vous dire ce dont je rêve,
comme li plupan de mes semblables, malgré mon impuissance, je difals ceci: Le
souhaite que le plus grand nombec de gens possible comprennent qu'il est dde leuc
devoir de se sousrabre à l'emprise de ces blocs, de ces Eglises, de ces onganisarions
qui détiennent un pouvoir hastile à l'être humain, non pas dans le but de
créer dc nouvelles communautés mals afin dc séduire k poicatiel
J'anéaniissement dont dispose k pouvoir en ce monde, C'est
poudre ls sculc cénce qu'ait l'être humain de pouvoir un
lour se conduire comme un homme parmi les
homes, de pouvoir redevenir la foie ct
l'ami de ses sembtbles
Celui qui défile joyeusement au pas cadencé a déja gagné mon mépris n
C'est par erreur qu'on lui a donné un grand cerveau puisque la moëlle épi-
nière lui suffirail amplement, On devrait éliminer sans délai cette honte de
la civilisation, L'héroïsme sur commande, la brutalité stupide, celte lamen-
table attitude de patriotisme, quelle haine j'ai pour tout cela. |
| Combien méprisable et vile est la guerre.
Je préférerais être déchiré en lambeaux plutôt que dé participer à quelque
chose d'aussi méprisable, Je suis convaincu que luër sous prétexte de
querre n'est rien d'autre qu'un assassinat pur et simple.
Abert Einstein à
LE DESTIN DE L'HOMME :
SE JOUE PARTOUT ET TOUT LE TEMPS |
Stig Dagerman |
1950
er 1 BCE À Ft 09 non OO Prurdies téenone 3 710 27 18
littérature populaire
ls sont tous deux mensuels. «El Mouchon
d'Auniaæ+ en est à sa 75* année dans la
région du Centre. L'autre, «Le Glettons, a
publié, en juin, son 138* numéro, au cœur
de la Gaume. Malgré les 200 kilométres qui
les séparent, ces périodiques présentent
des caractéristiques identiques. Jusqu'au
format. Leur présentation est impeccable,
sobre, soignés, agréable. L'un fait vivre le
wallon du Centre, l'autre le lorrain gaumais,
en des textes (poèmes ou prose) tendres,
rigolards, passionès, truculents. Ils ont le
souci de mettre en valeur des traditions tou-
jours vivantes mais aussi de conter la vie
des simples gens, des travailleurs de Wallo-
nie. Deux exemples, bien vivants, en pleine
santé malgré leur âge, d'excellente littéra-
ture populaire, de culture wallons -même si
certains intellsctualistes s'acharment à la
nier. Le Gletton, 84 rue Sart Macré à 6742
Chantemelile « El Mouchon d’Aunia, 123
rue Ferrer à 7161 Halne St Paul.
la condition féminine
Les Femmes Prévoyantes Socialistes de
Philippeville ont mis sur pied depuis peu un
centre de documentation accessible à tous.
ll est axé sur trois thèmes. - La condition
féminine: travail et chômage des femmes,
pension, temps partiel, congé de maternité,
interruption de travail, contraception, plan-
ning familial, sexualité, stérilité, méno-
pause, interruption volontaire de gros-
sesse; maternité, prématurité, prénatalité,
accouchement, naissance à risques, loisirs.
- Couple-famille: relations affectives,
sexuelles, éducation sexuelle, mariage,
mériage mixte, concubinage, union libre,
divorce, adoption (législation), gestion du
budget, alcool, abus de médicaments,
euthanasie alimentation; retraite, 3° âge,
veuvage. - Énfance-jeunesse: petite
enfance, enfance, adolescence; maladies
infantiles, énurésie, ncontinence, sommeil,
carie dentaire, accidents domestiques, ali-
mentation, tabac, drogue; enfants matyrs,
négligés, enfants handicapés, scolarité, loi-
airs. Femmes Prévoyantes Socialistes, 35
rue de France à 6340 Philippeville. Tél.:
071/66.64.71, Poste 26.
L'art a le don des langues
Bruxelles est une ville où se côtoyent des
communautés différentes qu'on appelle
plus généralement les dmmigrésr. Beau-
coup se sont chargés et se chargent
encore de pointer les problèmes liés à leur
insertion en Belgique. Bien que conscients
de ces problèmes, nous pensons qu'il est
temps de msttre l'accent sur les richesses
culturelles et artistiques des communautés
non-belges.
Les innombrables expressions artistiques
puisées dans des cultures différentes ne
peuvent que rapprocher les communautés.
Nous pensons qu'il n'existe pas un art immi-
gré (nouveau ghetto culturel) mais seule-
ment de très nombreuses manières d'expri-
mer l'art.
Le caractère universel de l’art dans le temps
et dans l'espace lui confère une qualité infi-
nie: non seulement celle de parler à tous,
mais aussi de permettre à chacun de com-
prendre, découvrir, d'aimer l'histoire at la
vie de l'Autre.
C'est pour ces raisons qué même si notre
objectif premier est de faire connaître des
artistes d'origine immigrée, cela se fait dans
un esprit d'échange interculturel. Aussi,
des artistes belges trouveront leur place
aux côtés d'artistes immigrés.
Le cycle présentera des expositions
d'ensemble dans le domalne de la peinture,
la gravure, là sculpture et la photographie.
L'organisation de ces expositions s'inscrit
dans la démarche interculturelle appliquée
par le Centre Socio-culturel des immigrés
de Bruxelles depuis sa fondation. Nous sou-
haitons que le public vienne nombreux
apprécier les artistes qui participent à cette
convergence conviviale sous le signe de
l'art.
Nous vous signalons ainsi la première expo-
sition du cycle <L'art a le don des langues».
Avec A. Zivad, J. Castillo, J. Defrang, |.
Fonseca, JM. La Haye, M. Naïar, À.
Nouar, N. Ozdemir, M. Platero-Roballo,
peintres et graveurs.
Du 2 au 23 octobre 1987, du mardi au
samedi de 14 à 19h au Centre socio-
culturel des Immigrés, 24, avenue de Stalin-
grad, 1000 Bruxelles.
» Le Centre Soclo-culturel
des Immigrés de Bruxelles
du couscous sur les ondes
Rappelez-vous, c'était en mai 85: pour atti-
rer l'attention de l'epinion sur les drames
que peut causer l'expulsion d'immigrés
maghrébins de la deuxième génération, un
groupe de jeunes Bruxellois a réalisé un
vidéogramme intitulé «Du couscous sur les
ondes». Cette production de fiction raconte
avec humour comment de jeunes immigrés
s’y prennent pour pirater l'antenne TV de la
RTBF pour y pousser leur cri d'alarme.
Depuis, la vidéo a fait l'objet de plus de 200
animations-débats dans des lieux aussi
divers que: l'Ecole des Arts at Métiers, les
Maisons de Jeunes de Bruxelles et de Wal-
lonie, le Partement Européen de Stras-
bourg. ;
Aujourd'hui la fiction est entrée dans la réa-
lité puisque «Du couscous sur les ondes»
fut programmé sur TV5 le samedi 26 sep-
tembre à 20h00 et lé samedi 3 octobre à
17h15.
Cette diffusion nous amène à constater que
les problèmes soulavés à cette époque:
exclusion sacialé, racisme, llherté d'expres-
sion, non existence d'une politique positive
ReTEnp: restent d'une brûlante actua-
lité.
«Du couscous sur les ondes» pêut être
loué à la Fondation Jacquémotte,
02/512.07.04 ou au Centre Vidéo de
Bruxelles, 02/216.80.39. Prix: 200F en
VHS).
ABONNEZ-VOUS: 600 FRS L’AN
le 25 octobre prochain, le comité national pour la paix et
le développement organise une nouvelle manifestation…
Alternative Libertaire: Le 25 octobre prochain,
le Comité Natlonal pour la Paix et le Développe- |
ment (CNAPD) organise une grande manifesta-
tion nationale sur le thème «le désarmement...
malntenanti». Pourraisu nous rappeler ce
qu'est lé CNAPD et quelles sont les assaocia-
tions qui le‘ composent !
Denis Lambert: Le CNAPD est une coordination
d'organisations progressistes et démocrates qui
sont de trais types: des associations de jeunesse,
de développement et de défense des libertés
démocratiques. Le CNAPD est surtout connu
depuis les grandes manifestations pour la palx qu'il
a organisé. La première sur le thème <désarmer
pour survivre», en 1978, avait rassemblé plus ou
moins 10.000 personnes. EN 1979, nous étions
50.000 à descendre dans la rus. En 1981,
200.000 et en 1983, 400.000 manifestants.
200.000 personnes. Ce qui est important à rete-
nir, c'est que le CNAPD ne s'est jamais défini
comme LE mouvement de la paix. Celui-ci nous
dépasse, st de loin, avec notamment les comités
de paix locaux et pluralistes dans les régions, avec
les mouvements d'éducation permanente, les
syndicats, les églises. Ceci, en ne prenant en
compte que le versant francophone, puisqu'il y a
en Flandres le pendant du CNAPD qui s'appelle le
VAKA. Précisément, la manif du 25 octobre,
plus du CNAPD et du VAKA, est également orga-
nisée par la Concertation Paix et Développement,
et son pendant flamand, l'OCV. Que dire encore
sur le CNAPD... que la coordination s'est égale-
ment préoccupée dans sa courte histoire des pro-
blèmes de développement (en particulier du sour-
tien aux luttes de libération dans le tiers-monde) et
du combat pour la défense des libertés démocrati-
ques (particulièrement en cé qui concerne les
droits des jeunes).
AL: Quelles sont les objectifs précis de la mar-
che du 25 octobre ?
DL: # y a une liste de quinze revendications préci-
ses {ndir: que nous reproduisons ci-contre en
encadré). Pour moi, l'essentiel peut se résumer
comme suit. On est aujourd'hui à la veille d'un
accord de désarmement historique et affectif sur
és missiles nucléaires entre les Etats-Unis et
l'Union Soviétique, Un accord effectif, parce que
les précédents accords correspondaient plus à
une codification de la croissance de la course aux
armements, qu'à un réel désarmement. C'est une
victoire pour le mouvement de la paix. Encore faut-
il que cet accord soit réellement signé et surtout
appliqué... Nous devrons être attentifs à ce que le
gouvernement belge n'entrave pas ce
processus. Le 15 mars 1985, 16 missiles
nucléaires américains Cruise ont été déployés sur
la base militaire de Florennes. Si aucun accord de
désarmement n'intervient entre les USA et l'URSS
avant décembre 1987, le gouvernement belge
défend la thèse de l'automaticité du déploiement
des 32 missiles suivants. L'imminence d'un
accord entre les USA et l'URSS nous pousse a
exiger du gouvernement belge qu'il renonce à
cette automaticité qu'il avait décidé dans un tout
autre contexte international, en 1985. Par ailleurs,
et c'est important, il faut savoir que l'accord de
désarmement USA-URSS dont il est question
aujourd'hui ne concerne que 3% seulement du
potentiel nucléaire des deux pays. C'est un pas
dans le bon sens, mais le chemin est encore long
à parcourir. Et rien n'exdlut une relance de la
course aux armements dans d'autres domaines
que le nucléaire, dans les armes conventionelles
par exemple. Cela pose deux défis au mouvement
de la paix. Un: être capable de porter un projet de
sécurité commune en Europe basé sur des mesu-
res de confiance mutuelle et sur un plancher
d'armement le plus bas possible. Deux: faire avan-
cer des propositions concrètes pour une écono-
mie de paix non liée à la production rnilitaire. C'est
ce que nous appelons le projet du droit au travail
utile pour tous.
AL: La gigantesque rnanifestation de 1984
n'avait pas empêché le vote majoritaire du par-
lement en faveur de l'implantation des missiles
américains à Florennes. Malgré le nombre
impressionnant de cioyens descendus dans la
rue (c'était la plus grande manif depuis la
guerre), cela avait été un échec cuisant pour le
mouvement de la paix. De plus an plus de gens
se demandent à quoi servent ces mégalos
manifs. Ces promenades du dimanche après-
midi, fussent-lles à 400.009, ont-elles une
influence sur la réalité politique du pays.
DL: La décision du gouvernement belge d'installer
ALTERNATIVE LIBERTAIRE % ASBL 22 MARS - N° 93 - OCTOBRE 87 - PAGE 5
| contre l'avis de la majorité de la population. En fait,
|_belges puisque les missiles étaient déja en vol vers
|_ prononce sur la question. Ceci dit, je pense que
| ces grandes manifestations de masse dont tu par-
our la paix!
A cette occasion, Alternative Libertaire a rencontré |
Denis Lambert, vice-président du CNAPD, et par ail-
leurs animateur permanent aux Magasins du Monde
OXFAM. Cette interview provoquera sans doute des
réactions, en sens divers. Sachez, en tout cas, que
Mi Ti La
FLGSEEA #0 FULÉADM FONHOU NC FLAGGR LT
! E 1
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+ Gien Péure Etat Pérveerl Gb et MB La Gratin Etes Gad ae) -PsLéqaihe TO Alroreft Case
DESARMER POUR DEVELOPPER
25 OCTOBRE 87
LULORIER
intervieu
ont souvent été la première forme de participation
politique pour toute une génération de jeunes. Je
crois que le mouvement pacifiste en Belgique a
été une réelle lame de fond dans l& jeunesse
comme l'a été, toutes particularités mises à part, le
mouvement «Touche pas à mon pote» en France.
Al: Mais, plus concrètement, si quelqu'un te
fait part de son scepticisme quant à l'utilité de
participer lui, individuellement, à la manif du 25
octobre, tu lui dis quoi?
DL: Je viens de te donner mon évaluation des
acquis du mouvement de la paix qui n'existe que
grâce à l'adhésion active et consciente de centai-
nes de milliers d'individus. Pour ma part, je suis
venu au mouvement de la paix moins pâr peur du
nucléairé que pour un projet positif: la volonté de
participer à un courant qui favorise le développe-
ment, la volonté de mattre tout en œuvre pour
enfin satisfaire une Serie de besoins sociaux
oriants, tant ici en Europe que dans le tiers-monde.
Dans ma motivation, il y avait aussi un besoin de
réagir face à l'autoritarisme croissant du gouverne-
ment.
AL: Certaines mauvaises langues voient dans le
mouvement pacifiste un repère de crypto-
communistes. Est-il vrai qu'il vous a fallu plus
de temps et de réflexion pour afficher votre
| opposition aux SS20 à l’est, qu'aux missiles
américains à l’ouest ?
DL: Non. Dès les premières manifestations l'objec-
tif d'un désarmement bilatéral était à l'ordre du
jour. Je n'ai rien d'autre à ajouter, parce que cette
question, que certains posent je le reconnais,
cette question m'emmerde. N'importe qui, avec un
minimum d'objectivité constatera qu'elle est
dénuée de tout fondement.
AL: Le CNAPD a-til mené dans un passé pro-
che des actions de solidarité avec les pacifistes
indépendants emprisonnés dans les pays de
Vest, en RDA, Pologne ou Tchécoslovaquie par
DL: Oui. Le CNAPD a été amené plusieurs fois à
réagir sur des cas précis de détentions arbitraires
de pacifistes indépendants dans les pays de l'est.
Sans beaucoup de succès d'ailleurs, parce qu'à
mon avis nous n'avons pas beaucoup de prises
sur cette saciété-là. Par contre nous sommes en
train de voir se réaliser la pertinence de notre slo-
gan «Moins de missiles c'est plus de libertés.
N'avez-vous pas remarqué que c'est à l'heure où
un accord sur le désarmement est proche d'abour
tir que l'on peut constater des ouvertures politi-
ques à l'est. Diminuer les dépenses militaires,
c'est aussi permettre un redéploiement industriel,
non au service de la querre, mais au service du
bien-être de la population. La détente est toujours
plus favorable au développement des libertés des
citoyens {à l'est comme à l'ouest} que la guerre
froide. C'est une évidence.
AL: Quel sst ton commentaire sur cette phrase
de François Mitterrand: «Les pacifistes sont à
l’ouest et les missiles à l'est».
DL: Cette phrase est un beau produit de marketing
«La décision d'installer
les 16 premiers missiles,
en 1985 fut effectivement
un échec pour
les 16 premiers missiles à Florennes en 1985 fut
effectivement un échec pour le mouvement de la
paix. Ce fut surtout un échec pour la démocratie:
une décision du parlement prise de façon évidente
une illusion de décision pour les parlementaires
notre pays avant même que le parlement ne se
les ont été utiles. Le dossier de la Défense Natio-
nale a été arraché au cercle restreint des militaires
et exposé sur la place publique. Le consenssus
atlantiste a été rompu dans la classe politique
belge. Ces manifestations ont également été une
sorte de mouvement de vigilance pour la défense
de la démocratie. Par exemple pendant la manifes-
tation de mars 1985, je me rappelle avoir vu plus
de banderoles et entendu plus de slogans sur la
défense de la démocratie que sur les missiles eux- |
mêmes. Et enfin, avec un décalage de deux ans, |
une première victoire arrive: les conditions d'un |
retrait des euromissiles sont pratiquement |
aujourd'hui réunies. Par delà ces objectifs directs, |
il faut aussi noter que ces grandes manifestations
M Non aux 32 nouveaux missiles à Florennes,
démantèlement des 16 missiles à
Florennes, des Cruise et Pershing Il,
démantèlement des $$ 20, 21, 22, 23:
M Pour une politique de paix indépendante
et active et démocratique de la Belgique ;
M Pour une Europe responsable de sa
sécurité et facteur de paix ;
BB Pos de participation belge à F1.D.5.;
BB Pos de course aux armements dans l'espace ;
M interdiction des essais nucléaires ;
M Zones dénucléarisées et de sécurité en
Europe ;
NON
AUX MISSILES : LE DESARMEMENT MAINTENANT
le mouvement de la paix»
M Non aux nouvelles armes nucléaires
francaises et britanniques :
BE Non à lo bombe à neutrons :
M Démantèlement des armes nucléaires
existantes :
M interdiction des armes chimiques et
biologiques ;
M Réduction équilibrée des armements
conventionnels ;
Limitation effective et contrôle démocratique
du commerce des armes ;
M Economie de paix: droit au travail utile
pour tous - libertés démocratiques.
politique. pour avancer un véritable mensonge.
Selon le Groupe de Recherche et d'information
sur la Paix (un centre d'études indépendant), il y a
équilibre dans là balance de la course aux arme-
ments entre l'est et l'ouest. Ou plutôt, les déséqui-
libres dans les différents domaines de la course
aux armements correspondent à un équilibre glo-
bal. Ceci dit, c'est un slogan qui a fait mal parce
que Mitterrand est très populaire en Wallonie.
AL: Adoptes-tu le slogan de certains pacifistes
berlinois «Plutôt rouges que morts».
DL: Je ne l'adopte pas, parce que, si un conflit
éclate, il sera très certainement nucléaire et nous
serons tous morts, y compris les rouges. J'ajoute-
rai qu'une occupation par l'Union Soviétique de
l'Europe Occidentale est totalement impensabie,
politiquement et économiquement. Ils ont déja tel-
lement de difficultés à faire le ménage dans leur
zone d'influence que cela me paraît vraiment
impensable. En disant cela, je n'évacue pas
cependant la réalité de la menace militaire soviéti-
que. C'est indéniable, les 8520 et les autres mis-
siles soviétiques, ils Sont bien pointés vers nous.
Mais n'oublions jamais que la perception est la |
même de l'autre côté. Pour un citoyen soviétique,
ce sont les Cruise et les missiles occidentaux qui
sont pointés sur eux. Ce qui devrait changer dans
les doctrines militaires, ce serait de dire, non plus,
«je suis capable de détruire l'autre», mais plutôt de
dire «moins je suis menaçant et moins l’autre sera
menaçant». C'est ce que nous appelons les mesu-
res de confiance réciproque.
AL: Il y a pour toi, nous l’avons vu plus haut,
une relation évidente entre le désarmement et
la problématique des droits de l’homme... Sans
faire de comparaison avec la situation actuelle,
d’un point de vue purement historique, pouvait-
on désarmer à la fin des années trente en
Europe face aux régimes nazis ou fascistes?
DL: Je précise tout de suite que je suis loin de mai-
triser toutes les données historiques de cette
période. Ce que moi je peux en dire, c'est qu'on
parle toujours des positions pacifistes en 1936...
On parle moins de ce qu'il aurait fallu faire avant,
dans les années qui ont précédé 36, lors de la
prise du pouvoir par Hitler en Allemagne, quand la
répression déferlait sur le pays. Il y a eu une sorte
de démission collective des pays européens face
à ce qu'ils considéraient comme «un problème
interne» à l'Allemagne. Ce qui est posé en fili-
granne dans ta question c'est: dans certaines cir-
constances extraordinaires comment assurer une
défense face à des force délibéremment bélli-
queuses? Pour moi, le projet pacifiste comprend
une forme de sécurité défensive et donc il n'est
pas nécessairement anti-militariste. Je peux parfai-
tement comprendre des situations de résistance,
même armée, comme cela à été le cas pendant la
dernière guerre mondiale en Europe et comme
c'est le cas aujourd'hui en Afrique Australe, au |
Nicaragua ou en Afghanistan. Mais la résistance,
il ne faut pas l'oublier a été aussi civile, par des
mouvements de masse, des actes de sabotages,
des grèves, la désobéissance civile.
AL: Quelles sont pour toi les différences entre
le pacifisme et l’anti-militarisme, la nonvio-
lence ?
DL: Les pacifistes ne rejettent pas la question de la
Défense Nationale, ou plutôt de la sécurité, qu'ils
considèrent comme une vraie question. En quel
ques traits, cetié sécurité passe, pour nous, par
trois dimensions. Une dimension économique: là
où il y a un niveau de bien-être pour la population, il
y a automatiquement moins de tensions. Une
dimension politique: il s'agit d'avoir la volonté de
garantir une sécurité commune, même (et surtout}
si l'autre est différent, et en cas de tension faire
jouer à fond la société civile. Et enfin une dimen-
Sion militaire qui fournisse au niveau le plus bas
possible une défense «défensiver. Le projet non-
violent, selon moi, n'intègre que les dimensions
politique et économique. Reste que le mouvement
pacifiste se pose de grosses questions sur l'insti-
tution militaire, des questions qui sont de l'ordre de:
la démocratisation et de la transparence de cette
institution. Personnéllement, j'ai été dispensé du
service militaire, mais dans une autre situation,
j'aurai choisi de faire plutôt un service civil lié à une
objection de conscience. Toujours personnelle-
CONSCIENCE ? |
INCONNUE AU BATAILLON
ment, je voudrais ajouter que dans une situation de
résistance, comme en Afrique du Sud par exem-
ple, cette objection de conscience serait certaine-
ment très active.
AL: jusque et y compris à une activité de gue-
rilla armée.
DL: Je crois qu'on ne peut répondre honnêtement
à cette question que quand on vit soi-même une
telle situation historique. En tout cas, ici en Belgi-
que, les espaces de liberté sont suffisamment lar-
ges et préservés pour refuser radicalement toute
forme de violence terroriste dans le combat politi-
que.
AL: A l'instar des autres grands mouvements
sociaux, le mouvement pacifiste n’est pas
homogène. Il y a en son sein des militants plus
proches du terrain (comme ceux de la Floren-
nade par exemple) qui reproche au CNAPD son
côté trop institutionnel, cartel de partis politi-
ques ou regroupement de notables. Quelle est
l'autonomie réelle du CNAPD par rapport à la
classe politique...
DL: Tu parles de ce clivage-là, mais il en existe
bien d'autres au sein du mouvement de la paix.
Pour n'en citer qu'un, celui qui différencie ceux qui
voient dans le mouvement de la paix un mouve-
ment social ou un mouvement politique... sans
compter tous les clivages traditionnels et propres |
à la Belgique. Ceci dit, l8 CNAPD a suscité, orge |
nisé et coordonné des comité locaux et pluralistes |
pour la paix. C'était une initiative nouvelle pour la
Wallonie, uné façon de faire qui rejoignait le
modèle plus basiste (organisation horizontale) net-
tement plus développé en Flandres. Une initiative
nouvelle, parce qu'en Wallonie, il était de tradition
de rnobiliser la population en passant obligatoire-
ment par les grandes institutions (les partis politi-
ques, les syndicats,...). Pour le CNAPD
aujourd'hui, crganiser une manifestation, c'est lan-
cer une dynamique à la fois avec ces comités
locaux (c'est devenu une des données du champ
social) et dans les grandes institutions qu'il nous
est impossible d'ignorer. Le rôle du CNAPD est de
soutenir l'action des comités locaux qui sont large-
ment autonomes. C'est aussi d'aiguillonner les ins-
titutions. De faire en sorte que les acquis du mou-
vement de société pour la paix soient concrétisés
sur le plan politique. Une de nos premières activi-
tés vers les politiques a été de les informer, car la
classe politique connaissait très mal les enjeux du
dossier de la Sécurité. La marge de manœuvre du |
CNAPD se situe entre ces trois composantes: ini- |
tiatives locales à la base, liaison avec les institu-
tions et pression sur la classe politique.
AL: Tu n'as pas l'impression de parfois rouler |
pour le Parti Socialiste? Les campagnes du
CNAPD ne sont-elles pas récupérées en temps
utiles, en période électorale, par certains partis
politiques.
DL: 1 y a un double mouvement. Des organisations
socialistes sont membres du CNAPD (qui
rappelons-le est une coordination pluraliste) et à
son tour, le CNAPD pousse le Parti Socialiste.
Mais plus directement sur la question de la récu-
pération, que dire, si ce n’est qu'amener Guy Spi- |
taels dans une manifestation pour la paix, c'est |
nous qui l'amenons et ce n'est pas lui qui vient. |
C'est moins le Parti Socialiste qui tente de nous |
récupérer que nous qui le mettons en position
d'être obligé de souscrire à nos positions.
AL: À Greenham Comon en Angleterre, des
femmes du mouvement de la paix ont bloqué
pendant des mois une base militaire accueil-
lant des missiles nucléaires américains. Pour
Sa part, hormis des présences ponctuelles lors
de manifestations (comme des chaînes humai-
nes), le CNAPD n’a jamais appélé à une action
prolongée autour de la base militaire de Floren-
nes, comme un blocage par exempie. Pourquoi
manifester à Bruxelles et pas directement sur
le terrain?
DL: À Bruxelles, nous sommes sur le terrain, sur le
terrain de la classe politique. Le débat sur le désar-
merment passe par le terrain politique, c'est une
évidente question de volonté politique. Pour ce qui
est des actions directes devant la base, nous
avons été attentifs à suivre les positions du Comité
de Lutte pour la Sauvegarde de la Région Floren-
noise et de ne pas favoriser la création d'un climat
policier dans la région. Certains esprits pourrait
mettre, de facon injustifiée, sur ls dos des pacifis-
tes les nombreux contrôles d'identité fait dans la
région à l'initiative de la gendarmerie. Et là, je ne
fantasme pas. Nous avons plusieurs exemples
d'habitants de Florennes dont l'identité a été con-
trôlée quatre ou cinq fois rien que sur le trajet des
courses. Personnellement, même si cela ne s'est
pas encore présenté, je ne rejette pas, à un
moment ou à un autre, de recourir à des moyens
ALTERNATIVE LIBERTAIRE x ASBL 22 MARS - N° 93 - OCTOBRE 87 - PAGE 6
d'action plus directs (mais nonviolents) sur le ter-
rain. Ceci parallèlement aux mobilisations de
masse qui sont, à mon avis, toujours centrales
pour le mouvernent de la paix. Le problème est:
comment ne pas déforcer le mouvement de |
masse avec des actions directes? Notamment
pour notre image de marque auprès des «modé- |
rés» du mouvement.
AL: Quelles sont vos relations actuelles avec
l'aile la plus radicale du mouvement pacifiste,
le coltectif de la Florennade par exemple.
DL: La Florennade est un collectif d'action directe
implanté à côté de la base militaire de Florennes.
Je ne pense pas que leurs actions aient déforcé le
mouvement global. Ceci dit, il ne me semble pas
avoir apporté grand chose non plus. Dans le
passé, nous avons eu des relations assez conflic-
tuelles, notamment sur les relations entre action
directe et mouvement de masse, problème dont
j'ai déja parlé. Il y à aussi eu pour eux..un problème
d'intégration dans la population de là région. Ce
sont en grande partie des jeunes flamands qui sont
parfois perçus comme des militants parachutés qui
méconnaissent la situation réelle du coin. On peut
se demander si au lieu de s'expatrier en terre
inconnue jusqu'à Florennes, ces jeunes pacifistes
flamands ne ferait pas mieux de mener dans leur
région d'origine des luttes toutes aussi valables
comme par exemple, dans la région de Leuven, |
des actions contre la recherche militaire scientifi- |
que à l'Université Catholique de Louvain, comme |
dans toutes les autres universités d'ailleurs. Pour
terminer sur la Florennade, le temps aidant, les
relations se sont peu à peu «normalisées». Nous
avons même signé un communiqué de presse
commun après les dégradations dont a été victime
cet été leur maison ainsi que le local du Comité
pour la Sauvegarde de la Région Fiorennoise.
AL: Changeons de casquette. Outre ta particl-
pation au CNAPD, tu es également animateur
permanent aux Magasins du Monde OXFAM.
Pourrais-tu nous définir en quelques mots la
démarche d'OXFAM...
DL: Le but d'OXFAM est de soutenir des groupes
du Tiers-Monde (groupes de base, coopératives,
mouvements de libération.) par le biais de projets
de développement. Cela intègre une dimension à
la fois humaniste et politique. L'autre versant de
l'action d'OXFAM consiste à informer les gens d'ici
{de Belgique) sur les aspirations, les réalisations et
les difficultés du tiers-monde. Cette action a pris
une forme originale par le biais des Magasins du
Monde qui commeércialisent les produits de pays
du tiers-monde. Une bonne manière de montrer |
que le problème n'est pas une question d'aide ou
de charité, mais de justice dans les rapports nord-
sud.
AL: Depuis quelques années, on a vu apparaître
le numéro bancaire d'OXFAM aux côtés de
ceux des autres grandes organisations charita-
tives, pour des collectes de fonds d'aide
urgente, pour l’Ethiopie par exemple. Quelle
est la spécificité d’'OXFAM par rapport à ces
autres associations comme Caritas Catholica
ou Solidarité Socialiste.
DL: Qui, nous faisons aussi de l'aide d'urgence.
Mais notre spécificité est d’avoir une démarche
suivie. Après l'aide d'urgence, il faut entamer un
processus de réhabilitation et puis élaborer un plan
de développement plus structurel à long terme.
C'est une démarche d'accompagnement des gens
sur place plutôt qu'un saucissonnage des problè-
mes. Par ailleurs, nous attirons l'attention de l'opi-
nion publique sur les causes réelles, politiques et
économiques qui produisent les situations dramati-
ques de l'aide d'urgence. Je t'en donne un exem-
ple concret. On va beaucoup parler dans les
semaines qui viennent de la situation de famine qui
sévit au Mozambique. En même temps que vous
verrez apparaître sur votre écran de télé le numéro
de compte bancaire d'OXFAM, aux côtés de celui
des autres associations, pour un appel d'urgence
en faveur du Mozambique, nous expliquerons le
poids du passé colonial du pays, les difficultés
d'un nouveau régime qui a certainement fait des
erreurs, mais surtout le rôle néfaste joué par l'Afri-
«Mais plus directement
sur la question de la
récupération, que dire si
ce n'est qu'amener
Spitaels dans une manif,
c'est nous qui l'amenons,
ce n'est pas lui qui vient.
C'est moins le PS qui
tente de nous récupérer
que nous qui le mettons
en position d’être obligé
de souscrire
à nos objectifs»
que du Sud dans la région, notamment via son
soutien à la guerilla du MNR. Ceci, sans oublier
une information plus globale qui met en évidence
que le Mozambique, comme bien d'autres pays du
tiers-monde, est lui aussi victime du déséquilibre
des rapports nord-sud. Pour faire, comme nous le
faisons, des projets de développement et puis,
malheureusement, par la suite de l'aide d'urgence
(car dans le cas du Mozambique, ce n'est pas de
l'urgence puis du développement, mais
l'inverse..), l'atout principal, c'est avant tout
d'avoir des partenaires sur place.
AL: Tu l’as dit, les Magasins du Monde ont l’ori-
ginalité de soutenir un certain nombre de pays
du tiers-monde en vendant directement leurs
produits en Belgique. Pourrals-tu me donner la
liste de ces pays?
ÊL: 11 y a deux types d'origine pour les produits.
L'artisanat provient en général de coopératives
plutôt que d'états. Principalement des coopérati-
ves situées aux Philippines, en Inde, au Bengla-
desh.. Les produits alimentaires, eux, sont expor-
tés pour la plupart par des organismes para-
étatiques de pays tels que le Nicaragua, le Viet-
nam, le Mozambique, l'Algérie, la Tanzanie, le Cap
Vert. Ce sont là les principaux.
AL: Tu viens de le rappeler, parmi les pays que
dehors les missiles!
Le 16 mars 1985, 16 missiles nucléaires américains ont été installées à la base militaire de Flo-
rennes .
Maigré cette décision gouvernementale, l'opposition à cette installation reste très
importante, ainsi que celle à la course aux armements. Avec le VAKA (mais aussi avec le CNAPD
et l'OCV), de plus en plus de gens trouvent qu'il est temps de stopper la folie meurtrière. Or,
l'installation de 32 nouveaux missiles, planifié par le gouvernement belge pour la fin de cette
année, n'est sûrement pas le meilleur moyen d'y arriver. Les nouveaux missiles ne peuvent pas
être installés. Les 16, déjà placées, doivent disparaître. C'est la raison pour laquelle le VAKA, le
CNAPD et l'OCV manifesteront le dimanche 25 octobre 1987 à Bruxelles. Mais, le VAKA ne se
contente pas de cela...
votre signature, notre arme!
Chaque Belge a, suivant l’article 21 de la Constitution, le droit d'adresser une requête au Prési-
dent de la Chambre ou du Sénat. Dès lors, utilisant ce droit démocratique, le VAKA vous appelle
à lui renvoyer le.plus rapidement possible la requête ci-jointe afin de demander la réouverture du
débat au Parlement sur l'installation en Belgique des missiles nucléaires de l'OTAN.
e Vaka, 8 Munstraat, 2000 Antwerpen
Lettre adressée au Président de la Chambre
Palais de /a Nation, rue de la Loi 10, 1000 Bruxelles
Monsieur le Président,
Vu mon opposition à la présence des armes nucléaires sur le territoire belge, je me permet de
vous demander, ainsi qu'au Parlement, de bien vouloir réfléchir à nouveau, afin de savoir : si l'ins-
tallation des 1 6 missiles à Florennes reste encore de vigueur: si le placement des 32 prochaines
fusées nucléaires reste justifié.
NON rare 2e
Adresse:
SANTE ee
vous soutenez économiquement, 5e trouve la
République du Vistnam. Cela ne te pose-t-il pas
un problème de vendre en Belgique les pro-
duits d’un régime totalitaire qui entretient un
véritable goulag ?
DL: Nous venons de clôturer à propos du Vietnam
un débat long de deux ans. Notre conclusion est
celle-ci. La pire de choses serait d'isoler économi-
quement un tel régime, ce qui favoriserait encore
son durcissement. En ce qui concerne l'évaluation
même de ce qui se passe dans ce pays, se basant
au maximum sur des faits vérifiables, on peut dire
que les résultats économiques (en particulier dans
le domaine alimentaire) sont relativement satisfai-
sants… et c'est important! Mais évidemment, la
situation des droits de l'homme est déplorable.
Enfin, nous avons fait un effort pour resituer tout le
problème dans sa dimension historique. On
es pas une aussi longue guerre d'un trait de
plume.
AL: Ton argumentation sur un durcissement du
régime suite à un isolement économique à pro-
pos du Vietnam me fait étrangement penser à
cells, pareille, des partisans du régime sud-
africain qui plaident contre les sanctions à
l'égard du régime de l'apartheid... Et si, à l’ins-
tar des Noirs sucrafricains, certains dissidents
vietnamiens vous demandalent de boycotter
l'état vietnamien pour F'affaiblir…
DL: Tu précises dans ta question que dans le cas
de l'Afrique du Sud, il y a appel de la majorité noire
en faveur du boycot économique, ce qui n'est
| libertaire et pacifiste, jean de wandelaer
| a mis, avec d'a
le cas au Vietnam... Et je ne crois pas que ce soit |
parce qu'un appel émanant de la population vistna-
mienne ne serait pas parvenu jusqu'à nous, qu'il
aurait été complètement occulté par l'état vietna-
mien. Ceci dit, l'Afrique du Sud, à la différence du
Vistnarn, a été mise au banc de la Communauté
internationale. C'est important pour faire la difté-
rence entre les deux situations.
AL: Il n’en reste pas moins qu'en cammerciali-
sant les produits en provenance de ces pays,
vous renforcez, même de manière limités, des
régimes qui sont loin, et c’est un auphémisme,
d’être attachés au respect concret et quotidien
des droits de l'homme. Il suffirait pour s’en
convaincre de consulter le rapport annuel
d’Amnesty International. Alors, cette dimen-
sion «droits de hommes n'intervient pas lors
de la définition des critères qui vous font soute-
nir tel ou toi pays.
DL: On ne peut pas mettre les différents pays avec
lesquels nous coopérons sur le même pied. La
situation des droits de l'homme n'est pas la même
au Vietnam et.au Cap Vert. te faut prendre en
compte.la dimension historique. Au départ nous ne
coopérions pas avec des états mais avec des
mouvements de libération nationale. || aurait été
incohérent de cesser d'avoir des rapports avec
ces mouvements devenus partis au pouvoir. Les
droits de l'homme font parie intégrante de nos cri- |
tères en ce sens qu'il ne s'agit pas pour nous
d'avoir une coopération aveugle avec n'importe
quel régime au nom de je ne sais quelle étiquette.
Chaque projet de développement est le fruit d'un
contrat où ces questions sont posées à travers le
contenu du projet. C'est notre forme d'action. |
D'autres font autre chose et cela me paraît com-
plémentaire.
AL: Tu as dis plus haut qu’un de vos rôles était
d'informer les gens d'ici sur la situation dans
les pays en vole de développement. Avez-vous
déja mené l’une ou lautre campagne de sensi-
bilisation sur des violations des droits de
l'homme dans les pays avec lesquels vous coo-
pérez?
DL: Oui. Un exemple. En 1984, quand le gouver-
nement sandiniste du Nicaragua a rernis à l'ordre
du jour des mesures d'état d'urgence et d'excep-
tions (notamment en ce qui concerne la limitation
de la liberté de la presse), nous avons remis à cha-
que client des fameuses bananes du Nicaragua,
un texte dénonçant clairement cette décision, la
jugeant contraire à l'esprit même de la révolution
sandiniste. La jugeant inefficace par ailleurs, tout
en la resituant dans le contexte de guerre non-
déclarée menée dans la région par l'administration
Reagan.
Dernière question. Anecdotique. Quelle est ta
couleur préférée!
DL: Le magenta.
AL: C'est un rouge.
DL: Oui, mais un rouge autre. Si.c'était de ma cou-
leur politique dont tu voulais parler, ce serait un
mélange de rouge et de vert qui ne serait pas gris.
Propos recueillis par Babar
Bruxelles le 5 septembre 1987 |
DE L'HOMME DANS LES PAYS
DU TIERS-MONDE...
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LA FENETRE
ET POUSCER
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QUE FAIRE POUR LES DROITS | |
Non-Violence et Société: Tu viens juste de ren-
trer de neuf mois de séjour en Amérique Cen-
trale et au Mexique, mais principalement au
Guatémala. Qu'est-ce qui l’a conduit dans ces
pays ?
Jean De Wandelaer: J'avais déjà quelques con-
naissances de l'Amérique Centrale: je suis allé
rencontrer en 1985 des groupes de paix, des
groupes nonviolents, de défense des Droits de
l'Homme et des groupes anarchistes. Je suis
revenu au Guatemala parce que j'aime les quaté-
maltèques. De plus, les Brigades de Paix sont
situées là-bas.
En quoi consistait ton travail avec les BPI (Briga-
des de Paix Internationales)?
L'objectif des BPI au Guatéméla est de fournir une
protection physique aux gens qui luttent pour leurs
répression contre eux. J'al travaillé comme
escorte (comme garde du corps nonviolent}) pour
les animateurs du groupe des Droits de l'Homme
qui sont menacés par la violence. L'escorte
accompagne l'activiste guatémaltèque à toute
heure de la journée. Les membres de l'équipe BPI
fournissent également une présence nonviolente
aux manifestations, non en tant que participants,
mais comme observateurs, de telle manière que le
gouvernement et les militaires sachent que la com-
munauté internationale est témoin. J'ai aussi tra-
vaillé avec des groupes tels des syndicats, des
groupes des bidonvilles, essayant d'étendre là les
principes de l& nonviolence.
En étudiant l’histoire des groupes de défense
des Droits de l'Homme au Guatémala depuis
1954 (lorsque les Etats-Unis ont renversé Île
gouvernement élu démocratiquement) presque
tous leurs membres ont été assassinés. Com-
ment le GAM parvient-il à survivre ?
C'est l'aide internationale qui fait la différence. Le |
GAM a commencé son travail en juin 84. À ce
moment, il y avait très peu de membres, mais il se
sont rapidement organisés. lis ont demandé la pro-
tection des BPI, celles-ci travaillaient au Guatémala
depuis mars 83 et ont fourni au GAM leurs locaux |
pour que les réunions se déroulent en sécurité. En |
mars-avril 85, le GAM a subi une forte répression:
deux de ses animateurs ont été torlurés et assas-
sinés. Depuis, une aide d'escortes a été deman-
N°93 - OCTOBRE 87 - PAGE 7
utres, la paix...
| Jean De Wandelaer, membre de l’Internationale
des Résistants à la Guerre, a travaillé en Amérique
Centrale de juin 86 à février 87. Il y a consacré la
majeure partie de son temps à une Brigades de
Paix Internationale constituée au Guatémala pour |
défendre la lutte pour les droits de l’homme du
Grupo d’Apoyo Mutual (GAM). Lors d’un second
séjour dans la région, il est arrété le mardi 25 août
87 par les militaires salvadoriens, puis expulsé
48h00 plus tard vers le Guatemala.Nous publions
ci-dessous une interview que Jean a accordé à la
revue de l’IRG «Nonviolen
ce et Société».
dée aux BPI at d'autres organisations internationa-
| les de solidarité ont aidé le GAM à survivre. Le
|_ gouvernement sait que nous sommes vigilants et,
bien sûr, les guatérnaltèques sont déterminés à
retrouver leurs disparus.
Quelles ont-été les récentes actions du GAM
Celle qui me reste surtout en mémoire s'est dérou-
lée en automne 86. Le 15 septembre est le jour
de l'indépendance pour toute l'Amérique Centrale.
Le GÂAM a effectué une manifestation silencieuse |
pour protester contre l'absence de libertés et |
d'indépendance au Guatémala. Quand les militai- |
res ont défilé, le GAM les a suivi en dressant un
grand calicot montrant un soldat battant un pay-
| san. Cela eut un très grand impact: les specta-
| teurs applaudissaient en solidarité. Le GAM suivait
MR UE EU Pres | les militaires, telle la conscience des soldats. De
droits. Par notre présence, nous pouvons limiter l& | ouvelles menaces de mort envers les animateurs
| du GAM s'ensuivirent. Les militaires ont placé dans |
| les journaux des encarts payants déclarant que |
tout ce qui pourrait arriver aux animateurs du GAM
serait de leur propre faute. L'armée n'oubliera
jamais cette manifestation.
intervieuv
Notre ami Jean De Wandélaër, membre des
| Brigades de Paix Internationales, a été arrété le |
| mardi 25 août 1987 à El Salvador puis expulsé |
| 48 heures plus tard vers le Guatéméla. |
| Victimes d'attentats, d'assassiats, de mena- |
ces répétées, deux organisations salvadorien- |
res de défense des droits de l'homme (Coma-
dres et Cripdes) venaient de demander aux Bri-
| gades de Paix de mettre sur pied au Salvador
| des escortes nonviolentés comme elles le font
| avec succès depuis 1985 au Guatémala pour
| Je Grupo d'Apoyo Mutual.
| Jean De Wandelaer, en service au Guatémals,
| s'était rendu sur place pour organiser ces nou-
| veles escortes nonviolentes permanentes. Les |
militaires du Salvador ñe lui en ont pas laissé le
temps. Tout reste à faire! Îl est certain que les |
| BPI, et l'ami Jean en particulier, s'entéteront. |
| Qu'est-ce qui est plus têtu qu'un militaire ? Un |
| anti-militariste, bien sûr! |
La réussite de leur action, et la santé des mit |
tants sur place dépendent aussi de notre wigi-
lance, de notre promptitude à réagir en cas de
eproblèmes. C'est pourquoi l'Allance Libertaire
appelle tous l6s libertaires du pays à se mobi-
ser pour Soutérir nôtre compagnon Jean De
Wandelser et les BPI.
y Alliance Libertaire
34 rue de Pologne 1060 Bruxelles
Téléphone 02/537.88.18
Tu parles de la répression au Guatémala, pour-
tant Vinicio Cerezo, président depuis janvier
86, est présenté dans la presse internationale
comme un dirigeant éclairé qui travaille pour
des réformes démocratiques authentiques et
pour le respect des Droits de l'Homme. Peux-tu
dire que c'est le cas?
Cerezo n'est pas un personnage négatif, mais il
répète ce que les dictateurs avant lui déclaraient: il
n'y a pas de violation des Droits de l'Homme au
Guatémnala. C'est très grave, parce que cela ne
signifie pas seulement qu'il ne tente pas de prou-
ver ces violations, mais qu'il les couvre. Cela aussi
a été le cas avec Rios Montt Victores. || est égale-
ment trés limité dans ce qu'il peut entreprendre
car ce sont en fait les militaires qui détiennent réel-
lement le pouvoir. IIS utilisent Cerezo dans le but
d'obtenir l'aide américaine. Il à un passé politique
propre, il n'a pas été membre des précédents
gouvernements, il a subi des menaces de mort et
a dû fuir le pays. Mais actuellement, il est juste une
Toutes les photos qui Hlustrent ces pages ont |
été prises le 15/09/86 à Guatéméla City lors |
d'une manifestation du GAM...
| Le Groupe d'Action Mutuel du Guatémala s'est |
développé grâce aux efforts des mères et |
| parents pour découvrir ce qui était arrivé aux |
membres disparus de leur famille. Cette capa-
cité de s'organiser et de survivre dans la vie de
fous les jours a une signification qui dépasse /a
recherche même des disparus. Cele constitue
la création d'une ouverture dans les voies limi-
lées de l'expression polilique au Guatémala, |
expression qui se développe et qui rend possi-
bé la création d'un Mouvement nonvio/ent
| dans Ce Days.
marionnette. Ce n'est pas lui qui me donne
l'espoir, c'est le peupie.
Pourquoi la presse américaine le présente-t-il
comme ayant accompli plus de réformes qu'en
réalité ?
C'est la stratégie américaine d'essayer d'établir de
«nouvelles démocraties» partout en Amérique
Latine pour couvrir sa stratégie de conflit de basse
intensité. L'idée principale du conflit de basse
intensité est, pour les Etats-Unis, de garder le con-
trôle sur toute la population d'Amérique Centrale
sans un état de guerre ouverte. Le gouvernement
US a besoin de vendre sa politique d'aide militaire,
de conseillers, etc. C'est plus acceptable avec un
gouvemement civil. Dans un conflit de basse
intensité, on peut compter 10% de guerre ouverte
et 90% de guerre psychologique, économique,
politique et culturelle. lis espèrent détruire toutes
les organisations populaires telles que le GAM ou
les syndicats. Le contrôle de l'information est leur
atout principal. Ils peuvent ainsi présenter le Gua-
témala comme un pays souriant. C'est une des
facettes de la guerre psychologique.
Tu dis donc qu'il y a deux volets à la guerre
psychologique: envers le population du Guaté-
mals et envers la communauté internationale.
Comment cela fonctionne-t-il à l’intérieur du
pays ?
Deux importants agents de contrôle ont été déve:
loppés par les précédents gouvernements militai-
res (Lucas Garcia, Rios Montt et Mejia Victores) :
les patrouilles civiles et les villages modèles. Ces
derniers ont été imaginés par le même conseiller
US qui créa les «hameaux stratégiques» du Viet-
nam, et ce dans le même but: le contrôle total de
la population des montagnes, constituée principa-
lement par des indiens.
ils gardent le contrôle sur approximativement
300.000 personnes, des hommes de 14 à 65
ans qui doivent accomplir un service armé pré-
senté comme volontaire mais en fait obligatoire. Si
vous ne l'effectuez pas, vous devez payer une
amende; si vous refusez à nOUVEAU, VOUS avez à
payer une nouvelle amende. À la troisième fois
c'est la prison. Mais ça, c'est la théorie: l'assassi-
nat est plus courant. Par cette violénce, ils ont le
contrôle sur toute la population: sur les villages
que couvrent les patrouilles civiles et sur les popu-
lations forcées de rejoindre ces patrouilles. L'aide
étrangère appuie ce contrôle militaire parce que
celui-ci ne dépend pas financièrement de sa pro-
pre population.
Qu'elle est l'attitude des guatémaltèques vis-à-
vis du service armé et de la conscription obliga-
toire ?
C'est principalement la population défavorisée qui
est forcée de servir. Les militaires arrêtent les bus
sur les routes et emmènent les jeunes qui n'ont
pas de papiers en règle. Parce qu'ils doivent aider
De familles, ceux-ci ne veulent pas perdre deux
ou trois ans dans l'armée. lls sont donc carrément
kidnappés et forcés de servir. À cause de la ter-
reur, il n'y a pas de résistance organisée au ser-
vice militaire. Au Salvador, c'est différent. en
novembre 86, il y eut une nouvelle loi pour aug- |
menter le budget militaire et la conscription. Il s'en
suivit une forte résistance de l'Eglise catholique,
des syndicats et des étudiants, avec en décem-
bre, une grande manifestation à El Salvador.
Le travail des Brigades de Paix au Guatémala
est une stratégie nonviolente qui inclut des
européens et des nords américains. Quel types
d'actions nonviolentes as-tu trouvées qui sont
produits par les guatémaltèques ou les salvado-
riens eux-mêmes ?
La population a pris part à toutes une série
d'actions nonviolentes. Au Guatémala, le GAM
manifeste presque une fois par Semaine. Au Saiva-
dor, il y a un mouvement plus important, plus orga-
nisé et plus politique, comportant les syndicats,
les groupes de défense des Droits de l'Homme,
les étudiants et les mouvements de repopulation.
La repopulation consiste, pour les paysans, à
comment participer au projet
des brigades de paix
internationales ?
Partir volontaire
Deux belges sont déjà sur place, à long ou à |
court terme. Deux autres s'y rendent dans les
prochains mois. Les seules conditions (stric-
tes!) sont de connaître l'espagnol et d'avoir
des notions d'action nonviolente: des stages |
| sont régulièrement organisés en Espagne. Les |
| frais de séjour sur place sont pris en charge par
les BPI. Les frais de voyage sont à charge du
| volontaire qui, en général, organise une sous-
cription. Une participation de la section natio-
nale est toujours envisageable, suivant nos |
finances. Contactez-nous !
Le réseau d'urgence |
| En cas de problème grave sur place -agression |
contre le GAM ou les BPI- un réseau de télex,
| via le Canada et la Suède, nous prévient immé-
| diatement. Les membres du réseau d'urgence
télégraphient ou écrivent leur protestation
aussi vite que possible aux autorités guatémal- |
tèques et au ministre belge des relations exté- |
rieures. Le réseau d'urgence organise aussi, le
cas échéant, le rapatriement d'un volontaire.
Pour faire partie du réseau, contactez-nous!
Participer financièrement
| Le projet des Brigades de Paix sur place, les
déplacements des volontaires et les publica-
tions sont une lourde charge financière. Une |
participation de votre bourse est indispensable
pour un travail efficace sur place. Notre
numéro de compte bancaire: 001-1616388-
56. BPI, 58 St Antoine, 6682 Manhay.
L'information
Une information régulière sur les Brigades de
Paix Internationales Se fait en Wallonie par
l'intermédiaire des deux publication suivantes :
L'Elastique revue mensuelle à participation
libre, 58 St Antoine, 6682 Manhay et Nonvio- |
lence et Société mensuel 300 fb par an (n°
de compte: 001-0732475-07, avec mention
ABO-NVS). Avec Nonviolence Actualité:
1.000 Fb par an (même numéro de compte,
avec mention ABO NVA-NVS).
retourner dans leur propre village, même si celui-ci |
a êté bombardé. Les escortes de la communauté |
internationale ont aidé les paysans à se protéger
durant ces tentatives de repopulation, de la même
manière que les Brigades de Paix protègent les
membres du GAM. Mais ce sont les salvadoriens
et les guatémaltèques qui prennent les intiatives et
endossent le maximum de risques. Le GAM
accomplit une quantité d'action nonviolentes telles
que des sit-ins, et des occuations de bâtiments
publics. C'est une tradition nonviolente bien qu'ils
n'aient pas l'usage de ce terme. "
au Guatémala ?
Parce que le GAM bénéficie d'un support interna-
tional et parce que les BPI sont témoins de ce qui
se passe, le gouvernement doit laisser du champ
libre au GAM. lis ont interrompu d'autres manifes-
tations et kidnappé des dirigeants syndicalistes en
grève: la réponse aux manifestations d'autres
groupes a été plus violente. La communauté inter-
nationale s'est foccalisée sur le GAM. Mais même
ainsi, les négociations entre le GAM et le gouver-
nement restent limitées. La demande principale du
GAM est que le gouvernement crée une commis-
sion d'enquête sur les disparitions: les disparus
ont-ils été assassinés, par qui, pourquoi, etc.
Cerez a plusieurs fois promis une commission
gouvernementale mais non indépendante. Ni le
GAM , ni l'église n'en voulaient.
As-tu trouvé au Guatémala des formes d'action
politique telles ca Salvador ?
brigades internationales de la paix
déclaration de fondation
Nous avons décidé de créer une organisation
qui formera et soutiendra des Brigades Interna-
tionales de la Paix. Cela nous semble être un
impératif historique et moral.
Les Brigades de la Paix, créées pour répondre
à des besoins et demandes spécifiques, entre-
prendront des missions impartiales qui peuvent
inclure des initiatives pacificatrices, le maintien
de la paix par une discipline nonviolent et un
service humanitaire. Notre intention est aussi
d'offrir et d'apporter notre aide à des efforts
identiques programmés et appliqués par
d'autres groupes.
Nous faisons appel particulièrement :
- aux peuples de cultures, langues, religions,
systèmes sociaux divers qui sont prêts à contri-
buer de façon nouvelle à la résolution nonvio-
lente des conflits,
- à tous ceux qui cherchent à accomplir les prin- |
cipes élevés et les buts exprimés dans la
Charte des Nations unies,
- et à tous ceux qui travaillent pour préserver la
vie et la dignité humaines, pour instaurer les
conditions de la paix.
Nous faisons appel aux individus et aux groupes
pour qu'ils s'engagent dans un travail local,
régional qu international des Brigades de la
Paix. Nous sommes en train de former une
organisation qui se veut apte à mobiliser et à
fournir des unités de volontaires entraînés. Ces
unités peuvent être envoyées dans des régions
«chaudes» pour prévenir les explosions de vio-
lence. En cas d’hostilité, une brigade peut éta-
| blir et contrôler un cessez-le-feu, proposer une
médiation ou entreprendre des travaux de
reconstruction ou de réconciliation.
Ceux qui entreprendront ces actions devront
faire face à des risques et des épreuves. Les
autres peuvent apporter leur soutien et se mon-
trer solidaires d'une multitude de façons.
Nous construisons sur un héritage riche et
vaste d'actions nonviclentes qui ne peut plus
être ignoré, et cet héritage nous dit que la Paix
est plus qu'une absence de guerre.
Nous sommes convaincus que cet engagement
des esprits, des cœurs et des volontés de ser-
vir, apporte une différence sensible dans les
affaires humaines.
Unissons-nous tous dans la marche qui nous
mène du mensonge à la vérité, de l'obscurité
| à la lumière, de la mort à la vie.
Fait à la conférence de Grinstone island,
Ontario-Canada, le 4 septembre 1981.
Brigades de Paix Internationales
35 rue Van Elewijk, 1050 Bruxelles, Tél. 02/648.52.20
58 St Antoine, 6682 Manhay, Cpte bancaire 001-1616388-56
Communiquez ons au GAM votre soutien!
Grupo
Mutual
15 ave 911, zona 12, ie de Guatemala, Guatemala
COMMUNIQUÉ - VIENT DE PARAÎTRE
amnesty international
rapport annuel 1987
«Parce que savoir c'est déjà agir»
Amnesty International publie ce 30 septembre son Rapport Annuel 1987 qui dresse le tableau de la
situation des droits de l'homme dans plus de 130 pays.
Litanie d’emprisonnements pour délits d'opinion, de tortures, de «<disparitiong», d'exécutions? Non, ce
rapport n'est pas le comptable de l'horreur. Il vise a informer parce que savoir c'est déjà agir.
Comment se procurer le Rapport 1987 ?
+ au secrétariat d'Amnesty, 9 rue Berckmans à 1060 Bruxelles
e auprès du groupe de base de votre quartier :
« dans toutes les bonnes librairies.
{vente directe ou par correspondance)
Acheter le Rapport par correspondance, c’est possible...
Bon de commande: Je désire recevoir par courrier le Rapport Annuel 1987. Pour ce faire je joins un
chèque barré de 500 frs / je paie à la réception de la facture (dans ce cas prévoir 50frs supplémentai-
res pour frais administratifs).
1 L]
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Adresse complète :
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A renvoyer à Amnesty International 9 rue Berckmans 1060 Bruxelles Téléphone 02/538.81.77
Rapport Annuel 1987, Editions La Découverte /AEFAI, 288 pages, 500 fb.
Afghanistan Les forces soviétiques, appuyées par des militaires afghans, se seraient livrées à des exécutions som-
maires, Amnesty Intemational donné des précisions sur ls recours systématique aux mauvais traitements et à la tor-
ture de prisonniers. + Afrique du Sud La législation d'exception a été invoquée pour détenir sans jugement plus de
20.000 détracteurs et opposants. Beaucoup ont été maltraités, torturés, sont morts dans des circonstances sus-
pectes. La police et l'armée sont accusées d'avoir massacré des civils. + Albanie Impossible d'évaluer le nombre
de prisonniers d'opinion en raison de la censure et des restrictions en matière de liberté de circulation. + Algérie
Frocès inéquitables. Décès de plusieurs prisonniers suite à des sévices commis par les autorités. + Angola Déten-
tions sans jugement et procès politiques inéquitables. + Arabie Saoudite Au moins 24 exécutions publiques ont été
enregistrées durant l'année par Amnesty. Informations concernant des cas de torture et de mauvais traitements.
Détentions sans jugement. * Argentine Nombreux débats à propos de l'établissement des responsabilités concer-
nant les violations des droits de l'homme sous le régime précédent. La loi dite «punto finah entrée en vigueur en
1986, limite ies poursuites possibles à l'encontre des militaires dont les responsabilités ont pourtant été établies. «
Autriche Détentions de prisonniers d'opinion, dont des objecteurs de conscience, parfois victimes de mauvais trai-
tements. « Bangladesh Arestations arbitraires, tortures et exécutions sommaires de tribaux non-arrnès, perpétrées
par les forces gouvemementales. + Bénin Plus de 50 opposants présumés libérés, mais 80 autres demeurent
incarcérés sans jugement. Mauvais traitements et tortures. + Bolivie Opposants détenus pour des courtes périodes
en vertu de l'état de siège. + Brésil Exécutions sommaires par la police de suspects de droit commun. + Bulgarie
Des membres de la minorité turque ont été torturés. + Chili Les arrestations pour motifs politiques ont augmenté en
1986. Manifestants roués de coups, certains d’entré-eux ont même été abattus, Campagne d’enlèvements at d'inti-
Je suis plus familier du Guatémala que du Salva-
dor, mais je crois qué les salvadoriens sont plus |
politisés. Ils ant eu plus de temps pour s'organiser
et ont plus d'expérience. Plusieurs des groupes
salvadoriens actuels existent depuis plus de 10
ans, comme Comadres ou la commission des
Droits de l'Homme. Au Guatémala, le seul groupe
existant publiquement est le GAM, et c'est un
groupe assez récent. Aussi le GAM ne demande-t-
il que le retour des disparus, tandis que les piate-
formes politiques des groupes du Salvador sont
plus larges. De plus, le Salvador a un gouverne-
ment «civil» depuis 1984; le Guatémala depuis jan-
vier 1986 seulement. Il est le premier pays d'Amé-
rique Centrale à subir ces vagues massives de dis-
paritions et d'assassinats dans les campagnes;
beaucoup d'animateurs de la résistance ont été
assassinés ou ont fui le pays. Ils ont subi le plus |
haut pourcentage d'assassinats et la population a
peur de réagir.
Y at-il un espoir de développer au Guatémala
des forces qui mèneront à une réelle libéra-
tion ?
Je pense que la population est fatiguée de'toute
cesviolences et des violations des Droits de
l'Homme qu'elle regarde aujourd'hui vers d'autres
voies de libération. Au Guatémala, un grand nom-
bre de gens comprennent qu'on ne peut trouver
aucune solution dans la guerre. lls essayent de
trouver d'autres moyens tels que ls GAM, les
syndicats, les groupes de travail des bidonvilles.
Le GAM démontre que dans un pays comme le
Guatémala, face à une telle répression, il reste
possible de s'organiser. Il y a une place pour la
nonviolence, c'est mon espoir et celui des amis
guatémaltèques. || y a plus d'espace pour S'organi-
ser depuis Un an. C'est un peuple qui lutte depuis
de nombreuses années et c'est ie seul qui a bien
résisté aux espagnols : c'est pourquoi il y a encore
autant d'indiens ici; il sont habitués à résister à
l'oppression.
Que penses-tu qu'il est important, pour les
pacifistes occidentaux, de comprendre dans
cette situation ?
Surtout que la guerre s'est transformée en conflit
de basse intensité, non seulement au Guatérmnala,
mais dans toute l'Amérique Centrale. Dans ce type
de conflit, il y à une grande place pour la résis-
tance civile et nonviolente. Les pacifistes peuvent
aider la population à développer cette conscience.
Qu'entends-tu par là?
La stratégie du conflit de basse intensité est de
présenter la réalité à l'opposé de ce qu'elle est, de
développer une fausse conscience de l'Amérique
Centrale, de telle manière qu'on ne reconnaisse
plus les raisons de la lutte. Nous pouvons dévelop-
per une conscience exacte à travers une informa-
tion objective exposant l'injustice et la répressia
Faire un travail volontaire tel que les BPI suppose
des riques personnels, de l'humilité et une bonne
COMRLEORENN de la situation et des cultures.
Non-Violence et Société
35 rue Van Elewijck - 1050 Bruxelles
Téléphone 02/648.52.20
ALTERNATIVE LIBERTAIRE x ASBL 22 MARS - N° 93 - OCTOBRE 87 - PAGE 8
la nouvelle loi
sur les réfugiés
a été votée
le 15 juillet 87
le comité de soutien
aux réfugiés vous invite
à un après-midi
d’informations/débats
le samedi 10 octobre
76 r. des écoles 1080 bxl
renseignements 04/217.56.94
réussir à l’école:
un livre-témoignage
La Confédération Générale des Ensei-
gnamts vient de publier un liws collectif
aux Editions Vie Ouvrière sous le titre
héussir à lEcoles. Nous reviendrons
dans nos prochaines éditions plus on
détall sur cet ouvrage indispensable à
qui pratique le système scolaire. Dès à
présent, notons que ce Îlvre sst disponi-
ble au prix de 450 francs (envoyez un
chèque barré) à fa CGE, 14 rue des
Cyprès à 1000 Bruxelles. Nous reprodui-
sons ci-dessous deux extraïts de
presse. histoire de vous mettre l'eau à la
bouche.
L'Ecole, c'est la iransmission des savoirs.
Vous avez sans doute déjà énteñdu énon-
cer, par l'un ou l'autre homme pollique,
cette phrase définitive. Si, en ce début
d'année scolaire, vous, parent ou ensel-
gnant, VOUS ne partagez pas ce pcint de
vue, alors vous devar fre Réussir à
‘école, un lvre-témoignage écrit par une
quaranaine d'hommes st de femmes de !er-
Fain, de Belgique et de France, qui ont
voulu vivre la classe autrement et y sont
parvenus. ls expliquent dans ce livre col-
lactif -on se demandé d'ailleurs pourquoi
les éditeurs ont seulement retenus deux
noms, sérail-cé parce qué ces déux péda-
gogues pris parmi les autres sont des pro-
fesseurs d'université ?- leur travail et leur
recherche au quotidien, leurs réussites
après quelgues échecs, leurs angoisses
aussi. Mais dans ce livre, on netrouve pas
d'exemples de transmission pure et simple
du savoir: le professeur n'est pas iMassa-
blement celui qui sait tandis que l'élève est
relégué au rang de celui qui ne sait pas.
Mon, à y a l'appropriation active du savoir.
Le Soir
Les Editions Vie Ouwière sortent à propos
un livre intitulé «Réussir à l'ecole». Méflez-
vous. Ce n'est pas une recette pour obtenir
un diplôme en dix leçons mais plutôt la saga
de quarste enseignants qui vivant la réalité
scolaire ei ne veulent pas enseigner idiot.
L'enseignant n'est pas seul face à l'école. I!
y a le fonchonnement de linslution an elle-
même, existent aussi des partenaires
potenties comme les assistants sociaux,
les psychologues. il y a Mnstiution scolaire
se-même el ses contradictions. Mais
réussir à l'écofes c'est aussi découvrir les
élèves avec le ragard de leurs profs. Un
regard exigeant ét complice, une volonté de
réussir avec eux. Ratenñons de ce livre sans
Barrière ni compromis, sans tabou sur
l'école cette petite phrase clé qui symbolise
l'enseignement: «On ne peut apprendre à
fre à l'élève qué si on sait ire l'élève.
HP K., Le Drapeau Rouge
juristes démocrates
une adresse
toujours utile
ligue
des droits
de l’homme
26/28 passage de linthout
boîte 24, 1200 bruxelles
téléphone 02/735.21.45
ne croyez pas ce que médias
u akbar
| Le 20 avril 86, se déroulait à Bruxel-
| les une manifestation de protesta-
es gens diront
On peut bien en parler. Ces choses-là reviendront vite. Un
jour d'hiver dans la campagne. Le ciel, les champs, tout est
ent des rognures d'ongles ?
À
+ seulem
Etait-ce le fait que je me les caillais,
était-ce bien plutôt l'habitude : assis sur
| la sépulture de Paul-Henri Spaak, je
descendais une bouteille de wouiskie
dégueulasse de pauvre. Cette solitude,
cet abandon et les doigts noirs des peu-
pliers giflés par le vent, avec la dépouille
du vieil homme d'Etat sous la pierre
bleue qui porte à la boutonnière une
minuscule rose au poing. Et ce wouïskie
pourri. L'impression qu'on pouvait aussi
bien rester là.
la madonna...
Je voulais vous parler de l'autre morue,
là, par qui le souffle de la jeunesse est
entré dans le trois pièces-cuisine de
Jacques Chirac. Madonna. Le boudin
bien propre sous les bras, la petite
bècheuse qui perd sa culotte mini-Mir
mini-prix entre les bras de la France de
demain, vivement. Des fois, avec les
copains, on s'emmêle tellement les pin-
| ceaux dans les conversations décou-
| sues à passer le temps qu'un maoiste
| n'y distinguerait plus son ennerni princi-
| pal de son ennemi secondaire. L'autre
À noter la parution avec un lock plus
des Juristes Démocrates. Au sommaire de
ce numéro 50 daté de septembre 87: con-
flits sociaux, droits de grève et pouvoir judi-
ciaire - La loi sur la filiation, l'égalité n'est
pas encore complète - Haïti, la démocratisa-
tion se fait attendie - Appel des juristes con-
tre la guerre nucléaire - Pour la révision du
procès d'Otello de Carvaiho. Association
Belge des Juristes Démocrates, 13 rue
P.E. Janson, 1050 Bruxelles, tél.
02/539.05.14.
jour, c'était Carmela qui me disait à pro-
pos de Luc Honorez, le critique cinéma
du Soir: «Mais qu'est-ce qu'il écrit mal,
et qu'est-ce qu'il est vulgaire!» Et c'était
vrai. il y avait un article -une pitrerie sans
| goût et sans couleur- sur John Huston.
Ca m'a fait penser à ces connaissances
qui vous prennent le bras pour vous
moderne et plus acréable à lire du Jaurnat | Expliquer les grosses histoires qui les
PDémes | font rire. Une horreur. Dans Libé d'ail-
leurs, ce jour-là {ou la veille), on donnait
| trois pages et la Une en couleurs sur
Madonna, ét des chiures de‘mouche à
propos de Huston, Madonna qui est
malgré tout arrivée à ce qu'on siffle le
nom de Jacques Chirac, à la seule force
dé Son immense niaisere. Est-elle
niaise? Elle a l'air niais. Ce serait suff-
sant. Même si c'est rien encore à côté
perdu dans un verre de lait glacé, immobile et muet...
de Jacques Chirac posant dans Podium,
un walkman sur les oreilles et un sourire
de castagnette entre. Rappelez-vous.
L'autre, pour prendre la France par la
taille, y allait de son accordéon. Ça
change. «Comparer Marylin Monroe à
Madonna, c'est comparer Raquel Welch
a l'arrière d'un autobus, dit Boy
George. Eh bien, nous voilà prévenus.
Pas assez cépendant pour éviter de
cruelles désilusions. Avez-vous vu ce
concert diffusé à TF1 et sur la RAI?
«L'armaque d'une rumeur de cuir ciouté
et de soie mauve. L'escroquerie à la
promesse d'une Baby-Dol revisitée par
Marylin. Tous ceux qui auront attiré le
gogo en effeuilant des guépières de
luipanar en sont pour leurs fantasmes.
Msdonna chante et danse en «body»
fort sage. La fareuse culotte jetée au
public n'est qu'un truc de plus. Pas le
mieux. Un faux. À peu près ce que
Hollywood aurait pu retenir du french
cancan Servi par les plus mauvaises
années du Casino dé Paris», constate,
amer, le quotidien Le Monde. Dépri-
mant. Parce que voilà ce qui évoque le
souffle de la jeunesse chez les Chirac,
et qui les fait se dresser sur les pattes
arrières, une réduction de la taxe sur les
disques dans la gueule.
été pourri.
Cet été n'a pas été un été. Pas un jour la
hantise de l'hiver ne m'a quitté. || n'a pas
fait radicalement beau. Je me suis sou-
venu de l'hiver parfait qu'on connaît
dans certains coins. Il était un peu tôt
dans l& saison pour que j'y cherchasse
avec conviction quelque consolation du
type promenade dans les bois etc.
haa michaël..
Michaël Jackson est de plus en plus
blanc. Il a de moins-en moins de nez. Ita
maigri. Où veut-on en venir? J'ai eu
l'impression d'une jeune pute un peu
vulgaire. Voici la première étoile noire
qui pat sciemment. Son clip met en
scène une histoire de famille noire, son
visage ressemble de plus en plus à la
réplique en cire du musée Tusseau.
Avec cette image fascinante et glaciale,
plus loin que toutes les ambiguités qui
remuent, se pose-t-on encore la ques-
tion de savoir si M. Jackson est un
pédé? S'imagine-t-on cet être bionique
qui ne ressemble à ren en train de faire
l'amour, avec son corps, ses humeurs ?
C'est bien simple: a-t-l des rognures
d'ongle? Et il y a la musique. Les criti-
ques consacrées passent soigneuse-
ment en revue toutes les raisons de {a
dégueuler, pour conclure qu'elle est
parfaite. Je trouve ça incroyablement
moderne. L'expression d'une insatisfac-
tion que rien ne résoud. Le malaise sans |
eau et sans glaçon. Le malaise vraiment | d'une p | sdiférent , l
ns recul et sans réflexion. | Conscience polltique et d'une dynamique
modeme, sa
Celui qui engendre la bougeotte.
plus vite.
tion contre le raid américain en Libye
quelques jours auparavant. L'écho
qu'eut dans la presse cette manites-
tation, la manière dont Il en a été
rendu compte, les débats, les attitu-
des qu'elle a engendré dans les
médias, les bureaux politiques et la
population, en ont fait un événement
clé dans la lecture de l'immigration
musulmane par le citoyen belge.
Dans un livre qui vient de paraître, F. Das-
seto et À. Bastenier, dans la perspective
d'une «histoire immédiate», ont tenté de.
dégager les significations profondes de ia
manifestation et dés réactions qu'elle fit nai-
tre. NS replacent l'événement dans son con-
texte global, afin de dépasser la lecture
superficielle et réductrice qui en fut rels-
nue. Leur analyse dégage deux axes pour
une compréhension renouvelée. La mani-
festation à joué en quelques sortes un rôle
d'analyseur de la présence dans notre pays
d'uné population edifférentes, forte d'une
culturelle propres. Le 20 avril 86, ont été
| mis en lumière dans les rues de Bruxelles,
| les logiques divergentes et les conflits
| sous-jacents au processus de confrontation
Ben Johnson met 983" pour parcourir |
100 mètres. Et quoi encore. Où veut-on
en venir? Avez-vous vu Ces visages
et ultra moderne,
malaise. Un sentiment d’absurde et
d'inévitable à la fois.
la question.
On sera en octobre lorsque ceci parai-
tra, la question de l'été réglée, une fois
de plus. Ce n'est pas normal. À votre
avis, qui conduisait la délégation beige
au Sommet international de la francopho-
nie de Québec? La délégation belge,
parce qu'il y avait aussi une délégation
Walionie-Bruxelles. Mais oui: l'ancien
extrémiste flamingant W. Martens. Ce
premier ministre qui se sent «profondé-
ment flamands, quand on lui parle du
sommet à ATL. Ga non plus ce n'est pas
normal. Et comme chaque fois, à
l'entrée de l'hiver, il me semble que des
choses inouies Se préparent. Les
mineurs noirs redescendent dans la
mine. Concluant le conflit social le plus
long (trois Semaines} mené per un syndi-
cat noir au pays de l'apartheid. On a vu
se repointer le rêve d'une Afrique pre-
nant l'Europe par la main.
la mémoire kurt….
Qui ést Kurt Waidheim? Personne.
Quelqu'un qui a fait son devoir. Sous
l'uniforme de la mort quand c'était à la
mode. Et aujourd'hui qu'il ést question
de décerveler les Autrichiens, avec la
tronche au petits veux fuyants de
l'hypocrisie et de la honte. Certains sont
entre la communauté arabo-musulmans et la
| société belge. Bouleversement, peur, repli,
focalisation sur les signes islamiques, acou-
‘ | sation d'intégrisme.. seulés réponses pos-
décompasés par la douleur, ces fem- F je La
mes, à l'issue d'une course ultra rapide |
à Rome? Quel
sibles à la différence? D'autre part, il s'est
révélé, avec uns nouvelle acuité, le pouvoir
des médias (les médias sont grandes}, eten
particuller du JT de la RTBF, dans la modu-
| lation et la canalisation des perceptions.
L'information fut sélectionnée, transformée,
| dé telle sorte qu'une vision s'impose au
| public: Bruxelles en passe de devenir
prêts à payer gros leur goût immodéré |
pour la tranquilité d'esprit. Tout de
même, avec la perspective d'Europalia
Autriche, leur hébétude eût pu s'en
trouver troublée. Pas d'angoisse: Bau- |
douin, le roi des Belges, à pris l'affaire
en mains, les a fait voler dans un nuage
de poudre d'or, et pfuit Waldheim dis-
paru, on a trouvé une colombe blanche.
Le système Waldheim sans Waldheim.
Très fort. Etrange Autriche sans Juifs et
sans nazis. Excusez, la comparaison
paraîtra peut-être excessive, mais c'est
pourtant l'impression qu'ils me font, ces
socialistes bruxellois. I voudraient un
Bruxelles sans racistes et sans étran-
gers. En Hollande, l'expérience a mon-
tré que partout où les socialistes ont pris
le parti de s'adresser à eux, les étran-
gers les ont largement pébliscités. Les |
nôtres préférent apparemment les certi-
tudes d'une Belgique vieilissante où les
chrétiens hégémoniques empécheront
longtemps la liberté des femmes devant |
la maternité. Gardez votre prison,
disent-ils, l'inconnu nous fait peur.
+ Serge Noël
Téhéran ou Beyrouth. Une analyse minu-
tieuse dés différents moments dé la mani-
festation et des multiples séquences infor-
malives nous montre les hésitations, les
occulations, les dérapages au cœur du phé-
nomène. On découvriré aussi dans Médias
U Akbar une approche de l'histoire et du
vécu de diverses crganisalions arabes en
Belgique, dans leurs conflits pour la con-
quête d'un leadership, l'opposition de leurs
tendances, mais aussi la recherche d'uné
identité collective, porteuse d'une sensibi-
lité, de catégories de compréhension, et de
moyens d'expression qui soient les leurs.
Cet ouvrage parle de notre société au pré-
sent. Il observe certaines de ses contradic-
tions, de ses difficultés d'être. Les valeurs
de tolérance, d'ouverture, de respect de
l'individu dont elle se dit garante sont fragi-
les et s'effarouchent devant l'affimmation de
l'Autre. Comment imaginerons-nous une
co-existence où lé communication ne soit
pas réduite à un échange de regards sté-
réotypés? Un tel livre me donne envie de
redire qu'il est urgent que chacun dé nous
se débarrasse des filtres que lui imposent
organes dé presse et instances politiques
at retrouve ur régard plus libre.
Médias U Akbar, Ciaco éditeur, 1987
tiermondopoly
Les Magasins du Monde Oxfam viennent de
publier un nouveau jeu qui veut induire une
| autre vision du commerce mondial, une
autre pratique des rapports Nord-Sud et du
Tiers-Monde.… Un jeu de société, nouvelle
version didactique inspirée du célébre
Monopoly. Quelques explications. Les par-
ticipants, au nombre de six à huit, entrant
dans |8 peau d'un paysan péruvien Soumis,
pour vivre, au rythme infernal des saisons.
Tantôt sèches -très sèches !- tantôt humi-
des, celles-ci règlent toute la partie, faisant
monter ou baisser le cours des cultures
| auxquelles se consacrent les paysans.
L'égalité des chances, au demeurant très
théorique, fait long feu! Quelques coups de
dé symbolisant les hasards et autres aléas
| dé l'existence ont vite fait d'entamer diver-
Sément lé capital dé chacun. Au fil des
sent: l& maladie d'un enfant, sans la sécu-
rité sociale, une invasion de sauterelles, et
| l'ombre des terrorismes de tous poils qui
plané sur ls tableau du Tiers Monde... Le
jeu tient en haleine comme la «vrai vies et l&
feuille de bilan comptable que chacun doit
compléter au terme d'une année -entendez
un tour-lui permet de mesurer combien
| s'avère précaire la situation matérielle des
+«campésinos: péruviens..…. Tiermondopoly,
950 francs, Magasins du Monde Oxfam,
| 74 rue de la Caserne, 1000 Bruxelles.
ABONNEZ-VOUS: 600 FRS L'AN AU COMPTE 001-0536851-32!
ALTERNATIVE LIBERTAIRE à ASBL 22 MARS - N° 93 - OCTOBRE 87 - PAGE 9
pour être
présents
dans ces pages
il vous faut
nous envoyer
vos textes
avant le 20 du
mois précédent
condamnés
Trente et une personnes ont été condam-
nées à la paine de mort par pendaison en |
raison dé leur participation à la rs |
populaire contre le régime d'apartheid. |
sont à présents détenus dans les ae |
des condamnés à mort à ls prison centrale |
de Prétoria.. Traités comme des criminels |
de droit commun, ils sont en réalité des pri-
sonniers politiques. En outre, le régime
d'apartheid ne reconnaît pas aux résistants
qui se revendiquent dé la branche armée du
Mouvement de libération, le droit au statut
de prisonnier de guerre défini par les Con- |
ventions de SRE de 1948
qu'amendéés par le
de 1977.
La condamnation de ces 31 hommes et de
cette femme est le résultat du rejet par le
peuple noir du système corrompu des con-
sellers municipaux fantôches mais aussi de
la résistance contre les habitants des ban-
lieues noires et de la lutte contre la persé-
cution des syndicalistes et activistes politi-
ques.
Il est désormais Impossible de compter le
nombre de tués et de blessés du fait de la
répression et de la résistance en Afrique du
Sud. La police et l'armée du régime ont
commis des massacres à Soweto, Uiten-
hage, Ouduza, Mamelodi et en d'autres
endrois à l'intérieur comme à l'extérieur du
pays, au Mozambique, au Lesotho, au Bots-
wense et au Zimbabwe. La police et ses
agents, des vigiles armées, sillonnent les
banlieués noires, harassant, kidnappant l&
population et, très souvent, tirant à vue sur
cette dernière. Des personnes ont été
tuées par balles alors qu'elles ne faisaient |
que marcher dans la rue; de jeunes enfants
ont été descendus alors qu'ils jouaient
devant la porte où dans la cour-arrière de
leur maison. Des dirigeants élus et des
porte-parolss des syndicats et des organi-
sations démocratiques locales ont été
retrouvés assassinés -parfois de manière
horrible-dans de mystérieuses circonstan-
ces.
Jamais personne n'a été arrêté ou Incuiné
telles |
e Frotocole additionnel |
pour ces crimes. Ceux qui attendent actusl- |
lement l'exécution sont des prisonniers poli-
tiques. Les terroristes d'Afrique du Sud, par
contre, circulent encore en foute liberté.
Une campagne pour sauver la vie de ces
condamnés à mort a été organisée en Afri-
que du Sud par le «<Southg African Youth
Congressx, avec le soutien du «United
Democratic Front», de la «Felésse Mandéla
Campaigre, du National Union of Minewor-
kers», du <South African National
Students Congress» et du National Educa-
tion Crisis Commitees. La campagne a aussi
recu l'appui dé l'Africtan National Con- |
gresss.
Ges organisations
d'adresser d’urgançce un appel aux:
- Président du Conseil des Communautés
nous demandent |
L'A.S.B.L. Aide info Sida s'adresse à titré
prioritaire aux homosexuels car ceux-ci ont
été parmi les premiers à devoir faire face au
Sida. Néanmoins, nous nous refusons à
limiter notre action à cette catégorie de la
population. Deux raisons nous imposent
cars Re Dane par, = cons de gra
ioutes les couches de FÉonubton. | D'autre
part, nous ne voulons pas perpétuer les dis-
criminations en les invérsant en quelque
sorte. Tout être humain malade, séropositif,
inquiet ou simplement soucieux de s'infor-
mer mérite exactement la même âttention
ou la même assistance.
Nos activités principales ont été Jusqu'à
présent l'information et la prévention (notre
répondeur diffuse en permanence une
information minimale). Un service d'écoute
| téléphonique fonctionne lé mardi et le ven-
Européennes (Mr. Poul Schlüter, Premier |
jy | des bénévoles qui reçaivent une formation
Ministre, Représentation permanente du
Eanemark, 73 rue d'Anon, 1040 Bruxelles:
- Premier Ministre belge (Mr. Wilfried Mar-
tens, 16 rue de la Loi, 1040 Bruxelles);
- Ministre belge des Relations Extérieures |
(Mr Léo Tindemans, 2 rue des Quatre-Bras,
1000 Bruxellés):
Pour qu'ils utilisent l'influence des Commu- |
nautés européennes st du gouvernement
belge aux fins d'empêcher ces pendaisons.
Se appel urgent devrait aussi être adressé
À Président P.W. Botha (Union Buildings,
Pretoria, South Africa; telex 322158) afin
que ne soit pas procédé à ces meurtres
judiciaires.
Comité contre l'Apartheïd
199 av. Molière, 1060 Bxi | à ]
| demment les homosexuels trouvent les
monde entier, le régime Fuite d’ Afrique
du Sud vient de faire procéder, le 1* sep-
tembre, à l'éxécution par pendaison de 2
des 32 jeunes hommes et femme con-
damnés à mort pour faits de résistance. Il
ces exécutions Illégales et appeler
d'urgence à la non-exécution des autres
condemnés à mort!
dredi de 18 à 20 heures. |l est assuré par
adéquate, sont supervisés par deux
psychothérapeutes et bénéficient de l'infor-
mation scientifique la plus récente par
l'intermédiaire d'un médecin de l'institut de
Médecine Tropicale d'Anvers. Nous souhal-
tons développer ce service et arriver à le
rendre quotidien. I nous faut pour cela des
volontaires supplémentaires. Qui n'a pas
quelques heures par mois pour S'y conéa-
crer?
L'information est assurée également par la
diffusion de brochures. Depuis plus d'un an
| a été distribué un tract-affiche spécifique-
| ment destiné aux homosexuels afin
| d'encourager la pratique de l'amour sans
risqués. Tout récemment 4 été publiée une
brochure +tout publicx dans laquelle évi-
informations les concernant. L& supervision
scientifique en a été assurée par le Docteur
Lise Thiry, professeur de microbiologie à
l'Université Libre de Bruxelles, Nous la dis-
tibuons, par priorité, dans les endroits de
rencontres fréquentés par les gais. Malheu-
reusement, notre équipe est trop réduite
pour pouvoir sé rendre «sur lé terrains avec
la fréquence nécéssaire, Pour cela nous
avons besoin de volontaires qui velllent au
| renouvellement des dépôts de documents-
tion et réparent éveniuellement les dégâts
causés par quelques vandalés qui arrachent
nos présentoirs et déchirent les dépliants.
Actuellement, nous avons Sous pressé une
brochure relative aux tests de détection des
anticorps du Sida. Elle actualise un tract dif-
fusé antérieurement et souligne les avanta-
ges et les inconvénients des tests. Elle vise
à aider chacun à prendre en touts connals-
sance de cause la décision de se soumettre
où non à cet examen. En même temps sor-
| tira un dépliant relatif à l'utilisation des pré-
servatifs conçus pour les gais.
Trop d'entre-eux connaissent encore mal
L l'utilité etle mode d'emploi de la capoté. Or,
_ dans l'attente de progrès médicaux détenmi-
nants, le préservatif constitue le Seul mode
de prévention pour ceux qui aiment s0domi-
ser et se fairè sodomiser. H faut savoir aussi
que la capote n'est plus l'instrument rébar-
batif qu'utilisaient nos grands-pères et que
les plaisanteries de corps de garde sont à
ce sujet dépassées. Malheureusement,
dans des buts purement mercantilés, sont
diffusés sur le marché certains produits
qualifiés de «+renforcés» qui ne donnent
aucune assurance aux gais. C'est pourquoi
nous avons décidé d'acquérir l'exclusivité
du préservatif «Hot Rubber, destiné au coit
anal et qui nous est fournie par notre horma-
logue, l'Aide Suisse contre le Sida. Nous
demandons aux téenanciers des lieux gais
d'en assurer la distribution. Certains le font
déjà, d'autres ont promis de le faire,
quelques-uns -heureu-
sement rares- nous ont fichu à la porte avec
nos papiers et nos capotes. Il faut les con-
vaincre et pour cela nous avons besoin de
volontaires.
Autre activité, nous accuelllons des person-
nes éprouvant des difficultés psychologi-
ques. Sur rendez-vous, elles sont reçues
par un psychothérapeute qui les aide à
Mmièux cernér ét résoudre leurs problèmes.
ll ne s'agit pas d'une thérapie, mais d'un
entretien de guidance.
Enfin, nous allons Intensifier notre service |
d'aide aux malades en milieu hospitalier ou à |
domicile. Comme toutes nos activités,
celle-ci est réalisée par des bénévoles qui |
reçoivent l'information nécessaire pour là |
mener à bien et qui témoignent dans cette |
tâche difficie d'une grande générosité.
Sans sombrer dans l'alarmisme, on peut
présager que la demande de pareille assis-
tance va s'accroître. Pour y faire face, nous
avons besoin de surcroît de volontaires. Il
faut signaler encore que nous encours
geons, dans la mesure de nos moyens,
l'activité du Groupe +. Celui-ci accueille
séropositifs. Il s'agit de réunions amicales
de gens qui s'entraident,
l'autre mais sans tomber dans les lamenta-
tions. lls parlent sérieusement et chaleureu- |
ils sortent |
ensemble et ils pourraient avoir comme | eet-silent
sement, mais ils rient aussi,
devise «ll faut que la vie continue» (tél.
02/218.80.92).
Dans tous les pays voisins, les gais se sont |
mobilisés pour assurer une information
sérieuse en matière de Sida, pour promou-
voir la prévention, pour aider ceux qui souf-
rent physiquement etmoralement, pour lut-
ter contre la discrimination et le réjet social.
Nous n'avons pas éncore réussi à Créer ce
mouvement de masse Gér nous sommes
trop peu nombreux ét nous n'avons pas
assez de moyens financiers. Mais nous
croyons qu'ici comme ailleurs, les gais peu-
vent étonner le resté de la population -ou
s'étonner eux-mêmes-par leur sens des
responsabilités, par leur Fe : leur
générosité.
AIDE INFO SIDA
Rue Duquesnoy 45-1000 Bruxelles
Tél.: 021511.45.29
Compte n° 068-20366467-76
ASBL 22MARS - N° 93 - OCTOBRE 87 - PAGE 10
| mes, Îa |
| brt ou bsr…
| Le licenciement d'un journaliste de la BRT a
| provoqué de nombreux commentaires et les
| soutiens n'ont pas manqué pour dénoncer
| cet abus de pouvoir caractérisé. Cepen-
| dant, il ne faudrait pas perdre de vue que
| tous les jours, dé «simples travailleurs» sont
licenciés pour daute grave» perdant ainsi
qui écoutent | ji de Liège, 08/12/82}. Le problème pour
la sûreté vous écoute.
Le Parti du Travail de Belgique à porté à la
connéissance de l'opinion publique la
découverte, dans un local pris en location et
dans lequel devait se dérouler une réunion
de ses affiliés, de deux postes d'écoute ins-
tallés par la Sûreté de l'Etat. L'Association
des Juristées Démocrates condamne ce pro-
cédé, alors même que le projet de loi
déposé par le ministre de la Justice soumet
à un stricte contrôle juridictionnel l'instaila-
tion de postes d'écoute téléphonique, qui
doit être motivé par de graves présomptions
de menaces contre l'ordre public. Les droits
congtitutionnels dé réunion et d'associa-
tions doivent assurer aux citoyens les
mêmes garanties de discrétion que celles
qui s'attachent à la protection de la vie pri-
vée. L'ABJD s'étonne que le ministre de la
Justice ait paru excuser des mesures
d'espionnage à l'égard d'un parti politique
dont rien ne laisse supposer qu'il agirait à.
l'encontre de nos libertés démocratiques.
Rappelons l'article 151 du Code pénal qui
stipule: <Tout autre acte arbitraire et attan-
tatoire aux libertés et aux droits-garantis par
la Constitution, ordonné ou exécuté par un
fonctionnaire ou un officier public, par un
dépositaire ou agent de l'autorité ou de la
force publique sera puni d' emprison! nement
de 15 jours à un an. Association Belge
des Juristes Démocrates, 13 rue P.E. Jan-
|_son à 1050 Bruxelles, tét. 02/539.08.14.
l’université des temmes…
| L'Université. des Femmes a choisi cette
année de concentrer ses conférences sur
deux courtes périodes plutôt que dé les éta-
ler sur l'année entière, il lui semble que cela
sera plus stimulant pour les participantes.
Un premier cycle commence ls 15 octobre
pour se terminer fin novembre. Un
deuxième cycle aura lieu de début janvier à
fin février. Thème retenu pour l'année: la
famille. À noter dans vos agendas. Le jeudi
15 octobre à 20h30: Modèle familial et
types de familles, une conférence de: Ber-
nadette Bawin-Legros (chargée de cours à
l'UEL). Le jeudi 22 octobre à 20h30: L'évo-
lution de la politique familiale en Belgique
par Joëlle Delvaux (chargée de recherches
à la Ligue des Familles}. Le jeudi 28 octo-
bre toujours à 20h30: L'évolution de la
famille en Belgique, un exposé d'Anne Van-
derputten {(chercheuse en sociologie au
FNRS). Et déja, pour le jeudi 5 novembre à
20h30: Les familles mono-paréntalés, par
Françoise Pissart (licenciée en s6ciologis à
l'Université de Liège). Université des Fem-
Place Quetelet à 1090 Bruxelles.
02/219.61.07.
leur droit aux allocations de chômage, sinon
définitivement, tout au moins pour une
période pouvant aller jusqu'a une année
(Art. 126, 134, Arrêté royal du 20/1 2/63).
«la faute graves invoquée par le patron
implique en effet que le chômeur soit tenu
pour responsable de sa situation de chô-
mage de par son attitude. La fauté grave est
dans l& droit social actuel une notion qui
peut recouvrir n'importe Quoi, n'importe
quelle attitude qui déplait au patron. Elle
| peut être l'interprétation par l'employeur de
| toutes adéviancés socialess. Le cas le plus
significatif est peut-être celui de ce travail-
leur renvoyé sans préavis pour faulé
graves pour avoir, comme homosexuel, pré-
: s Lis | féré subir une intérvention chirurgicale lui
tous les premiers vendredis du mois des | iéré subir une intervention chirurgicale lu
donnant le sexe féminin. Finalernent, il
obtint gain de cause en Appel (Cour du Tra-
l'ouvrer licencié sur l'héeuré, c'est qu'il
hésite à citer son patron devant le Tribunal
«ut Travail. est vrai que l'appareil judiciairé
… Ainsi, un travailleur licencié
parce qu'il ne donnait plus satisfaction
depuis le départ de sa femmés à obtenu six
mois de salaire pour licenciement abusif...
après deux ans de procédure (Tribunal du
Travail de Liége, in La Wallonie du
03/02/87). Dans le cas du journaliste de la
bruxelles
un son
différent
radio
air libre
fm 107.6
BAT, les choses sont plus claires, si l'on
peut dire, puisque comme fonctionnaire
licencié, il ne peut bénéficier d'allocations
de chômage. Seules les portes du CPAS lui
sont ouvertes. Seulement, il est évident
qu'un journaliste de l'audio-visuel est tout
de même plus armé pour retrouver du travail
qu'un simple ouvrier. À la limite, un Ministre
remercié et sans autre source de revenu
(ce qui relève presque du délire...) n'a pas
droit au chômage et 5e retrouverait en situa-
ton de demander le minimex au CPAS.
S’abaisserait- il pour autant à le faire?
Devralt-on s'en faire pour son avenir profes-
sionnel? Alors, dans cette affaire, un peu de
discernement s'il vous plaît. Jean-Marie
Renal.
semaine nord-sud
La Maison de l'Ecologie dé Mons st du Bori-
nage organise du 26 au 31 octobre 1987
une semaine de sensibilisation aux problè-
mes Nord- Sud. AL programme: une exposi-
tion, des animations de rue, la projection de
montages vidéo, des spectacles et des
soirées-débats. Pour tous renseigne-
ments: Maison de l'Ecologie, 23 rus du
Parc à 7000 Mons, tél. 065/33.75.86.
delhaize et l’apartheid
Le Comité contre le Colonialismé et l'Apar-
theid signale que la chaîne de grands maga-
sins Delhalze, en tout cas dans S& Ssuccur-
salé de Wavre, camoufle des fruits en pro-
vanance d'Afrique du Sud sous des étiquet-
tes. mentionnant de fausses origine. Des
faits semblables peuvent être communiqués
au Comité contre ls Colonialisme at
l’Apartheld, 199 avenue Molière 1060
Bruxelles, tél. 02/345.08.97.
atd quart-monde
Le mouvement international ATD Quart-
Monde fête son trentième anniversaire le
17 octobre prochain à Paris, Parus des
Droits de l'Homme. 50.000 personnes y
sont attendues, dont... 3000 Belges. ATD:
Quart-Monde vous propose de participer à
cette journée. Pour tous renssignements :
ATD Quart-Monde, 12 av. Victor Jacobs
1040 Bruxelles, tél. 02/649.16.47.
mémoires urbaines
Les Causeries Nivelloises organisent 15
jours d'exposition L'Ecologie en actions
sur le thème Mémoires urbaines, qu'avons-
nous fait de notre ville? En 1987, que
reste-t-il du Nivelles de la belle époque? Le
lundi 12 octobré, animations-débats sur le
thème: Villes et campagnes, quel avenir?
Avec la participation d'architectes, de pay-
sagistes, d'universitaires et de journalistes.
Pour tous renseignements: Causerles
Nivelloises, Bibliothèque publique prinel-
pale du Brabant wallon, 1 place Albert ?*,
1400 Nivelles.
cercle homosexuel ulb
Le CHE de l'ULB organise le 10 octobre à
partir de 18h30 une soirée d'accueil pour
les nouveaux étudiants. Le 15 octobre à
partir de 19h30, une soirée jeux de
société: découvrez-vous, sans scrupulss.
Le 22 octabre à 20h, soirée vidéo: Tenue
de soirée (obligatoire). Le 29 octobre à par-
tir de 18h30, soirée littéraire : parlons de ce
qu'on lit. Toutes ces soirées se déroulent
au 38 av. Jeanne à 1050 Bruxelles. Cercle
Homosexuel Etudiant, 38 av. Jeanne,
1050 Bruxelles, tél. 02/642.25.40,
l’art a le don des langues
Le Centre Socio-culturel des immigrés de
Bruxelles organise du 2 au 24 octobre une
exposition réunissant des artistes belges et
immigrés, dans des domaines aussi divers
que la peinture, la gravure. la sculpture et la
photographie. Une rencontre entre les dif-
férentés communautés belges et non-
belges dé Bruxelles. CSCIB, 24 av. de Sta-
lingrad, 1000 Bruxelles, tél. 02/513.96.02.
IMPORTANT: POUR CAUSE DE
POURSUITE DE LA RÉFLEXION, LA
RÉUNION DES LECTEURS PRÉVUES
POUR LE 24 OCTOBRE EST REPOR-
TÉE A UNE DATE INDÉTERMINÉE...
le centre ture libertaire lillois
À 100 km de Bruxelles
entend promouvoir dé
l'élaboration de pratiques alt LIMPULLES
rences, de débats, d'exp
le savi
disques autopraduit….…
ez-vous, les anars lillois ont créé un centre culturel qui
sspaces de libertés et de dialogues, tout en participant à
antiautoritaires et égalitaires. Lieu de conté-
ins el de crojections, le centre ani
(antimilitarisme, écologie, mouvement syndical,
ni une librairie
éducation, anarchi me, fanzinés,
. une bibliothéque de prét, une cafétariat, ainsi qu'un centre
de documentation. Au programme pour ce mois d'octobre 87. &
Samedi 10: c'est
l'inauguration. Samedi 17: en finir avec les prisons ? avec la revue Otages, le pro-
fesseur de psychologie à l'Université de Paris 8.
Syndicat des Avocats de France. Le samedi 31
dans ls métropole lilloise?
Jacques Lesage de ls Haye, le
octobre: quel avenir pour le théät
£
Avec le Ballatum-Théitre et les salariés de l'@
Lille. Pour tous renseignements: Centre Culturel Libertaire Benoit Broutcho x, 1
voiture de Bruxelles.
ps
rue du Féage, 58800 Lille, tél. 16/20.47.62
65. Lille ne 56 trouve qu'é une heure de
de la vessie au ballon.
Dans la nuit du 15 au 16 août, vers 2h45, à
la sortie de l'établissement de la rue du
Grain d'Or à Tournai, un homme de 26 ans
se sentit une irrépressible envie de se sou-
lager la vessie. Ce qu'il fit, dans le
caniveau... Survint un véhicule banalisé de
la police communale. Deux agents en des-
cendirent et prièrent le quidam de présenter
ses papiers. Le jeune homme dit qu'il ne les
avait pas sur lui. Les policiers procédèrent à
une fouille sommaire et appelèrent deux de
leur collègues pour qu'ils viennent embar-
quer cette personne qui était sous l'emprise
de la boisson, Au commissariat, le futur
beau-frère du jeune homme expliqua qu'ils
enterraient Sa vie de garçon mais qu'ils ne
faisaient rien de mal. Dix minutes plus tard,
les deux compères sortaient du bureau de
police. Le jeune homme qui avait été inter-
pellé se mit à chanter à tue-tête puis
S'appuya Sur une voiture avant de se pré-
senter à la portière. Il ne s'agissait évidem-
ment pas de sa voiture personnelle. Plu-
sieurs policiers sortirent alors et l8 ramenè-
rent au commissariat afin qu'il cuve son vin
sur place. Le matin, vers 8 h., le jeune
homme fut entendu par un inspecteur at
quitta les lieux sans plus dé difficuités.
Cette petite histoire de poivrot ne mériterait
pas d'attention si elle n'avait «joué les pro-
longations. Bruno Piens, le jeune homme
en question à en effet porté plainte auprès
du Procureur du Roi pour mauvais traite-
ments lors des quelques heures passées au
commissariat. Il a donné sa version des faits
à la police judiciaire de Tournai qui à ouvert
une enquête. Il est marié et accomplit
actuellement son service civil (ndlr: d'ojéc-
teur de conscience) dans les services du
troisième âge du CPAS de Tournai. I recon-
naît qu'il était saoul et que lors du début de
la fouille, il S'est retourné en disant «ça va
pas, non ?». Il dit avoir été victime de coups,
lors de sa deuxième intérpellation après
s'être appuyé sur une voiture dans la rue de
l'Athénée, eune voiñure que j'avais prise
pour celle de mon beau-frères assure-t-il.
Les coups sont venus lorsqu'il a été ramené
au bureau de police pour être conduit dans
une cellule afin d'y passer ls restant de la
nuit. *09s policiers m'ont pris par la bras et
les jambes, et m'ont frappé. À l'intérieur du
commissartal, l'ai ancorse reçu des coups.
ils frappalent avec le bas de la paume de la
main. Après cela, il y en ä un qui s'est
excusé et à ajouté: la voiture d'un copain
s'est sacré. Il était très nerveuxs. À 8h.
Bruno Piens a êté entendu par l'inspecteur
de permanence, M. Lemaire. Le 24 août,
une semaine après les faits, M. Piens s'est
rendu chez un médecin. ll souffrait de plus
en plus des côtes. Une radiographie a
décelé une fracture de l'arc postérieur de la
9° côte draite. Le médecin qui l'a consutité
est formel: «fl! faut qu'il y ail eu un choc vic- |
lent pour qu'une côte soit brisées. D'autre
part lé médecin indique dans un rapport qu'il
a relevé une série de traces de coups. Ils
sont tous au côté droit, cheville, genou,
côte bien sûr, coude, plus un coups à la
lèvre inférieure. M. Plans s'est alors rendu à
la police judiciaire puis a averti la presse
dans le but dit-il <que l'on sache que cela
arrive aussi à Tournai». |...) Le courrier de
l'Escaut, ter septembre 1987 (envoyé par
un lecteur).
production laitière
Quotas laitiers, primes à la réduction des
fTOUDEAUX, stocks gigantesques de beurre
liquidés à vil prix, surproductiuon de lait.
l'opinion publique est soumise à un matra-
quage constant visant à lui présenter les
producteurs de lait, beurre, fromage
comme de dangereux budgétivores produi-
sant des surplus inutiles financés par les
contribuables de la Communauté Eurc-
péenne. Le journal des Unions Profsssion-
nelles Agricoles (UPA)
cette falsification des faits. Ainsi, précise ce
journal, le beurre ne représente que 20%
des huiles ét matières grasses consomés
au sein de la CEE! Et même si l'on ajoute
les autres matières grasses produites par la
CEE, on n'arrive malgré tout qu'à environ
45% du total consommé. Le reste est
importé, la plupart du temps sans droit ni
prélèvement. Ainsi les matières grasses
sont, après le pétrole et... le boïs, la troi-
sième source du déficit budgétaire de la
CEE. L'exemple du beurre néo-zélandais
importé <à des conditions particulières»
illustré cette situation paradoxals et scanda-
leuse. Situation dont les éleveurs wallons
sont les principales victimes, pénalisés par
l85 quotas alars qu'ils ne produisent pas -at
de loin- la totalité des produits laitiers con-
sommés en Walloniel Journal des UPA, 94
rue Antoine Dansaert à 1000 Bruxelles.
Tél.: 02/511.07.37.
ABONNEZ-VOUS: 600 FRS L’AN
un nouveau débat sur
1 mouvement ouvrier ? |:
| J'ai beaucoup apprécié pendant
l’année écoulée le dossier réalisé
par Alternative Libertaire sur le
mouvement écologiste. Je crois
que la manière dont vous avez
mené la discution correspond
bien à l’idée que je me fais d’AL
et à la possibilité pour chacun de
| pouvoir s'exprimer sur un sujet
| déterminé. Dans le même ordre
d’idée, il me paraîtrait intéressant
d'ouvrir un autre dossier. sur le
mouvement ouvrier en 1987.
s'insurge contre | ll est évident, maintenant, que la haute
finance continue et augmente ses béné-
fices et Sa puissance, profitant ainsi de
la «crise économique». Doit-on encore
considérer cette crise comme économi-
que si l'argent ne cesse de remplir les
caisse de ceux qui dirigent l'économie
du pays? Il serait préférable de parler de
crise sociale puisque, grâce aux res-
tructurations, la finance se porte bien et
que le chômage, lui par contre, ne
cesse d'augmenter.
Les six derniers gouvernements (Mar-
tens | à VI) qui se sont succédés à la
tête de notre pays n'ont fait que soutenir
cette politique bancaire de restructura-
tions jusqu'à l'appliquer dans les entre-
prises d'états. || paraît actuellement évi-
| dent, que favoriser le capital, même en
espérant qu'il réinvestira en emplois,
n'est pas à même de résoudre les pro-
blèmes sociaux que le capital lui-même
a créés.
Cette politique gouvernementale a été
discutée par ce que l'on appelle en Bel-
gique, les partenaires sociaux. Y partici-
paient donc, notamment, les représen-
tants des travailleurs. les syndicats.
Ces derniers, sous prétexte de préser-
ver les emplois qui restent encore dis-
ponibles (la solution du moindre mal?)
ont acceptés cette politique (bon gré,
mal gré?), trahissant par là, leurs mem-
bres et le mouvement qu'il représen-
tent, l8& mouvement ouvrier.
Les deux grandes organisations syndi-
cales belges totalisent environ trois mil-
lions d'adhérents qui paient en moyenne
250 francs de cotisation par mois. Cela
représente un montant global arnuel de
plus où moins 9 milliards de francs. Les
travailleurs avec ou sans emploi,
doivent-ils accepter que leur mouve-
ment ne crée pas un rapport de force
suffisant et que leurs avis sur tel ou tel
point de politique économique ou
sociale ne doit être pris qu'à titre consul-
tatif.. et encore?
Je crois, sincèrement, que si les syndli-
cats faisaient peser réellement le poids
qu'ils représentent, nous n’aurions pas à
subir la domination actuelle des forces
du capital.
De toute évidence, si Jef Houttuys,
André Vandebroek, Jean Gayetot et
autres Jacques Fostier n'utilisent pas le
rapport de force qu'ils représentent,
c'est qu'ils participent eux-mêmes aux
pouvoirs. Âu pouvoir financier, car 9 mil-
lards par an, cela se gère, se place,
donc cela rapporte. Au pouvoir politi-
que, en prenant des décisions qui sont
imposées à la base, sans respect de la
démocratie vraie.
Dès lors, doit-on encore faire confiance
aux syndicats dans leur forme actuelle?
Ces secrétaires permanents de tous
genres sont-ils encore nos représen-
tants ou bien ne sont-ils plus que les
cadres supérieurs d'une société finan-
cière comme les autres? Voir à ce sujet,
leurs traitements et frais divers qui
dépassent et de loin, le salaire maximum
de leurs affiliés. Doit-on encore accep-
ter que la vraie démocratie soit bafouée
au sein de notre mouvement? Par exem-
ple. Est-il logique qu'un permanent
régional de la Centrale de l'alimentation
soit un licencié en philosophie qui n'a
jamais travaillé dans le secteur qu'il
représente? Est- il normal qu'il négocie
une restructuration d'entreprise en
dinant au restaurant avec les patrons?
Est-il logique qu'un universitaire ait
débuté sa carrière dans le mouvement,
arrive jeune au sommet de celui-ci et là,
freine les initiatives des Comités de chô-
meurs affiliés jusqu'à les considérer
ALTERNATIVE LIBERTAIRE x ASBL 22MARS
comme des «rigolos», alors qu'ils repré-
sentent 30% des membres et, par là
même, une somme assez rondelette.
Est-il normal pour les travailleurs d'une
entreprise d'accepter un délégué
imposé par le sommet, par la centrale,
et non élu par les travailleurs eux-
mêmes? Est-il logique de maintenir à la
présidence d'un comité exécutif de cen-
trale un délégué d'entreprise désavoué
par les travailleurs lors des élections |
sociales? Est-il vraiment démocratique
d'élire à un poste de responsabilité
élevé de l'organisation un candidat uni-
que, et cé, par applaudissements (les
tractations d'avant-congres avant éli-
miné les autres candidats possibles)?
Voila je crois, quelques questions qui
peuvent lancer la discution. Je pense
que le débat sur le mouvement ouvrier
aujourd'hui, en 1987, ne laissera pas
les lecteurs d'Alternative Libertaire indif-
férents. J'espère en tout cas que ces
quelques lignes susciteront quelques |
réactions que vous pourrez publier dans
vos prochaines éditions. Bien entendu, |
si besoin en était, je suis prêt à expliciter
mes exemples en donnant noms, dates
et lieux.
° Michel Sinte
20 route de Jomouton à 5100 Jambes |
alternative
libertaire
600
francs
ce ne
RER
| tion de la reproduction, Santé... :
| semaine (horaire à convenir).
| Scolaire
| détaillée sur simple demande à Diffusion
la nouvelle loi
SUMERELE Le) E
Une conférence-débat
Clallnihert
Laurence Taminiaux,
avocate à Bruxelles.
Le 22/10/87 à 20h30
à la Maison des Femmes,
29 rue Blanche 1050 Bxl
Rens.:02/538.47.73
11 novembre
journée nationale
des femmes:
bébés: nouvelle cuisine
maternités éclatées
Nouvelles Technologies de Reproduc-
tion. Insémination artificielle, féconda-
tion In vitro, transfert d'embryon, mères
porteuses.
Les prougsses médicales pour vaincre [a
stérilité tiennent la vedette. La parole est
aux biologistes, médecins, juristes, sociolo-
gues. Ces experts nous offrent discours
| éclairés, tables rondes, colloques, commis-
sions «bio-éthiques» où les femmes ne sont
pas conviées, si cé n'est à travers l'heu-
reuse image médiatique de quelques
mamans <combléess.
<Femmes in vitro», objets de recherches et
d'expériences, voilà l'unique apport qu'on
nous reconnait en cette matière.
Les femmés n'attendent pas qu'on lés y
invite pour prendre la parole sur ce sujet qui
les concerne au premier plan. De plus en
plus, individuellement ou au sein de mouve-
ments, elles s'interrogent st prennent posi-
ton. Elles 5e réapproprient les discours qui
concernent leur corps, leurs maternités, et
bien plus gncore, leur existence même.
C'est pour faire entendre quelques-unes dé
ces voix que nous avons choisi les «N.T.K.»
ét leurs enjeux comme thème de la Journée
des Femmes, ce 11 novembre.
Nous ne prétendons pas vouloir y aborder
toutes les questions relatives à ces nouvel-
les technologies. Mais plutôt faire écho de
quelques aspects de cette matière à travers
des voix de femmes complémentaires, dif-
férentes, ou même contradictoires. Bio-
technologies, eugénisme, nouvelles paren-
tés, désir ou non-désir d'enfant, médicalisa-
quelques
thèmes abordés par nos invitées. Une librai-
rie, des films, des stands, at bien Sûür vos
| interventions lors des débats complèteront
cette journée. C.D. La journée se dérou-
lera à la Maison des Femmes, 29 rue
Blanche à 1050 Bruxelles, tél.
02/538.47.73 ou 539.10.38.
| femmes battues
Réfiéchir à la relation que je vis actuelle-
ment avéc mon partenaire; réfléchir à ce
que je pourrais vivre avec lui. Que puis-je
faire, MOI, pour modifier MA place dans
cette relation? Le Collectif pour Femmes
Battues organise au mois d'octobre, un
groupe de réflexion et d'échange sur ces
thèmes. Ce groupe, qui sera animé par
deux conseillères conjugales, s'adresse à
toute femme rencontrant des problèmes
relationnels. Sa duréé Sera de trois mois à
raison d'une séance de deux heures par
Conditions
financières : 3.600 francs pour le cycle (12
séances). Pour tous renseignements com-
plémentaires et inscription, prendre contact
avec Marie-Christine CORVISIER ou
Odette SIMON au Collectif pour Femmes
Battues, t6l.: 539.27,44. 29 rue Blanche -
1050 Bruxelles.
rock à l’école
Trois fois deux heures de cours pour les
groupes d'une trentaine d'élèves, de 15
ans et plus, sur le thème des coulisses du
rock. Voilà ce que vous propose Diffusion
Alternative. Trois chapitres : les recettes du
showbizz - le rôle, la pratique et l'influence
d'un journaliste spécialisé - le métier de
musiciens (disques, concerts, droits
d'auteur, création, sponsoring...) Au menu,
la visite de l'expo-jeu <Les dessous des
Sons, le visionnement du montage audio-
visuel <C'rock-moir, réalisé sur base des
témoignages de Lio et de Klaus Klang. Mais
aussi une rencontre avec un journaliste de
la presse rock et enfin un débat animé par
Jef, le leader du groupe Gansters d'Amour.
La première séance de ce cycle est prévue
pour les établissements scolaires de
l'agglomération bruxelloise du 26 au 30
octobre 1987. Les inscriptions des écoles
sont urgéntes. À la mi-novembre, la pro-
vince du Luxembourg accueille ce projet,
principalement à Marche, Arlon et Floren-
ville. En janvier 88, ce sera au tour de la
province du Hainaut: à Beaumont, LafLour-
vière et Charleroi. L'année scolaire suivante
(88-89) sera consacrée aux provinces de
Liège et de Namur, ainsi qu'au Brabant Wai-
lon. Les enseignants, ainsi que les élèves
ou les parents qui souhaiteraient convaincre
les écoles d'accueillir cette mini-formation
recevront une documentation
Aïternative, clo Maison des Musiques, 9
ruë P.E. Janson, 1050 Bruxelles, tél.
02/538.57.58.
N° 93 - OCTOBRE 87 - PAGE 11
Empire catholique, à la tradition
antisémite séculaire, l’Autriche
s’effondre avec son ailié allemand
en 1918. Cette défaite est vécue
comme la fin d’une époque heu
reuse: celle d’un début de siècle
des lumières où les valses viennoi-
ses bercent les œuvres des Freud,
Malher, Krauss, Schnitzier, Musil,
etc. C'est une Autriche souffrant
d'amnésie qui, en 1947, refera
peau neuve avec la bénédiction
des alliés. Une Autriche kitsh, à la
démocratie tyrolienne et pay-
sanne, dont la stabilité politique et
le miracle économique provoquent
l'admiration et l’envie.
cachez ce juif...
Le Congrès Juif Mondial, fondé en 1936, est
chargé après la guerre de négocier avec l'Allems-
gne et l'Autriche les réparations dues aux vicli-
mes juives. Ces discussions seront menées Sans
difficulté avec les responsables allemands qui,
sous la direction du chancelier Adenauër, mêne-
ront une véritable entreprise de dénazification st
de Vergangenheltebewäigung -efHort douleu-
raux d'examen du p Or, lorsque Nahum
Goldmann, président du CJM, rencontre lg chan-
célier auiichien de l'époque, Julius Rasb, celui-ci
lui déclare que là situation des juifs et des Auiri
chiens était la même: victimes du nazisme. «C'est
pourquoi, ajoute N. Goldmann, je lui répondis:
justemment, cher Monsieur is Chancelier, la rai
son de notre présence ici est de déterminer côm-
bien d'argent les juifs doivent aux Autrichiens».
L'anecdote, féroce, illustre les particularités de la
relation entre les juifs et l'Autriche, Aussi bien,
plus personne en Autriche ne se souviéndrä que
tout Vienne était massée sur les trottoirs, pour
acclamer Hitier, natif du pays, lors de 44 joyeuse
entrée. Personne ne se souvient de cette propo-:
sition de loi déposée par un député conserva-
teur, Walter Richl, selon laquelle on devrait cäs-
trer les juifs ayant eu des relations sexuelles avec
une aryenne. Ni que des ratonnades, pillages de
commerces, tabassages de foules ont lieu tout
au long des années "30 sous le regard approba-
teur du passant. En fait, un certain nombre d'his-
toriens affirment que l'antisémitisme sutrichien a
éte plus virulent, plus violent que son corrakaire
eemand.
Les manifestations résiduelles de cet antisémi-
tisme, après la guerre, seront d'ailleurs autre:
ment plus spectaculaires. Les procés-parodie de
criminels nazis autrichiens Scandifiserent le
monde entier. Franz Murer, assassin des juifs de
Vilna, est acquitté par le tribunal de Graz Eric
Fajakowitsh, adjoint d'Eichmann, responsable de
la déportation de dizaine de milliers de juifs hol-
landais, est condamné à deux ans ef demi de pri-
son. Plus près de nous, ce sont les diñigeants du
Parti populiste (OeVP, conservateurs) qui sou-
Fennent la candidature de KW, qui déclareront:
«Les représentants du CJM ne savent pas quel
mal ils font à leur propre cause et à celle de la
communauté juve d'Autriche». Répondant peut-
être en cela à un sentiment populaire selon |
lequel: des socialos et les Juifs vont main dans
main, une fois de plus.
l'incarnation ;
d’une destinée
<Nous, Autrichiens, élisons qui nous voulons»
praclament les affiches conservatrices. D'autres
précisent encore, après que les révélations du
CJM eussent été particulièrement accablantes :
«alors justement maintenant». On est d'accord,
dans l'entourage de KW, pour dire que catte
campagne est le fruit d'une volonté d'ingérence
de «l'étranger», et chacun sait ce Qu'E y a à com-
prendre derrière ce mot. On ne peut cependant.
hors d'Autriche, s'imaginer à quel point ia per:
sonne et ls carrière de KW sont une incarmration
de la destinée de toute la nation. Et c'est Wal-
dheim lui-même qui met les points sur les i,
appostrophant l'opinion en disani: si je suis un
criminel, vous l'étas tous. Concevrät-on que le
futur dirigeant suprême d'un pays, ici, en France,
ou même en Allemagne, puisse déciarer qu'en
collaborant avec l'occupant ennemi (puisque |
l'Autriche a été la «première viclime du nazisme»),
il n'a «fait que Son devoirs ?
les «oberbayerns»
innocents
Ceux d'entre nous qui ont vu le fin «Cabaret: Se
souviennent de cette scene terrible où l'on voit,
dans là verdoyante campagne, une fête de la
bière apparemmént bonhommeé, 36 transformer
en célébration guerrière de la germanité. Qu'y a-
t-il derrière l'image tranquille d'une Autriche pros-
père et sans passé? Aujourd'hui, Communauté
nlernalionele se pose la question. C'est une gif-
fle à toute la nation autrichienne. C'est le prix à
payer pour trente années d'amnésie collective.
Malheureusement, À ne semble pas que l'Auiri-
ché se dirige vers une rupture authentique avec
son Passé, vers Un avenir commun à toute
l'Europe. Malheureusement, Îles organisateurs
d'Europalña ne semblent pas 36 soucier, plus que
le président autrichien, de la vérité historique.
Serge Noël
en marge d ‘europalia autriche 1987,
l'affaire waldheim ou le...
mensonges, oublis, trous, contradictions.
le dossier de la défense...
* . Porte-parole de la présidence autrichienne,
Gérold Chrishan areconnu, en octobre 1986, que
Kurt Waldheim (K\W} avait «commis une erreur
dans sa biographie et que, contrairement à ses
déclarations antérieures, Ü avait bien été affecté
dans les Balkans à partir dé 1942, dans une
région et à une époque où dés massacres ont été
perpétrés. par les nazis.
e 2. ell est difficie de se souvenir d'événements
datant de près d'un demi-siècle». KW
» 3. Le 12 avri 1986, le Congrès Juif Mondial
(CJM) publie des documents montrant que KW a
pas part à des opéralions de représailles contre les
partisans yougoslaves dans là région de Kozara en
Bosnie. Jusqu'alors, KW niait s'y être trouvé.
Devant l'évidence des preuves, Gerold Christian
déclare, le 30 octobre 1986, que des <recher-
ches complémentaires permettaient de conclure
que le lieutenant KW se trouvait bien dans la
région de Kozara, mais «sans participer directe-
ment aux combats. Il était chargé de l'approvision-
nement dés troupes». Une semaine plus tard, le
même Christian revenait sur sa déclaration: KW
s'est trouvé dans la région pour une «très courte
période» et en est parti dès le début des opéra
tions. Ce fait à son importance, ét on y reviendra
encore: il porte sur des événements qui ont eu |
lieu pendant l'été 42. Au cours de vastes opéra
tions de nettoyage et de représailles, tous Î8s villa
ges/de la région des montagnes du Kozare ont êté
détruits, ncendiés, plllés. La ponutation civile - soit
80.000 personnes- a été tuée ou déportés. Le
dossier d'accusation transmis en 1947 par la You-
goslavie à la Commission des crimes de guerre de
l'ONU, et demandant des poursuites contre KW,
repose sur la conviction que celui-ci était présent
sur le théâtre des opérations et y a pris part dans
le cadre de ses fonctions. En avril 1986 KW, dans
les colonnes de ia <Républicæ, admet avoir été
présent dans la région, mais prétend qu'il a «passé
son bemps à jouer aux cartes avec le général italien
Espositor.
+4. «Je n'étais qu'un pelit bureaucrate de
l'armée». KW
« 5, dl n'y avait pas d'interrogatoires dé prison-
niers de guerre où de partisans au QG de l'armée
allemande d'Arsaklis.
« &. La rumeur sur le passé de KW s'explique par
«la grande influence du CJM, sur les médias amé-
ricains notamments
s 7_ «l'antisémitisme n'est pas un problème en
Autriche». KW
«+ 8. Pourquoi avoir caché qu'il a servi dans les
Balkans: «ll n'y avait pas de raison de le raconterz.
+ 9. KWesl un «grand patriote qui a fait Son devoir
et qui est la victime de machinalions». Helmut
Konl
e 10. «Si je suis un criminel, vous étes tous des
criminels». K
« 11. «Je n'ai fat que mon devoir, comme des
centaines de millers de mes compatriotess. KW
* 12. «Je reconnais notre responsabiité partielle
dans le régime nazi. Des choses terribles ont eu
lieu pendant ces années de l'ère hiflérienne, et
nous én portons tous une responsabälté cam
mune. Mais le soldat indmiduel qui servait eur le
front n'était pas un criminel», KW
« 13. Après avoir nié avoir rien su des atrocités-
nazles dans les régions où 1 servait (d'élais à six
kilomètres de läs, emma fonction se bornait à celle
d'un simple interprète»), KW admet avoir eu cor
naissance des faits, dans une Interview au «New
York Times» d'avril 1986: «Je le savais, mais je
savais aussi qu'un grand nombre de soldats aile-
mänds étaient pris au piège et exécutés dans de
semblables conditionss.
* 14. «J'ai la conscience propre». KW
e 15. «Je ne pouvais pas refuser dé participer à |
certaines activités du mouvement national-
socialiste, si je voulais poursunré mes études et
survivre politiquement». KW
s 16. J'étais un soldat honnète et je n'ai jamais
fais partie d'une organisation nazie, que ce soit la |
SA ou la fédération des étudiants allemands de |
cette époques. KW
° 17. «À l'époque, je n'ai rien su des déporta-
tions de juifs grecss. KW
s 16. En avril 1986, KW admet savoir délibéré-
ALTERNATIVE LIBERTAIRE %x ASBL 22 MARS - N° 93 - OCTOBRE 87 - PAGE 12
ment accepté de participer aux activités du NS
Reiterkorps (cavalerie nazie) et d'une organisa-
tion estudiantne à l'académie consulaire de
Mienne avant l& guerré., J'ai eu du rnal à terminer
mes études, alors je me suis dit, je peux y partit
per cela me pérméttra de rester ii sans étre aite-
qué, n'y à pes de mal à Ga.
e 19. «le temps est venu d'en finir avec ces
choses-lä». KW
+20, Le CJM, «composé de fonctionnaires
grassement payés» a <lamentablement échoué»
dans sa campagne de «calomnies, accusations et
méchancetés». KW
» 21. «Je n'ai jamais pris part à des actions milt-
taires contre les partisans vougoslaves». KW
e 22. Le dossier qui devait <mnocenter KW,
selon Gerold Christian, établi à partir du compte-
rendu d'une +enquête de routine ouvérte par la
police autrichienne en 19462, sur KW qui était
candidat à un poste au ministère des affaires
étrangères -enquêle avant démontré que KW
«n'avait aucun passé n&b, ce dossier «a disparu
des archives» déclare le ministre des affaires
étrangères.
+ 23. «J'ai bonne conscience, et VOUS POUVez |
avoir confiance en mois. KW
+ 24, Un Livre Blanc est présenté à la presse en
avril 87 par les amis de KW. «Ce n'est qu'une |
sbième version des faits, écrit I& «Mondes, tour |
tes les précédentes avant été rendues caduques
par le travail des journalistes»,
promiscuité
indésirable
| interviewé per le «Soir», KW démentira avoir
«sondé les Belges au sujet de sa participa-
tion personnelle. Il conclut: «il y a tant de liens
historiques entre la Belgique et l'Autriche: si
une manifestalion était justifiée, c'est bien
celle-là, Lés expositions aideront certaîne- È
ment à une meilleure compréhension de nos
culiures et Ilusireront de manière conuain-
cante, même touchante, je crois, lés ralà-
tions amicales de deux pays très proches par
le cœurs. Cette déclaration sereine, satisfaite,
donne une idée de l'image de l'Auiriche qui
nous est proposée par Îles organisateurs
d'Europalia. L'escamotage du malaise “Val
dhéeim empêche les organisations juives qui
s'y étaient préparées, de manifester leur
1 désapprobation
ndrome de la mérn
Pourquoi faire un fromage de cet Europalia Oster-
reich 87, alors que les manifestations des années
précédentes nous avaient laissés plus ou moins
indifférents ? C’est que l’Autriche, ce n’est pas
n'importe quoi. Après avoir joui pendant 30 ans
d’un prestige international peu commun, elle souf-
fre depuis 2 ans d’une image trouble et inquiétante.
Que l’on offre de la culture des pays européens invi-
tés à Europalia, un panorama angélique et sans
aspérités, c’est une mauvaise habitude. Quand il
s’agit de l’Autriche, cela devient un scandale. Réa-
lisé par Serge Noël, à partir d’une documentation
de presse réunie par le MRAX, nous vous livrons le
dossier.Tant celui de la défense que celui de l’accu-
sation, reprenant les éléments principaux de la
polémique autour du passé récent de l’Autriche et
de son président.
NANTAIS TE TEL TS
‘4
LA
21
£
À
DER AA LA UTILE LE UT CE
Kurt Wafdheim ffléché}, avec un aéropage d officiers allemands en juillet 1943 à Athènes. Au premier plan fe général Felmy, cp à FOREST
Étirepalla: l’autruche triche
En mai 1987, M. Tindemans (ROUES “Le fait de ne pas avoir invité le prési-
dent autrichien à Europalia n'a rien à voir avec l'interdiction faite par le gou-
vernement américain à Kurt Waldheim de se rendre aux Etats-Unis en tant
que personne privée». C'est pourtant à l'issue de plusieurs semaines de
manœuvres, de déclarations, de démentis, entre Vienne et Bruxelles, que le
roi réserve son patronnage, si KW participe aux manifestations d'inaugura-
tion. Embarrassé, le gouvernement s’appuyera sur la «tradition d'Europalia»
qui ne prévoit pas la présence des chefs d'Etat -ormis les souverains espa-
gnols et hollandais «amis de la famillen royale belge. Waldheim a-t-il
demandé à être invité ? Un long article du «Morgen» l'atteste, «tissu de men-
songes» s’'ajoutant à la campagne internationale de diffamation, dira-t-il. Le
gouvernement restera lui étrangement silencieux.
Reste un point délicat: le co-patronage des festivités par la présidence autri-
chienne. À côté du nom de Baudouin ler, on mentionnera: «Le président de
la République d'Autriche», sans signaler qu'il s’agit de. Kurt Waldheim.
ABONNEZ-VOUS: 600 FRS L’AN AU COMPTE 001-0536851-32!
document
Pourquoi faire un fromage de cet Europalia Oster-
reich 87, alors que les manifestations des années
précédentes nous avaient laissés plus ou moins
indifférents ? C’est que l’Autriche, ce n’est pas
n'importe quoi. Après avoir joui pendant 30 ans
d’un prestige international peu commun, elle souf-
fre depuis 2 ans d’une image trouble et inquiétante.
Que l’on offre de la culture des pays européens invi-
tés à Europalia, un panorama angélique et sans
aspérités, c’est une mauvaise habitude. Quand il
s’agit de l’Autriche, cela devient un scandale. Réa-
lisé par Serge Noël, à partir d’une documentation
de presse réunie par le MRAX, nous vous livrons le
dossier.Tant celui de la défense que celui de l’accur-
sation, reprenant les éléments principaux de la
polémique autour du passé récent de l’Autriche et
de son président.
PUS
ec un séropage d'officiers allemands an juillet 1948 à Athèñes.
Europalia: l’autruche triche
En mai 1987, M. Tindemans confiait: «Le fait de ne pas avoir invité le prési-
dent autrichien à Europalia n’a rien à voir avec l'interdiction faite par le gou-
vernement américain à Kurt Waldheim de se rendre aux Etats-Unis en tant
que personne privée». C'est pourtant à l'issue de plusieurs semaines de
manœuvres, de déclarations, de démentis, entre Vienne et Bruxelles, que le
roi réserve son patronnage, si KW participe aux manifestations d’inaugura-
tion. Embarrassé, le gouvernement s'appuyera sur la «tradition d'Europalia»
qui ne prévoit pas la présence des chefs d'Etat -ormis les souverains espa-
gnois et hollandais «amis de la famille» royale belge. Waldheim at-il
demandé à être invité ? Un long article du «Morgen» l’atteste, «tissu de men-
songes» s'ajoutant à la campagne internationale de diffamation, dira-t-il. Le
gouvernement restera lui étrangement silencieux.
Reste un point délicat: le co-patronage des festivités par la présidence autri-
chienne. À côté du nom de Baudouin ter, on mentionnera: «Le président de
la République d'Autriche», sans signaler qu'il s’agit de... Kurt Waldheim.
ABONNEZ-VOUS: 600 FRS L’AN AU COMPTE 001-0536851-32!
Au premier plan le général Falmy, condamné à Nuremberg.
témoignages, rapports, photos, enquêtes...
et celui de l’accusation!
+ 1. Documents publiés le 16 octobre 1986 par
le CJM (Congrès Juif Mondial): d'Oberleutnant
Waldheim aurait été à l'origine de repésailes
massives contre les populations civiles de Bosnie
et de Macédoine.…, à l'origine d'exécutions
d'otages dans la région de Sarajevo, dela mise à
mort de prisonniers de guerre, de l'incendie de
vilagéss.
« ?. Documents allemands publiés par le «Was-
hington Post» le 30 octobre 1986: KW était l'un
des officiers de l'état major du général Von Stahi,
recommandé par lui par KR distinction de l'ordre
de Svonimir pour sa «bravoure contre les rebelles
au printemps et à l'été 42», distinction assortie |
des feuilles de chêne, pour bravoure «sous le feu |
de l'ennermnis.
+ 3. Un rapport établi par Îs député conservateur |
britannique Robert Rhodes Jimes, attestant la
disparition de six commandos britanniques qui
faisaient partie dun groupe de militaires interro-
gés par KW en qualité d'officiér des renseigne-
ments.
e 4, Un télégramme confirmant lss projets de
représaile contre les partisans grecs, signé par
KW en date du 6 septembre 1944.
+ 5. Le rapport de la Commission d'enquête you-
guser. des documents émanant de l'état major
u groupe d'armée de la Werhmacht commandé
pér ke généra Loehr -fusilé pour crimes de
guerre en 1947, des témoignages de prison-
niers de guerre, le. tout administrant la preuve qué
KW participait activement à l'étahoration et à la
mise en œuvre de représailles contre la populs-
tion civile, exéculions d'otages, la destruction de
Villages».
s G, Témoignage d'un officier allemand. Le 17
décembre 1947, Johann Mayer, officier alle-
mand compagnon de KW, témoigne devant la
Commission des crimes de qguere yougoslave
disant qu'il avait servi dans le même commande-
mant. KW «avait les fonctions d'un officier de ren-
seignement (comme Barbie à Lyon, ndlr) et à ce
titre, il a suggéré à son officier Supérieur l'organi-
sation de représailles brutsales contra les otages
et prisonniers cils». Les officiers de renseione-
ment, souligne Mayer, étaient responsables de
toutes les questions de représailles. 1! cite l8 cas
de civils exécutés à Sarajevo en 1944, en raison
de la désertion de soldats allemands: «L'ordre
d'exécution a été donné par le département des
officiers du renseignements.
* 7. Document publié le 23 septembre 1986 per
le CJM. Daté du 28 novembre 1944, ce docu-
ment, trouvé dans les archives nationales US,
prouve que KW à organisé la distribution de
tracts destinés aux troupes soviétiques, portant
les déclarations: <asséz dé là guerre juiveh et |
«tuez les juifs et passez de notre côté».
+ 8. Photo publiée en mars 1986 par un journal
néo nazi ouest-allemand. Cette photo, datant de
1936, montre KW participant à une parade de
l'Union des étudiants nazis à Vienne.
« 9. Document retrouvé dns lés archives natie-
nales US. Ce document daté du 48 janvier 1844
contient des notes manuécrites de KW montrant
qu'il exerçait véritablement les fonctions d'efficier
de renseignement, avec des pouvoirs étendus. Il
y discute entre autres l'évaluation en hommes et
en armes des forces de la Résistance grecque.
* 10. Lettre datée du 15 février 1944, précisant
les tâches de KW, lui confiant la responsabilité
des documents secrets de l'état major, notam-
ment lés comptes rendus d'interrogatoires de pri-
sonniers et un journal dé bord du groupe
d'arméer. Cette lettre prouve que KW exerçait
ses activités sous la référence OS -officier
d'ordonnance numéro 3. À ce titre , Il était ehabi-
lité secret» et avait connaissance de tous les
documents classés secrets par le Haut Comman-:
dernent.
« 11. Rapport interne des services de contre-
espionnage allemands (Abwehr) daté du 22 sep-
tembre 1944: le QG des services de renseigne-
ment en Grèce -dont KW était le chef-adjaint-
ordonne pour les demières semaines de juitet
1944 la déportation vers Auschwitz de 2.500
juifs grecs de Crète et de Rhodes. Tous sont
morts dans les chambres à gaz à partir de la mi-
août.
* 12. Compte rendu d'un interrogatoire date du
6 mai 1944. Deux officiers et deux soldats bri-
tanniques sont interrogés au QG d'Arsakli
(Grèce).
s 13, Soutenant sa thèse de doctorat en droit
consacrée à Konstantin Franz, homme d'Etat
prussien pangérmaniste dont Hitler consellait la
lecture, KW émet en 1943 l'idée d'un Anschiuss
dé la Belgique, des Pays-Bas, du Luxembourg et
de la Suisse au «Grand Réichs.
s 14. Rapport de la police secrète militaire alle-
mande. Le 10 novembre 1943, un rapport
classé «secret: passe par lès services de rensei-
gnement du groupe E du Haut Commandement
de l'armée allemande. Ce rapport est visé par
KW. I s'agit d'un projet de renversement du gau-
vemement grec et de liquidation des communis-
tes de ce pays.
s 15. Lettre à la Chambre des Communes de
Frank Knotley, ancien prisonnier dé guérré bri-
tannique dans les Egikans: KW a eassisté au
transport de caciavres de prisonniers exécutés»
par l'unité où il était responsable dés sinterroga-
toires qui se terminaiént généralement par la mort
des détenus».
« j6. Trois témoignages israsliens révélés par
Yilzak Modaï, ministre de la Justice, en juin
1986. Le premier témoin affiime avoir vu KW
battre son frère à mort à Salonique, après l'avoir
dépouillé, Le deuxième témoin l'a vu infliger des
sévices à un civil en Serbie. Yossef Weil était
astremt aux travaux forcés dans le quartier des
bureaux allemands. Il était logé avec d'autres
dans un grenier au dessus du bureau rie KW. l se
souvient d'une chambre de torture attenante à ce
l bureau, dont KW oarcdait la claf sur lui.
« 17. Un ordre d'exécution de cinquante otages
vougoslaves pour chaque soldat allemand tué,
est signé par KW le 8 décembre 1943.
«+ 18. Les troupes allemandes entrent en Autri-
che le 12 mars 1938. C'est le 1er avril, deux
semaines plus tard, que KW s'afflie à la Fédéra-
tion des étudiants nazis, Le 18 novembre il
adhère à un groupe de cavalerie affilié à l& SA.
s 19. La liste des membres de l'état major du |
général Alexander Loehr. KW y figure en 14ème
position, chargé de missions spéciales: et
d'anterrogatoires de prisonniers».
+ 20. Document daté de juin 1944, montrant
que KW participe à l'organisation dé d'opération
Viper»: destruction de villages, utilisation d'ota-
g8s.
* 21. Documents secrets de l'armée allemande
retrouvés dans les archives américaines ét
publiés le 28 mai 1986 par ls CJM. Ces docu-
ments montrent que KW participait à des rêu-
nions où la question de l'utilisation des otages,
pour prévenir des opérations de sabotage, était
examinée. On y élabora d'opération Viper» -nom
de code d'un programme de «nettoyage» des
zones de résistance en Grèce. Un document
| daté du 20 mai 1944 indique que KW propose
d'entasser des otages à l'avant d'un convoi ferro-
vière traversant le Péloponèse. Dans un autre |
document daté du 13 juin 1944, KW fait un rap-
port sur le travail forcé en Grèce.
« 22. Le rapport complet de la Commission des
crimes de guerre de l'ONU, daté du 19 février
1948. Ce texte porte le numéro 79/724. Le cas
KW, sous le code RN684, y est examiné. On cite
six témoignages de prisonniers de guerre. Ce
rapport conclut: «Les preuves sont suffisantes
pour justifier une poursuite de KW devant les in-
bunauxs, notamment pour <meurtrés ét exécur
tons d'otages». KW y est classé sous la mention
<type A», qui est la plus grave édictée pér cette
commission (d'autres type À»: Eichmann, Bar-
bie, Mengele).
* 23. Un rapport signé par KW sur l'intérroga-
toire de sept Britanniques ét trois Grecs capturés
en Mer Egée. Ce rapport conclut qu'un nouvel
interrogatoire <serait infructueux, à la suite de
quoi les détenus Seront confiés à la police
secrète pour <ratement spéciah, c'est-à-dire
exécution.
+ 24. Plusieurs rapports signés par KW, où il est
fait état d'un srenforcement des activités des
bandits sur la route entre Slip et Kocane en
Macédoine. C8s rapports, datés du 12 octobre
1944, précèdent de deux jours lé déclenche-
L'Oberlieutnant en 1944 en Yougoslavie
ment de représailles dans là région contre trois
villages (Krupice, Gorni Balvan, Cioinui Balvan) qui
seront brûlés. 114 personnes, femmes et
enfants compris, trouveront la mort. Un des rap-
ponts indique per ailleurs les «pertes ennemies»
pour la période: 799 morts, $4 prisonniers,
parmi les <bandits yougoslavess.
+ 25. La transcription d'une communication télé-
phonique datée du 22 septembre 1943. La res-
ponsabilté de KW dans l'envoi de millier de pri-
sonniers italiens et grecs dans des camps de tra-
val allemands y est manifeste. KW précise que
27.000 Itdiens ont déjà été rassemblés à Alhè-
nes par son détachement. || ajouté qu'en octo-
bre, son groupe aura «rempli sa mission». est de
fait que sur un 1.500.000 déportés fialiens,
après la reddition fälienne du 8 septembre
1943, le groupe de KW en acheminera à [ui seul
100.000, soit un quinzième, Ce groupe n'est
pourtant constitué que de vingt officiers.
+ 26. Les listes des criminals de guerre (36.000
noms) tenues secrètes dange lés archives de
l'ONU. La 7S# liste comprend le nom de KW et
indique: «Cette personne est recherchée pour
rneurtres et prises d'étagésr.
° 27. Un dossier signé par KW et daté du 18 juil-
let 1944 à Salonique, fait état d'intemogatoires
de deux Britanniques en juin 1944.
+ 28. Un mémorandum de douze pages est
publié par le fils de KW, Gerhard Waldheim. Peu
après sa publication, celui-ci admet avoir modifié
certaines dates sur la copie du document. Ainai,
dans celte première version, KW est arrivé à
Salonique en juillet 43, deux mois après les raf-
fes et la déportation de 40.000 juifs. Après rec-
tiflcation, KW est sur les lieux dès avril, au plus
fort des opérations.
° 29, Le témoignage de Yehoshous Matza, qui
affirme avoir été baftu par KW en Grèce en mars
1943, aprés que celui-ci l'eût dépouitlé. il l'a
reconnu eur les photos en uniforme publiées
récemment.
* 30. Un rapport signé par KW et daté du 11
avril 1944, Lu au procès de Muremberg k& 18
août 1947, ce rapport a permis d'établir la cuiper:
bllité de neuf officiers nazis dans le massacre
massif d'étages, l'incendie de centsines de villa-
ges dans les Balkans.
e 31. Un rapport secret daté du 11 avril 1944,
signé par KW, appartenant à l'acte d'accusation
NOKW-935 du procès de Nuremberg. Ce rap-
port établit l'organisation de la liquidation des
communistes à Athènes.
* 32, Documents publiés en avril 1986 par le
| quotidien du parti socialiste autrichien, <érbeiter-
| zeitungr. Ges textes montrent que KW a servi
dans une unité impliquée dans la déportation des
40.000 Juifs de Salonique. Produits au procès
des criminels de guerre d'Athènes, ces docur-
ments indiquent que l'unité de KW avait aussi la
responsabilité d'un camp de concentration à
Salonique,
+ 39. Six accusations sont formulées par le
ministère américain de la Justice, aboutissant à
placer KW sur la liste des personnes interdites
aux USA:
- remise aux 55 de civils pour exploitation à des
travaux forcés;
- utilisation de propagande antisémite;
- déportation de civils vers des camps de con-
centration et d'extermination;
- représailles contre des otages et des civils;
- déportation de jufs de diverses régions grec-
es:
- sévices infligés à des prisonniers alliés,
s 34, Des projets de lextes signés par KW
ayant servi à la redaction de tracts antisémites
diffusés en 1944 à 100.000 exemplaires, par
l'unité de propagande du groupe d'armée E où
servait KW
* 35. Une commission indépendante d'experts
commence ses travaux en septembre 1987. Elie
est composée de cinq historiens (un Américain,
un Britannique, un Allemand, un léraélien et un
Belge]. L'expert belge est M. Vanwelkenhuysen
directeur du Centre de recherches et d'étude
historique de la Seconde guerre mondiale. Cette
commission à laquelle les experts participent à
titre privé, remettra un premier rapport provisoire
fin octobre au gouvemement autrichien. Le gou-
vernement yougoslave, qui détiendrait, selon
Simon Wiesenthal, les preuves définitives de la
culpabilité de KW, n'y est pas associé.
Un article réalisé sur base du dossier de
presse consultable au Centre de docu-
mentation du MRAX, 37 rue de la Poste à
1210 Bruxelles, tél. 217.56.94.
ALTERNATIVE LIBERTAIRE * ASBL 22MARS - N° 93 - OCTOBRE 87 - PAGE 13
Premier élu, La Maison du Dr Zack,
par Renaud et Dufaux, soit la suite de
Souviens-toi d’ Enola Gay, paru en
février dernier et très bon également.
Rappelons les faits. L'amant de Jessica
Blandy s'étant fait descendre, Gus
Bomby (un privé) et Robby (un flic
vicieux) pataugent, l'enquête n'avance
pas. La seule piste, une espèce de
géant chauve : qui liquide une série de
personnes n'ayant apparemment
aucun lien entre elles. L'album se termi-
nait là-dessus. Dans ce second (et der-
nier) tome, l'intrigue se précipite et
s'éclaircit rapidement. Ne voulant pas
déflorer ici toute la saveur de cet
album, je renvoie le lecteur à cette BD
dynamique, aux dessins très fins
(même si très classiques) et au décou-
page plus qau'agréable. Assez de
fleurs. L'album est édité par Novedi.
tango
Trente-cinquième album de Pratt et
dixième album des aventures de Corta
Maltése: Tango. Issues de la <haba-
nera» cubaine &t de la «milongax créole,
les premières expressions musicales
du tango remontent à plus d'un siècle.
La décennie 1880-1890, charnière
entre l'Argentine archaïque et la
moderne, se fit le décor de pas mal de
changements: modification de l'archi-
tecture urbaine, de la manière de par-
ler, les spectacles, de la mode et
même de la facon de faire l'amour.
Grâce au tango, on découvrit la «séné-
galaise, la conque florentine et le va-et-
vient liguriens (pour les détails, se
reporter à l'explicatioon de Praît en fin
de volume).
Les thèmes principaux du tango:
l'amour, la trahison et la mort. Présents
dans la plupart des albums de Corto
Maltese, ces thèmes prennent ici une
ampleur particulière. Dans le Buenos
Aires du début du siècle, qu'il retrouve
après quinze ans d absence, Gorto
cherche à retrouver la fille de Louise
Braokszowyc, une femme assassinée
et qui pourrait avoir été la maîtresse de
Corto {le douté plane) -auquel cas
cette fille pourrait être celle de Corto.
Le tout dans un style on ne peut plus
classique et sur fond de proxénètes,
de police politique, de secte, de souve-
nirs nostalgiques et de tango évidermn-
ment. Ed.Casterman.
tonton
Depuis que Marcel Dassault est mort,
sous la plume de Régis Franc, Tonton
Marcel est devenu Tonton tout court, le
président de tous les Français. Un pré-
sident qui depuis quelque temps
regarde de haut la cohabitation avec
son prémier ministre-frère ennemi et
surtout l'auto-déchirement de la maio-
rité de droite. Tous les gags de
R.Franc, dans ce premier recueil
Cohabitation, sont inspirés par l'actua-
lité qui est d'ailleurs une source assez
inépuisable de gags. Que ce soit les
bavures de Pasqua, l'éternel non-
retour de Giscard, ou les coups fourrés
de Barre. Tout le monde en prend plein
la gueule, surtout Chirac, mais pas Ton-
ton qui imperturbablement demeure au-
dessus de la mêlée. Pourvu qu'il se
représente, car nous perdrions là un
héros de bande dessinée tout à fait
savoureux. Vivement les élections.
Ed.Casterman.
avec l'automne,
c'est...
Comme les feuilles d’automne,
pelle. Et il y en a comme d'habitude pour tous les goûts.
les albums tom
1bent à la
philo-pirate
Multipliant décidément toutes les atta-
ques possibles et imaginables contre
tous les systèmes, Francis Masse est
un drôle de personnage. Très rebutant
de par son graphisme fouillé et de par
le lettrage de ses phylactères encore
plus fouillés (fouillis?}, il mérite cepen-
dant que le lecteur s'attarde à décryp-
ter ses cases, car elles révèlent un
humour très fin' et surtout très absurde.
Poursuivant ses réflexions philosophi-
ques entamées dans Les Deux du Bal-
con, Masse plonge à présent dans La
Mare aux Pirates. Des pirates bien
particuliers dont le passe-temps favori
est de deviser sur les finances mondia-
les, le sida, la fécondation in vitro, ou
encore sur la guerre des étoiles. Quel
monde absurde vivons-nous?!l
Ed.Casterman.
angoisses
Tant qu'on est dans les bateaux,
embrayons sur une histoire de
bateaux... Celle de Cori le Moussail-
lon & embarqué dans L'expédition mau-
dite. Dessinée par Bob de Moor, cette
série connut le jour en 19511! Après
plus de vingt ans, Bob de Moor la
reprend (en 77) et livre aujourd'hui le
quatrième tome de ces aventures d'un
autre siècle, avec un dessin un peu
hors du temps lui aussi mais qui au fil
des pages séduit le lecieur de par son
classicisme parfois un peu nalf mais qui
a fait ses preuvés.
Cette fois, Cori est entraîné dans le
Grand Nord. Et l'équipage dont il fait
partie refera par hasard le même che-
min qu'a emprunté quelques années
plus tôt un navire persuadé d'atteindre
la Chine en passant par la Scandinavie
et la Russie. Un chemin qui réserve
bien dés surprises. Mélant avec art
paysages nordiques (les 3 premières
planches valent à elles seules le
détour) et rebondissements fantasti-
ques (avec force monstres et autres
apparitions), Bob de Moor prouve ici
qu'il tient K& forme. Et la grande cette
fois...Edité par Casterman, cet album
existe également en version luxe,
numérotée et illustrée (2.800 F}.
Moment
tel père,
tel fils
Restons dans la famille avec le fils De
Moor, Johan de son prénom. Artisan
de la reprise des Quick et Flupke,
après quelques courts récits parus
dans diverses revues à tirage restreint,
Johan de Mocor s'est allié à Stephen
Desberg (scénarios pour e.a. Tif et
Tondu, 421,...} pour créer Gaspard
de la Nuit, une série prometteuse dont
le premier tome s'intitule De l’autre
côté du masque. Débutant avec des
dessins très Quick et Flupke et donc
très hergéens, l'album va très vite tom-
ber dans le fantastique moyenâgeux
aux références multiples.
Dérobant un masque chez un voisin,
Gervais va ainsi dérober sans le savoir
Gaspard de la Nuit réduit à l'état de
masque par un maître masquéreur
habitant dans un autre univers. Un uni-
vers auquel on n'accède que via un
cercle lumineux, sorte de sas entre là
réalité et le rêve. À condition que celui-
ci ne se transforme pas en
cauchemar. (Ed.Casterman).
djazze !
En Belgique parce que ce second
Belga Jazz Festival se déroulera à la
fos À BrEReE, Gand, Bruges, Anvers,
Heist, Neerpeit, Courtrai, La Louvière,
Liège, Tournai, Louvain-la-Neuve, Ver-
viers et Florenville, avec une incartade
au Luxembourg. Excusez du peu.
Les plus gros événements de cette
année? Cab Calloway and the Cotton
Club Revue évidemment le 5 novem-
bre au Cirque Royal (il n'est plus venu
en Belgique depuis 1936 et il a
aujourd'hui 80 ans!), Sonny Roillins le
27 oct. à Liège, ou encore Mike et
Randy Brecker à L-L-N le 29 octobre.
Tous les concerts ne pouvant être
repris ci-dessous, voici quelques sug-
gestions pour ce mois-ci. La suite en
novembre.
En ouverture le 14, Paolo Conté au
Cirque Royal, cet avocat-crooner qui
pratique un nostalazz des plus raffinés,
et George Adams/Don Pullen Quartet
à Bruges. Déjà présent l'an dernier, ce
groupe présentera une véritable ency-
clopédie du jazz de ces vingt dernières
années.
Le Chico Hamilton Quartet ensuite,
après 10 ans d'absence, à Anvers les
Trente jours, cent concerts ,et cinq
cents musiciens, le jazz sera roi en
Belgique du 14 octobre au 14 novem-
bre.
14 et 15 et à Bruxelles les 16 et 17.
Un peu de musique brésilienne aussi
avec Gilberto Gill 15 à l'A.B.} dont
on se rappelle le triomphal concert l'an
dernier sur la Grand-Place ou cet été
au Sfinks Festival.
Le 17, David Murray et son trio, un
musicien récompensé l'an dernier par
le titre de plus inventif musicien de jazz
moderne de l'année Miles Davis bien
sûr, l'homme de tous les coups,
l'empereur du jazz, mais cette fois à
Anvers -il est venu quatre fois de suite
à Bruxelles- le 16.
Ensuite, le 18 à Bruxelles, le 20 à
Liège et le 21 à Anvers, Astor Piaz-
zolla et son tango passionné pour ban-
donéon et orchestre. Dans un autre
registre, blues et gospel, Archie
Shepp en duo avec le pianiste Horace
Parlan au Brussels Jazz Club le 21
dans un répertoire que l'on prévoit plus
classique qu'à l'habitude.
Autre événement : The Leaders le 22
à l’Ancienne Belgique. Sous cette éti-
quette mégalomane se cachent ni plus
ni moins que Lester Bowie, Arthur
Blythe, Chico Fréeman, Kirk Lightsey
et Don Moye, soit tout le gratin de
l'avant-garde new-vorkaise réuni en un
seul groupe.
Autres têtes d'affiche d'ici ls 30 octo-
bre: en vrac: Billy Cobham le 25 au
Théâtre 140 (un des chefs de file du
iazz-rock), Oscar Peterson et Joe
Pass aux Beaux-Arts le 26 (pour les
amateurs de jazz classique), le fabu-
leux saxophoniste Sanny Rollins le 27
au Conservatoire de Liège, le trompet-
tiste Arturo Sandoval accompagné de
six musiciens cubains lé 29 au Brus-
sels Jazz Club et enfin les groupes des
frères Mike et Randy Becker au Jean
Vilar à Louvain-la-Neuve le 29 égale-
ment (de fameux «souffleurs» qui ont
accompagné des gens aussi divers
que Chick Corea, Bruce Springsteen,
Charlie Mingus Gu encore Dire Straits.
Du beau monde donc et surtout
l'embarras du choix. Seule ombre au
tableau, ce festival se faisant sans
aucun denier public, les Hlaces seront
relativement chères selon les événe-
ments et les endroits. Mais comme
cela n'arrive qu'uné fois par an...
Renseignements complémentaires:
02/512.59.86.
+ Marc Vanhellemont |
ALTERNATIVE LIBERTAIRE % ASBL 22 MARS - N° 93 - OCTOBRE 87 - PAGE 14
exit gil
En mars 85, les éditions Dupuis déci-
dérent enfin de rendre hommage à
Maurice Tilieux (1922-1978) en réédi-
tant tous les albums de Gil Jourdan
sous la forme de 6 gros volumes car-
tonnés. Cette collection plus qu'inté-
ressante se termine ce mois avec donc
le sixième volume un peu particulier,
car en fait il présente trois facettes de
l'œuvre de Tillieux. Le titre ést significa-
tif: Trois détectives; on présentera
donc les trois detectives qui virent le
jour sous la plume de Tillieux, Gil Jour-
dan, Marc Jaguar et Félix sont ainsi
réunis une première et derniére fois:
Les trois taches pour le premièr, Con-
trebande et Le lac de l'homme mort
pour le deuxième, et L'affaire des
bijoux pour le dernier. L'alignement de
ces quatre titres permet d'ailleurs de
reléver quelques similitudes entres les
trois personnages, que ce soit au
niveau graphique, des personnages
secondaires ou du caractère même
des héros. Et aussi de constater que
pour les trois personnages, Tillieux fit
preuve du mème humour calemboures-
que. Un talent que le lecteur peut
retrouver dans la série des albums
Félix réédités selon le mème principe
par les éditions Dupuis.
Î
soda
Autre série qui débute, celle des Soda,
un flic new-yorkais bien particulier, ima-
giné par Philippe Tome (Spirou et Fan-
tasio) et dessiné par Luc Wearnant. Pre-
mier volume: Un ange trépasse.
Depuis huit ans qu'il fait le métier de
fc, Soda n'a osé le dire à sa mére.
Aussi chaque soir, juste avant d'aller
souper chez elle (lui-même habite-quel-
ques étages plus haut), il se déguise en
prêtre. Mais c'est en tant que flic
cependant qu'il va réquisitionner un
corbillard pour poursuivre une voiture
de flic...dérobée par une belle
espionne. Mais si l'espionne en ques-
tion se révèle être plutôt redresseuse
“2 torts et de à De ess per
douce personne Serehel à prouver
qu'un médecin de sa connaissance tra-
fique des organes humains -ceux de
ses patients-, l'intrigue devient même
intéressante. Et non dénuée d'humour.
Pendant juvénile des Aventures en
jaune {point de vue dessins et humour)
de Yann et Conrad, Soda 5e boit en
une fois. Cul sec. Ed.Dupuis.
puzzle
Autres horizons à présent avec le que-
trième album de la série des Bruce
J.Hawker, signée AP Duchâteau et
William Vance. Pour ceux qui l'ignorent,
Vance, c'est Bruno Brazil, XI,
Howard Flynn, Ringo, Ramiro…. soit
un talent grand public mais aussi des
dessins impeccables auxquels it n'y à
rien à redire. Il est à noter que les
décors de ce type de sérles devien-
nent de mieux en mieux foutus et sem-
blent bénéficier d'une attention particu-
lière. Ce qui n'est une mauvaise chose,
sauf si, comme dans ce cas, l'intrigue
ne vole pas très haut. || s’agit en effet
pour Bruce Hawker, marin de la flotte
anglaise, de récupérer une armé
secrète démontée et dissimulée dans
plusieurs caisses, sur une île au large
de l'Espagne. Et ce à l'aide d'une
superbe agent(e) de liaison, et contre
l'armée espagnole et les brigands
locaux.
: LIT RSR, PR
ba’be ‘ouge
Autres marins mais pirates ceux-là,
Barbe-Rouge et son fils Eric. Et Baba,
et Triple-Pattes. Créées par Hubinon et
Charlier, les aventures de Barbe-
Rouge seront reprises successivement
par Lorg/ijé, Pellerin et tout récem-
ABONNEZ-VOUS
ment Christian Gaby. Mais Jean-Michel
Charlier est toujours là. Ce qui fait que
ce vingt-troisième album, La Cité de la
Mort, est construit comme les précé-
dents. Selon les mêmes bonnes vieilles
recettes. Le dessin par contre a fort
évolué ou a même rétrogradé puisqu'il
semble que le dessin de Gaty ait été
inspiré par les premiers albums de
Barbe-Rouge. Et semble donc plus
grossier et loin de l'image que l'on a
gardée des albums d'il y a dix ans (la
série a débuté en 61!).
Tant pis, il ne reste plus donc à Gaty
qu'à convaincre les jeunes lecteurs...
Ed.Novedi.
en vrac
Autre vétéran de la bande dessinée:
Michel Vaillant. Né en 59, il connaît
aujourd'hui Sa quarante-neuvième
aventure: Catégorie Poids Lourds. Là
aussi les mêmes vieilles recettes: voi-
tures, dérapages, bons et méchants,
courses victorieuses. Cette fois au
valant de semi-remorques et pour le
compte de l'oncle Vaillant. The same
old song..….(Jean Graton Editeur).
Autre série qui continue aujourd'hui
après 23 ans d'existence, Les 4 As,
dessinée par François Craenhals et
scénarisée par Georges Chaulet. Cette
série médiocre qui dévalorise là créa-
teur de Chevalier Ardent connaît ici son
24ème album, Les 4 As et le secret
de la montagne. Toujours les mêmes
personnages et toujours les mêmes
aventures rocambolesques teintées
d'humour assez lourd. On n'a malheu-
reusement plus 12 ans... Casterman.
Dix-huitième reliure pour (A Suivre)
in°102 à 107), ce magezine avec
«l'aventure pour cibles et qui
aujourd'hui continue à fournir mensuel-
lement les séries les plus intéressan-
tes: Tardi, Schuiten, Rosinski,
Rochette, Franc. Pour collection-
neurs.
En juin et juillét, il n'y eut pas de rubri-
qué BD dans Alternative Libertaire.
Mais les albums continuaient à sortir.
En voici quelques-uns très brièvement:
+ Le Roi Rodonnal, un éxcellent album
de Makyo aux décors fantasmagori-
ques et pour les jeunes adolescents;
« Le Banquet des Loups, 4ème album
de Serge Morand, signé Sansahujas et
Duchâteau. Paru dans Circus:
+ Le puits nubien, troisième album de
la série Arno par Juillard et Jacques
Martin (scénario). Où les deux auteurs
prouvent une fois de plus leur talent de
conteurs;
+ Alise et les Argonautes, tome 1: La
nuit du Président. Un album surpre-
nant signé Font et Cothias:
+ Monsieur Cauchamar par Benn
d'après Siniac. Une très belle recon-
version de l'auteur de Mic Mac Adam,
un très bon polar qui, fait nouveau, con-
naît trois fins. Au lecteur de choisir la
meilleure. À liré en priorité;
+ Sydney Bruce, par Carin et Rivière.
Tome 1: L’indien bleu. Sombre affaire
dont on n'a pas fini de parler;
+ Hector le Castor-L’aventure du fer
blanc, par Lex et Aubrun, une tranche
d'humour pour les petits;
+ Clel!…. Aurait-on volé l'amiral noir:
premier volume des aventures du chien
Pythagore et un titre parmi les pee
longs de l'histoire de la BD
R.Reding, le créateur d'Eric Ca EC
Jari, la section À... Bien dans la lignée
de l'auteur et pour les moins de 12
ans.
Enfin, faute de place, quelques ouvra-
ges parus ce mois-ci seront présentés
lé mois prochain: Avec Alix(Groens-
teen), Francis Falko (De la
Fuente/Novedi), Requiem blanc
(Rochette/Legrand), Le trésor des
Imbalas (Bacilero/Mescola), La nuit
des frelons (Marc-Renier} .et quelques
autres. En octobre, Thorgal fête ses
dix ans. Ce sera l'occasion pour nous
d'un entrétien avec ses créateurs.
«+ Marc Vanhellemont
alternative libertaire a rencontré lolita, membre de
l'équipe de l'émission hebdomadaire de radio air libre.
Alternative Libertaire: Depuis trois ans, tu par-
ticipes (presque) tous les dimanches soir à
l'émission Passe Muraille de Radio Air Libre.
Pourrais-tu nous expliquer, en quelques mots,
la démarche de cette émission à destination |
des détenus des deux prisons bruxelloises,
Saint-Gilles et Forest.
Lolita: L'émission Passe Muraille existe depuis
plus de 6 ans. La démarche en est simple, don-
ner la parole aux détenus, pour des messages
d'amour et d'amitié, mais aussi pour relayer vers
l'extérieur leurs revendications concernant leurs
conditions de vie et de détention. Passe Muraille
veut introduire des yeux en prison, pour que la
société civile sache un peu mieux ce qui S'y
passe. En gros, l'émission se compose à 50% de
lettres lues au micro, une petite centaine de let-
tres qui nous sont envoyées chaque semaine par
des détenus. À 30%, par des coups de télé-
phone des familles et amis que nous branchons
directement sur antenne. Et à 20% par des visi-
tes en studio d'anciens détenus libérés et d'amis.
Ajoutez-y des informations et des commentaires
émanant de l'équipe, ainsi que de la musique
demandée par les détenus eux-mêmes et vous
avez la recette de l'émission. Parallèlement à ce
côté «émission amitiés/disques demandés»,
l'équipe de Passe Muraille se place aux côtés
des détenus lorsque ceux-ci mènent une action |
de revendication. Nous ne sommes pas neutres.
Prenons-en deux exemples, les cafards et le
Sida. Pour notre Noël 1984, un détenu nous
avait envoyé un cafard, exemple vivant de l'état
de propreté qui règne dans les prisons. Après en
avoir parlé sur antenne, ce sont plusieurs centai-
nes de cafards qui nous ont été envoyé sous
envéloppe des deux prisons bruxelloises. C'était
vraiment dégueulasse. En janvier 1985, nous
nous sommes rendus en délégation au ministère |
de la Justice pour remettre l8 colis cadeau des
détenus à Jean Gol: 300 cafards étiquettés avec
leur nurnéro de cellule. Par cette action symboli-
que et spectaculaire, nous avons voulu relayer
vers l'opinion publique les revendications des
détenus, non seulement en ce qui concerne
l'hygiène et la propreté, mais aussi les relations
avec les matons, et plus généralement les condi-
tions de vie. Autre exemple, le Sida. En 1986,
après la mort, pour cause de Sida, de Kamal, sa
famille décidait de déposer plainte pour non-
assistance à personne en danger. Après une
visite, son frère l'avait vu dans un état de délabre-
ment total: il ne tenait même plus debout, il avait
incroyablement maigri… Le frère de Kamal s'était
alors adressé au directeur afin que Kamal reçoive
les soins nécessaires et soit transféré d'urgence
dans un hôpital. Trois jours après, || apprenait que
Karmnal était mort pendant son transfert à l'hôpital.
Le frère de Kamal est venu parler de cette affaire |
le dimanche suivant à l'émission, et nous en |
avons profité pour: démarrer une information |
sérieuse sur le Sida et sur les risques de contami- |
nation. Nous organisons une conférence de
presse pour alerter l'opinion publique sur l'affaire
«Kamak et plus généralement sur les risques
encourus en prison du fait du non-traitement du
problème du Sida. Dans les jours qui suivent, des
détenus de Forest montent sur les toits en exi-
geant qu'un information complète soit faite sur le
sujet, que des tests soient mis à la disposition |
des populations à risques (toxicos, homos,.…). Et
dans les semaines qui suivent, poussé par les
événements, le ministre de la Justice prend enfin
les mesures exigées depuis longtemps par les
détenus: l'accès aux tests pour les populations à
risque, la possibilité de consulter un médecin de
l'extérieur (ce qui n'était pas le cas avant pour les
condamnés), l'information distribuée à tous les
détenus à leur entrée en prison. Cet exemple
montrent bien comment les Choses se passent.
D'abord, grâce à un détenu ou à un de ses pro-
ches, nous décelons le problème, nous en fai- |
sons la plus large publicité pour alerter l'opinion
publique, et l'action conjuguée de l'extérieur et
de Fintérieur parvient à faire évoluer la situation.
Bien sûr, quand je parle comme cela, tout cela a
l'air simple et facile. Dans la réalité, c'est autre
chose. Chaque fois que la situation s'échauffe un
peu, la répression entre en action. D'abord, par la
censure des lettres qui nous sont envoyées des
prisons, cela nous coupe de nos sources d'infor-
mation, cela vide l'émission de son contenu.
Nous avons également subi des pressions poli-
cières, notament par le biais de perquisitions au
studio de Radio Air Libre, mais aussi aux domici-
les de certains animateurs avec évidemment le
prétexte en or: recherche de stupéfiants. Enfin,
du côté des matons, certains esprits bien inten-
tionnés ont cru malin de faire circuler une pétition
demandant l'interdiction pure et simple de l'érnis-
sion. À Forest, cette pétition n'a été signée par
aucun des matons, peut-être par peur des réac-
Après les mutineries qui secouèrent les prisons
au début de ce mois de septembre, l'union
sacrée s’est faite entre le ministère de la Jus-
tice.
l’administration pénitentiaire,
matons, et la presse de droite pour crier ensem-
ble au complot et dénoncer le rôle quasi insur-
rectionnel qu’aurait joué une simple émission
de radio libre. Alternative Libertaire vous aide à
y voir plus clair et donne la parole à une des pro-
tagonistes. Nous poursuivrons le mois prochain
en publiant des lettres envoyées directement
des prisons.
tions des détenus. Par contre, à Saint-Gilles,
c'est l'inverse qui s'est passé, tous les matons
ont signé, par peur de l'autorité, de la direction,
car refuser de signer, c'était, pour elle, se situer
aux côtés des «fouteurs de merde» de Passe
Muraille.
AL: Justement, en revenant aux événements
qui se déroulés dans les prisons au début de
ce mois de septembre, et en parlant des
matons, il y a eu cette fameuse Carte Blanche
de l’un d’entre-eux dans Le Soir qui, après
vous avoir félicités pour votre rôle «émission
amitié/disques demandés», traitait Passe
Muraille «d’officine insurrectionnelle hebdo-
madaire»… Que réponds-tu à ce maton…
Lolita: Je lui répondrais simplement en parlant de 1
ABONNEZ-VOUS: 600 FRS L’AN AU COMPTE 001-0536851-32!
JE PROTESTE/
€
la réalité, et non de ses phantasmes. En parlant
de ce que Passe Muraille a réellement fait pen-
dant ces événements. D'abord, nous avons
appris comme tout le monde par la radio ou par
des familles qui nous téléphonaient, que les déte-
nus de la prison de Forest était en train de se
mutiner. Comme le studio ne se trouve pas très
loin des prisons, nous nous rendons sur place
sans voir grand chose, tout le quartier est bouclé
par des masses de flics qui plaisantent sur le
thème «il ne se passe rien de grave, les détenus
sont à la récréation, cela va se terminer
bientôt...». Nous étions dimanche soir, et nous
décidons tout de suite de faire une émission spé-
ciale le lundi à 18h00, pour faire le point. Nous
savions que des familles allaient visiter leurs pro-
Ches incarcérés dès le lendemain matin et nous
intervieu
certains |
asse muraille im107.
voulions rassembler leurs témoignages pour don-
ner aux détenus une vue là plus globale possible
sur ce qui s'était passé la veille. Arrive lundi soir.
Au moment de commencer l'émission spéciale,
nous apprenons que du côté de la prison de
Saint-Gilles, cela commence aussi à s'agiter: des
camionnettes de police et des ambulances ont
été aperçues devant les portes. Tout à coup, le
téléphone sonne, et nous avons la surprise de
nous trouver en ligne avec un des détenu de la
prison de Saint-Gilles qui nous raconte, en direct
sur antenne, le début de la mutinerie et les rai-
_ sons ét revendications de l'action. Prenant cons-
cience de la possibilité pour les détenus de télé-
phoner à l'extérieur, nous donnons, directement
sur antenne, les numéros de téléphone des diffé-
rents journaux, radios et télévisions. Notre objec-
tif, comme à l'accoutumé, est de faire connaître à
l'opinion publique l'exacte situation. C'est ainsi
que vous entendrez à la RTBF, que vous lirez
dans vos journaux habituels, et c'est une pre-
mière, les détenus exprimer directement eux-
mêmes, le pourquoi de leurs révoltes. En plus de
ce relais vers l'extérieur, vers l'opinion, nous
avons également réalisé une communication
dans l'autre sens, vers les détenus. Pendant tous
les événements, des journalistes se trouvaient au
pied de la prison, interviewant des «personnali-
tésr (comme le bourgmestre de Saint-Gilles par
exemple), leur demandant leur opinion sur la
mutinerie. C'était important pour nous de passer
ce genre d'interviews sur antenne, parce que
cela permettait aux détenus, barricadés à l'inté-
rieur et complètement coupés du monde exté-
rieur, de se rendre compte de l'impact de leur
action. Il n'y avait pas que les gendarmes qui
s'intéressaient à leur mouvement. pour l'écra-
ser. D'autres personnes «portaient», d'une cer-
taine manière, leurs revendications à l'extérieur,
permettant d'amplifier les questions qu'ils
posaient.
Le lendemain mardi, nous voulons remettre ça
avec une nouvelle émission spéciale, toujours le
même topo: donner la parole aux familles pour
qu'elles témoignent de ce que leurs proches
incarcérés leur ont dit à la visite. On prévoit éga-
lement des témoignages d'avocats ayant rencon-
tré leurs clients après les événements... Mais le
hic, c'est qu'en face, du côté des forces de
l'ordre, ils commencent à connaître la musique.
Nous ne pourrons pas donner écho à ces témoi-
gnages, simplement parce que l'administration
pénitentiaire à décider de Supprimer purement et
simplement, en arguant de la situation de des-
truction de la prison, toutes les visites, tant des
familles que des avocats. Cette suppression des
visites ne sera levée que deux jours plus tard
pour désamorcer le rassemblement prévu par les
familles devant la prison. C'est à nouveau le
black-out et l'univers du secret. Les yeux de
Passe Muraille sont aveugles, si ce n'est quel-
ques témoignages de secouristes de la Croix-
Rouge qui nous parlent des locaux comme d'un
Champ de bataille dévasté par un cyclone doublé
d'une irruption volcanique.
AL: I! faut dire que les détenus de Saint-Gilles
avalent dès le début de la mutinerie mis le feu
aux locaux, cassé un maximum de mobilier et
détruit leur matelas. À l'extérieur, on ne com-
prend pas toujours le pourquoi de toutes ces
destructions.
Lolita: C'est sans doute, qu'à l'extérieur, pour
celui qui a la chance de n'avoir jamais été en pri-
son, on ne se rend pas compte de l'état de déla-
Ils ne Se rendent pas
encore compte qu'il ne
faut pas de complot
pour que cela pète dans
les taules, le seul mot
de passe qui a tout
déclenché étant, et à
suffisance, les condi-
tions dégueulasses dans
lesquelles on laisse
pourrir des prévenus
considérés par la loi
(mais si, mais Si...)
| comme innocents...
ALTERNATIVE LIBERTAIRE x ASBL 22 MARS - N° 93 - OCTOBRE 87 - PAGE 15
réponse à monsieur gol
Je crois que les communiqués
donnés au cours de ce mois par |
M. Jean Gol au sujet des pri-
sons appellent à une mise au
point:
Après les événements qui ont marqué la vie
carcérale en divers points du pays, nul ne
peut encore prétendre qu'il n'y a pas de
mécontentements justifiés, principalement
en ce qui concerne les normes d'hygiène au
sujet de cellules prévues pour un seul
homme, il y a un siècle, et où il est inaccepta-
ble de vouloir y confiner de nos jours, sans
modifications, deux ou trois hommes. Ceci
sans parler des risques de propagation
notamment du SIDA.
Pour ceux qui n'ont jamais (tant mieux pour
eux) été pensionnaires d'une de ces prisons,
précisons que ces deux ou trois êtres
humains doivent partager un seau en plasti-
que pour la vidange de leur eaux de toilette,
eaux de vaisselle, urines. A la prison de
Forest, ils doivent méme s'en servir pour
leurs matières fécales. À la prison de Saint- |
Gilles, pour ces dernières il y a un récipient
appellé <W.C. chimique» mais qui n'est pas
utilisé suivant les indications du constructeur
et qui est vidé une fois par semaine! (ce dit
<W.C. chimique» existant aussi à Forest uni-
quement à l'aile À).
Après les émeutes, vous avez prétendu que
si les détenus ne pouvaient plus prendre de
douches, ni se maintenir propres, c'était tout
simplement dû au fait qu'ils avaient brisé les
sanitaires. Rien de plus faux! Les douches
fonctionnent et non jarnais été détruites.
Seules la porte des douches de l'aile C aurait
été endommagée pour libérer les détenus
qui utilisaient ces douches au moment où
l'émeute a éclaté : il a fallu casser le système
de fermeture parce que le surveillant s'était
emui avec la petite clé Yale. Quant aux sani-
taires, nous serions intéressés de savoir où i
y en a à la disposition des détenus !?7 Sauf à
l'aile À, mais celle-ci n'a pas été touchée par
les émeutiers.
Trouvez-vous, aussi, normal que des êtres
humains doivent, en grand nombre, dormir
sur des paillasses disposées à rmême le sol
en pierre et ce souvent pendant de nom-
breux mois? Savez-vous qu'en entrant nous
recevons deux couvertures, que nous res-
tions 1 mois ou 1 an, certains d'entre-nous
sont peut-être malades ou porteurs d'infec-
tions, de vermine (il n'y & pas que des gens
propres qui entrent en prison). et quand
nous sortirons, nos couvertures iront direc- |
tement rejoindre le stock pour être redistri- |
buées aux suivants sans aucun nettoyage ou |
désinfection! Ne parlons pas de certaines |
paillasses sur lesquelles on hésiterait à lais-
ser coucher un chien.
Vous n'avez jamais voulu savoir l'existence |
de ces problèmes ou les avez négligés,
parce que dans votre esprit, un détenu n'est
plus qu'un numéro qui n'a pas le droit de cité.
Quand les gens qui subissaient ces situa-
tions ont commencé à faire parler d'eux,
vous avez admis qu'un tout petit problème,
se limitant exceptionnellement aux deux pri-
sons de Bruxelles, pouvait exister, mais était
injustement gonflé par les éternels mécon-
tents.
Vous avez la mémoire courte, monsieur Gol.
Rappelez-vous, c'est vous-même qui avez
convoqué la pressée pour présenter les nou-
velles cellules de Louvain destinées aux hoo-
ligans britanniques afin d'apaiser les esprits
en Angjieterre et de prouver toute l'humanité
de la justice belge. Quand es émeutes écla-
tent, vous rejetez la faute sur les media qui
n'ont fait que rendre publiques ce que vous
avez choisi de leur montrer. Vous minimisez
en prétendant que les journalistes ont exa-
géré en parlant de studios, de «xx *%>», de
Hilton. Vous avez raison... s'il faut comparer
les prisons aux palaces des grandes chaînes
internationales, les cellules de Louvain ne
pourraient peut-être s'octroyer qu'une # et
assez péniblement. Mais comparées aux
standards de Saint-Gilles ou de Forest. ce
ne sont pas <k À ko mais ck k km de
luxe qu'elles méritent sans discussion! C'est
toute la différence entre ce que devraient
être des cellules normales et les poubelles
dans lesquelles on nous parque.
Pourquoi vous étes-vous opposé à ce que la
presse visite les prisons de Saint-Gilles et
deForest quand ont été émises de violentes
critiques à leur sujet. c'eût été pourtant une”
manière bien simple de mettre fin à la polémi-
que. L'opinion publique aurait su, enfin, si
oui ou non il y avait matière à réclamer et si
les doléances des détenus étaient vraiment
injustifiées comme vous le prétendez. Empé-
cher l'opinion publique de juger du fonde-
ment des griefs avancés ne peut s'appeler
«diriger la Nation de manière démocratique».
Répondre au public que la tâche de contrôle
de la situation de décrépitude de ces lieux et
de leur fonctionnement "insalubre ne peut
être confiée qu'à M. De Ridder, Directeur
Général des Prisons ou à M. Lefèvre, Ins-
pecteur Général des Prisons, est un refus,
non dissimulé, de vouloir faire toute la
lumière souhaitable. Car il est évident que
ces messieurs, responsables de par leurs
fonctions de la tenue et de la salubrité des
prisons, ne vont pas soudainement critiquer
leur propre gestion.
Le rôle premier de la presse est d'informer le
plus justement possible l'opinion publique !
En lui reprochant de l'avoir fait au sujet de
Louvain, alors que vous l'aviez conviée (ne
l'oublions pas), que régrettez-vous, sinon
qu'elle n'ai pas été suffisament à double face
et manipulatrice? À votre image! Prétendre
aux Anglais et aux Belges des choses diamné-
tralement opposées pour calmer les esprits
des deux côtés?
Soyons clairs, Monsieur Gol: le refus
d'accorder à la presse un droit, même
exceptionnel dé visiterà Saint Gilles et à
Forest, en cette circonstance, est une des
marques propres aux régimes forts ou totail-
taires. Mais ceci prouve aussi que vous
saviez pertinemment bien qu’il y a beau-
coup à cacher et votre refus de visite n'en
est que l’aveu publique.
Lorsque vous évoquez des ralsons de sécu-
rité, pour excuser votre refus, il n'en est que
plus hypocrite.. à moins que vous ne son-
giez, en disant cela, à la sécurité de votre
siège au ministère que les articles et pho-
tos de presse mettraient sûrement en péril!!
Ce n'est donc pas la presse, ni les détenus
qui sont responsables de ce qui s'est passé,
Monsieur Gol, mais uniquement vous par
votre désintéressement d'abord, par vos
mensonges et vos manigances ensuite. La
désinformation est parfois à double tran-
chant.
Un des nurnéros de Saint Gilles
brement et de crasse qui y règne. Quand les
détenus détruisent leurs matelas, c'est tout sim-
plement, parce que c'est le seul moyen pour eux
d'enfin en avoir d'autres, un peu moins crasseux.
Poussés dans une situation extrême, ils ne peu-
vent qu'utiliser des moyens extrêmes pour
essayer de s'en sortir. Ainsi, pareillement, quand
ils mettent le feu à la prison de Saint-Gilles, c'est
dans le secret espoir qu'elle sera détruite, et que
cela obligera enfin les autorités à élever de nou-
veaux bâtiments. Et les faits semblent leur don-
ner raison, puisqu'aux dernières nouvelles, il |
semble que le Conseil des Ministres a décidé, |
peu après les mutineries de septembre, d'utiliser |
sur deux ans le budget des dix prochaines
années, budget prévu pour la rénovation et l'amé-
nagement des bâtiments. C'est peut-être regret-
table, mais c'est une des leçons de septembre, la
destruction du matériel pourri et des locaux insa-
lubres semble le seul moyen efficace pour faire,
enfin, bouger les autorités politiques.
AL: C’est peut-être le seuil moyen efficace,
mais c’est humainement incroyablement dur
d'entamer une mutinerie an prison. Aucun
détenu ne peut espérer s’en tirer sans un
solide tabassage… quand ce n’est pas plus
grave. On a parlé d’un mort et de plusieurs
dizaines de blessés. Deux semaines après les
mutineries, Passe Muraille at-elle des infor-
mations complémentaires.
Lolita: Parlons d'abord du détenu cembodgien qui
est mort peu après la mutinerie. || souffrait
d'asthme, son seul «crime» étant d'être en séjour
illégal. Pendant la charge, les gendarmes ont
abondamment utilisé des gaz lacrymogènes, ce
qui n'est pas. vraiment indiqué pour ce type de
maladie, Evacué parmi les premiers blessés, il a
été ramené en cellule dès le lendemain soir. La
nuit qui a suivi, il n'a cessé de se plaindre à son
voisin de cellule du fait qu'il ne parvenait plus à
respirer. Maigré des appels répétés aux qgar-
diens, personne n'est intervenu. Et ce n’est que
plusieurs heures plus tard que la Croix-Rouge,
enfin appelée sur les lieux, n'a eu d'autre inter-
vention que de constater son décès. Immédia-
temment, l'administration pénitentiaire pare de
«mort naturelles. Ce n'est que lors du rassermnble-
ment des familles, le jeudi suivant, que la ques-
tion dela causalité entre l'utilisation dés gaz et le
décès a été posée à la presse. Depuis, il semble-
rait qu'une enquête soit en route. On verra bien
les résultats, en tout cas Passe Muraille ne man-
quera pas d'y être attentif. En ce qui concerne
les biessés, d'après les témoignages des familles
revenant de la visite, il Semble bién que TOUS les
détenus (sauf ceux de l'aile À qui n'a pas bougé)
aient été tabassés, qu'ils aient participés ou non à
l'émeute. Et quand je dis tabassés, cela n'a rien à
voir. avec ce qui se passe parfois dans une mani-
festation de rue. Ce sont des machoires cas-
sées, des bras cassés. Imaginez les scènes de
ratonnades qui ont.eu lieu dans ces murs, à l'abri
de tout témoignage journalistique. et puis de
toute façon, «ce ne sont que.des taulards»... La
violence des flics s'explique aussi, peut-être, par
le fait qu'ils ont dû s’y reprendre à deux fois pour
investir la prison de Saint-Gilles. Ils ont compris
qu'à cette occasion, ils sont passés à un cheveu
d'une véritable catastrophe, pour eux. Cette
panique de perdre tout contrôle de.la situation
explique sans doute la brutalité de la
répression. elle ne l'excuse certainement pas.
Sans parler des relations pour le moins bizarres
qui existaient entre les policiers communauxet
les gendarmes, les deuxièmes mettant systéma-
tiquement à l'écart les premiers, ne les trouvant
pas. assez «efficaces».
AL: Une fois la situation reprise en main, et de
quelle façon, il a bien fallu revivre dans ce qui
restalt des locaux. Comment s’est passé
cette reprise”?
Lolita: Entre la matraque et la carotte. La matra-
que d'abord, avec la présence permanente et en
masse de la gendarmerie au sein de la prison:
devant les cellules, dans les couloirs, accompa-
gnant . jusqu'aux distributions de nourriture.
Jusqu'aux visites, où derrière chaque cabine, il y
avait un gendarme. Dans ce climat d'écrasement
par la force, les détenus se sont retrouvés
jusqu'a cinq ou six dans des cellules prévues
pour une personne, avec unseul matelas et l'obli-
gation de choisir entre dormir par terre (quand il
| n'y restait pas d'eau) et se relayer par tournante
pour dormir. Les conditions déja dégueulasses
avant se sont encore aggravées, et Cela a duré
pendant les six jours qui suivirent l'émeute: pas
de'vétements de rechange, pas d'eau, tous les |
effets personnels retirés, quand ils n'avaient pas |
tout simplement été volés soit par les flics pen- !
dent la mutinerie, soit par d'autres détenus. Du
côté de la carotte, ce sont d'abord des libérations
en plus grand nombre que de normal, des dos-
- Siérs clos plus rapidement, une légèrs améliora-
tion de la nourriture... L'annonce de l'attribution
de nouveaux crédits pour la rénovation, celle de
la construction d'uné nouvelle prison dans la ban-
lieue bruxelloise, ainsi que l'accélération de
l'étude de projets de lois tel celui sur le détention
préventive et sur les peines de remplacement.
Tout se passe comme si, avant frôlé la catastro-
phe de peu, on se mettait du côté des autorités à
prendre enfin au sérieux ce que Passe Muraille
(avec beaucoup d’autres: le CADIP, la Ligue des
Droits de l'Homme...) ne cessent de dénoncer
depuis des années. Avec les détenus, les autori-
tés, tout en faisant étalage (plus qu'il n'en faut) de
leurs forces brutales semblent essayer de les
apaiser en leur donnant un peu mieux à bouffer …
et en vidant les cellules de leur trop plein.
AL: Est-ce que pendant ou après les mutine-
ries, les détenus vous ont fait parvenir un
cahier de revendications précis ou celles-ci
demeurent-elles relativement diffuses.…
Lolita: Non, nous n'avons pas connaissance à ce
jour d'un cahier de revendications précis, si ce
n'est que ces revendications sont toujours les
mêmes depuis des années. Ce sont toujours les
mêmes problèmes non réglés qui reviennent à la
surface à chaque mouvement. D'abord, et en
premier, les conditions d'hygiène: la surpopula-
tion des cellules, l'obligation de se servir à plu-
sieurs d'un seau vidé (parfois même pas rincé)
une fois seulement toutes les 24h00, l'obligation
de se démérder avec une cruche d'eau (tiède)
par jour avec le choix ëntre se laver ou laver ses
vétements, le renouvellement trop rare (parfois
tous les 15 jours) dés draps et des sous-
vêtements... Ensuite, la qualité (c'est presque un
jeu de mot} de la nourriture. Nous avons plusieurs
fois à Passe Muraille relayé des lettres qui par-
laient de nourriture avariée, pourrie, grignotée
par les rats (ça n'est pas du cinémal).. Sans par-
ler des relations, souvent difficiles avec les gar-
diens: les brimades, les réflexions racistes en
pagaille, le fait d'être traité en permanence
comme un merde, où moins encore.
AL: A l’instar des révoltes des années 70, on
n’a pas ou peu entendu de revendications
tenant de la libre organisation des détenus, en
syndicat par exemple. Une association auto-
nome qui puisse négocier directement, en
représentant les détenus, face aux autorités.
N'a-t-on pas fait là un pas en arrière dans la
cpAgEense de groupe de la population carcé-
rale.…
Lolita: Il faut bien dire que dès qu'un détenu,
aujourd'hui, émet la moindre revendication, il est
tout de suite sujet à des représailles: on le
change d’aile ou carrément de prison, on lui sup-
prime son boulot, on essaye de l'isoler des
autres détenus... Cela ne facilite pas (c'est le
moins que l'on puisse dire) les possibilités de
construire une association stable et durable au
sein des prisons. Le plus urgent maintenant, et
c'est ce à quoi s'attache le collectif Passe
Muraille, c'est d'étudier à fond les règlements
internes des prisons afin que tous les détenus
sachent les droits que ceux-ci leur donnent et
que trop souvent ils ignorent. Prenons un exem-
ple: trop souvent, suite à l'une ou l'autre anicro-
che, un détenu se voit privé de visite, de courrier
ou de cantine. Cela n'est absolument pas auto-
risé par le règlement qui prévoit que, dans le cas
précis de la visite, celle-ci ne peut être suppri-
mée que quand la «faute» a été commise directe-
ment à la visite. Aujourd'hui, trop souvent, le
détenu accepte ces punitions sans broncher
alors qu'elles sont illégales aux yeux dudit règle-
ment. Nous en sommes encore à la préhistoire au
niveau des prisons. Pas encore à imaginer une
association, mais plutôt à mettre en œuvre les
conditions qui pourraient amener à la naissance
de celle-ci: d'abord connaître ses droits, tous ses
droits, et surtout à les utiliser. Nous devons créer
un rapport de force qui rende possible l'utilisation
sans peur de ces droits. C'est à cela que s'atta-
chera Passe Muraille dans les prochains mois.
AL: Pour terminer, on pourrait peut-être évo-
quer la dernière trouvaille de nos Dupont-
Dupond de la BSR, qui après mouites
réflexions nous sortent la thèse du «complot»
pour expliquer les mutineries de septembre...
Lolita: Mais oui, mais c'est bien sûr! || y a quel-
ques jours, Michel Cheval et moi-même avons
été convoqués à la BSR (ce qui nous change des
locaux de la PJ) pour y être interrogés sur un
mystérieux «mot de passer que nous aurions
donné à l'antenne de Passe Muraille et qui aurait
(quelle blague) d'un coup de baguette magique
(ou maléfique) déclenché tous les événements.
En ce qui concerne ce fameux mot de passe, il
s'agirait d'un morceau musical, «Sors tes griffes»
du groupe Trust, que nous passons régulière-
ment depuis le début de l'émission. C'est bien
dans la lignée de tout ce qui a précédé. Ils ne se
rendent pas encore compte qu'il ne faut pas de
complot pour que cela pète dans les taules, le
seul mot de passe qui a tout déclenché étant, et
à suffisance, les conditions dégueulasses dans
lesquelles on laisse pourrir des prévenus consi-
dérés par la loi (mais si, mais si...) comme inno-
cents jusqu'au rendu du jugement de leur pro-
cès. Comme on l'a vu plus haut, pour des déte-
nus, se mutiner, c'est à coup sûr être certain d'en
prendre plein la gueule. Alors, même si Passe
Muraille dansait sur sa tête pour forcer des évé-
nements, sachez que les détenus nous enver-
raient gentiment promener, comme lil l'ont déja
fait d’ailleurs. C'est ce qui donne également toute
leur force aux mutineries qui sé sont déroulées
au début de ce mois de septembre: les révoltes
de la dignité.
Propos recueillis par Babar
le 29 septembre 1987
un son
différent
Étoile
air libre
fm 107.6
ALTERNATIVE LIBERTAIRE *%k ASBL 22MARS - N° 93 - OCTOBRE 87 - PAGE 16
Au sommaire
de la revue Virages:
Spécial
LIBERATION
Nous y reviendrons
en novembre,
d'ici là bonne lecture
CUT TRUIET I ER
18 rue de la Sablonnière
1000 Bruxelles
LP PATATE
Comme dirait l’autre, la présence
d'un mouvement sacial ne 5e
laisse pas percevoir par Îles
déclarations des acteurs réels ou
supposés. Les appels à la consti-
tution d’un mouvement social
pourralent bien masquer le vide
du projet ou l'inconsistance
d’une lutte qui ne sait pas dési-
gner ses adversaires. {[nversé-
ment, des pratiques qui ne
s’autoproclament pas «alternati-
ves» pourraient bien se révéler
porteuses de ruptures et de
changements.
Pour le sociologue français Alain Tou-
raine, le nouvel acteur social (celui de
la société post-industrielle émergente)
peut être défini comme pluriel: mouve-
ments féministes, écologistes, régiona-
listes, associations de consormmateurs
et d'usagers des équipements collec-
tifs (transport, santé...), groupements
de promotion des minorités ethniques
et sexuelles. soit au total un ensemble
aux frontières encore floues orienté
vers ce que l'on peut appeler «la
défense et la promotion de la qualité de
la vie», Ce nouvel acteur est encore un
acteur virtuel, un quasi acteur éclaté en
de multiples «groupes» ne se vivant
généralement pas comme partie pre-
nante d'un nouveau mouvement social.
Réflexion stimulante lorsqu'elles permet
de donner un caractère historique à
des rencontres comme celle du 23 mai
derniër à Bruxelles, vers la tenue des
Etats Généraux du Mouvement
Associatif/Alternatif.
Pour. Touraine, un mouvement social
mérite son nom à partir du moment où
les groupes concrets qui le composent
peuvent, verbalement et dans les faits,
répondre aux trois questions suivantes.
Qui sommes-nous ? Principe d'identité
qui doit être dégagé de l'analyse et non
être le résultat d'une comptabilité pour
laquellé on raclerait les fonds de tiroirs
de la contestation et. du “refus.
L'analyse marxiste a ceci de fort qu'elle
définit le prolétariat comme acteur
social, non à partir de ses conditions
matérielles de vie (changeantes selon
les lieux et selon les époques), ni à par-
tr de l'énumération de catégories pro-
fessionnellés particulières; mais à partir
de la position occupée dans un procès
de travail qui est aussi un rapport de
force.
Qui est l'adversaire ? Principe d'oppo-
sition. Pour qu'un mouvement social
soit effectif, il faut qu'il puisse désigner
son adversaire en. termes strictement
sociaux. Pas comme les premières
révoltes ouvrières qui attribuaient à la
machine les vices du patronat (d'autres
en veulent aujourd'hui aux
ordinateurs...), ni comme un mouve-
ment strictement (contre-)culturel qui
noie les responsabilités et les acteurs
en conflit dans la condamnation .géné-
rale du «système» ou de la «civilisation
industrielle et.occidentale».
Quel est le projet ? Principe. de tota-
alternative
libertaire
asbl22mars éditions
ABONNEZ
pour être présents dans ce
avant le 20 du mois
écrivez-nous
tte rubrique
cour
à propos'de la première rencontre verstla tenue-des états généraux du mouvement associatif/alternatif…
un lieu de repli ou un avant-
poste de la société de demain.
lité. Quel est l'enjeu commun aux
acteurs en conflit? Ainsi, l'industrialisa-
tion a représenté un profil d'avenir, un
modèle sociétal général exprimé sous
forme utopique tant par le monde de
l'entreprise que par celui du travail. N'y
a eu coexistence à un moment donné
de deux projets différents de société
prétendant chacun à l'exclusivité. Avec
comme enjeu de la lutte le contrôle des
moyens de production.
Le 23 mai dernier, ces trois questions
ont été clairement posées par les inter-
venants eux-mêmes. C'est à la clarté
des réponses fournies que l'on peut
juger de l’état de conscience et de réa-
lité d'un mouvement social encore vir-
tuel à ce stade-ci.
Qui sommes-nous ? Au delà des for-
mes particulières d'organisation,
d'expression et d'action, y a-t-il des
dénominateurs communs aux diverses
associations ? Les pratiques alternati-
ves, c'est qui, c'est quoi? Partagent-
elles des valeurs communes? Au vu
des premiers signataires de l'appel,
surtout actifs dans des domaines
comme la communication, la formation
permanente, la santé, la défense des
minorités, ne peut-on dire que «l'alter-
natives a quitté le monde du travail et
de l'industrie pour investir les espaces
culturels ethors travail? La consomma-
tion (au sens le plus large: d'équipe-
ments collectifs, d'éducation, cultu-
relle..….) deviendrait ainsi davantage que
la production le lieu où s'amorce le con-
flit. Est-ce que la prophétie tourai-
nienne trouve ainsi un début d'accom-
plissement? «La formation de classes
sociales et d'une action de classe a
plus de chances de se produire dans
les secteurs où la contradiction
équipements-consommaäteurs et où
l'opacité créée par la technocratie se
manifestent le plus directement», c'est-
à-dire au cœur des grands ensembles
organisés de production et de déci-
sion, ainsi que dans les lieux où la con-
frontation. technocrates/consomma-
teurs est directe (santé, éducation,
organisation de l'espace..). La lutte
contre le profit cède le pas à une lutte
pour le contrôle de l'information et, par
delà, pour le contrôle du changement
par une mise en cause des processus
décisionnels {in «La société post-
industrielle: anciennes et nouvelles
classes sociales).
Ne voit-on pas dès lors apparaître à la
pointe du combat les individus frontière
entre le technocrate et le consomma-
teur, ceux dont l'autonomie professio-
nelle.est en conflit. latent avec les
valeurs de rationalité des organisations,
particulièrement lorsque leur travail
vise la capacité de production de
l'homme (enseignement, santé). Selon
Touraine, cette élite d'opposition doit
former l'avant-garde du nouveau mou-
vement revendicatif, mobiliser les
usagers/consommateurs,. les commu-
nautés menacées dans leur mode de
vie et leur environnement, les travail-
leurs âgés ou «déclassés».
quel principe ?
Toujours est-il qu'à l'heure actuelle, il
est plus facile d'identifier le public du
nouveau mouvement social par son
projet que par son état où son statut.
Ou alors, il nous faut trouver une nour-
velle typologie pour suppléer celle qui a
été exclusivement pensée en fonction
de l’entreprise capitaliste. Quel est le
principe qui définit d'encore hypothéti-
ques «nouvelles classes sociales» et
donne ainsi sa raison d'être à un mou-
vement social qui n'est plus, ou plus
seulement, le mouvement ouvrier?
il faut aussi répondre au défi, où
l'anonymat est devenu'une condition
de communication (avec en‘contrepar-
tie un système de reconnaissance
basé sur le show et le ldok). Quelle
action collective dans une société en
partie détérritorialisée? Dans une
société industrielle typique, le dévelop-
pement des alternatives s'appuie sur la
proximité physique des ouvriers (par
exemple: le rôle de l'usine pour le
développement d'une conscience soli-
daire). Dans une société où les diffé-
rentes catégories sociales ne sont plus
tant liées à un espace spécifique; où se
multiplient les mass-médias ét où se
valorise une individualisation des choix,
l'émergence d'alternatives collectives
devra se faire à travers des groupes
concrets qui ne partagent pas en per-
manence le mème espace et qui, de ce
fait, peuvent avoir une visibilité sociale
moindre. Les groupes de contestation
sont de moins en moins eprimaires»,
d'où une nouvelle définition des modali-
tés de l'action collective.
Qui est l'ennemi? Posée explicite-
ment, cette question a suscité des
réponses les plus diverses: Je capita-
lisme, les banques, l'état, les mutina-
tlonales, la Société Industrielle, l'impé-
r'alisme, més propres schémas cultu-
rels dont il s'agit.de me libérer. C'est à
ce niveau que s'exprime lé désarroi
d'une volonté rnilitante qui ne sait iden-
tifier des adversaires concrets et ne
peut donc que difficilement se lancer
dans une action de longue haleine. Se
pose à nouveau la question de la visua-
lisation. des positions antagoniques
dans une société caractérisée par la
multiplicité des rôles et des apparte-
nuances des individus
le projet
Les intervenants du 23 mai vont volon-
tier parler de leurs expériences particu-
lières, de leurs objectifs. Ils vont affir-
mer que l'alternative globale n'est que
la résultante de multiples alternatives
locales, concrètes, à partir des domai-
nes sur lesquels chacun a prise: le tra-
vail, la consommation, l'habitat, l'éduca-
tion. L'utopie sera affirmée comme une
réunification des contraires: pour un
socialisme non-bureaucratique, pour
l'autonomie dans la solidarité, pour une
production sans pollution. De la diffi-
culté aussi pour des groupes alternatifs
qui se définissent quasi exclusivement
en termes d'eautrements, de «mieux»,
dé «plus», de définir un projet global qui
puisse prétendre à laglobalité..
autogestion
Tranchant avec cette diversité, l'unani-
mité va se faire sur thème de l'autoges-
tion ou de la «gestion collectivex. Avec
une ambiguïté non levée : l'autogestion
comme mode de fonctionnement
interne ou comme revendication face
aux différents pouvoirs? Les deux bien
sûr! D'un point de vue théorique,
l'autogestion apparaît comme centrale
en cela qu'elle assume à la fois le con-
flit de la société industrielle (celui de la
propriété des moyens de production)
etle conflit décrit par Touraine comme
celui de. la.société post-industrielle
(celui des rapports d'autorité et de la
maîtrisé du éhangement). Contrôle de
sa production et partage de l'informa-
tion. La pratique autogestionnaire (ou
de gestion collective) renvoie aussi au
thème de l'aliénation comprise comme
non-maiîtrise des finalités de la produc-
tion.
Alors, le mouvement associatif/alter-
natif? Une armée de soldats aux unifor-
mes hétéroclites, à la cause mal définie
et face à un ennémi insaisissable? La
campagne promet en tout cas d'être
longue. Il faut bien commencer par
creuser les tranchées, n'est-ce pas? À
ABONNEZ-VOUS ASBL 22 MARS - N° 93 - OCTOBRE 87 - PAGE 17
moins que ce ne soit déja le tombeau
d'une troupe en débandade.
marx ou touraine ?
Parallèlement à la difficulté de formuler
le projet et d'identifier l'adversaire, on
peut constater une référence forte aux
thèmes marxistes et prolétariens: «lutte
de classes, capital, bourgeoisie...» Au
niveau du lexique employé, émergeait
l'image souvent décrite comme appar-
tenant au 19* siècle de «deux classes
fondamentales aux intérêts contradic-
toires». Mise en relation avec le carac-
tère pluriel et la position sociale des
intervenants (qui à une ou deux excep-
tions près n'appartenaient nullement au
monde de l'entreprise industrielle),
cette représentation à contre temps
illustre la difficulté d'élaborer une nou-
velle théorie de l'action contestatrice à
une époque qui, à bien des égards, est
plus proche que jamais du «capitalisme
sauvage». La lutte des classes est loin
d'être derrière nous. L'âge d'or de la
société industrielle, si. On ne peut
pourtant déja parler d'une société post-
industrielle, d'où la difficulté d'imaginer
un nouveau système de référence. De
ce point de vue, les pratiques patrone-
les actuelles, et plus généralement le
néo-libéralisme, ne trouvent-elles pas
leur vigueur dans l'exploitation de cette
ambiguïté, justifiant l'archaïsme par la
modernité, la régression par la muta-
tion. Le néo-libéralisme: une idéologie
de repli.
Dans le débat, 23 mai. En contraste
avec les interventions tätonnantes qui
l'ont précédé, un ouvrier de Seraing
réaffirme la centralité et l'actualité de la
lutte dans l'entreprise, celle qui oppose
l'ouvrier à son patron. Les fleurs et les
petits oiseaux, c'est bien joli, mais
l'usine. Frisson dans le public, appro-
bation générale, gratitude. Comme l'a
dit le monsieur de Seraing.
Pourtant, le nouveau mouvement
social, s'il a l'ambition de jouer ce rôle,
peut-il se satisfaire des outils concep-
tuels élaborés au 19° siècle durant
l'industrialisation? Si ta lutte pour le
contrôle des moyens de production
est, ou reste centrale, pourquoi se
fourvoyer dans ces chemins de tra-
verse que sont alors la contre-culture,
le féminisme, l'écologie.
lieu de repli?
Si ces groupes prétendent être partie
prenante d'un nouveau mouvement
social, it leur faut définir leur identité,
leur projet et leurs adversaires propres.
Sinon, la scène associative/alternative
risque fort de. n'être que le lieu où se
gère l'écart entre l'utopie et la réalité
fuyante, un endroit où la radicalité choi-
sie rejoint la marginalité subie. Le dis-
cours sur l'autogestion, loin d'être une
force de changement, serait alors une
compensation mythique à l'exclusion
de toute participation effective. La cha-
leur des relations immédiates au sein
de groupes confidentiels l'emporterait
sur la volonté et la capacité de modifier
les rapports sociaux. L'idéclogie du
refus l'emporterait sur le projet.
ambiguïté.
Dans une société duale, les alternati-
ves deviennent plus nécessaires que
jamais. Elles sont aussi plus ambigües
(parce qu'avant des significations diffé-
rentes pour ceux qui y participent).
Lieu de repli ou lieu de projet? Michel
Voisin, dans une étude sur les commur-
nautés en Belgique francophone souli-
gne la transaction muette qui s'accom-
plit entre le prophète (lé fondateur his-
torique, l& thérapeute...] et ses disci-
ples” (les membres du groupe, les
patients..). Du sens (celui que fournit
le prophète) contre la légitimité (celle
de disposer d'un public). L'alternative
acquiert une nouvelle signification dans
une société duale où elle ne peut se
suffire de a différence, mais doit aussi
faire la preuve de son excellence (maf-
frise des. exigences implicites à partir
desquelles l'alternative sera reconnue
comme telle et pas comme un «n'im-
porte quoix.
«Reconnu autre»: dans une société qui
exclut et oublie, le premier terme
devient au moins aussi problématique
que le deuxième. Est-ce là le sens de
cette volonté partagée par un nombre
croissant d'associations (reposant sur
le bénévolat) de se professionaliser
pour.«rester dans le coup» et être cré-
dible (cfr par exemple l'actuel débat sur
l'introduction du marketing dans les
Magasins du Monde OXFAM). Entre le
décrochage et l'aliénation, le chemin
est étroit.
et Si...
Et si la vocation première des associa-
tions était d'associer? Si loin d'être une
faiblesse, cette densité humaine était la
raison d'être même de nombreux grou-
pes altérnatifs dans une société
décharnée, structure destructurante?
Et si le désir unanime de gestion collec-
tive était aussi un désir d'être ensem-
ble? Littéralément, de faire du social.
Un social plein, qui n'implique plus des
individus schizophrènes, ni des indivi-
dus à tiroirs, des individus ayant à choi-
sir le code adéquat pour communiquer.
La revanche du village sur la mégalo-
pole industrielle. Alors, peut-être, on
aurait tort de s'interroger sur les condi-
tions d'effectivité d'un mouvement
social, sur celles qui permettraient de
muer.un village sympathique en ville
efficace. La scène associative/alter-
native n'est-elle pas avant tout la chair
sur les os, un tissu de relations, un
réseau, la vie même faîte de poignées
de mains et de solidarité? Ne voit-on
pas déja, la foule se faire plus nom-
breuse au pied des tours bientôt ren-
dues caduques du World Trade Cen-
ter, y installant $es tentes en cercle et
allumant un feu, tandis que des gosses
font voler en éclat les vitres opaques
de l'indifférence?
+ Abraham Franssen
4 rue des Blancs-Chevaux
1348 Louvain-La-Neuve
Tél.: 010/45.27.93
tiative pour
nière à 1000 Bruxelles.
nous le 17 octobre.
associatiflalternatif,
[1 # 3 3
une foire et trois forums...
Dans la foulée de la première rencontre du 23 mai 87, le Collectif d’ini-
| la tenue des Etats généraux du Mouvement
Associatif/Alternatif appelle à un grand rassembiement pour le prin-
temps 88, la foire aux alternatives. Le temps d’une fête se tiendront des
forums ouverts au public, mais surtout, se sera l’occasion pour les alter-
natifs de mettre en vitrine leurs réalisations et leurs ambitions, leurs
revendications et leurs interrogations.
D'ici-là, le Collectif vous invite à des forums mensuels qui devraient per-
mettre d'approfondir les acquis du 23 mai. Des réunions à thème: le 17
octobre sur la communication et les médias alternatifs, le 14 novembre
sur l'éducation, et le 12 décembre sur les combats démocratiques.
D’autres débats sont d’orss et déja prévus pour Fannée 1988: les pro-
ductions alternatives, les exclusions, la coopération au développement,
les expressions artistiques alternatives... Tous ces débats se déroule-
ront donc le Samedi après-midi, à 14h30, au 18 de {a rue de la Sablon-
Samedi 17 octobre: la communication et les médias alternatifs!
Chacun développe une multitude de moyens pour informer, pour s'informer,
partager ou confronter des idées, se faire entendre, promouvoir son action,
sensibiliser l'opinion publique, coordonner un projet. La panoplie de ces
outils indispensables aux associations est multiple: contacts personnels,
journaux, affiches, revues, affiches, communiqués de presse, émissions de
radio libre : (v,-Vidéo, interventions théâtrales, expositions, conférences, réu-
nions, feuilles de liaison... Nous sommes tous tentés d'utiliser l'un plus que
l'autre, mais quels en sont l'efficacité, les enjeux, les dangers, les coûts.
Des expériences originales sont vivantes, partout. Venez en discuter avec
Collectif d'initiative pour la tenue des Etats généraux du Mouvement
66 rue d’Espagne à 1060 Bruxelles.
Tél.:
02/537.49.58
lire et écrire
À Bruxelles, beaucoup d'aduites ne savent
pas -ou pas suffisamment lire et écrire. Si
vous connaissez des personnes dans cette
situation, il est fort important de les informer
de l'existence de cours d'alphabétisation,
accessibles à tous, organisés gratuitement,
en journée et/ou en soirée, de façon délo-
calisée pour faciliter l'accès géographique
et culturel. Par ailleurs, il manque encore
des formateurs bénévoles prêts à donner
des cours d'alphabétisation. Renseigne-
ments: Coordination Lire et Ecrire Tél.:
02/523.20.35.
rase campagne
À côté de la sgrande presse», les périodi-
ques régionaux ét locaux constituent une
richesse certaine et une source d'informa-
tions imbattable. C'est là que l'on découvre
ce que dédaignent les quotidiens et hebdo-
madaires nationaux. Et ces publications
sont, la plupart du tenps, l'œuvre de béné-
voles animés d'un ardent désir de faire con-
neître ce qui leur tient à cœur. «Rase cem-
pagnes nous est arrivé à la fin du printemps.
Le Centre de Coopération cultureile Régio-
nal, de Beaumont, {(CIRAC] nous l'annonce
trimestriel. Son format est résolument origi-
nal. Son objectif: faire. campagne pour
l'action cuturelle en milieu rural. C'est d'ail-
leurs le but poursuivi depuis toujours et
avec vaillance par le CIRAC. Une revue de
presse touffue épinglant une série d'articles
concernant la Wallonig des campagnes. Et
le «journal d'un colloque» intitulé «Quel ave-
nir culturel pour le Rural’. Rase campe-
gne, 4 rus M. Tonglet à 6570 Beaumont.
Tél. 071/58.92.05.
ils sont du prl
Sept arrestations dans ce qu'il est convenu
d'appeler l'affaire Bauloye, du nom de cet
homme d'affaires de Limal impliqué dans
une éscroquerie de plusieurs centaines de
millions. Sans doute, l'enquête n'est-elle
pas terminée, mais soulignons que deux
attachés de cabinet du ministre de la
Défense nationale de Donnéa, les sieurs
Gillard et Bruyr ont été arrêtés. Cela pue
l'escroquerie, la corruption, l'établissement
et l'utilisation de faux, le détournement de
documents secrets de la défense nationale,
la distribution de pots de vin. Gillard et Bruyr
son des cadres importants du PAL (le parti
de Monsieur Gol) et de quelques-uns de
ses rouages. ll semble que sont entrés en
jeux des société bidons qui recueillent des
fonds pour financer le PRL. Nous ätten-
drons pour voir. Déjà il y à quelques mois,
des personnalités de premier plan du PRL |
et du PVV avaient été impliqué dans la ban- |
aqueroute de la société anversoise Kirs-
chen. Faut-il dire que nous ne sommes pas
étonnés du tout, pas plus que nous n'avons
été étonnés de la condamnation il y a quel-
ques mois pour fraudes fiscales de l'ancien
ministre PSC Paul Van den Boynants….
PCUP Info, BP 194, 1060 Bruxeliés.
ALTERNATIVE LIBERTAIRE % ASBL 22 MARS -
DELSIN : COÛT
pour être présents dans cette rubrique
à,
ce n’est pas tous les jours
joyeux d’être gay...
Je voudrais te parler de choses et
d’autres, faire passer quelque
chose comme l’on dit. Je com-
mence.
Nous étions, nous sommes
encore, plusieurs à vouloir.
Dire des mots
comme d’autres
posent des bombes
Poser des actes
comme d’autres
posent tout court.
C'était le temps, pas encore révolu, où
Bernard Henri Lévy écrivait n'importe
quoi. Où la Belgique se confiait de nou-
veau aux mMmatraqueurs et où nous-
mêmes étions fières de nos masturba-
tions littéraires. Nous aimions autant la
frime que la rime.
Moi, je voulais écrire des choses univer-
selles et pathétiques du genre: ceux qui
ont la foi, que ce soit en Dieu, en la
science, en leur destin ou en quoi que
ce soit d'autre, ceux-là sont heureux,
car à toutes leurs questions, il existe
une réponse toute faite. Le cas
| échéant, leur foi a tôt fait de leur en
fabriquer une. Mais tous ceux qui
comme moi n'ont même pas foi en eux-
mêmes, ceux-là sont éternellement aux
prises avec la misère de l'esprit et le
doute de l'Etre.
Le plus étrange(r) d'entre nous était un
vieil adolescent qui toutes les nuïts, écri-
vait une page qu'il intitutait: le Noir et le
Blanc comme les deux nuances de la
Transparence. Les désilusions et
l'alcool lui donnaient l'air éternellement
fatiqué et mélancolique. Un soir, où
comme à son habitude, il était triste, il
ni dieu ni maître...
Au-delà de cette limite. Alternative Liber-
taire exprime-til une opinion propre?
Défend-t-il un courant de pensée original? À
priori, on pourrait croire qu'ÂL procède par
suggestions, qu'il se veut au-dessus de la
mèlée, un cérrefour d'opinions libertaires.
| Pourtant, il faut choisir les articles: certai-
nes options sont privilégiées, parfois les
sujéts sont traités avec réticence, avertis-
sements et commentaires -superflus?-
(sympathisants CCC, partisans des missi-
les). Quels sont les limites d'AL, voire ses
interdits ? On n'en sait rien en définitive, car
entre les citations/posters et les
articies/avertissements, il y a uné série
d'extraits de presse et d'articles présentés
de manière beaucoup plus molle. li n'y a
plus d'idées? Faites-vous une opinion
d'après vos expériences personnelles! …
Le social prend le relais. Or, les gens qui
s'expriment dans AL ne sont pas unique-
ment ceux qui réjéttéent la société de la
façon la plus implacable et la part person-
nelle de l'article ou du récit sauthentique»
est autoconfisquée par les médiateurs
(l'assistant social, l'écolo apprenti politicien,
l'enseignant...) qu'ils sont par ailleurs. Bref,
| on fait du social. .… nini peau de chagrin.
AL n'est donc ni ouvertement engagé, ni
brutalement transparent. Au départ, ce qui
m'intéressait, c'était le mot libertaire: la gan-
grène du pouvoir (Ni Dieu Ni Maître). À l'arri-
vée, ÀL semble chercher des justifications
scientifiques (voir l'article d'A. Jacquard)
comme un petit journal nazillon. A. (lettre
non-signés).
donner mon avis.
Donner mon avis sur AL, je l'ai déja fait il y a
quelques mois. Je ne vals donc pas me
répéter. Autour de moi, on apprécie plutôt
bien Alternative Libertaire, qui ést consi-
déré comme un journal qui aborde vraiment
à fond les problèmes les plus importants.
Certains anars liégecis n'ont pas accepté
favorablement le numéro qui a précédé les
dernières élections législatives. Si je me
souviens bien, vous aviez ouvert le débat
en donnant la parolé à plusieurs opinions :
pourquoi je ne voterai pas, pourquoi je vote
écolo, pourquoi je vote socialiste. Le parti
Ecolo à Liège nous a beaucoup déçus:
coupure entre les militants écologistes de la
base (non-affiliés au parti) et les «élus» qui
ont maintenant un egros Cou», mainmise sur
l'information, compromissions pas très clai-
| res. Ce qui m'a le plus choqué, c'est leur
pisser sur le portrait de Jean-Paul ||. Et
écrivit sur Un bout de papier qu'il me ten-
“Les eaux du souvenir
ont coulé sur mon âme
et y ont creusé
les sions de la mélancolie
et les érosions de l'amertume»
Ensuite, il me parla de Jean Cocteau et
de Jean Marais comme d'xétranges Ara-
gon et Elsa conjugués au masculin». Ce
fut la dernière soirée où je vis cet
étrange et lugubre ami. Peu après il se
fâcha et ne voulut plus me revoir parce
que je m'étais lié à une quinquagénaire
qu'il m'avait présentée afin qu'elle m'ini-
tie à Sartre et à d'autres nécessités.
Vers ceïe époque, j'ai rencontré aussi
un jeune idéaliste qui après avoir lu Tête
de Turc me dit: on se prend à penser
que Baader, Meinhoff et les autres
avaient peut-être raison de leur péter là
gueule à tous ces requins.
Mais non, à la réflexion, c'est plus pro-
fond que cela. 1! faut faire plus que... Le
jeu est truqué, ce sont les idées qu'il
faut changer. Alors, pourquoi ne pas
tout foutre en l'air? Ne pas leur mettre le
nez dans leur merde? Que tout ce qu'ils
croient dominer, diriger, avilir leur
explose à la gueule!!! Puis il me regarda,
l'air stupide. Je ne savais si j'allais rire ou
pleurer. || conclut en disant :D'aileurs
c'est le genre de type (G. Waliraff} qu'ils
finissent un jour par descendre ou par
détruire d'une façon où d'une autre.
Je voulais prendre ls métro tous les
jours et y inscrire des graffitis comme
celui-ci: Pendant que la société s'enca-
dre de cadres bien pavés et de matra-
ques bien aïguisées nous cherchons la
couleur du soleil. Et moi, j'ai vu des gens
choix de favoriser l'électoralisme, les réali-
sations concrètes passan
second plan. Je sais bien que «parti politi-
que» signifie par conséquent «démagogie»,
<hypocrisie»s, «soif ét abus de pouvoir,
«compromissions?r, mais jé suis sidérée de
constater à quelle vitesse un parti tout neuf,
plein de belles idées, est tombé dans le
pannéäu! Mais, revenons à Alternative
Libertaire, j'estime qus le 22Mars a au
moins deux mérites pour lesquels j'ai envie
de vous féliciter et de vous remercier. Celui
d'exister : ce n'est pas facile de faire vivre et
de développer une telle iniative pendant tant
d'années, 10 ans déjà. Et surtout, surtout,
de publier un journal anar. C'est très impor-
tant pour les anars isolés, comme nous
actuellement et c'est une information effi-
cace auprès du public en général. Carole
Westerbeek, 65 rue D. Saimé, 4000 Liège.
visiteuse de prison
L'essentiel de votre dernier AL est l'affiche
centrale «je crois que la solidarité...» et
«Plus haut que toutes les vertus, je place
cetté forme d'amour qu'on appelle le par-
don...» devraient avoir une place primor-
diale dans chaque parution. Elle est la
synthèse de l'idéologie chrétienne qui n'a
rien avoir avec le catholicisme. J'apprécie
vivement le sens de cette responsabilité
individuelle, du micro dans l'ensemble
macro. Donnez-y uné très large place. Je
suis mal placée pour émettre des critiques
ou des suggestions. Je suis depuis des
années visiteuse de prison et je vis le drame
du manque affectif formidable, lé manque
de formation morale fraternellé ét de par-
don. Le manque du cœur à cœur. Je sou-
haite que vos orientations soisnt aussi diri-
gées vers l'amour du couple, responsable
et protégeant l'enfant, avec la conscience
d'en faire un être libre et responsable, et
surtout sachant aimer sous toutes ses for-
mes. (nom ef adresse connus de la rédac-
tion)
ni dieu, ni maître (bis)
J'aimerais faire une remarque sur la lettre du
compagnon Nicolas Semaille, parue dans
AL n°92. Je suis d'accord qu'être anar,
c'est ètre contre l'Eglisé : ni Dieu. Mais c'est
aussi: ni Maître. Alors, je trouve que sé
baser sur, et citer, Bakounine et Proudhon,
c'est déja sombrer dans le dogmatisme. Ça,
c'est bon pour les marxistes. De plus, quel
est le véritable anar qui a lu Bakounine?
Aucun. Un anar n'est pas un communiste,
N° 93 - OCTOBRE 87 - PAGE 18
cela m'a fait chaud au cœur. Je voulais
être pacifiste et déclarer qu'il est facile
de serrer les poings, d'ouvrir la gueule
et de crier. Mais qu'il est difficile d'avan-
cer doucement, les mains tendues,
ouvertes, et de chanter. Que c'est là
toute la différence entre le héros et le
martyr. Entre le bourreau et la victime,
entre le guerrier et le saint.
Je ne sais plus qui a dit à propos de je
ne sais plus quel livre qu'il fallait être PD
pour mettre tant d'homosexuels dans un
roman. Partant de là, je me demande si
Dieu ne l'est pas lui aussi pour en avoir
tant mis sur la terre.
Je ne me plains pas même si ce n'est
pas tous les jours joyeux d'être gay.
Mais l’est-il plus d'être hétéro et «nor-
mal»?
Et le vice versa dans... la vertu.
C'est sans rire, ni passion, que je dis
que je ne crois pas en Dieu et que
même s'il existait, je ne pourrai pas le
vénérer.
Je sais: je ne suis qu'un imposteur du
style, qu'un usurpateur de l'écriture.
Mon talent n'est pas un don. || n'est que
le plagiat, plus ou moins conscient, de
tout ce que j'ai lu, de tout ce que j'ai vu.
Je revendique d'être un rejeton de la
Nature et d'aimer la cité des hommes.
Tous les jours , et depuis peu, je tisse
un ventre autour de moi. Je m'enfostus.
Des livres, des amis, des musiques sont
les pierres d'ivoire de ma fatale tour con-
tre laquelle, je n'ai ni l'envie, ni la force
de lutter.
Et bientôt le loyer à payer.
Que voulez-vous cher Monsieur, c'est la
vis | |
+ Saïd Mouchkil
Louvain-la-Neuve
compagnon. || ne passe pas son temps à se
bourrer le crâne avec une ou plusieurs
œuvreis) d'un écrivain quel qu'il soit, il
s'auto-éduque. Mais je n'ai rien contre le fait
que des articles émanant des milieux chré-
tiens soient passés dans AL. Pourtant, jé ne
suis pas pour les «calotins» et ne le suis
pas. Etre anar, c'est penser et fairé cé que
l'on veut, c'est aussi accepter que les
autresfassent et pensent comme ils l£ veu-
tent. Alors, si des gens croient en Dieu,
c'est leur droit. Et, si AL passe des trucs
chrétiens, c'est son droit. Tout comme le
compagnon Nicolas Semaille a lé droit de
critiquer les Chrétiens. J'aimerais demander
à AL s'il serait possible de passer plus d'arti-
cles sur les prisons et/ou des lettres éma-
nant de détenus cherchant des correspon-
dants. Daniel Vérmeulen, 6/02 rue du
Laboratoire, 6000 Charleroi
libertaire bcbg ?
Bon, ävant tout, je n'aime pas critiquer pour
faire du vent, mais puisque vous le désirez,
je vais bonc blablater, positivement, je
l'espère. C'est bien beau les luttes et mou-
vements pour les immigrés, contre l'apar-
theid, pour l'avortement, les querelles de
popottes chez lés écolos, les nouveaux
mouvements machins et les pétitions pour
truc, les homos libérés, les prisonniers
incarcérés, les droits de l'homme et
Amnesty International... tous ces articles,
toutes ces lignées correctément alignées à
gauche, juste un peu dans la marge, mais
prenant attention à ne pas y tomber. Bien
entendu, de tels problèmes doivent être
abordés, mais dé là à en remplir tout votre
(notre?) journal. Je sais qu'AL est le jour-
nal de ses lecteurs, qu'il reflète la liberté
d'expression comme aucun autre en Beilgi-
que, qu'un tel journal est indispensable.
Mais depuis quelques mois vous avéz tén-
dance à verser dans le style intellectuel pro-
gressiste qui enfonce des portes ouvertes,
dans le genre attristé par les problèmes
{(MEDIATISES) du monde mais ne remettant
que rarement le véritable fond des choses
en question... Vous lé savez ça, vous le
vivez ce tournant, vous le voulez...? Certai-
nement pas pour acquérir plus de lecteurs
(me trompe-je...]. Est-ce cela la maturité
professionnelle? Déja revenu de l'Utopie?
Changer notre vie maintenant en oubliant le
côté «évolutions des choses? Où sont
passés révolte et contestation, irrespect et
satire, articles de fond sur le fond des cho-
ses? Où est passé l'anarchie dont vous
Jean-Louis Bruyère
expose ses toiles
jusqu’au 18 octobre 87
à la Galerie 2016
5 av. G. Macau 1050 Bxl
vous réclamez? À-t-alle disparu avec le plus
en plus minuscule dibértairs+ de la couver-
ture du journal? Peur de choper la scanda-
lite aigue comme avec {es fameux numéro
lors de la visite du Pape en Belgique? Est-
ce là, la nouvelle voie des libertaires..…. la
réforme bcbg? La main dans la main avec la
gauche fourbe et hypocrite? L'humanisme
cacaprout ça fait gerber, non? Maintenant,
les suggestions. Avant tout, je souhaiterais
qu'il y ait de nouveau plus d'articles mor-
dant contre le système en général, contre
ses abus, ses scandales, son fonctionne-
ment, et pourquoi pas un peu de théorie. Il
faudrait parter de la politique belge et inter-
nationale, des mouvements de libération.
Des articles sur ceux et celles qui font bou-
ger les choses. Une rubrique sur la musique
{en plus dé la BD qui est très bien faîte)
engagée et alternative, Des articles de
satire, de dérision. l'anarchie, c'est aussi
cela. Des textes sur les peuples qui sont
encoré plus ou moins libres (nomades,
arborigènes...) ou du moins plus ou moins
en dehors de la société de consommation.
Continuez à nous faire de bonnes affiches.
Bravo pour les pages d'Article 31. Elan
entendu, c'est beaucoup demander, mais
ce ne sont que des suggestions.
Merci de m'avoir lu. Roland Duchesne
plus d’articles de fond...
Plus d'articles de fond sur la société de
{con)sommation, les rouages des feuille-
tons américains, les jeunes marginaux, la
drogue, le sida, les homosexuels, les fem-
mes seules, l8s vieux... J'ai beaucoup
aimé les articles récents sur le fast-food, les
nouveaux pauvres, les prisons, le terro-
risme.…. Pourquoi ne pas consacrer uné par-
tie de la revue à la contestation de tous les
pouvoirs, surtout lorsqu'on approche des
campagnes débiles pour les élections com-
muhales? D. Martens. Liège.
afrique du sud: un dirigeant
syndical menacé de mort...
MOSES MAYEKISO est le secrétaire géné-
ral du Syndicat National des Travailleurs du
Métal (NUMSA) et un des principaux diri-
geants de la confédération syndicale
COSATU. Agé de 38 ans, il a été licencié
en 1979 de l'usine automobile Toyota pour
cause d'activités syndicales. Depuis lors, il
a été arrêté à plusieurs reprises pour les
mêmes raisons, mais relâché chaque fois
faute de preuves. Depuis le 14 juin 1986, il
est, à nouveau, détenu en prison avec qua-
tre de ses camarades, dans des circonstan-
ces épouvantables: cellules individuelles
sans fenêtres, isolement complet, interdic-
tion des visites, lumière artificielle 24h00
sur 24, brutalités répétées... Plusieurs fols
reporté, son procès doit s'ouvrir le 19 octo-
bre prochain et durer plusieurs mois. Moses
Mayekiso est accusé de «haute trahison,
Subversion et séditions pour avoir organisé
des tournéés d'information et de récoîte
d'argent pour le syndicat. En tant que prési-
dent du Comité d'Action d'Alexandra (une
des plus grande cité-dortoirs pour ouvriérs
noirs), il est accusé aussi d'avoir pris part à
des manifestations organisées pour dénon-
cer les attaques fréquentes de là police
contre les enterrements de militants noirs.
Si ces accusations sont retenues, il risque
d'être condamné à mort et pendu. La
répression contre les militants syndicaux
est un fait banal et quotidien en Afrique du
Sud, mais c'est la première fois que le
régime de l'apartheid s'en prend à un diri-
geant syndical aussi connu et aussi popu-
laire. Après les intérventions répétées de la
police et des milices patronales contre les
mineurs en grève (.. 10 morisl}), ce procès
constitue uné nouvelle indication du durois-
sement de l'attitude du gouvernement
Botha envers le mouvement syndical. Une
campagne de solidarité internationale à été
lancée avec le soutien de syndicalistes ét
parlementaires de plusieurs pays afin
d'obtenir la libération de Moses Mayekiso et
de ses camarades. Pour plus de renssigne-
ments et pour obtenir la pétition rédigée à
cette occasion, adressez-vous aux Amis
de Moses Mayekiso, cio Jean Pelletier, 9
rue Marexhe à 4400 Herstal.
14° épisode
Chiquet Mawet s’est embarquée, avec son jules
(le Bill) et ses copains dans la lutte anti-nucléaire
en fondant la première association belge, l'APR+-
B. Tout en élevant son bambin, elle multiplie les
tracts et conférences-débats qui doivent, espère-
t-elle, faire prendre conscience à la population
des dangers de l'atome, fussent-t-ils civils. Les
foules cependant ne sont guère au rendez-vous.
Nous la retrouvons coïncée lors d'une manifes-
tation européenne, à la frontière franco-belge...
A quelques mètres les CRS bloquent tout pas-
se vers le pays de la Déclaration des Droits de
"Homme...
bons baisers,
fleurs et crs
On peut s'étonner aujourd'hui des mystérieuses
dimensions qui tendaient la toile de notre univers |
de telle sorte que nous ayons pu jouer à la vie |
avec une confiance aussi enfantine. Face au bar-
rage de CRS, avec dans le dos, la bonhommie |
planquée des gendarmes belges qui nous
auraient mmatraqués tous pareil s'ils en avaient
reçu l'ordre, nous persistions à ignorer la vérita-
ble nature de l'increvable Léviathan et nous nous
ébattions dans les gags et les amours internatio-
nales, nouées à la va-vite entre deux télégram-
mes à Giscard et son Ministre de l'Intérieur. Le
reste, heureux reste, encombré d'enfants sales,
bronzés et fatigués, l'avenir quoi, avait bien le
temps de nous attendre, souriant et maternel, on
arrivait, à pied, géniaux, innocemment débiles.
Le Bill, ficelé sur son dromadaire, reconnaissait le
bled de l'cæil infaillible du quide des sables. Il se
surpassa pour trouver à loger et à nourrir la cara-
vane bloquée et exténuée, rien d'étonnant à ce
qu'il füt devenu en quelques jours l'universelle
coqueluche de la troupe, as-tu vu Michel, où est
Michel, say it to Michel.
Michel, c'est ainsi que les nouveaux venus
s'adressent au BILL et pour l'archéolague préoc-
cupé de problèmes de datation, cette dénomine-
tion indique avec certitude une relation post-
clopienne. Le post-clopien demeure pour moi,
j'aime à le préciser, l'étranger, l'escapade touris-
tique, le rnirage brûlant, les Finistères brumeux,
dès qu'autour de moi les gens donnent au Bill du
Michel lona comme le bras, je me sens en transit
et réduite à l'observation silencieuse de rites aux-
quels je n’entrave rien. Alors, de deux choses
l'une, ou les Etrangers renoncent à leur statut et
entrent dans la grande famille pour qui un Bill est
un Bill, ou ils persistent dans l'exotisme et ne pas-
sent pas la barre. En gros. À Watrelos, on n'avait
quère le temps pour les initiations, je vivais donc
à l'écart, avec des jumelles mentales, quel repos,
au grand concernement succédait les congés
payés, ave nonobstant, de ci de là, une légère
nausée, nous ne le savions pas encore, mais des
profondeurs du divin mystère (de la vie), Noël
avait démarré.
militante, je flottais dans le sillage desquels i y
avait le plus à se marrer: le groupe d'homos,
encarnavalés jusqu'aux moustaches ét qui ne
cessaient de faire du temps qui passe un specta-
cle perlé et bondissant. lis étaient malheureuse-
ment difficilement approchables, avec ce que je
n'ai jamais compris chez les homos mâles, un
hostile mépris pour les femmes, comme si devant
la dérobade de leur corps, nous devenions de
redoutables cannibales, qu'est-ce que les hom-
mes imaginent, ça fait un bien fou de tomber de
temps en temps sur un congénère qui ne Sup-
pute pas immédiatement quoi faire avec nos fes-
ses au lieu d'écouter ce qu'on leur dit,? si Dieu
avait été pratique, les femmes auraient dû parler
avec leur cul, au moins, la situation aurait été
claire.
Les enfants partägeaient mon attirance pour eux,
ils étaient en général plus jouettes que les
parents et moins nerveux. Et puis, avec leur
déguisement, on cavalait en pleine reconstitution
historique, moi en arrière-garde pour ne pas trop
lès effaroucher, mais en garde suffisamment rap-
prochée pour ne pas perdre une miette de leurs
aimables conneries.
Malgré la bonne humeur, nos visages se tiraient.
À glander le long des barrières Nadar en atten-
dant que Giscard lève l'embargo, on attrappait
soif et les jambes lourdes. Les villageois s'émour-
valent de nos cernes et surtout de ceux des
enfants, de temps en temps, on avait droit à un
casier de limonades ou de bières et les sacros-
Saints contacts informatifs se nouaient sans
même qu'on ait essayé: -Et c'est pourquoi votre
truc et d'où y viennent ces gens-là, y partent
anglais, non? C'était un plaisir de laisser tomber,
négligeant Nouvelle-Zeelande, Canada ou USA,
du coup le nucléaire faisait boum sur la place et
après que les caméras de la télé se soient tirées,
les gens se hâtaient vers les chaumières, des
fois qu'ils auraient été dans le poste avec les mar-
cheurs.
- on Ss'assemble, les mecs, annonça le chef pédé
à sa bande, j'avais qu'à les suivre pour savoir où
ça allait discuter …
L'assemblée, vautrée sur les sacs à dos, à dis-
tance raisonnable des CRS et du bistrot, décida
qu'une délégation occuperait en permanence la
route au niveau du poste frontière. L'horaire des
relèves fut soigneusement établi, que ce ne soit
notre feuilleton: chiquet mawet se raconte
ou leS mémoires d'une militante antinucléaire… 3
re Ci: ÿ TS anis
En vous proposant, en feuilleton, le récit autobiographique de Chiquet
Mawet, Alternative décide de faire d’une pierre deux coups. D’abord, le
plaisir de renouer avec la vieille tradition populaire du feuilleton qui fait
battre les cœurs. Ensuite, rafraîchir les souvenirs de ceux qui auraient
oublié qu’il y a presque 15 ans, personne en Belgique ne savait ce
qu'était une centrale nucléaire. Alors qu'aujourd'hui, rendons grâce
aux écolos, ils sont rares ceux qui pensent encore que le mot «pollu-
tion» s’emploie toujours avec l’adjectif «nocturne».
C’est une histoire à la première personne du singulier. mais aussi sou-
vent au pluriel. Une histoire d’amour, et de politique. Une histoire dont
on serait heureux qu’elle ne soit que belge, mais qui est hélas univer-
selle, comme la connerie. Ce feuilleton paraîtra sous forme de livre en
fin de publication dans Alternative Libertaire. Dès à présent réservez-le
en versant 400 francs au compte 001-1632181-38 des Editions 22Mars.
| den viager pin fui |
Parmi ceux qui allaient être de garde la nuit, les
pas toujours les mêmes, surtout avec le temps. Il
pleuvait un coup sur deux. Entre, les femmes tor-
daient les vêtements et les couvertures et les fai-
saient sècher dans les abris-bus. Nous sentions
tous le mouillé, c'est pas bon pour le moral.
- Il faudrait quelque chose, une diversion, répan-
dirent les esprits responsables, ceux qui vour-
draient toujours que ça marche, avec tout ce
qu'on s'est déjà fait suer jusqu'ici.
plus raisonnables se planquaient pour un somme,
les autres se réfugiaient dans les bistrots aux
nouvelles. Des nouvelles, il n'y en avait guère,
Giscard dinait, la télé allait nous passer, les gen-
darmes nous exhortaient au calme :
- Nous, on n'a rien à voir avec les Français. C'est
pas parce que vous avez les cheveux longs que.
On sait rien, mais ça peut pas durer. Le ciel tira
enfin les rideaux ét Sous un édredon de plumes
d'oie crevé, les pulls et les cheveux se mirent à
sécher. Dès que la lumière revient, l'âme se
reprend à batifoler, les bistrots se vidèrent et la
foule rappliqua au poste frontière.
- Il faudrait quelque chose, mais quoi, persistaient
les natures anxieuses. On tournait en rond,
autour de nous, les enfants piétinaient, comme
seuls ils savent le faire, la morve au nez, maman,
je m'ennuie. Un beau petit Anglais aux yeux
réveurs ramenait à sa mère un énorme bouquet
de myosotis et de boutons d'or. Ce fut la pomme
de Newton: une jeune Française, toute en
vapeurs mauves et cascades blondes se mit à
| trépigner :
| - Eh, tout le monde cueille des fleurs. On fait des
bouquets et on va les déposer aux pieds des
| CRS!
Un attroupement instantané salua ce coup de
génie populaire.
- On leur donne, pourquoi pas, frétilla une autre,
ce sont des hommes comme les autres! Dans les
parages, revenu de tout, croisait Le Parisien, tou-
jours en verve de fortes conclusions. S'il n'avait
tenu à le dire lui-même, tout lé monde aurait pu lui
souffler qu'on se les prendrait sur la gueule avec
la matraque en prime.
De ces prises de position initiales naquirent deux
écoles, difficiles à concilier: les partisans de la
provocation pure et simple, on défile monuments
aux morts et puis, les déconnez pas, si nous ne
sortons pas de la logique de l'agressivité, rien ne
changera jamais et comment construire un
monde nouveau sur les victimes d'un si méchant
sarçcasme, la messe recommençait, les pédés se
tiraient, les enfants à leurs bottes et moi derrière.
- Bon-bon, essayérent de nous clamer les pro-
| moteurs de l'idée, tant qu'à glander, autant faire
| la fête, rangeons-nous deux par deux et chaque
| couple ira déposer ses fleurs dans l'esprit qu'il
veut. La tolérance l'ermporta, mais le noyau des
meneurs exigea de tous les conspirateurs qu'ils
œuvrent dans la plus totale clandestinité et ne
divulguent à personne le fin fond de l'affaire.
Mine de rien, c'était assez coton d'aller trouver
les autres, qui n'étaient pas dans le secret, avec
des ordres sybillins -dis, Machin, tu cuellles dis-
crètement des fleurs, puis tu viens te ranger là
devant sans s'expliquer sur les finalités et pers-
pectives d'actions, rnais la marche était compo-
sée de militants exemplaires, qui avait déjà appris
que les indics sont partout, surtout là où on les
attend le moins. Is s'exécutèrent de souriante
grâce, sans poser de questions à nos clins
d'yeux entendus. Evidemment, cinquante per-
sonnes qui se répandent dans les prés et se met-
tent à jouer les Chaperons rouges, ça tire l'œil,
les CRS bronchaient sous le harnois et les
autochtones branlaient du chef.
Les cueilleurs étaient tous gagnés par une fièvre
esthétique de Geisha, mais c'était les homos et
de loin, qui étaient les plus doués. Ils compo-
saient des chefs d'œuvre de graminées émer-
geant de flaques bleue et or sur friselis mauves, à
vous couper le souffle, de vraies petites femmes
ricanaient les hétéros, avec la légèreté qu'on
devine.
Sans trop se faire remarquer, ceux qui étaient en
ordre de bouquet venaient docilement se ranger
selon les injonctions secrètement distillées par
les orgas, et bientôt, un corso inoubliablement
fleuri s'étira de la ligne CRS au bistrot.
Quand nous fûmes tous rangés et immobiles, un
silence tendu s'abattit sur la frontière. Quoique
nous nous soyons efforcés de cacher nos bou-
quets derrière nous, nos attitudes coupables et
nos appels au calme inquiétaient de plus en plus
visiblement les CRS. Oh, ils n'auraient fait de
nous qu'une bouchée, mais nos fous rires
ouvraient sous leurs bottes un précipice sans
fond. Habitués aux injures et aux jets de pierre,
ils devaient s'attendre à une diabolique machina-
tion waterproof et incassable à la matraque. Fixes
jusque-là, leurs yeux se mirent à rouler dans les
orbites de gauche à droite afin de saisir tout mou-
vement séditieux qu'ils allaient avoir, c'était évi-
dent, 4 mater avec une férocité d'un nouveau
genre puisque le reste ne marcherait pas. Man-
que de pot pour eux, nous étions du côté belge
de la rue et, comme nous l'avons appris à cette
occasion, il est interdit à des forces étrangères
en uniforme de fouler le territoire national à des
fins de répression. On sait bien que l'internatio-
nale des flics opèrent depuis beau temps dans
l'espace européen, mais pas en habit, le bleu
CRS ne peut se salir qu'en France, Sinon on se
trouve carrément devant un casus belli.
On imagine l'affreuse situation: d'où nous étions,
nous pouvions voir frissonner leurs épaulettes, ils
n'en pouvaient plus de devoir refouler l'envie de
ABONNEZ-VOUS: 600 FRS L’AN AU COMPTE 001-0536851-32!
ALTERNATIVE LIBERTAIRE *x ASBL 22MARS - N° 93 - OCTOBRES7 - PAGE 19
cogner et de faucher une fois pour toutes cette
tendre moisson de chevelures ensoleillées.
Le silence qui s'était établi se contracta soudain
et une toute jeune fille, blonde et hâlée, dans une
de ces longues robes vaporeuses, qui dans ces
années-là masquaient le doux balancement des
Corps féminins s'avança comme une gravure au
devant de la rangée de molosses en armes. Elle
tenait ses fleurs devant elle, comme une statue
dans une église et quand dans un bruissement
d'ailes, elle arriva à la hauteur du flic le plus
médian, elle lui tendit le bouquet d'un geste si
prévisible, si conforme à sa silhouette, à la cou-
leur du ciel, à ses vingt ans et à notre innocence,
que le flic, surpris dans un for intérieur vieux de
deux mille ans, leva les mains à Son tour et le lui
prit avec un bégayement de remerciement.
Une bordée d'acclamations émues et de rires
chaleureux salua cet échange que nous ressenti-
mes comme l'impossible étreinte de la gazelle et
du tigre. La vapeur de sourire qui s'était déposée
sur quelques lèvres policières se dissipa aussi-
tôt: ils n'avaient pas fait peur, donc ils avaient l'air
con, l'insupportable offense quand on sait que si
on est là, jambes écartées et visières abaissées,
c'est bien sûr qu'on en est waiment un. Les
fleurs narquoises du couple tombéèrent à leurs
pieds et le mal-foutu, qui avait dérogé aux lois du
genre en les serrant sur son cœur, rougit violem-
ment et jeta son bouquet à terre. Ainsi, l'amer
rivage, balayé par nos gracieux sortilèges ne
s'émut plus, ni de nos révérences, ni de nos sou-
rires, ni de nos grimaces, seules fronçérent quel-
ques paires de sourcils quand un héros de notre
bord, après avoir déposé son offrande sur les
godssses d'un redoutable, alla l'y reprendre avec
un reniflement écœuré pour la déposer dans les
bras d'un spectateur du cru.
Insensiblement, les homos se rapprochalent de la
scène. |ls papotaient entre eux et redressaient
de temps à autre leurs compositions florales d'un
doigt connaisseur. Au centre de leur groupe,
dominait comme d'habitude un effrayant Tartare,
aux longues tresses de jais, aux moustaches plus
longues encore, qui dépiaçait avec une lente
cruauté un corps athlétique vêtu d'un tuniqué
dorée. C'était le genre à ne jamais avoir dû subir
le moindre sourire équivoque et sur son passage,
la petite classe s'attelait bien Sagement à quelque
urgence, ne retrouvant un peu de vie que
lorsqu'il daïignait Sourire, ce qu'il faisait souvent,
en vérité, mais les gens sont aveugles quand on
leur retire leurs barreaux.
lls allaient là, apparemment indifférents à ce qui
se passait, quand tout à coup, comme un brouil-
lard de poissons pilotes, ils se sont détachés du
cortège et dans une explosion de rires et de
petits cris, ils ont largué leur fleurs tout le long de
la rangée de flics. Immobile, le grand pédé mon-
gol, attendait légèrement en retrait. Quand ses
copains ont reflué, il s'est ébranlé, un coquelicot
entre les doigts, il a fondu sur le flic le plus hai-
neux et d'un geste de suzerain l'a étreint impi-
toyabiement avant de lui coller un de ces mons-
trueux patins que même dans les films pornos, ils
hésitent.
Nous étions tous sous le choc. Comme disaient
les plus convenables, il y en a toujours qui exagè-
rent et c'est comme ça qu'on 4 des ennuis. Il n'y
avait qu'à viser les gueules, côté France, pour
comprendre ce que c'est la haine, mais nous, on
riait, on riait, on riait tellement qu'on s'est choppé
une dalle pas possible, le Bill appelait à la bouffe,
ça tombait bien, on a tout planté là, les flics entre
eux et en face, les volontaires pour le premier
quart, les jeunes sont insouciants.
Après avoir brouté, picolé, fait tous nos tours, on
s'est cherché une niche pour la nuit, tous les
chats sont gris, les CRS aussi. En passant par les
jardins, ils ont franchi la ligne interdite et violé
notre territoire pour tabasser férocemment les
marcheurs de garde et surtout, ah, surtout, le
pied, les enfants, tout fiers d'être restés avec
leurs parents pour cet héroïque escient. lls ont
traîné Christopher, le beau petit Anglais, par ses
longs cheveux acajou, ils l'ont traîné sur au moins
dix mètres avant de le lâcher au père qui battait
l'air à l'aveuglette, sous son arcade sourcillière
fendue, ils ont tanné les dormeurs, pris au piège
dans leur sac de couchage, tanné les filles qui se
sauvaient en cachant leurs seins nus, tanné les
chiens, tanné les chats, tanné les rats. Et puis, ils
sont retournés sous leur grand drapeau bleu-
blanc-rouge, reprendre la pose face aux gauchis-
tes venus du brouillard.
Quand nous sommes accourus, réveillés par les
hurlements, il n'y avait plus qu'à panser les bles-
sès et bercer les sanglots des enfants. La guerre
entre la France et la Belgique n’a cependant pas
eu lieu, le casus belli n'avait pas eu la télé comme
témoin. Le lendemain, le Bill ét moi, nous devions
rentrer à Bruxelles. L'intendance était assurée et
les Anars, de Courtrai, cette fois veillaient. Les
marcheurs ont attendu plusieurs jours à la fron-
tière et le gouvernement français n'a pas levé
l'interdiction. Pour finir, ils sont passés clandesti-
nement et un par un, ça n'intéressait plus per-
sonné et quand ils se sont retrouvés à Paris pour
la remise solennelle et à qui voulait bien la rece-
voir d'une pétition comminatoire, la Télé a haussé
les épaules.
Une fois de plus et comme toujours, le Progrès
triomphait, c'est terrifiant, vous pouvez vous en
convaincre, jamais, il n'arrête sa majestueuse
glissade au néant et quand il ralentit, c'est pour
mieux bondir, toutes les digues virent tremplin,
ceux qui lui résistent font cortège, quoi que nous
tentions, l’araignée reprend inéluctablement la |
position que lui prescrit l'instinct, dût-elle en
périr. Savoir et ne rien pouvoir, c'est l'enfer, on
se demande où les cathos on la tête pour perdre
du temps à s'en tricoter Un imaginaire, y a qu'à
laisser aller.
excuser dans «La Gueule ouverte», la belle jambe
qu'il nous faisait là.
À la radio, Colette Guédeney se vautrait à n'en
plus finir dans des clichés qui auraient fait mourir
de rire une vache, mais certainement pas G. Wie-
lemans, tout en confiture côté manche et crapur-
lerie hautaine côté nous. Walter et moi, nous
avions déjà eu l'occasion d'en tâter une fois, au
cours d'un de ces débats à la loyauté différée,
vous posez vos questions et objections, l’enre-
gistrement est souris aux débateurs profession-
nels du nucléaire ou de n'importe qu'elle entre-
prise profitable en ce bas monde, et puis après,
on vous arrange un beau petit montage des famil-
les, mais voyons, Médéme, vous avez posé vos
questions, ils z'y répondent c'est normal.
Le vertige me prenait en écoutant ce sucre filer
caramel. Je me suis sauvée dans l'atelier du Bill,
le phalus rayonnant
La marche anti-nucléaire avait été une belle
fiesta. Une de plus. Exténuante à organiser, exci-
tante à vivre, éprouvante à rater. Une fatigue
oubliée s'empara de moi dans les jours qui Suivi-
rent. Je ne Comprenais pas, je ne calculais plus,
tout allait de travers. Pressé et peu aimable, le
gynéco de Brugmann m'assura que j'étais
enceinte de deux mois.
- Qu'est-ce que je fais, pensais-je, mais c'était du
tout cuit, peut-on manger l'enfant dont on aime le
père, tant d'énergie dépensée méritait un avenir.
Les sourcils du Bill grimpaient au plafond. C'était
de l'étonnement. Un enfant, ça ne l’effrayait pas,
quand il était petit, il avait toujours rêvé d'avoir
plein d'enfants, mais pas de femme, tu vois, bon,
j'étais là, on n'allait pas me jeter, mais quand il
était petit, il s'était toujours vu avec plein
d'enfants, tu vois, et pas de femme, c'est appa-
remment ce qui le déconcertait le plus, la femme
en plus de l'enfant, ou le contraire, allez savoir.
La foudre s'abattait Sur mon buisson de mythes, il
se pouvait que je sois de trop en cette occu-
rence, un soupçon m'effleura, peut-être bobonne
roulait-elle aux orties, peut-être eût-il mieux valu
que pas, peut-être sera-t-il trop tard quand ça
sera. Peut-être, mais en attendant de savoir,
nous étions d'accord qu'il fallait déménager. La
ville, pour les môûmes, c'est tout ce qu'il y a de
contraire. Quand nous avions emménagé à Lae-
ken, à deux pas des Altesses, nous avions
amarré au bord d'un immense terrain vague peu-
plé d'arbres, de mares, de grues et de canards.
Pénétré de ses responsabiltiés de faisant-
fonction, le Bill avait systématiquement initié Bo-
boss au grimpage dans les arbres et à la cons-
truction de cabanes super-camoufiées, les
enfants du coin n'ayant apparemment qu'une
idée, celle de tout démolir.
I n'y à moyen de vivre en altitude hachélème qu'à
la condition d'avoir une assurance-aventure in the
pocket, le nucléaire pour les grands, le terrain
vague pour les petits, chauffage central st tout à
l'égoût pour tout le monde. Evidemment, avec un
peu de jugeotte, n'importe qui devine que la mer-
veilleuse forêt vierge qui borde l'impeccable
cimetry immobilier -bpelouses de prestige, bac à
sable et crottes de chien- ne tient sur ses grands |
troncs que par la grâce d'un sursis publicitaire et
que sitôt bourré le dernier apparte du dernier
bloc, les pelleteuses-bétonnantes vont bombar-
der tout ça presto bien propre, n'importe qui,
mais pas nos têtes folles, nous folâtrions dans les
verts paturages des amours enfantines sans
nous poser la moindre question et puis, crac, un
beau matin, la frénésie bull rattaqua. Non, nous
n'allions pas aligner les mômes dans lenfer |
urbain, l’allait falloir s’arracher, trouver une île et
s'enraciner là où la vie avait encore la couleur des |
saisons.
Là-dessus, le Bill sursauta, parce que c'était
l'heure d'une émission pour et contre qu'animait
parfois un journaliste sympa et pas trop frileux
question de mettre en question. Moi, j'en avais
ma. claque. Je ne voulais plus rien entendre, je
voulais la paix et la verdure pour ce petit corni-
chon inconnu qui avait décidé de faire son nid
Sans Savoir si c'était bien l'endroit et le moment.
Mais prévenu par le Von qu'on allait passer ce
matin-là une interview de Colette Guedeney et
Gérard Mendel, à l'occasion de la sortie de leur
livre <Ll’angoisse atomique et les centrales
nucléaires», le Bill, en alérte, ne voulait à aucun
prix se laisser distraire par l'évocation de sa
future: paternité.
À l'heure dite, la radio explosa et je me mis à hur-
ler. Non, je ne voulais plus savoir, si ces deux-là
avaient la gueule du titre qu'ils s'étaient trouvé,
on était parti pour une séance de psychiatrisation
façon soviet et les anti-nucléaires, en plus d'être
de la graine de terroriste allsient passer dange-
reux dingues, je n'en pouvais plus, j'allais faire
une fausse-couche, hi-fi! Surpris le Bill me consi-
déra en silence, puis s'en fut chez le voisin de
gauche, celui dont on gardait parfois les enfants,
écouter son émission au calme. Pour moi ça ne |
changerait rien. De le savoir à l'écoute, c'était
exactement comme si les deux connards avaient
vaticiné au bord de mes tympans, j'était folle, je
voyais le Bill prendre des notes, sautiller de rage,
du reste deux minutes après m'avoir quittée, voilà
qu'il Se repointait, quand la vie est trop dure, faut
toujours qu'il me prenne à témoin, je n'avais
aucune idée, une conasse pareille, j'aurais plus
jamais l'occasion, en plus, c'était pas le journa-
liste Sympa, c'était Wielemans, un festival, en
plus, il allait y avoir un débat contradictoire, ce
soir, est-ce que je me rendais compte, un débat
contradictoire sans nous, il courait leur télépho-
ner à ces caves (on n'avait pas le téléphone), il
allait exiger la participation, qu'ils acceptent ou
non, on irait!
Hurler ne servait à rien, je me mis à pleurer, à |
sangloter, à inonder la table, les tracts en gesta-
tion, les corrections en attente, lui ne comprenait
pas, jamais il ne m'avait vue comme ça, mais
écoute, s'acharnait-il à me convaincre, écoute tu
vas voir et pour me consoler sans doute, il alluma
le petit transistor. Je fus immédiatement submer-
gée par la prétention pédante de Colette Guéde-
ney, psychanaliste dont je n'aurais eu à fendre le
sillage Si elle ne s'était bien opportunément
offerte à démontrer comment sa science de
l'âme pouvait réduire la poussée anti-nucléaire à
ses axes véritables. Maintenant, on la passait
partout où la fée électricité estimait utile de
défendre ses actions uranium. Comment Mendel
s'était laissé piéger dans cette histoire, lui qui
n'avait jusque-là que d'honorables états de ser-
vice (La révolte contre le père, Pour décoloniser
l'enfant, Théorie de la plus-value de pouvoir, etc),
il s'en expliqua par la suite et alla jusqu'à s'en
ALTERNATIVE LIBERTAIRE * ASBL 22 MARS - N° 93 - OCTOBRE 87 - PAGE 20
où nous dormions d'habitude et je me suis
enfouie la tête sous l’oreiller.
Au téléphone Chantal istace assura le Bill que
bien sûr, l'APRI était invitée, qu'elle avait recomn-
mandé expressément que nous soyons préve-
nus à temps, c'était vraiment incroyable que ce
ne fût déjà chose faite, soyez là à 1 9h30 au plus
tard, c'était OK, on y allait, Chiquet.
Ce qui avait été fait pour que nous soyons préve-
nus avait dûù toucher vraiment peu de monde,
parce que personne Place Flagey n'avait l'air dé
savoir qui nous étions. On a dû exploiter les va-
et-vient et les distractions du personnel de garde
pour parvenir finalement presqu'à l'heure dans le
studio où allait Se dérouler l'émission. Le regard
de Gearginou m'a transpercée sans me remattre,
l'accueil dur-dur, surtout quand il règne une cha:
leur étouffante et qu'un monde fou se presse à
vos pieds. Nous avons rapidement identifié sous
leurs cheveux abondants les trotzkards pen-
sants, puis autour d'eux, les zozos de fin du |
monde, les syndicalistes et le beau monde inter-
com. De l'autre côté d'une ligne invisible, Colette
Guédeney, la quarantaine écrasante, froufroutait
au milieu des huiles et dés salamalecs. Elle était
seule en piste, ça devait la combler.
Un trouble désolé gagna ce qu'il me restait de
conscience sauve. Je savais qu'il me fallait réta-
mer cette suffisante gonzesse, que je désa-
morce l'accusation dont 5e servent volontiers les
L'ANGOISSE ATOMIQUE
L QUELQUES INTERVIEWS INDIVIDUELLES
À a question : « Qu'est pour vous l'énergie atomique? » voics
quelles furent Les réponses recueillies en 1971-1972 :
— Un éludiant en mathématiques, 17 ans, Perts :
« L'énergie nucléaire? C'est une nouvelle forme d'énergie ». Et
Hiroshima? — + Bien sûr, c'est la bombe atomique ; elle a un ça-
ractére spécial on raison de sa puissance d'explosion ».
— Ln éfudiant en sociologie, $£ ans, Paris :
e C'est grave. »
Confusion des srainles.
— Une étudiante en droil (20 année), 19 ans, Paris :
# L'énergie atomique Ÿ Je n'en pense rien, je ne sais pas. »
fnhiôilion intellectuelle, ;
— Un éludiant en médecine, 19 ans, Bordeaux :
2 L'énorgie atomique? Ce n'est sûrement pas la bombe »..
Dérégation.
— Une jeune fille espagnole, employée de maisan, 19 ans (originaire
de Galicie, depuis 3 ans en France. Queslion posée en espagnol} :
c Je nc sais pas ce que c'est » — Et In bombe ?.« J'ai dejà entendu
parler, mais je ne sais pas a.
.— À la Guadeloupe, beaucoup d'autochtones font des réponses
#imilaires, à ceci prés que beauconp n'en ont même jamais entendu
parier, ni de l’un ni de l'autre (apporté par un ethnolaguc).
— Une menœuvre, (5 ans environ, Parts :
2 Pour moi,-c'est l'apacalypse, il n'y aura pas d'An 20001 x
Échec des défenses, el argaisse.
.— Un agriculteur, 55 ansenviron, SudOuest de la France (fervent
de télévision) :
« C'est pour Le bien, comme pour le mal s.
Ambivalence.
— Un ouurier-muçon, 30 ans, Sud-Oues! de ln France, région
sémi-rurale :
« Ohf vous sives, c'est lallaire des gens qui ont fail des études,
ét des gouvernements. Nous, pourvu qu'on vive à l'aise et sans
trop de soucis, c'est l'essentiel! +. < Bien sûr, il y s lx bombe »..
Attitude régrestinc.
— Un peintre en béliments, palren de son entreprise, marié à une
insfffuirice, ét Rabrlart une petite ville de propince française :
Pour lui, a l'énergie atomique est l'énergie universelle. Bien sûr,
Îy a ou Hiroshima, maïs la bombe on peut Loujours ns pas la licher,
elle ne part pas toute soute » (C'est le seul qui fit cette constatation)
11 à confiance dans l'intelligence et la sagesse humaine. 1] a l'im-
pression de vivre une époque exésptionnelle, de voir s'ouvrir le
monde de la connaissance. « C'est ce qui donne à Ja vie son véritable
SCns +.
— Un sénateur alsacien:
_« Ce n'est pas que je pense à la terreur de l'an 100, mais. »
Tentalive de dénégarian, el échec.
— Un fonctionnaire de Préfecture, 60 ans enviran, Paris (avec
une certaine satisfaction) :
“ Après tout, on l'a bien mérité, à trop vouloir... et ce n'est pas
Finil On a toujours dit qué lorsque le Sphinx aura livré son secrel,
lé monde périraitl.. »
Atitente de cuinabtlité intense.
— Cf camrmerçant droguisie, 30 à 40 ans, Paris :
« Le jeu en vaut-1llla chandclle =?
Xoë d'esprit inconscient, en tant que retour d'un fantasme refoulé.
— Une femme médecin, pédiaire, 37 ans, Paris :
Devant un dessin tout en traits courbes, d'allure dynamique,
ele s'écria : « C'est obsctnc » Réponse de l'artiste : « Mais c'est
l'énergie l «
— Un psychanutiyslte : :
« Depuis qu'il a êté question d'énergie atomique, j'ai pris des
nolès avec un crayon rouge, cœ qui m'est inhabituéll =
Attitude défensive.
— Un deuxième psychanalyste :
* Pourquoi mc demandez-vous cela? Wotre question doît re-
couvrir quelque probléme pecsontell., »
Altitude défensise.
— Une troisiènrs psychanalyste :
Se montra étonnée de mon intérék pour ce sujet, mais conclut :
« Ce doit être votre tentative personnelle pour maitriser vos imagos!
Défense par ralionalisaltion.
— Une assistante sociale d'entreprise :
« Je ne sais pas ce que c'est, ét je ne veux pas le sisoir ».
Afilude phobique,
— Un enseignant en sciemces paliliques :
1 Ça peut être utile, Mais Ü y a aussi la Bombe. s
Confusion des craintes.
— Dans des milieux trés divers, In réponse la plus souvent en-
Lenduc cost : « Moi, je n'y comprends rien {inhibition intellectuell),
$s ne m'intéresse pas (attitude phobique), on mc dépasse, s … a Vous
devez parier de la bombe » (confusion des craintes).
— Enfin ou cours d'un diner amical (où se trouvaient des mé
decins, une biologiste, un philosophe et des psychanalystes), À un
moment, un des convives s'enquil de savoir si je travaillais toujours
chez les « atomistes ». À partir de Jà. c ton changea et devint grave.
On discuta de In vie eL de la mort. Four la biologiste, ln distinction
entre lo vie et la mort posait question.
Les médecins senstatalent, chet leurs malndes, une sorte de tabou
de la mort, Puis l'un d'eux raconta — avec humour — une histoire
où un patient avait ouvert unc porte €£ vu son épouse en tenue
Kgére|
On parla du suicide, du désir de guérir... et de l'instinct de mort,
Le philosophe décinra « qu'il était serein en face de la mort. »
Pour lui, l'êté decnier il était sur une plage à Royan» ec soir, il
était mort à l'homme de Royan. »
Ici sont apparus, dés que « l'atome » a ébé évoqué, les thèmes de
mort ct de scëne primitive (l'histoire du médecin).
totalitarismes de notre temps -il sont fous
puisqu'ils contestent- je savais que malgré la ter-
rible trouille du micro, j'allais sans doute y arriver,
de ma place, merci, mais ce que jé savais aussi
avec certitude, c'est que ce n'était pas bon pour
moi, que j'allais me faire du mal, au moins si ça
avait pu servir à quelque chose, mais où a-t-on
jamais vu que les victoires de l'esprit triomphent
de la bêtise ?
Nous nous sommes assis à bonne distance de
l'adversaire en cherchant des amis dans la foule,
mais nous étions seuls de notre race, noîrs char-
bon parmi toutes ces âmes amidonnées bleu-ciel.
Progressivement, l'agitation a tendu vers son
point de chute, Wielemans s'est levé et a expli-
qué les règles du jeu: Guédeney en tête résume-
rait Son analyse, ensuite, nous étions autorisés à
poser nos questions, en maintenant bien les
écarts, et pas plus dé deux minutes chacun,
nous vivions en démocratie. Guédeney a repris
son topo du matin sans ÿ changer un iota: le
nucléaire avait mal commencé par le champignon
de triste mémoire, ça avait laissé d'incurables
lésions dans l'inconscient collectif, il ne fallait
d'autre part pas oublier que c'était une histoire
d'atomes, c'est-à-dire en gros de truc si petits
qu'on ne les voyait même pas et on avait qu'à se
pencher sur le folklore et la tradition pour com-
prendre à quel point le minuscule atterre les sim-
ples, gnômes malfaisants, nains difformes,
homoncules diaboliques et puis, surtout, hé-hé,
surtout, lé champignon, à quoi ressemble-t-il,
réfléchissez bien, ça crève les veux, plus
symbole phallique que ca, tu es carrément dans
le cochon. Symbole phallique, symbole de puis-
sance mâle donc, or or, nous étions en pleine
crise de civilisation, la révolte des fils contre les
pères hein, Mendel, la génération des Oedipes
parricides de 68, le refus nucléaire n'était en fait
que la révolte d'héritiers immatures d'une civilisa-
tion éblouissante, ah, mais, comprenans-les,
c'est bien difficile d'être les enfants de parents
géniaux à ce point. Le parterre se rengorgeait
d'aise. Wielemans frétillait de plaisir. C'était vrai-
ment trop con. Dans un monde normal, l'alarme
aurait sonné et le plateau aurait dû être évacué.
Au lieu de ça, posée toute droite sur son plissé
soleil, la dame n'en finissait plus d'être indulgente
à nos folies, quoique vous pensiez ou disiez
devant un psychanalisté, vous devez être soigné.
Quand la salle a reçu la parole, je dégoulinais. Si
je m'étais écoutée, j'aurais foncé dans l'énumérs-
tion d'arguments dont l’enfilade aurait à coup sûr
étourdi tout le monde, aussi ne me suis-je pas
écoutée et je n'ai pas non plus écouté les fiévreu-
ses suggestions du Bill. Nous avons laissé
s'accumuler les questions révérentieuses et ano-
dines sans bouger. Guédeney rayonnait. Rita
Hayworth n'était pas sa cousine. Les syndicalis-
tes ont gravement introduit les grands problèmes
économiques du temps, en corrélation avec le
nucléaire, les gauchistes avaient de quoi leur
rétorquer judicieusement, mais ce n'est pas ça
qui compte nous nous écartions du sujet. Le
regard de Wielemans nous effleurait sans nous
voir, les copains à l'écoute devaient se demander
ce qui nous était arrivé.
Comme il y avait un creux, Wielemans a cherché
un toutou quémandeur dans les derniers rangs.
J'ai levé la main, il a passé outre, un monsieur fort
bien mis l'a levée aussi pour signaler que la dame,
là, avait quelque chose à dire, il n'a pas entendu,
alors, je me suis levée et avec les intonations
d'une poissarde, j'ai réclamé le micro. Contraire-
ment à ce qu'on pourrait croire, ce n’est pas vrai
que j'ai tous les culots, ma nature est plutôt con-
templative et bon public, l'hostilité ambiante et la
technologie en câbles me désarçonnent et me
font perdre la moitié de mes moyens, faut que je
me drébouille avec le reste et ce n'est pas
donné.
Au bord de mon regard, juste en dessous, à gau-
che, les lunettes du Bill glissaient lentement vers
le bout de son nez. Colette Guédeney attendait
ma question avec un Sourire maternel, nous
étions entre sœurs, l'aînée et la petite débile. Je
lui ai donc fait remarquer qu'elle exerçait un
métier périleux qui consistait à analyser des
psychismes étrangers au moyen du sien propre,
ce dont elle a convenu avec une hâte approba-
trice désarmante, comme elle était contente, on
revenait sur son terrain, j'avais eu le ping, ellé
allait smasher le pong, ça risquait de durer un
môment, j'ai donc repris mon propos un octave
plus haut: elle nè pouvait sérieusement envisager
pour les anti-nucléaires un diagnostic sans avoir
subi elle-même une analyse et j'en avais une à lui
proposer, là, tout de suite: si on admettait le
schéma de la révolte des fils contre les déten-
teurs du pouvoir phallo-nucléaire, ne devait-on
pas envisager la possibilité, qu'elle, Colette Gué-
deney, en défendant le nucléaire cherchait à
s'identifier à eux, à s'approprier le rayonnant
phallus et à résoudre ainsi son complexe de cas-
tration ?
Wielemans n'était pas content, il était carrément
suffoqué par mon insolence et n'arrivait plus à
fermer la bouche que la surprise lui avait ouverte.
Je voyais bien qu'il se préparait à me couper le
sifflet, mais les applaudissements et les rires ren-
daient la manœuvre difficile. Quant à Colette
Guédeney, il ne m'a jamais été loisible de mesu-
rer mieux à quel point les règles sociales nous
prolongent la vie, s'il n'y avait eu entre nous des
milliers d'années de polissage civilisateur, elle
m'aurait tuée et je préfère ignorer comment.
Le regard que me lança le Bill, quand je me rassis
m'alla droit au cœur. Mieux que d’avoir défait un
adversaire à la noix, je l'avais séduit, lui, en se
dépéchant un peu, on finirait la Soirée au cinéma.
a suivre...
ABONNEZ-VOUS
En allant au pain ce
matin, j’ai shooté dans
un beau marron tout
brillant. Il a roulé sur le
trottoir en pente, très
vite hors de ma vue.
Ah maïs, ça ne va pas ?
J’ai pourtant.
Si, ça va bien. Mais ils sont ainsi les
jours de la vieillesse, il y en a où on
redevient une gamine. Et d’autres.
D’autres où l’âge tout à coup pèse
lourdement sur le corps et sur l'esprit,
où la glace reflète un visage flétri, où
les reins sont douloureux et traîtres les
genoux. C’est alors aussi que révient
si intense le souvenir de ceux qui
étaient plus âgés, et dont l'absence
| l'ennui survient quand
meurt la flamme. Pouchkine.
aujourd’hui me serre la gorge. Je ne |
les savais pas indispensables à ma vie.
Le temps, Mirabelle, qui te semble
si chichement compté dans tes jours
de jeunesse, ce temps après lequel tu
cours et qui te manque pour réaliser
tes désirs, tu en auras un jour à ne
plus savoir qu’en faire. «Prendre un
bain chaud en lisant un polar ou faire
des puzzles à cinq mille pièces» bien
sûr, et t’offrir d’autres plaisirs
encore. Et ça, crois-moi, c’est un très
bon côté de la vieillesse: nous avons
beaucoup de temps. Réjouis-toi donc
d’être vieille! Tu trouveras même le
moyen de donner de ton temps à
d’autres.
La vieillesse, c’est bien souvent un
regard en arrière, voyez les vieux que
les médias interrogent. Mais c’est
aussi, chaque jour, une comparaison
avec aujourd’hui. Nous avions alors
des envies très fortes, des espoirs de
toute espèce, des désirs brûlants. Une
paire de chaussures neuves ou un pan-
talon long, une bicyclette, un tout
premier voyage jusqu’à Paris — une
lettre d'amour, un baiser! — c’était
précédé de longues attentes et de rêves |
exquis.
Je vous plains parfois parce que
vous avez presque tout, sauf ce qui
sera bientôt inaccessible, l’eau claire,
la route tranquille pour marcher, la
nature vierge. Que vous reste-t-il à
souhaiter? Que pouvez-vous atten-
dre, le cœur tremblant ?
Une partie des vieilles années se
passent ainsi à repenser aux jeunes
années. Etait-ce moi, était-ce une
autre, qui faisait la grande lessive à la
main une fois par mois dans la vieille
buanderie? Les matins d'hiver, qui
donc dégelait les tuyaux avant d’ou-
vrir l’arrivée d’eau, qui faisait du feu
sous la chaudière, sortait le linge du
trempage pour le faire bouillir ? Nous
devions être deux femmes. En fin de
«Le père était alcoolique, alors
on nous a placés, les uns après les
autres. À quatorze ans, j'étais
dans une ferme du Jorat, dans la
cuisine il y avait une lampe à
pétrole suspendue à la hotte du
potager. Je tenais mon livre
d'école d’une main, et de l’autre
je remuais la soupe des cochons.
À dix-sept ans, le fils du patron il
m'a fréquentée, on allait dans les
framboisiers faire l’amour. Après
on cueillait les framboises, on
allait les vendre à l’épicerie du vil-
lage. Comme ça on a pu acheter le
berceau. »
Le temps que Mirabelle voudrait
élastique, le temps passe lente-
ment pour Petitolga, naine et
infirme. De la télévision elle dit:
« Ça aide à faire passer le temps ».
Que peut-il bien avoir en réserve
pour Petitolga, le ternps, pour
qu’elle ait besoin qu’il passe ? Où
donc est-elle pressée d’arriver ? Et
ne serait-ce pas plutôt que «ça
aide à faire passer l’ennui ? »
journée, rompues, les joues en feu, les
tabliers trempés, on essorait à la main
sur l’herbe. Et gare à celle qui faisait
un nœud en tordant le drap, elle avait
sûrement un polichinelle dans le ven-
| tre! Il nous restait toujours assez de
ABONNEZ-VOUS: 600 FRS L’AN AU COMPTE 001-0536851-32!
force pour rire,
La mémoire, comme le reste, ne
baisse que peu à peu. Les premières
alertes sont mises sur le compte du
hasard, mais le hasard se répète! Un
noms propres Se met-
RRTITTELS
SN
SSTINES RSR SIRET
LES
RSS
x:
4
En. Cu n \RR -
KR EEK
SSSS
cation se dérobe — et où donc ai-je
mis mes lunettes ?
Là, ce qui me vexe, c’est mon com-
pagnon plus âgé que moi. Il se rap-
pelle les gens, les situations, les histoi-
res et les écrits que j’ai oubliés. Je lis
trois fois plus vite que lui — et
j'oublie ce que j’ai lu. Il est lent — et
il se souvient, le brigand ! C’est enra-
geant !
Nous vieillissons à deux, patients
canassons tirant parfois à hue et à
dia, parfois trottinant au pas. Nous
pensons rarement au jour où l’un de |
nous viendra à manquer, et nous n’en
parlons jamais. Vous pensez souvent |
à la mort, vous ? Pas nous.
On dirait qu’une sensibilité nou-
velle, plus aiguë, se développe à
mesure que les ans passent. Les peti-
tes joies deviennent de grands bon-
heurs, la vue d’un oiseau barbotant
dans une vasque, un arbre en dentelle
dans la brume, le regard confiant
d’un bébé, C’est le pain quotidien de
l’âme, dont elle se régale sans se las-
|
ser. Mais elle connaît aussi les festins !
Musique, poésie, images, et la ren-
contre de pensées fraternelles. Plus
vite qu'avant les larmes montent aux
yeux, il suffit d’un beau film, d’une
lettre qui a traversé le temps et
l’espace.
La sensiblité — ou la longue expé-
rience — développent aussi un juge-
ment plus nuancé. C’est comme si
j'avais fait le tour de toutes choses,
les vices et les vertus et les recoins des
âmes humaines n’ont aujourd’hui
guère de secrets. Il n’y a plus de gran-
des surprises, passé septante ans.
Il y a par contre une dimension
nouvelle, une sorte de profondeur,
L’amitié s'’approfondit, et l'amitié
c’est le plus grand bonheur (ou
l’amour, c’est à la fois l’un et l’autre).
A septante ans, c’est le soleil au
coœur quand les regards se croisent,
quand les sourires se répondent,
pl "*
QUOTE
ME
ILE CLR
à! | sl-
CZ
PE À |
reuse. La pensée va vers les autres,
morts ou vivants, avec tendresse.
L’âge alors s’efface.
Je n’aime pas beaucoup François
Mauriac, mais il a écrit une très belle |
phrase que je voudrais faire mienne: |
«Le jour où vous ne brûlerez plus
d’amour, beaucoup d’autres mour-
ront de froid.» C’est beau, non? et
c’est vrai.
La pitié, vous connaissez ? C’est un
sentiment très doux et très proche de
l’amitié, un sentiment qui donne au
Le grand-père Emile a 88 ans et
une femme avec une artériosclé-
rose avancée. Je reste auprès
d’elle quand il s’en va à la Coop.
Elle sort sur le blacon pour le sui-
vre du regard comme une jeune
fiancée ; elle m’informe : «Il va au
village, ferrer le cheval.» Lui,
c’est un sage. Quand je prends
congé, le soir, il me fixe de ses
gros yeux bruns : «C’est ça, dit-il
savez-vous ? »
tranche de vie
eptante ans!
en souriant, qu’on appelle la VIE, |
ALTERNATIVE LIBERTAIRE x ASBL 22 MARS - N° 93 - OCTOBRE 87 - PAGE 21
cœur son intelligence. Je crains que
vous, les jeunes, vous vous refusiez à
éprouver de la pitié, sous prétexte
qu’elle humilie celui qui en est l’objet.
Mais non, elle vous aiderait à com-
prendre les vieux, et à vous sentir à
l'aise devant eux.
Comme vous êtes embarrassés, cer-
tains d’entre vous, devant les vieux !
Vous cherchez à les éviter, à abréger
un entretien qui vous pèse, vous vous
| dérobez. Leur lenteur vous irrite, ils
| n’ont rien à dire qui vous intéresse. Ils
se plaignent du monde qui les entou-
| re, et le leur est devenu tout étriqué,
c’est vrai. C’est vrai aussi que vous
leur faites un peu peur, avec votre
rapidité, votre langage moderne,
votre mangue d’égards. Mais c’est
dommage, et surtout pour vous.
Dans ma ville, on voit une ou deux
vieilles «folles» en chapeaux fleuris,
| affublées de longues robes et de
quand la poignée de main est chaleu- |
bijoux de pacotille, le cheveu teint
mais rare, la joue fardée. L'âge les a
libérées des contraintes de leur jeu-
nesse. Elles passent comme des reines,
toisant le monde et toutes voiles
dehors. Leurs petites sœurs en frin-
gues rétro feront peut-être, l’âge
venu, la route en sens inverse.
Si je n'avais pas rencontré, il y a
trente ans, la pensée anarchiste, je
n'aurais jamais osé briser les lois du
conformisme bourgeois qui m’empri-
sonnaient. Comment vieillir en igno-
rant les idées libertaires, je ne peux
me le figurer. Comment vivre ces der-
nières années aux côtés d’un compa-
gnon qui ne les partagerait pas, c’est
tout aussi inimaginable. Autant
n’avoir pour ami qu’un pot de fleurs !
Il reste à accorder la vie quoti-
dienne avec les idées, le mieux possi-
ble. Là, être vieux n’est pas un obsta-
cle, au contraire. Car je n’ai pas
grand’chose à perdre. Une réputa-
tion, à quoi pourrait-elle encore ser-
vir? un emploi? la retraite est assu-
rée! l'affection de la famille, des
amis ? si elle a tenu jusqu'ici... Donc,
il faut oser. Oser paraître ouverte-
ment révoltée contre tout ce qui limite
notre liberté; car je ne serai libre que
quand les autres le seront, Bakounine
dixit. Débusquer le pouvoir partout
où il se cache, et dénoncer ses injusti-
ces, ses mensonges, sa crapulerie..
Arrêtez-moi! La pensée anarchiste
est mieux exprimée dans des écrits
autrement plus profonds et plus intel-
ligents que mes réflexions. J'en par-
lais pour vous dire que les années
n’empêchent pas le combat, ne Île
ralentissent pas nécessairement. De
nombreux vieux camarades, hommes
et femmes, l’ont poursuivi jusqu’à la
fin. Faisons donc encore ce bout de
route ensemble, si vous voulez bien.
Marie-Christine Mikhaïlo
P.S. Vous m'aviez demandé un arti-
cle personnel, et je ne vous ai pas
parlé de ma vie sexuelle ! Tant pis, ça
tombe mal, ce soir j'ai un peu de
migraine.
latine, ce qu'il a fait de politiquement utile en
Europe et surtout à quoi il a renoncé pour la lutte”?
Questions judicieuses et qui permettent à l'auteur
d'interroger le lecteur sur le rôle du militantisme
et sur les luttes de libération. Jusqu'à quél point
le fait de discuter ou d'écrire peut servir une
cause? C'est aussi l'éternel débat sur le rôle
social de l'artiste. Hédoniste inutile ou meneur de
foules ?
Le chapitre suivant se déroule dans lés marais.
Tapirs, rats géants; chauve-souris et anaconda,
Bergrmman semble traverser une rivière infernale
avec le bestiaire qui S'y rattache, Bergan y ren-
contre le Diable {que l'on a déjà croisé à tous les
chapitres). 1! s'ensuit un long monologue sur
l'engagement politique, sur la sincérité du militant
et sur la futilité de certains symboles et de certai-
nes prises de position. Bergman est au bout du
rouleau, il est allé à l'extrême limite de son averr- |
ture, il est décapité par un Indien qui l'observait
depuis un bout de temps.
retrouver à Venise avec son producteur qui lui
annonce le succès de l'opération commerciale
mais aussi pour lui faire remarquer que grâce à
lui, chacun replonge dans l'aventure quotidienne
mais que surtout dans l'euphorie générale, le
chaos s'est installé, un chaos savarnment
orchestré par le Diable. Le Diable qui décidément
depuis le début est le seul maître du jeu.
jour de colère
Le second épisode des aventures de Giuseppe
Bergman se déroule en Afrique noire et est
encore plus complexe que le précédent volume.
Intitulé initialement Un auteur en quête de six
personnages, Jour de Colèrs est moins engagé
politiquement que HP et Giuseppe Bergman et
joue plus sur le côté BD de l'histoire. Toute la ten-
sion dramatique que pourrait contenir le récit de
Manara est complètement démontée par une
mise en valeur des mécanismes, des découpa-
ges, des lois qui gèrent la réalisation d'une bande
dessinée. Les personnages par exemple se
dépêchent de terminer ce qu'ils ont à faire (ce qui
est indiqué dans le scénario) parce qu'il ne leur
reste que trente cases à remplir avant d'arriver à
la fin du chapitre. Deux personnes, M. Bo et Mile
Ambrogio, veillent à l'application stricte du scé-
nario. Manara lui-même intervient plusieurs fois
dans le déroulement de l'action en téléphonant
par exemple à un de ses acteurs. Les «héros» ne
sont pas libres, car s'ils n'en font qu'à leur tête,
«tout se terminera en eau de boudin.
Loulou, l'héroïne féminine du récit n'est d'ailleurs
là que pour ajouter une note sexuelle au récit. Et
elle peut S'écarter du scénario original, pour
autant qu'elle écarte bien les jambes à ce
moment-là. Et quand on n'aura plus besoin d'elle,
elle sera retirée du récit.
L'imbroglio est encore pire qu'avant et se place
sur deux plans. | s'agit dans un premier temps
d'apporter en Ethiopie un Sac contenant les plans
d'une nouvelle sorte de centrale solaire et dans
un Second temps de récupérer une enfant Masaï
enlevée par un groupe punk. Le tout agrémenté
de non-sens et d'invraisemblances notoires. On y
perdrait son latin. L'important pour Manara était
pour ensuite se |
l’aventure manara: suite de la page 24
Tous les dessins de cette pee en sons Milo Manara, une exclusivité © Editions ÉRQUEE
: = . _ =
PREUPE it Re
DENT & D li 1 Rs < :
Ecoute, écoute
les rires
a: l’intérieur !
dans ce Îlvre de s'interroger sur les mécanismes
du récit lui-même. Seule véritable allusion politi-
que, l'intervention d’un rastaman (non prévu dans
le scénario) qui se lance dans une incompréhen-
sible litanie à l'adresse de Bergman. Longue
revendication de l'Afrique noire afin que l'homme
blanc expie les péchés de son Histoire. À l'aide
d'un langage extrémement hermétique, Manara
affirme le malaise du Blanc en Afrique, la culpabi-
lité qui l'accable ou qui devrait l'accabler. Les
deux dernières pages comportent quelques répli-
ques pas piquées des vers et qui surtout ne man-
quent pas d'humour. HP par exemplé, explique à
Bergman qu'il n'aime pas la fin de ses histoires,
Bergman encore se plaint des essais graphiques
de l'auteur et enfin, une souris accompagnant un
troupeau d'éléphants et à qui Bergman demande
où ils vont, cette souris répond: «Où on va?
J'sais pas. mais qu'est-ce qu'on fait comme
bruit alors!» Fin de citation.
orient mystique
Dernier volet enfin des aventures de Bergman,
ou plutôt début du dernier volet de ces aventures
qui devraient reprendre tres prochainement,
Rêver, peut-être. Début car seules 70 pages au
format restreint (plus ou moins 20x20cm) sont |
parues dans la revue Corto et furent offertes aux
lecteurs de ladite revue en février dernier sous
forme de cahier séparé.
DÈS QUE dE Suis CHEZ
MOI, JE ME JETTE DANS
L'AVENTURE !
Changé physiquement -il à l'air rajeuni et plus
mince-, Bergman doit ici accompagner une
équipe de cinéastes chargés de retrouver une
autre équipe de tournage mystérieusement dis-
parue au Tibet, futur cadre d'essai d'un nouveau
type de bombe. Aidée dans ses recherches par
les bandes vidéo tournées par l'équipe disparue
{bandes que l'on ne peut visionner que sur le lieu
où elles ont ét tournées, et ce par dieu sait quel
mystère), l'équipe dans ces 70 premières pages
est actuellement en Turquie et s'apprête à
gagner le Pakistan. Lorsque le bateau sur lequel
elle est, est abandonné par l'équipage et explose
quelques minutes plus tard.
Ce voyage, Manara l'a vraiment fait, aux frais de
Casterman, et le commente dans Corto. «Nous
ne voulions pas nous trouver face à face avec
l'Orient la tête basse, en néophytes paumés qui
n'ont jamais affronté les grands thèmes de l'exis-
tence, comme si l'Occident ne savait exprimer
que matérialisme et esprit de consommation,
comme si, en contrepartie de «leur» spiritualité
antique et omnisciente, nous ne pouvions propo-
ser que technologie bruyante et polluante (...},
nous cherchions à renouer des liens avec nos
ancêtres médiévaux» (..) «Difficile de se sous-
traire à la fascination qu'exercent sur nous ces
hommes du passé, capables de regarder la vie
bien en face, de la vivre jusqu'au boutz… Voilà
donc Manara plongé dans la grande aventure, un
Manara qui livre ici une histoire plus traditionnelle. |
Plus de scénario pré-écrit, plus de maître d'aven- |
ture, seulement un voyage, cohérent, ordonné,
répondant à la grande tradition de l'aventure exo- |
tique. Un vrai changement quoi.
+ Marc Vanhellemont
{avec la complicité de Pierluigi Caterino)
nom manara
prénom milo
Milo, abréviation de Maurilio, trahit |
l’origine italienne du petit bambin
qui naît le 12 septembre 1945 à
Luson, près de la frontière autri-
chienne. Etudiant en architecture
à Venise, militant maoïste, peintre
raté, Manara vient à la bande des-
sinée en 69 (ah, quelle époque...)
comme d’autres deviennent fonc-
tionnaires ou militaires. pour
manger.
ll collabore ainsi au premier numéro de Genius,
un petit pocket pour adultes, dans la plus grande
tradition de la littérature de gare, à savoir le cul.
Tout petit déjà donc.
Dans le même format et dans le même genre, il
dessine alors une série érotico-amoureuse qui
relate les prouesses sexuelles de Jolanda de
Almavira, pirate de son état (71-73). Après un
passage à Terror (7 1}, Manara collabore à Tele-
rompo où en outre il dessinera une adaptation du
Decamerone (74) et un volume de Cosmine
(74). La participation de Manara à ces séries est
uniquement graphique, les scénarii étant dûs à
d'illustres penseurs anonymes.
Dans le courant de 1974, Manara va passer de la
presse pour adultes à la presse pour jeunes et
anime quelques séries dans Corriere dei
Ragazzi, la revue pour jeunes la plus importante
d'Italie. La reconversion se fait bien. À partir de
ce moment-là, notre homme va multiplier les col-
laborations sans toutefois rencontrer la consé-
cration, En 75, sur invitation du Parti Socialiste
italien, il dessine Un fascio di bombe, un récit
relatant un des premiers attentats de l'histoire
politique italienne (celui de la Banca dell'Agricul-
tura de 69 à Milan}, et surtout commence dans
N° 93 - OCTOBRE 87 - PAGE 22
Alter Linus (janvier 76), Lo Scimmiotto traduit
en français par Le singe et publié par Dargaud en
1980. Sur scénario de Silverio Pisu rencontré à
Telerompo, Manara propose une parabole sur
Mao et sur la constitution de la République Popu-
laire de Chine.
Mis à part quelques collaborations à des pockets
pour adultes (EP Risate}, quelques séries médio-
cres (Chris Lean), une collaboration à L'Histoire
de France en bandes dessinées (Larousse),
celle d'Italie et celle des Chinois, Manara dessine
avec Castelli L'homme des neiges, enième ver-
sion de la légende du Yéti, et commence en
France dans (A Suivre}: HP et Giuseppe Berg-
man (78), la bande qui allait enfin lui valoir la
reconnaissance du public. Du moins à l'étranger,
car d'une part, l'album ne paraîtra en italie que
deux ans plus tard et d'autre part les ltaliens y
demeurent indifférents. La suite est plus ou
moins connue du grand public. Jour de Colère
(83), Trompeuse apparence (84) un recueil dé
courts récits, Quatre Doigts, l’homme de
papier (82), un western hot; et plus récemment
Le Déclic (84), Le parfum de l’Invisible (86) et
Un été indien (87). Le sexe, source d'inspiration
première, est de retour à tous les coins de
pages. Qualifié par certains de «pornographe
bourgeois», Manara s'impose toutefois de plus
en plus comme un artiste international et avec
Liberatore, Mattotti, Cadelo ou encore Giardino,
représente l'un des ‘auteurs par qui la BD italienne
se renouvéle. Et la suite des aventures de Giu-
seppe Bergman marquera sans conteste une
étape dans l'évolution de l'auteur. La réponse
dans quelques mois... a
alternative
libertaire
enfin
vendu en
librairie!
Depuis le mois de juin 1987, votre men-
suel favori est enfin vendu en librairie.
En tout cas, et nous espérons qu'il ne
s'agit là que d'un début, dans quel-
ques bonnes librairies de l’aggloméra-
on bruxelloise. Parrallèlement à
l'imprimerie et à l'édition, le collectif
de l'asbl 22 Mars a voulu, en créant ce
service de diffusion, pouvoir offrir, tant
aux lecteurs d'Alternative, qu'à ceux
d'autres revues et journaux de la
presse alternative (Virages, MRAX-Info,
Points Critiques...) la possibilité de se
procurer ces titres, sans étre forcés de
passer obligatoirement par l’abonne-
ment postal. Parmi les premières librai-
ries qui nous ont accueillis: la FNAC
City2, la librairie de Rome, Presse
2000, Tropismes, La Borgne Agace, La
Commune, Le Centre International.
Nous lançons un appel CRIER EERILe ETS
res que nous n'aurions pu encore con-
tactés et qui sont intéressés à nous dif-
fuser pour qu'ils téléphonent à Marc au
02/736.27.76 afin qu'il puisse leur ren-
dre visite. Nous publierons dans notre
prochain numéro la liste complète des
bonnes librairies qui vendent Alterna-
tive Libertaire. Merci.
Louis Sala-Molins, universitaire et
auteur du livre «Le code noir, ou le
calvaire de Canaan» (1) en fait le
procès tout en resituant ce code
raciste dans son contexte histori-
que, le Siècle des Lumières, des
philosophes et des théologiens.
Radio-Libertaire: Etalt-ce la première fois qu’on
codifiait l'esclavage ?
Louis Sala-Molins: Oui, c'était la première fois. La
traite existait depuis longtemps. La traite est une
vieille histoire, une très vieille histoire, je parte de la
traite triangulaire entre l'Europe, l'Afrique et l'Amé-
rique. Elle existe pratiquement depuis le début du
XVIe siècle. Mais jusqu'à la fin du XVIF siècle,
jusqu'à Louis XIV, il n'y a jamais eu de codification.
ll n'y a jamais eu de légitimation juridique d'un état
de fait, d'une pratique qui était considérée comme
scandaleuse, abusive.
Alors, pourquoi un code de Fesclavage ?
La France, traditionnellement, culturellement et
selon le code blanc est le pays des Francs. Un jeu
de mots, qui a une incidence juridique très claire,
prétend que l'esclave qui est asservi ailleurs se
bère en touchant le sol français : le S0/ dés Francs
affranchit l'esclave. Voilà que tout à coup, parce
que les Antilles sont là et qu'i faut planter de la
canne à sucre et toute sorte de choses, on va
essayer de légitimer -maigré le code blanc- l'exis-
tence d'un statut qui élait déjà complètement
déconsidéré par l'intelligentsia…
Les manuels d’histoire parlent du siècle de
Louis XIV, de la révocation de l’Edit de Nantes,
du siècle des lumières, mais pas du code noir.
Pourquoi?
Le code noir est une monstruosité juridique au
sens fort du terme. Non pas parce que c'est
monstrueux au sens banal, mais parce qu'il essaie
de définir en bordure du code civil quelqu'un qui
serait considéré comme né pouvant pas avair
accès à celui-ci. C'est une telle aberration intellec-
tuelle, une telle aberration juridique, dont les con-
séquences théoriques et pratiques sont tellement
énormes, que la France - qui adore contempler du
matin au soir sa propre vertu, que l'étranger nous
jalouse- n'accepte pas d'intégrer à ses valeurs
nationales ce code. L'année 1685 est celle de la
réforme de l'Edit de Nantes et celle de la publica-
tion du code noir. || y a deux ans en 1985, chacun
aura remarqué qu'en France les médias ont parlé
et reparlé de l'Edit de Nantes. Il n'y a pas eu dans
la presse française une ligne, pas une évocation
du code noir? Pourquoi? Je pense que la France
d'aujourd'hui n'est pas encore convaincue que les
Noirs sont vraiment des hommes.
En amont de la justification juridique, il y a une
justification théologique, religieuse, qui expli-
que la sous-titre du livre («le calvaire de
Canaan»).. Pourquoi le calvaire de Canaan ? Il faut
quand même se rappeler l'histoire et la plaisenterie
que l'histoire des idées a joué au continent afri-
cain. (Dans la Bib/e), après le déluge... i y avait
Noë et les trois fils de Noë: Sem, Cham et Japhet.
Noë piante une vigne. Le temps passe. il fait du
vin et se saoule, Salon certains éxégèses, Cham
voit son père ivre, rigole et avertit ses frères.
D'autres plus sérieuses, disent qu'il voit son père
saoul, qu'il le sodomise et va le raconter à ses frè-
rés. Sem et Japhet trouvent cela vraiment «insorta-
bles, qu'il ait ri ou qu'il se le soit tapé. Quand Noë |
se réveille, is racontent ce que Cham lui a fait.
Noë prend'une colère et décide de faire son testa-
ment... il annonce la bénédiction de Jahvé (Dieul
sur Sem et sur Japhet, et la malédiction de Jahvé
sur Cham et son fils Canaañ: Sem Sera le chef
d'un grand peuple, Japhet sera le chef d'un autre
grand peuple et Cham et ses fils seront les escla-
ves des fils de Sem et de Japhet.
Nulle part dans la Bible on nous raconte que Cham
est noir. Lorsque les éxégètes s'en mêleront, lors-
que les pères de l'Eglise s'en méleront, lorsque le
Moyen-Age s'en mêlera.. un amalgame sera fait
pour essayer de savoir qui sont les sémites, qui
sont les japhétites et par conséquent, par la
méthode des «résidus», qui sont les chamites. Les
japhétites, c'est nous... les sémites ce sont les
juifs et les musulmans, et Cham c'est celui qui
prend les territoires du Sud. Alors, ce sera qui?
Puisque nous sommes à une époque où l'Afrique
est encore inconnue comme continent. ce
seront les Ethiopiens. Puisque Dieu ne fait jamais
les choses à moitié, pour que chacun sache qui
est Cham, qui est Japhet, qui doit être esclave et
qui doit être libre, Dieu s'amuse à assombrir la
peau des chamites.
Le mot d'esclave apparaît dans la Bible, pour la
première fois, après cette affaire-là. De la création
d'Adam et d'Eve jusqu'à Noë, le mot d'esclave, le
concept n'apparaît pas. Et notez que le mot
d'esclave apparaît comme punition d'un péché.
Les pères de l'Eglise, qui ne sont pas idiots et qui
travaillent avec ce qu'ils ont sous la main, font tout
de suite le rapprochement et disent que la liberté
et la propriété sont créées directement par la divi-
nité. Par contre, l'esclavage est une punition vou-
lue par Dieu, lorsqu'il v a eu une perversion d'ordre
naturel.
Les historiens parlent généralement du code |
noir comme un adoucissement apporté au trai-
tement des esclaves. Certains articles de ce
code le laissent penser en première lecture.
Le code noir n’a-t-ll pas des aspects libéraux ?
On peut imaginer des négriers blancs qui pren-
nent un Noir en Afrique, deux, trois, un plein
bateau. et qui les mettent au travail, qui les mas-
sacrent, qui les flagellent, qui les coupent en
morceaux; quand ils ne sont pas contents
(d'eux), ils es perdent. Le lecteur peut espérer
qu'une fois (lFesclavage) codifié, les Noirs voys-
geront mieux, peut-être qu'on fera un tri plus
ABONNEZ-VOUS: 600 FRS L’AN AU COMPTE 001-05
la france, «de pays des droits
de l'homme» (salut harlem) et...
le code noir
Combien d’Européens, condamnant à juste titre
le système raciste de l’apartheid en Afrique du
Sud, ignorent qu’au sein du vieux continent, la
France a été le seul état à avoir codifié juridique-
ment l’esclavage ? Promulgué par Louis XIV en
1685, confirmé en 1724, le code noir (réglemen-
tant la traite des Noirs aux Antilles et en Loui-
siane) ne fut définitivement aboli qu’en 1848...
humain à l'embarquement, que de l'autre côté les
conditions de vie seront telles que l'officier du roi
viendra demander des comptes au négrier ou au
colon lorsque ceux-ci seront pris en flagrant délit
de donner la bastonnade ou de tailler (fouetter en
ouvrant les chairs..)
(En fait), le code noir dira que lorsqu'on taille un
esclave... 49 coups suffisent. On trouve des tex-
tes, à l'époque du code noir, où l'on raconte que
les colons taillent et retaillent pendant cinq jours
de suite le même homme. On ne donnera pas
300 coups d'un coup, mais on le bastonnera
tous les jours de la semaine. On dira que le
code noir est très agréable, très gentil, très brave
puisqu'il met des barrières à l'absurde.
Lorsqu'un Noir trouve que la plaisanterie a assez |
duré et qu'il essaie de se barrer, le code libéral,
ke code grandiose dit que la première fois qu'un
marron (esclave en fuite) est retrouvé, il a les |
oreilles coupées. La deuxième fois il a le jaret |
coupé, et la troisième fois il est pendu. C'est libé- |
ral! Le négrier avait-il intérêt à perdre son esclave
la première fois que celui-ci se barrait? À mon
avis, non! Mais il n'y a pas que mon avis, il y a les
archives.
Le Cods Moir hier, l'apartheid aujourd'hui...
Le propriétaire des Noirs n'avait |
jamais intérêt à casser son outil de travail. Il pré-
fère bastonner son esclave plutôt que de devoir
aller au marché pour en acheter un autre.
L'officier du roi, qui impose la pendaison, est tel-
lement mal reçu -durant la période du code- par
les blancs esclavagistes qu'ils constituent une
sorte de mutuelle entre eux. Ils versent tous les
ans une somme par Noir qu'ils ont effectivement.
Le jour où l'officier du roi vient dire: «Je suis
désolé, mais votre Noir c'est la troisième fois qu'il |
s'en va... alors je le pends», la caisse fonctionne |
et le colon est dédommagé. Il ne manque rien au |
système.
Nous sommes à la veille du bicentenaire de la
Révolution française. Montesquieu et Rous-
seau vont être mis au pinacle à cette occasion.
Pourtant ton livre montre que les philosophes
du siècle des lumières acceptent le code noir:
Rousseau parle de l’«ineffable esclavage».
ll y a ici et là, de façon ponctuelle, des gens qui
n'ont pas le prestige de Montesquieu ou de
Rousseau, et je sortirai encore une fois les vieil
les gloires hispaniques qui ont réglé d'un point de
vue théorique l'affaire en disant: «C'est un brigan-
dage colossale que de réduire en esclavage...
parce que philosophiquement l'esclavage
n'existe pas et qu'une sous-humanité n'existe
pas». Las Casas, toujours lui, dit en 1530, donc
200 ans avant que Montesquieu ne. fasse le
beau: «il ne peut y avoir ét il n'y aura jamais de
peuple qui ne puisse avoir sur lul-même l'execice
des trois souverainetés: la souveraineté monasti-
que, c'est-à-dire de quelqu'un sur soi-même, la
souveraineté domestique, c'est-à-dire être maître
chez soi, et la souveraineté politiques».
Montesquieu avec L'Esprit des lois, Rousseau
avec le Contrat social, en plein siècle des lumiè-
res, ne sont même pas foutus de savoir ce qui a
été produit théoriquement avant et se demandent
tranquillement si le Noir est un orang-outang, s'il
est déjà un homme, s'il va le devenir, etc. l'un et
l'autre sont convaincus que les Noirs iront en
s’hominifiant..… Mais, en attendant, ils les canton-
nent dans la bestialité. Alors est-ce qu'ils savent?
Oui, ils savent. J'ai lu ce que Rousseau écrit,
quand il lui arrive de parler des Noirs. Montes-
quieu de même. J'ai lu les bouquins que ces
messieurs lisaient et j'ai découvert le code noir.
C'est Labat, dans Le voyage du Chevalier des
Marchais en Guinée, les voisines et à Cayenne
(Paris, 1731), qui tout d'un coup écrit: «voici le
code noir». |ls citent abondamment Labat, Du
Tertre et d'autres.
Montesquieu et Rousseau se préoccupent des
rapports des Blancs avec leurs monarques
blancs, ils ne pensent pas avoir à s'occuper des
rapports des Noirs avec leurs négriers parce que
tout simplement ceux-ci, (à leur avis), n'ont pas
atteint l'étape d'hominification à partir de laquelle
on parie d'existence. Donc une cécité totale des
Lumières devant un système qui se solde par des
centaines de milliers, des millions de morts par
famine, par détresse, par noyade, par baston-
made. L'intellingentsia française ne dit pas un
mot!
Un navire (de négriers) portait le nom de Jean-
Jacques Rousseau.
Oui il y en a eu un... c'est très curieux, du vivant
de Jean-Jacques Rousseau. || appartenait à une
compagnie régulière, était fait et construit pour le
commerce triangulaire. Un autre, d'ailleurs, por-
tait le nom de Contrat Social. Je pense, connais-
sant un peu l'époque, qu'il est impensable qu'il ne
l'ait pas su. Montesquieu écrit que l'esclavage
n'est pas très joli en Europe, mais qu'ailleurs
c'est merveilleux. Montesquieu va au-delà du
code noir. Lorsqu'un Noir est eméchants, que la
bastonnade et la taille ne suffisent pas, le code
noir dit que c'est à l'officier du roi de le tuer. Le
maitre fait ce qu'il veut, mais la décision de la
mise à mort appartient à l'officier. Montesquieu,
lui, écrit que si le maître doit tuer son esclave il
faut qu'il y mette les formes pour que cela appa-
raisse comme une sentence, plutôt que comme
un geste d'humeur. Voilà Montesquieu!
Montesquieu est Bordelais, Ÿ avait-il das liens
économiques entre lui et le négoce bordelais ?
Etant donné les avoirs de Montesquieu à Bor-
deaux et la façon dont le commerce triangulaire a
un incidence sur l'ensemble du commerce -
certains historiens évaluent à un tiers des échan-
ges commerciaux ceux qui sont liés à la traite des
Noirs-, il est très difficile de considérer que Mon-
tesquieu ait pu passer au travers. Ceci dit, je ne
sais pas -si comme Raynal (2}- il avait effective-
ment des actions sur un bateau et touchait des
dividendes de façon directe. Raynal est un per-
sonnage moins connu en France et pourtant la
Révolution française l'appellera le «Père de la
Nation». Raynal est de» défenseur français des
Noirs.
Raynal et Diderot ont des mots terribles contre la
traite des Noirs et ils touchent des dividendes.
Concordet écrit que le code noir est une loi horri-
ble, une loi de fer et de sang qu'il faut jeter par
dessus bord, que c'est une honte. Il faut libérer
les esclaves. Très bien. alors il ajoute: étant
donné l'état d'abrutissement dans lequel ils se
trouvent, étant donné la façon dont ils sont cons,
«nous en faisons portér la responsabilité aux maî-
tres et non à eux-mémes»... «C'est en pleurant et
en gémissant sur cette sorte d'injustice que nous
demandons un moratoire de 70 ans». Vous vous
rendez compte que ce que Concordet demande
c'est un tiers de la durée effective de tout le code
noir. «On leur apprendra à bêcher en chantants…
c'est écrit! «On leur apprendra à chérir les
Blancs, qui seront désormais leurs amis».
* propos recualllis sur l'antenne
de Radio-Libertaire-Paris
(1} Luis Säla-Molins, Le code noir ou le calvaire de
Canaan, Editions P.U.F.
(2) Raynal, abbé Guillaume, (1713-1796), historien et
philosophe qui s'élevait dans ses écrits contre le colo-
nialisme et l'esclavage.
ALTERNATIVE LIBERTAIRE x ASBL 22MARS - N° 93 - OCTOBRE 87 - PAGE 23
giuseppe bergman
ou l'aventure...
Partie d'Amérique latine pour aboutir en Orient en
passant par l'Afrique, la trilogie Bergman est
avant tout une apologie de l'aventure, mais une
aventure souvent remise en question et qui,
décortiquée à l'extrême et banalisée, devient
souvent enon-aventure».
Un jour, à Londres, le peintre David Pascal frappa
à la porte de Hugo Pratt en disant s'appeler Giu-
seppe Bergman. Milo Manara a pris possession
de ce pseudonyme pour en faire un personnage
aussi ambigu et irréel que son histoire. Un per-
sonnage qu'il décide d'envoyer tout d'abord en
Amérique latine pour lui faire vivre l'aventure avec
un grand À. H.P. et Giuseppe Bergman, quoi de
plus banal et de plus mince comme titre, est le
premier épisode de cette trilogie.
Giuseppe Bergman est un drôle de personnage.
Ressemblant étrangement à son créateur, il est
et demeure tout au long de ses histoires un per-
sonnage de bandes dessinées. Car Manara a
décidé de rompre, il n'est pas le premier, avec la
tradition du héros maître de son destin et des
rebondissements de son histoire pour donner à
son héros» un statut complètement dépendant
de son auteur, pour en faire un pantin aux ordres
et à la merci de l'auteur-démiurge. Car Giuseppe
Bergman est dépendant à trois niveaux. Il dépend
tout d'abord de son auteur, je ne reviendrai pas
là-dessus, à qui il s'adresse d'ailleurs souvent en
aparté. Ensuite, il est obligé de s'en remettre à
chaque nouvelle péripétie à un <maître d'aventu-
res», H.P. représentant, je n'apprendrai rien,
Hugo Pratt. Un maître qui le suit de loin et qui tou-
tefois deviendra de moins en moins présent au
fur et à mesure de l'évolution de l'histoire, si his-
toire il y a. Et enfin, Bergman dépend du produc-
teur qui l'a convoqué un beau matin, -il était d'ail-
leurs le seul à avoir répondu à Fannonce- pour
l'envoyer où celui-ci le désirait avec une carte
blanche en ce qui concerne les dépenses et en
lui donnant pour seule recommandation de vivre
une «aventure» qui serait dessinée (filmée ?) et
qui devrait changer les idées de ses pauvres con-
citoyens névrosés. Bergman vit donc une aven-
ture sponsorisée de À à Z. On ne peut donc pas
dire qu'i soit llbre de tout mouvement, puisque
de ces mouvements justement dépend le succès
commercial ou non de l'entreprise.
Parallèlement à la lecture première de l'album, un
album fort complexe d'ailleurs, peut se faire une
lécture de l'histoire. L'aventure est-elle unique-
ment une façon de sortir des contingences du
quotidien ou faut-il que l'évasion soit constructive
et qu'elle s'inscrivé dans une action politique?
Jeune artiste maoïste dans les années "60-70,
Manara doit avoir connu de très pres le dilemme
entre le plaisir et l’action, entre l'art pour l'art et
l'art pour l'autre. Avec Giuseppe Bergman,
Manara semble se libérer d'un complexe: à tra-
vêrs un personnage, il opère sa propre psycha-
nalyse. Iln'est donc pas surprenant que Bergman
se retrouve confronté à des événements politi-
ques bien réels et proches de notre propre sensi-
bilité.
Que ce soit en Amérique latine ou dans les rues
de Venise, Manara fait preuve d'une conscience
politique solide, même si libérée de tout
syndrome révolutionnaire. Derrière l'incapacité
des personnages de coller aux événements qui
les entourent, Manara semble vouloir signifier le
pessimisme et le désenchantement de l'ancien
militant. Avant on pouvait se battre pour redres-
ser une situation inacceptable, aujourd'hui, on ne
peut plus que témoigner.
pourfendre
les intellectualoides
Une introduction non signée ouvre l'album HP et
Giuseppe Bergman et plante le décor.
«Voici pour l'auteur l'occasion de pourfendre les
intellectualoïdes qui veulent la (l'aventure) rélé-
quer dans le ghetto de la sous-culture, les tours-
operators pour qui elle n'est qu'évasion, les
réducteurs qui distinguent l'aventure de l'enga- |
gement, les démagogues qui s'en servent pour
faire avaler mythes et modèles en toc. Pour
Manara, l'aventure est avant tout révolutionnaire,
car elle est pour chacun le seul moyen de s'auto-
déterminer. Elle refuse la soumission à l'événe-
ment et permet de s'extraire du nivellement et de
la planification du destin. Elle est pour lui
synonyme d'absolue liberté». Et de continuer
quelques lignes plus loin: «Mais il faut payer: que
faire quand on s'aperçoit que l'Aventure n'est
qu'aventures et mésaventures, impasses et faux-
semblants, fouilis plus inextricable que la forêt
amazonienne elle-même? Quand on emporte
avec 301 ses limites, ses rages impuissantes, ses
impossibilités de communiquer, et qu'on est bien
À
+
manara !
Du Singe au Parfum de l’Invisible, Manara depuis
resque vingt ans mélange les genres. Et passe de
a parabole sur Mao à la pornographie bourgeoise
sans sourciller. Mais de son œuvre, les aventures
de Giuseppe Bergman sont les plus passionnantes.
Tous les dessins de cette page sont signés Milo Manara, une exclusivité © Editions Casterman.
NE VOUS EN
PRÉOCCUPEZ PAS.
L'EXPLOITATION COM-
MERCIALE ET LA DIF-
FUSION DE L’ AVEN-
TURE NE REGAR-
DENT QUE NOUS !
SACHEZ SEULEMENT
QUE TOUT CE QUE
VOUS FEREZ,
TOUT CE Qui
VOUS ARRIVERA,
CE SERA LE
MATÉRIEL SUR
LEQUEL NOUS
TRAVAILLERONS !
SI C'EST GA
L'AVENTURE !
COMMENT MON ROLE
EST TERMINÉ ? MAÏS
dE VAÏ$ VOUS LA FOL- 4
TRE EN L'AiR TOUTE [PSS
CETTE HISTOIRE À ii
LA CON : cd
assez pitoyable d'anti-héros?»…
]
l'aventure commence
Débutant à minuit juste dans sa cuisine, face à
une femme dont la seule préoccupation est son
mal de dents, l'aventure de Bergman commence.
Et ira très vite et très fort. Décidant de Se rendre
chez le producteur dont il est question plus haut,
Bergman va se lancer à corps perdu dans l’aven-
ture et va oublier les contingence sociales qui
l’éntourent.
Présenter ici le déroulement de l'action de ce
premier volume relèverait de la folie et nécessite-
rait quelques pages supplémentaires. ll est effec-
tivement préférable de lire le livre en question.
Toutefois, au risque de caricaturiser {et donc de
simplifier), résumons l'action en disant que Berg-
man se rend sur les rives de l'Orénoque (Amazo-
nie), qu'il les remonte pour découvrir une tribu
d'indigènes qui lui font goûter le yopo -une dro-
gue particulièrement hallucinogène-, qu'il passe
en Colombie pour tomber sur une bande de
défoncés (super-défoncés même) à la recherche
d'eux-mêmes, qu'il est hébergé par la guerilla
locale, se retrouve avec une Hollandaise
nymphomane sur le dos pour enfin se faire déca-
piter par un jeune indigène juste avant de
se.….réveiller dans un vaporetto vénitien où il
retrouve HP qui ne lui dit pas si ce qu'il a vécu est
un rêve ou une réalité. Difficile de résumer plus.
ll est plus intéressant de quitter le domaine de
l'intrigue pour se retrouver dans celui du dis-
COUrS.
étreoune pas être
Première étape, le départ. «Je n'aurai plus à ven-
dre ma tête, mes bras, mes jambes, pour pouvoir
juste survivre» (...] «Ma vie n'appartient qu'à moi».
Une profession de foi quine sera pas facile à réa-
liser. Sur la route de Venise, Bergman tombe
dans une manifestation et Se retrouve avec un flic
et un manifestatnt cagoulé dans sa camionnette.
Le Manara d'avant septante se manifeste, Ce
sera une des dernières fois. Plus tard, sur la
bateau qui l'emmène, Bergman est agressé par
un petit barbu, ‘parfait prototype du petit soixante-
huitard idéal qui lui tient un discours sur l'évasion,
masque d'une réalité néfaste. Sur toute cette
société de consommation qui ne vise qu'à faire
oublier à l'ouvrier sa chaîne de montage et par là
même la révolution. Exit 68. Tout au long des
chapitres, HP fait des apparitions discrètes mais
toujours percutantes et essaie d'apprendre à
Bergman ce qu'est la véritable Aventure. «Essaie
de la vivre et tu comprendras beaucoup de cho-
sesr. Une phrase qui résume bien des choses.
Sur la route de Macondo, Bergman tombera-alors
sur deux groupes de personnages qui seront
pour Mänara l'occasion de discourir sur l'engage-
ment social des individus. Les premiers, ce sont
les super-défoncés que l'on découvre au détour
d'une colline, des junkies à la recherche d'eux-
mêmes [encore les années 60) qui lui demandent
si pour lui d'aventure est évasion ou cônnais-
sance -ou plutôt- doit-elle nous faire oublier nos
problème ou doit-elle suggérer une façon nour-
velle de les affronter ’?:. Un peu plus loin, alors
que ces questions résonnent encore dans la tête
de Bergman, il est agressé par un guerillero qui,
tout en le tabassant pour le faire parler, lui
demande ce qu'il est venu faire en Amérique
lire page
22
Ci
es
D
ET
tt
RS
Jean-Pierre Beauvais, Jacques Bidou, Claude Bourdet, Michel Cardoze,
Jacques De Bonis, Rémy Galland, Pierre Ganz, Didier Gilles,
Edouard Guibert, Bernard Langlois, Evelyne Le Garrec, Yves Loiseau,
” Noël Monier, Michel Naudy, Raja Nasrallah, Gilles Perrault,
Sampiero Sanguinetti, Gilles de Staal, Isabelle Stenghers,
Claude-Marie Vadrot, Patrick Viveret.
double constat que nous,
journalistes professionnels,
hommes et femmes
engagés à gauche,
issus de courants différents, porteurs de
pratiques et d'expériences diverses, nous
avons décidé de nous adresser à vous.
Un constat d’abord : celui d’un manque,
d'un vide, d'une carence. Au lendemain
d'une expérience de cinq années où la
gauche, unie d’abord, puis réduite au seul
Parti socialiste, a exercé le pouvoir ; à la
veille d'une élection présidentielle qui peut
donner lieu demain à de nouvelles
modifications importantes du paysage
politique français ; dans l’interminable
campagne électorale fentrée qui occupe le
terrain de ce que l’on appelle la
« cohabitation », nous ne distinguons plus
rien, dans Île discours politique, qui soit
porteur d'avenir. Crise des valeurs, crise des
idées, manque évident d'un projet politique
et social mobilisateur, d’un modèle de
développement économique et culturel
alternatif, absence de toute parole d’espoir,
poids des dogmes et des archaïsmes…
Face à ce vide politique, un mouvement
social qui, lui ne se résigne pas : étudiants,
lycéens, cheminots, instituteurs... les
derniers mois ont montré que le consensus
de la classe politique française ne reflétait
en rien celui de la société civile. Fin du
constat politique.
Constat professionnel ensuite : les titres sont
nombreux à la devanture des kiosques à
Journaux ; certains ne manquent ni de
charmes ni de qualité. Très rares sont ceux
qui reflètent la situation que nous vivons.
Là aussi, le consensus et les fausses
évidences l’'emportent sur l’analyse en
profondeur d’une société et d’un monde qui
bougent. À de rares exceptions, la presse
française nous semble céder trop facilement
2. à partir d'un : = 7 \\
HT
4
oliris
aux attraits d'un modernisme sans contenu,
aux feux de la mode, à la dictature des
sondages. Elle n'est plus suffisamment à
l'écoute des hommes et des femmes de ce
pays, qu elle ne rencontre plus qu'au détour
des panels, des instituts, des audimètres et
des minitels. Les citoyens n'ont plus
vraiment la parole, confisquée par les
professionnels de la parole.
Un système en crise, qu'aucun parti
politique ne semble capable de transformer
radicalement. Une presse qui n’exprime plus
que de loin en loin la réalité des aspirations,
des rejets, des révoltes du peuple. De ce
double constat, nous voulons faire un pari.
Un pari que vous êtes très nombreux, des
dizaines, des centaines de milliers peut-être,
à ressentir comme nous ce double manque.
Il ne nous appartient pas de combler le
premier. Mais, journalistes, nous pouvons
tenter de pallier le second. Nous voulons
tenter, avec vous, l’aventure d’un nouveau
journal, en rupture, dans sa démarche, ses
choix rédactionnels, ses méthodes et le
traitement de l'information.
Nous avons retenu le projet d’un
hebdomadaire. Pour le moment, nous
sommes seuls : sans lobby, sans parti, sans
banquier, sans mécène. Nous sommes seuls,
mais nous parions que nous pouvons être
très nombreux à nous rassembler sur ce
projet.
T'el est le sens de cet appel. Nous sommes
des journalistes en quête, non d’un public,
mais de partenaires, d’associés. Si vous le
voulez, Politis verra le jour au début de
l’année prochaine.
Pour SOUTENIR
Poliris.
Notre hebdomadaire ne peur qu'être Le produir
d'une volonté commune de ses furus Lecteurs,
SANS EUX, SANS LEUR ENGAGEMENT, IL N'AURAÏT pas de
SENS,
Si L'aventure vous rente, vous pouvez
CONTRIDUER dés À PRÉSENT AU LANCEMENT de
« Poliris », en ReTOURNANT ce bulletin À
l'adresse indiquée ci-dessous. Toutes Les aides
MATÉRIELLES SERONT Les bienvenues.
Elles furent
longues,
nombreuses et.
houleuses,
croyez-le, les
réunions qui
finalement
nous
amenéèrent à
choisir Citoyen
comme titre.
Aussi imaginez
notre
désappointem-
ent lorsque
nous avons
appris que la
bannière était
déjà portée par
d'autres, très
estimables, qui,
simplement,
avaient omis
de s’en assurer _
l'exclusivité.
N'étant pas de
l'espèce
procédurière,
nous avons
troqué ce
Citoyen là pour
notre Politis, ce
PR LT
veut dire la
même chose, et |
en francais,
sonne bien à
nos oreilles.
SE
… ENFR
UN JOURNAL
Nom L.) L LA - + + + L 3 # E + + * " + + Li # Fe + Li Li #
PRE NOM L3 Li s L = à C2 é + L} " + + L Li + + * = #- à + à
A dr ESSE + 5 + |] é = = + 5 4 + + à» 6 S + 5 E + + + r à
Poliris.
7, bd Volraire. 75011 Paris
Tél. : 43 57 71 04
CES . « _
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%. = _ =" TE
LE = î
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FE À
HSE cn
a :
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Jourv.
AIRE P LAISI
Le fossé SE CREUSE
ENTRE LA PAROLE MÉdiATIQuE
ET CEllE Qui ÉMERGE du MOUVEMENT
de LA SOCIÉTÉ
ma droite Pauwels,
à ma gauche
Daniel, à mon cen-
tre Kahn et un peu
partout à la fois
July ; qui dira que la presse en
France porte l'uniforme ? Cotta,
Ockrent, Sinclair et bientût
Dorothée pour la Une ; Séguil-
lon, Bourret, Duhamel (l'autre),
Sabatier pour la Cinq ; ceux qui
restent sur la Deux, quelques-
uns pour la Trois, quelques
autres pour la Six : qui dira que
la télévision n'est pas diverse en
ce pays ?
Et pourtant, au delà de la
guerre des stars où seuls meurent
les principes, au delà du foison-
nement des revues de presse où
chacun veille à son créneau et
campe devant sa meurtrière, un
vide-se dessine.
Il faut prendre garde aux
mots, ils sont moins innocents
qu'iln'y paraît mais, d'une cer-
taine manière, n'est-ce pas de
normalisation qu'il s'agit ?
Pas de celle dont on nous
entretient presque exclusivement
et qui se fait sur fond de défilé
de chars et de clôtures barbelées,
mais de l'autre, dont on nous
parle moins et qui, par d'autres
moyens, tend aux même buts : le
conformisme de la pensée et le
désintérêt social.
Cette normalisation-là rampe
et s'insinue tant dans le sourire
de Sabatier que dans les appels
au renoncement qui se déclinent
de droite et parfois de gauche.
Pour autant la partie est loin
d'être jouée ne serait-ce que par
la distance qui s'accroît entre la
parole médiatique et celle qui
_ émerge du mouvement de la
société, ne serait-ce que par
l'existence et peut-être l'essor
“d'une autre parole, d'autres
paroles.
C'est de celles-ci que Politis
entend d abord être porteur.
Pour ce faire, il faut résolu-
ment faire du neuf. Personne n'a
vraiment envie d'un Nouvel-Obs
plus à gauche, d'un Révolution
moins étroit ou d'un Evénement
moins éclectique, mais des mil-
liars se reconnaitront sans doute
dans un hebdomadaire moderne
parce que radical.
Politis, autant dire Le
Citoven veut rompre et
renouer à la fois : ni la terre bru-
lée, ni la copie conforme en
somme.
Renouer d'abord
Sous les pressions conjuguées
des lois du message publicitaire
et du marché financier, le jour-
nalisme s'étiole, se corrompt peu
à peu et tend à délaisser deux de
ses fonctions majeures : l'en-
quête et la polémique.
Le reportage, la révélation, la
récit sont à la source même de ce
métier et c'est d'abord en eux
qu'il nous faut puiser. Ce sera
une des tâches principales de
Politis qui, chaque semaine.
consacrera l'ouverture de son
numéro à un ou deux grands
reportages destinés à percer les
secrets, Le Secret de systèmes
opaques.
Des continents de silence exis-
tent, lointains ou proches. des
terres vierges pour l'information
puisqu'aujourd'hui dix mille
cadavres basanés font une
« brève » et qu'un chômeur qui
vole à l'étalage donne une
« puce ». Existent aussi dans le
brouhaha médiatique tant de
manières de tant parler pour ne
rien dire, où si peu, que l'espace
est largement ouvert pour Îles
découvreurs qui souhaitent res-
tituer et situer à la fois.
Le reportage et la polémique.
ou plutôt une manière critique
d'aborder ce qui est donné
comme indiscutable.
Cela est vrai de la forme des
journaux qui, sans le dire. ont
adopté un mode de cloisonne-
ment vertical de la réalité.
D'abord la politique, après l'éco-
nomie, l'étranger ensuite, Îles
faits divers pour suivre et la cul-
ture pour finir, ainsi de suite
jusqu'à avoir brisé toute cohé-
rence, toute tentative de saisir
l'événement dans ses dimensions
Pour oRGaNiser
un débar public
auToUR de Poliris
TÉléphonez au (1) 43 57 71 04
plurielles. Qui. à ce propos. peut
dire que le mouvement étudiant
de l'hiver dernier était plus poli-
tique que social, plus économi-
que que culturel ? Et pourtant il
est une manière de classer, d'or-
donner qui répond par avance à
cette question. À
Nous voulons au contraire
pouvoir saisir un fait dans la plu-
ralité de ses aspects et le traiter
pour ce qu'il mérite : là une
enquête, ici un billet, aîlleurs un
dossier, Aucune hiérarchie, n'est
neutre, mais celle-là prétendra
discuter la règle du jeu tacite qui
: veut que le dernier silence de M.
Barre vaut toujours mieux que la
nouvelle mise en scène de Vitez.
Critique de la forme, critique
du contenu également, dans les
pages d'actualité où tout, par
définition, sera passé au crible,
le sondage-choc évidemment, le
cas Waldheim bien sûr mais
aussi le film de Rosi et la grève
des éboueurs. Rien de tout cela
n'étant vraiment l'un à l'autre
indifférent.
Renouer, disons-nous. renou-
er avec une autre tradition en
voie d'extinction, celle des
grands textes. Pour avoir voulu
se transformer en penseurs
d'élite et, souvent pour avoir pillé
la pensée des autres, une fraction
de La profession s'est fait une spé-
cialité du « digest idéologique ».
Chacun son métier et si le nôtre
n'est pas de s'interdire de réflé-
chir il est aussi de publier régu-
Hèrement ceux qui cherchent,
qui tatonnent et parfois trouvent.
C'est vrai dessciences humaines
et des autres, c'est vrai de tou-
tes créations. Philosophes, écri-
TR
POUR PLACER SON ARGENT A GAUCHE
ERAIT-ce un hommage
obligé qu'il nous fout
rendre à l'économie
libérale qui nous per-
met aujourd'hui de lancer Poli-
tis ? Disons plutôt que derrière
cette idée trop en vogue d'« ac-
tionnariat populaire » nous pré-
férons mettre les termes désuets
de solidarité, d'engagement,
de communauté d'intérêt entre
des journalistes et des lecteurs
qui se retrouvent pour matéria-
liser une vieille lubie : un journal
libre !
Le temps.
pour s’établir
Quatre millions : une somme !
Elle nous est nécessaire pour
assurer le lancement et l’équili-
bre de Politis au cours des
deux premières années. Elle
nous permet d'atteindre en
deux ans notre objectif :
50 000 ventes hebdomadaires
au prix de 20 F le numéro. Üne
équipe réduite : trente salariés ;
un budget et des salaires raison-
nables ; un projet ambitieux
porté par une équipe qualifiée
et motivée.
Le lancement de Politis ne
sera pos un coup de poker
financier ni une opération poli-
tique d'opportunité. Nous
savons que pour beaucoup
d'entre vous ce nouvel hebdo-
madaire peut répondre à une
attente. Mais nous savons aussi
qu'un titre met du temps à s'éta-
blir. Que des mois s'écouleront
avant qu'il ne devienne cet
obiet, familier comme peut l'être
un journal, indispensable pour
êlre informé, pour comprendre,
débattre et dialoguer. Et nous
savons aussi que l'équipe
rédactionnelle devra trouver ses
marques et son rythme. Après
combien de critiques, de décep-
tion et d'enthousiasmes
parviendra-t-elle à adapter son
savoir faire et son expérience à
ce qui n'est encore aujourd'hui
qu'une idée ?
Quatre millions donc |! Pour
réussir et pour durer. Une
somme importante qui ne pourra
être autre chose que le produit
de lo contribution des milliers de
ceux qui accepteront d'être soli-
dairement propriétaires de
Politis.
HN _ e + LE. s
Sociétés gigognes
Parlons technique : une pre-
mière société des fondateurs du
nouvel hebdomadaire a été
créée. C'est une SARL (Société
à responsabilité limitée}. Elle est
composée de la plupart des
signataires de l'appel qui figure
en première page. Chacun
d'entre nous a contribué à la
formation du capital pour envi-
rons 10 OO0 F. Son but est de
mener à bien la première phase
de l'opération : élaborer le con-
cept et la maquette, organiser
la souscription publique, dépo-
ser le titre.
Une deuxième société, celle
ui éditera Politis est en cours
e création. Il s'agit d'une
société anonyme au capital de
4 000 000 F, pour laquelle
nous demanderons votre parti-
cipation. Elle sera constituée
lorsque, après autorisation de la
commission des opérations en
Bourse (COB}, nous pourrons
lancer publiquement l'appel à
l'épargne. Le prix des actions
sera de 500 F. Un projet de
notice d'information destinée
aux futurs actionnaires a été
déposé devant la COB, et nous
attendons son visa pour entre-
prendre la souscription. La
somme de 4 000 000 francs
devra être obligatoirement
récoltée pour que la société soit
créée. Dans le cas contraire,
tous les souscripteurs seront
remboursés. Echéances prévisi-
ble : ouverture de la souscrip-
tion le premier septembre 1987.
Diffusion d'un numéro « zéro »
au premier octobre. Tenue
d'une assemblée générale
constitutive et sortie du numéro
un de Politis au début de l'an-
née 1988.
Une aventure
La société d'édition est une
société anonyme à directoire et
conseil de surveillance. Peu pra-
tiquée en france, cette formule
nous a paru plus collective et
plus démocratique : un conseil
de surveillance de cinq à douze
membres est élu par l’assem-
blée générale des actionnaires.
Le conseil désigne et contrôle un
exécutif de trois à cinq salariés
qui constituent la direction effec-
tive de l'entreprise.
Le chemin est encore long. Les
questions juridiques et financiè-
res sont aussi subtiles et com-
plexes que l'élaboration d'un
concept rédactionnel, d'une
maquette, ou le choix d'un titre.
Nous vous proposons une
aventure. Conseillés par les
meilleurs spéciolistes, nous
ferons tout pour que le respect
des formes, la rigueur et la
transparence de la gestion
soient une garantie pour tous
ceux qui, COMME nous, ressen-
tent chaque semaine comme
une absence devant leur kios-
que.
Rémy Galland
vains, historiens, peintres, physi-
ciens et poètes seront à Politis
chez eux.
Rompre,
IL FaudrA rompre
AUSSI.
Rompre d'abord avec une
conception du lecteur. Convié à
donner son argent, il est invité à
donner son avis dans un ghetto
généralement baptisé « Cour-
rier » où s'équilibrent, comme
ailleurs, les « pour », les « con-
tre » et les « sans opinion ». Du
lecteur-client, maltraité comme
tel, nous souhaitons passer au
lecteur-citoyen d'abord considéré
comme porteur d'expériences et
d'idées et qui, à ce titre, doit
accéder au journal dans des for-
mes d'expression comparables à
celles dont les journalistes 5'as-
surent d'habitude l'exclusivité.
Un lieu d'échange, de débat, de
confrontation deviendra l'espace
libre dans lequel lecteurs et jaur-
nalistes seront aux prises.
Rompre, ensuite, avec une
conception du monde qui nous
fait apprécier son mouvement à
travers des lunettes troubles
parce qu'hexagonales. Oui, ce
monde bouge et souvent là où on
a perdu l'habitude de regarder,
il bouge parfois sans nous ce qui
est grand dommage. Une percep-
tion faussée par une vision colo-
uiale de la planète, par la mor-
gue des anciens dominants, par
l'étroitesse de points de vue seu-
lement fondés sur l'intérêt à
court terme et la gestion bouti-
quière de la Nation nous inter-
dit non seulement une juste
appréhension de ce monde-là
mais encore un abord critique de
réalités plus proches. Deux
rubriques auront pour fonction
de mettre cette vision en ques-
tion : l’une, où il sera largement
fait appel aux productions de la
presse internationale, l'autre, où
l'on tentera de saisir les phéno-
mènes dans leurs dimensions
globales.
Rerrouver
Le sryle
À l'évidence un tel hebdoma-
daire ne peut exister sans uili-
ser et privilégier l'iconographie :
le dessin qui aura une place
importante dans le journal et sur
la conception duquel une équipe
animée par Siné travaille déjà :
et la photographie pour laquelle
nous souhaitons une expression
autonome el, en tous cas, débar-
russée des contraintes de l'illus-
tration redondante.
Ajoutons, ce qui n'est pas rien,
qu'il y a une sorte d'urgence à
enrayer la dégradation de l'écri-
ture journalistique qui tend à
devenir un sous-produit du lan-
gage de marketing et à promou-
voir une, des écritures qui doi-
vent sortir le journaliste de l'or-
dre mineur et vulgaire de l'ex-
pression. Le style, pour long-
temps encore souhaitons-le, c'est
l'homme.
Voilà, en peu de mots, ce que
nous avons en tête, ce que nous
avons envie de créer, ce qui est
à même de nous donner, simple-
ment, du plaisir sans lequel rien
d'important ne se fait, sans
lequel on ne peut espérer en
donner.
Michel Naudy
"EST un petit car-
ton jaune barré de
tricolore qui traine
au fond de mes po-
ches depuis tout juste vingt
ans. Un bail.
numéro — 235601 — qui
témoigne que je ne suis plus
vraiment tout neuf dans la
profession. Ma première
carte de presse, avec son
premier timbre, vous pensez
si je m'en souviens : quand
je l'ai sortie de l'enveloppe,
Avec un
le roi n'était pas mon cousin. J'étais « journaliste pro-
fessionnel dans les conditions déterminées par la loi ». et
je n'aurais laissé personne dire que ce n'était pas le plus
beau métier du monde. J'ignorais encore que la presse
était aussi une industrie, soumise comme les autres aux
lois du marché ; et les journalistes des salariés pouvant
être promus. mutés, marginalisés ou virés au gré des
humeurs patronales. Ou même vendus, avec meubles et
rotatives, au fil des restructurations-concentrations. Je
croyais qu'un journaliste n'avait de comptes à rendre
qu à sa conscience, et ses lecteurs.
Vingt ans après, je n'ai plus de ces naïvetés. Je sais
d'expérience combien ce métier peut briser les enthou-
siasmes, émousser les talents, raboter les caractères ; et
que, pour faire carrière, souplesse d'échine vaut mieux
que plume acérée. J'en ai croisé des arrivistes. des favots.
des bidonneurs. J'en ai vécu des coups fourrés, des
embuscades, et ces complots de petits Iznogoud de rédac-
tion qui rêvent d'être khalife à la place du khalife. Du
quoi révons-nous ?
À un journal. Il est
peut-être encore
temps.
Nous rêvons parce que
nous avons soif. Les monta-
wnes de papier qui déferlent
sur nous nétanchent pas
cette soif. Trop de cahiers
spéciaux sur la forme, les impôts. les salaires des cadres.
la migraine et le mal au dos ! Trop de complaisance à
ce qui passe pour le nouveau ! Trop de corruption enfin.
Et les journaux nous tombent des mains.
J'ai appris mon métier avec un vieux maître qui
disait : « l'information ça n'existe pas, il n'y a que
l'analyse » c'était une boutade dont l'énigme me pour-
suit depuis près de vingt années. J'ai fini par me don-
ner une explication : il ny a pas d'information sans
qu elle soit écrite. Et qu'elle soit écrite signifie que les
mille données qui la constituent sont livrées en même
temps que le fait sacro-saint. Cela s'appelle mise en pers-
vective, dégager les contradictions qui assurent le mou-
1: OCTOBRE 1987 : POLITIS N° O.
PAYER POUR VOIR
Par
Michel Cardoze
moins se battaient-ils davantage pour le prestige et le
pouvoir que pour l'argent : on n arrête pas le progrès,
et nous savons aujourd hui que journaliste est un métier
qui permet aussi de faire fortune. Merci à la télé des mar-
chands de soupe.
J'ai aussi fréquenté des gens biens, des gens propres,
qui continuent de faire leur boulot : tenter de compren-
dre et d'expliquer un monde complexe, en sachant pren-
dre le risque de déplaire aux princes et aux puissants.
Voire des risques tout court, pour leur vie ou leur liberté :
Kauffmann. Normandin, on ne vous oublie pas.
L'équipe réunie autour de ce projet d'hebdomadaire
est composée de gens ayant en commun leurs convic-
tions, et la passion de ce métier. Professionnels, certes,
et estimant n avoir pas à recevoir de leçon de professio-
nalisme. Militants aussi, c'est-à-dire engagés et soucieux
de contribuer à renverser le désordre établi. Mais non
partisans, j insiste : nous récusons les dogmes et les égli-
ses, et professons que seule la vérité est révolutionnaire.
Par principe et inclination, nous aimerions désespérer
Neuilly plutôt que Billancourt ; mais ne comptez pas
sur nous, quand M. Chirac dit qu'il fait beau, pour affir-
mer qu'il pleut, les jours de grand soleil.
Notre engagement enfin n'est pas morosité, et nous
tenons le militant triste pour un triste militant. Cette
aventure où nous nous engageons est aussi un plaisir par-
tagé — celui de travailler, d'imaginer, de rire, d'espé-
rer et de trembler ensemble. |
Matricule numéro 23567, je repars, comme en 14, la
fleur au stylo. La reine Christine n'est pas ma cousine.
Je viens de recevoir ma carte de presse. J'ai vingt ans.
et ne laisserai personne dire...
Vous êtes partants ?
vèment d’un fait à un autre,
qu il soit accidentel ou non :
le fameux « type qui mord
un chien » ou le non moins
fameux « train qui arrive à
l'heure », ont tous deux une
histoire. C'est elle qu'il faut
raconter, simon « l'informa-
tion » n'existe pas.
C'est de ce journal-là dont j'ai envie, comme lecteur,
comme journaliste. La matière, elle, ne manque pas :
ce vieux pays où tout se déglingue accouche en même
temps d'un tas de comportements, de rapports humains
et sociaux, de désirs et d'aliénations, de paysages nou-
veaux. Quant à l'Europe et au monde, parlons-en, ils
ne $e réduisent ni aux poignées de mains de chef d'Etat,
ni aux chiffres de l'économisme triomphant.
Le rêve d'un journal ne suffit pas à lui donner exis-
tence. Îl est peut-être encore temps, disais-je tout à
l'heure. Peut-être, parce que je n en sais rien avant que
nous ayons essayé tous ensemble.
Il s’agit de payer pour voir.
L.
PÉASete - GSraal
Imprimerie Rotographie, Tél : 48.59.00.31
Depuis Le débur de L'année, L'équipe de Fondareurs rravaille : concepr rédactionnel, MAQUETTE, prévisions financières.
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