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Full text of "ALTERNATIVE LIBERTAIRE (belgique) - ARC MUND ANAR"

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PRISONS: LES RÉVOLTES DE 


LA  DIGNITÉ 


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MARRE | 








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© TE de Milo Manara 
Exclusivité Casterman 1987 


221mars ÉCHTIONSE 2 + ocrosre s7 x cor 1 Mbertaire 












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Ni 


Une économie planifiée doit fonctionner pour la 
satisfaction des besoins, non pour la course au 
profit. La démocratie socialiste, est une condition 
de l'efficacité économique du socialisme. L'URSS, 
la Chine, la Pologne, la Yougoslavie -tous ces 
pays où le capitalisme a été éliminé- se débattent 
à leur tour dans une crise économique. La cause 
en est la gestion bureaucratique de l'économie 
planifiée, l'absence de démocratie socialiste. Les 
réformes économiques mises en œuvre dans ces 
pays sont empruntées à l'arsenal capitaliste. Si 
elles s'accompagnent d'une libéralisation elles 
menacent aussi de mettre en péril toute une série 
d'acquis de la classe ouvrière. Accorder une libé- 
ration à l'intelligentsia et à la bureaucratie des 
entreprises est une chose, mettre le pouvoir réel 
entre les mains de la classe ouvrière en est une 
autre, radicalement différente. Jaruzelski, en Polo- 
gne, a fait appel à l'armée; Deng en Chine, empri- 
sonne des ouvriers parce qu'ils manifestent avec 
les étudiants: et Gorbatchev en URSS, essaie de 
secouer la bureaucratie. sans réveiller la classe 
ouvrière. 

La crise dans les pays non-capitalistes n’est pas la 
crise du socialisme, c'est la crise du stalinisme 
bureaucratique, caricature du socialisme. L'espoir 
pour le socialisme démocratique autogestionnaire 
ne naît pas de la politique des dirigeants de ces 
pays, mais des luttes de leurs classes ouvrières, 
de plus en plus nombreuses et conscientes. 
L'heure viendra où ces classes ouvrières renoue- 
ront avec la lutte anti-bureaucratique et avec les 
vraies traditions du socialisme: la démocratie 
socialiste, le pluralisme politique, la prise en 
charge de tous les problèmes de la société par les 
consells ouvriers démocratiquement élus. 


pas de socialisme 
sans démocratie 


La crise qui secoue les pays dits «socialistes» est 
exploitée par le grand capital pour dire qu'il 
n'existe pas d'alternative, que le capitalisme est le 
moins mauvais système possible. Pourtant, en 
dépit d'un progrès certain dans les années "50 et 
"60, il est clair aujourd'hui que le capitalisme n'a 





600frs l'an 
au Compte coer 
007-0536851-32| : 






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à 


le parti ouvrier socialiste : 
\ plus que jamais. 


Il n’y a pas de vrai socialisme sans démocratie 
socialiste. L’autogestion n’est pas un luxe, mais 
une nécessité vitale. 


résolu aucun des problèmes fondamentaux æ | 
l'humanité. 

Le grand capital détruit des pans Enter de l'indus- 
trie; les pays capitalistes d'Europe, les Etats-Unis 
et le Japon comptent (au moins) 25 millions de 
chômeurs; aucun emploi de remplacement n'est 
créé. Des générations entières de jeunes sont 
sacrifiées au dogme du profit. 

Le capitalisme est confronté à une montagne de 
dettes: les pays du «tiers-mondes devraient rem- 
bourser 1.000 milliards de dollars à quelques 
dizaines de banquiers! Reagan et ses amis «néo- 


ibéraux> allaient résoudrent cela d'un coup de | 





| 


baguette magique, mais leur politique du «laissez- | 


faire» capitaliste est un échec également. Le pays | 


de Reagan est le plus endetté du monde! 


Rien n'arrête la course au profit. L'équilibre écolo- 
gique de notre planète est en péril. L'énergie 


nucléaire, aux mains du capital, peut déboucher | 


sur la destruction de l'humanité. La bourgeoisie 
américaine -avec ou sans Reagan- fournit ses 
armes pour une stratégie de querres, petites et 
grandes, menées à coups de bombes atomiques, 
<s'il le faut». 

Quelle preuve plus éclatante de la failite du capita- 
lisme, que son incapacité à endiguer l'épidémie du 


SIDA?! Une épidémie oubliée pendant des années | 


parce qu'elle ne touchait «que» l'Afrique. Mise 
ensuite sur le compte de la communauté homo- 
sexuelle. Puis enjeu d'une course au profit, effré- 
née, entre les grandes compagnies pharmaceuti- 
ques, avant de servir de base à une de ces croisa- 
des moralisantes dont Jean-Paul Il s'est fait le 


champion. Pendant ce temps-là des milliers de | 
gens meurent des suites d'une épidémie qui rap- | 


pelle celle de la peste, il y a 600 ans! 


La conclusion est claire: il n'y a pas d'espoir, pas 
de bien-être, pas d'avenir pour le monde du travail 
dans le cadre de ce système capitaliste. 

3 fi ; - # J | Se =. 
l’offensive du grand 

> LA : et Pie 
capital en Belgique 
La Belgique n'échappe pas à cette réalité. Notre 
pays compte 500.000 chômeurs complets, mais 
en réalité il mangue un million de postes de travail. 
A travers la crise le capital a détruit massivement 
des emplois dans l'industrie. Du même coup se 
restreint la base disponible pour développer les 
équipements sociaux et culturels, Les travailleurs 
pressés comme des citrons tout au long de leur 
vie active, sont en plus frappés en tant que pen- 
sionnés. Etre malade devient un luxe. Des dizaines 
de milliers de jeunes sont poussés en marge de la 
société. Selon des estimations réalistes, un million 
de gens vivent dans le besoin. En Belgique, cet 
«oasis de bien-êtrer!, les travailleurs immigrés sont 


pris comme boucs émissaires. Ceux qui ont de la | 


chance de conserver un emploi sont exploités tou- | 


jours plus férocement. 

Inexorablement, systématiquement et intelligem- 
ment, le grand capital mène la guerre sociale con- 
tre les travailleurs. Il dispose pour cela du soutien 












plans en maniant tour à tour la concertation et la 
confrontation sociale. C'est une offensive globale, 
de longue portée. Une offensive d'autant plus bru- 
tale que les holdings belges (la Générale, la Kre- 
dietbank) ont raté le train de la modernisation de 
l'économie avant 1974, à cause de leur course au 
profit immédiat. Cette même politique à courte 
vue, ils la poursuivent aujourd'hui dans la crise: en 
organisant la grève massive des investissements: 
en imposant une rationalisation brutale: en tentant 
de reprendre 100 années de conquêtes sociales 


et démocratiques. Pour eux, c'est une question de | 
vie ou de mort, dans la jungle de la concurrence | 
capitaliste. S'ils doivent sombrer, ces messieurs | 


veulent que la classe ouvrière et la jeunesse som- 
brent avec eux, et avant eux, 


changement de cap 


Voilà pourquoi le système capitaliste doit être 


| détruit. Pour empêcher la guerre, pour casser la 
du gouvernement, qui applique fidélement ses | 


crise, pour protéger les acquis sociaux et démo- 


ALTERNATIVE LIBÉRTAIRE *%k ASBL 22 MARS - N° 93 - OCTOBRE 87 - PAGE 2 









tribune hbre 
& le socialisme! 





cratiques, pour relancer massivement l'économie, 
le pouvoir doit être arraché des mains du grand 
capital 

Seuls ceux qui partagent cette espérance et pour- 
suivent ce but politique pourront tenir jusqu'au 
bout dans la lutte que se livrent, à l'échelle mon- 
diale, le capital et le travail, en catte fin du 20° siè- 
cle. 


Les dirigeants traditionnels du mouvement ouvrier 
socialiste et du mouvement ouvrier chrétien évo- 
luent dans ce monde comme des nains politiques. 
Prisonniers de la concertation sociale, démorali- 
sante par l'offensive du capital, sans vision straté- 
gique ni conviction socialiste, effrayés par la mobi- 
lisation de leur propre base, ils sont impuissants à 
diriger le mouvement ouvrier sur la voie de la 
contre-offensive. 
Seul un changement de cap radical dans le mou- 
vement ouvrier lui-mème peut ranimer l'espoir ét la 
perspective socialiste. Cela nécessite une nour- 
velle direction, formée à partir de la base et dans la 
lutte, avec un nouveau programme, une nouvelle 
tactique et une nouvelle organisation. 
La base existe. Après 10 années de crise, 10 
années d'offensive patronale, 10 années d'impuis- 
sance des directions de la CSC, du PS et du 
MOC, après 10 années de luttes, des centaines 
de travailleurs et de jeunes commencent à tirer de 
ce qu'ils ont vécu, les conciusions socialistes- 
révolutionnaires, Des centaines de syndicalistes 
de combat ont été choisis par leurs camarades de 
travail lors deb élections sociales. Comprendront- 
ils la nécessité, non seulement, de lutter mais 
aussi de défendre un programme de transition qui 
jette un pont entre les luttes d'aujourd'hui et le 
socialisme à construire? Comprendront-ils la 
nécessité, pour défendre ce programme, de s'unir 
et de construire ensemble un nouveau parti 
ouvrier? Tout, dans les prochaines années, 
dépendra de la réponse à ces deux questions. 
C'est dans cet esprit que le Parti Ouvrier Socialiste 
s'adresse à eux. Pour, ensemble, souder l'unité la 
plus large dans les luttes pour les revendications 
immédiates. Pour, ensemble, entamer le dialogue 
indispensable et construire un nouveau parti 
ouvrier, socialiste-révolutionnaire. 
+ Parti Ouvrier Socialiste 
28 rue Plantin 1070 Bruxelles 
Tél. 02/523.40.23 


«La Gauche», le Rues bi-mensuel du P.0.S$. 


| PHILIPPINES : DES SYNDICALISTES ET DES PAUVRES 


PARLENT DE L'«APRES-MARCOS 5 





= REFORME FISCALE, 
{ATTRAPE-NIGAUDS 
= ELECTORAL 












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PTE ire pour s'informer 
[22MARS; 











acheter des livres par correspondance 
c’est les recevoir dans les trois jours 
dans sa | boîte... Le en de 22mars 





EDITIONS 22 MARS ASBL 

Alternative Libertaire, abonnement annuel 
Taule-Errance d'Albert Balericour 

L'Injure de Jules Brunin 

La Scène alternative de Pirson et Taylor 

Al Mainün de Serge Noël 

Meurtres & Fanatismes de Jean De Meur 

Le Bébé Vinyl de Joseph Morana 

Mémoires d'une militante antinucléaire C. Mawet 
EDITIONS DU JEU DE PAUME 

Socialisme Libéral, Carlo Rosseili 

Alternatives de Défense, Olivier Dupuis 
EDITIONS LA THALAMEGE 

L'âme de l'homme sous le sociallsme, ©. Wiide 
EDITIONS NOUVELLES DONNES - ECOLO 

De la croissance au développemerit, Collectif 
ATELIER DE CREATION LIBERTAIRE DE LYON 
Joël Fieux, Paroles et écrits PA 
Les nouvelles de la Gombe, Louis Segeral 
George Sand, Thérèse Plantier 

Aux sources de la Révolution chinoise : 

les anarchistes. JJ Gandini 

Explosions de liberté, Frank Mintz 

L'Imaginaire subversif, collectif 

Le pouvoir et sa négation, collectif 

Pa Kin de Jean-Jacques Gandini 

Albert Camus dans la mouvance libertaire 
Autour du pouvoir, collectif 

Femmes, pouvoir, politique et bureaucralie 
interrogations sur l'autogestion, collectif 
Sociobiologie ou écologie sociale, M. Bockchin 
Anarcho-syndicalisme et luttes ouvrières 
Aventures de la liberté, Venise 84 

L'Etat et l'anarchie, Venise 84 

La révolution, Venise 84 

Ciao anarchici, photos couleurs Venise 84 
EDITIONS TRANSMURAILLE-EXPRESS 
Paroles de détenus 

ÉDITIONS NOIR DE GENEVE 

L'œæil et la main de Mikiôs Tamés (Roumanie) 
UNE EDITION PARTICULIERE 

Aux larmes mégalos, critique d'Action Directe 
LES EDITIONS AGORA LIBERTAIRE DE TOULOUSE | 
Ce froid qui vient de l'Est, collectif 
Anarchy-Comix, bandes dessinées d'aujourd'hui 


EDITIONS LES LETTRES LIBRES - PARIS 

La politique expliquée aux enfants, D. Langlois 

La dictature démocratique, Serge Livrozet 

La révoltution, Denis Langlois 

Louise Michel, Annie Thomas 

Vivement le doute, Denis Labaylé 

Féminisme ét Pacifisme, Le Bricquir, Thibault 

LES CAHIERS DU GRIF - BRUXELLES/PARIS 

La dépendance amoureuse, collectif 

L'indépendance amoureuse, collectif 

Hannah Arendt 

Nouvelle pauvreté, nouvelle société RE à 
LES EDITIONS DU MONDE LIBERTAIRE - PARIS 
Souvenirs d'un anarchiste, Maurice Joyeux x 
Dictature et révolution, Luigi Fabbri 

De la capacité politique des classes 
ouvrières, Pierre Joseph Proudhon (2tomes) 
L'entraide, Pierre Kropotkine 

idée générale de la révolution, PJ Proudhon 
Avertissement aux propriétäires, PJ Proudhon 
L'Etat dans l'histoire, Gaston Leval 

La conquête du pain, Pierre Kropotkiné 
L'anarchie et la société moderne, M Joyeux 
Philosophie de la misère et misère de la 
philosophie, Proudhon/Marx (Svolumes) 


* 180F 
X 400F 


X 500F 
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. X 300F 
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du collectif des éditions x diffusions 22 mars a.s.b.I 1 





| 


| rétablir l’ordre. Non pas en s’attaquant aux vrais problèmes, en ouvrant 


S'informer pour transformer | révoltes de la. 


| 







prisons : 


(Qi 


Au début du mois de septembre, les prisons belges se sont 
enflammées. Mutineries à Saint-Gilles, Forest et Merksplas. Grève et 
refus de rentrer en cellule après la promenades à Bruges et à Eantin. 
L'information spectaculaire nous en a donné la raison. Ce qui était en 
cause, c'était les conditions de détention particulièrement confortables 
dont jouiraient les citoyens britanniques extradés vers la Belgique dans 
le cadre de l’affaire du Heysel. 

Remettons les pendules à l'heure. Il ne nous semble pas que les 
conditions de détention des britanniques aient été exceptionnellement 
luxueuses. Disons plutôt qu’elles étaient exceptionnellement «norma- 
les». Ce qui est par contre ahormal ce sont ies conditions dans lesquel- 
les le détenu moyen non-spectaculaire est actuellement incarcéré. Et 
c’est le sens qu'il faut donner aux révoltes de septembre: l’exigence de 
la dignité... pour tous! L’exigence d’être enfin traité comme un être 
humain vivant au seuil du 21° siècle et non comme un animal sans droit 

| parqué dans des cachots du début du 19°. Et ce n’est pas un hasard si 
les mutineries ont été les plus violentes dans les deux vieilles prisons 
bruxelloises, les plus sordides, les plus délabrées. Ce n'est pas un 
| hasard, si pendant l’émeute les détenus brülaient des matelas pourris, 
les détruisaient, espérant par là enfin les voir remplacer par des neufs. 

Face aux problèmes réels de la surpopulation, de la vétusté des 
locaux et des longueurs délirantes de la détention préventive (pour ne 
citer que ces problèmes là...) le Ministre de la Justice est intervenu pour 





un dialogue constructif avec les détenus, en examinant leurs revendica- 
tions. Non, Jean Gol, le libéral, est intervenu en envoyant police et gen- 
darmerie mater les révoltés. Et le calme fut rétabli. Le bilan est lourd. 
| Un mort, plusieurs dizaines de blessés (on parie d’un détenu blessé par 
balles à Saint-Gilles), des scènes de ratonnades à vous faire vomir. 


Aujourd’hui le calme règne, mais ce n’est que la paix des matra- 
ques. Aucune piste de solution n’a été recherchée. Et si les détenus ont 
été écrasés par la force, aucune des questions posées par leurs révoltes 
n’a reçu de réponse. L'état a mis un couvercle en béton sur la marmite, 
distribuant quelques faveurs (amélioration de la nourriture, nombreuses 
libérations..) mais cela continue a bouillir. avant d’exploser une nou- 

| velle fois. 

Et ce ne sont pas les phantasmes paranoïaques et policiers sur 
l’existence d’un complot anarchiste (suivez mon regard. l’émission 
Passe-Muraille de Radio Air Libre) responsable dans l’ombre des évène- 
ments de septembre qui lui permettront de mieux comprendre ce qui a 
fait vaciller son autorité dans les prisons en cette fin d'été 1987. 

Babar 
Lire notre dossier en pages 15 et 16 





Alternative Libertaire n'est le journal d'aucun groupe ou parti politique. 
Nous n’avons ni militants pour le vendre, ni généreux donateurs «désinté- 


j Los Alternative Libertaire est un journal de libre discussion, de 


débats, centré sur les réalités de 1987. Un journal qui ne vit que par la 
volonté agissante de quelques individus et le soutien de quelques centai- 
nes d’abonnés. Chaque abonnement que nous recevons est à la fois un 
encouragement et l'indispensable soutien financier qui permet à cette 
démarche d'exister. Alors si vous trouvez que ce journal vous est utile, si 
vous trouvez indispensable l'existence de ce type de presse, alors, 
abonnez-vous. Nous avons besoin de vos abonnements. 


alternative 


éditionsasbl22mars x 2 rue de l’inquisition 1040 bruxelles téléphone: 02/736.27.76 
du lundi au vendredi de 10 à 18heures x tirage: 5000 exemplaires 4 abonnement, 
en versant au compte cger 001-0536851-52 pour un an et pour la belgique: 600 frs, 
pour la france 100 ff x réalisé par le collectif: lolita, geneviève, attila, véronique et babar 
* et pour ce numéro la complicité de jean-marie renel, josé, jean flinker, chiquet mawet, 


marc vanhellemont, serge noël. et de toutes vos lettres. Les articles es n'engagent 
que leurs auteurs 4 éditeur responsable : noël roger, même adresse. 





la presse quotidienne 

Depuis plusieurs mois, par le biais de son 
mensuel <Le Petit Tram», le Centre de Loi- 
sirs et d'Information de lttre annonce la mise 
au point d'un projet ambitieux: faire redé- 
couvrir la lecture de la presse quotidienne. 
Céla dans l'optique de favoriser une meil- 
leure information par là connaissance des 
organes de presse quotidiens. Voilà qui 
sera bientôt fait. Dès octobre et jusqu'au 
début de l'an prochain. Selon une formule 
extrémement originale. Pour 200 à 30OOfrs, 
les candidats lecteurs (déjà plus de trente 
inscrits) recevront chaque jour un journal 
pendant 8 semaines. Les journaux ayant 
marqué leur accord pour participer consti- 
tuent un éventail complet d'opinions: la 
Cité, la Dernière Heure, le Drapsau Rouge, 
l'Echo de la Bourse, la Lanterne, La Libre 
Belgique, Le Peuple, Vers l'Avenir! Les lec- 
teurs seront invités à donner leur avis sur 
les différents journaux. Îl rempliront, pour ce 
faire un questionnaire. Les réponses feront 
l'objet d'une remise de prix. En janvier- 
février prochains, un week-end d'animation 
clôturera cette expérience-enquête. Cen- 
tre de Loisirs et d'information, 3, rue 
Planchette à 1450 JIttre. Tél.: 
067/647.73.23. 


la maison de l'écologie 
Durant les mois qui viennent, la Maison de 
l'Ecologie de Namur organise un cycle de 
conférences sur la problématique de la 
santé. En voici ls programme. Le 25 octo- 
bre: médecines alternatives, une autre 
vision de l'homme et de la santé. Le 17 
actobre : santé et destin de l'homme. Le 13 
novembre: la maladie, une façon de com- 
muniquer. Le 11 décembre: écologie et 
santé, la nouvelle alliance de l'homme avec 
la nature. Le 15 janvier : l'homéopathise. Le 
+9 février: l'ostéopathie, médecine énergé- 
tique. Le 4 mars: énergétique en art den- 
taire. Le 1 avril: phytotérapie et astrologie 
médicale. Le 29 avril: l'acupunçcture. Le 20 
ma: devenir centenaire à l'exemple des 
Hunzas. Ces conférences-débats débutent 
toutes à 20h. Maison de l'Ecologie, 26 rue 
Basse Marcels à 5000 Namur. Tél: 
0817715376. 


aérosols au fréon 

Le député Ecolo de Charleroi, Yves Del- 
forge, nous a fait parvenir la brochure <Pro- 
tège ton ozones publiée par ce mouvement 
dans le cadre de l'Année de l'Environement. 
Cette brochure de vingt pages est rédigée 
avec un double souci: celui de la rigueur 
scientifique et celui de la compréhension 
aisée. Elle atteint sans conteste ces deux 
objectifs. L'ozone, protection gazeuse con- 
tre les rayons ultra-violets, miss en péril par 
le chlore atomique. Et où trouve-t-on ce 
dangereux destructeur? Dans les fréons, 
des gaz qui circulent dans les frigos, qu'on 
utilise dans la fabrication de composés 
synthétiques «expansés», dans |85 aéro- 
sols. Les conséquences pour la vie sur 
notre globe: développement de cancers 
dus aux rayonnements utlra-violets, action 
néfaste sur les végétaux, effet de serre 
pouvant modifer profondémment le climat. Il 
faut donc metire fin à l'utilisation des 
fréons.. mais l'on sé heurte à des opposi- 
tions financières importantes. Une méthode 
individuelle: ne plus utiliser les aérosols 
fonctionnant aux fréons. Et la brochure ne 
craint pas de citer des produits nocifs ainsi 
que d’autres inoffensifs. Maison de lécolo- 
gle à Namur: voire adresse ci-dessus. 
Ecolo, 1 rue Lebeau à 6000 Charlerol. 
Té!.: 071/33.01.32 


remue-méninges 

L'association littéraire «<Remue-méningés» 
vient d'éditer le 16* numéro de sa revue. Au 
sommaire, des textes d'enfants, des textes 
de Glaux, Michaux, Millon, Sampiero, 
Tessa, Allard, Gucciardo, Schroven, 
Palumbo. Aussi des critiques de pièces de 
théâtre, de livres, de films, etc. Des illus- 
trations ou collages de Baise, Dorio, Guc- 
ciardo, Schrovan, Thomas. À noter que 
l'association récolte les textes de jeunes 
auteurs. Elle organise régulièrement des 
réunions sur des thèmes littéraires ou artis- 
tiques. Antonello Palumbo, 367 av. Mas- 
caux à 60001 Marcinelle. Tél: 
071/43.35.06. 


retour à la terre 

Les initiatives en faveur de réinsertion des 
chômeurs par le biais de la formation ne 
manquent bas. Etudes langues, informati- 
que sont parmi les programmes le plus sou- 
vent proposés. «Retour à la terre» a choisi le 
domaine où cetis asbl peut compter sur sa 
propre expérience: maraichage, petit éle- 
vage, agro-alimentaire artisanal. C'est ainsi 
que, jusqu'au 15 décembre 87, elle pro- 
pose à des chômeurs de s'initier à quelques 
activités spécifiques : vins de fruits, cidres, 
jus de fruits, fromages, yaourts, élevage de 
poulets, dindes, pâtés de volailles, lapins, 
conserves diverses. Ces formations ont lieu 
de 9 à 16h. L'asbl 5e charge d'obtenir des 
dispenses de pointage pour les amateurs. 
Retour à la terre, 13 rue Jacques Lion à 
6040 Jurmat. Tôl.: 071/355773 


année de l’environnement 

Le Groupement Inter-Régional Animation- 
Loisirs (inter-Gral Wallonie) organise le 24 
octobre prochain un colloque auquel sont 
invités les animateurs de radios libres, sur le 
thème de l'environnement. MM. Pierre 
Vlaerninck, Baudoin Germaux, Philippe Rey- 
landt et Lucien Delvecchio répondront aux 
questions suivantes: «Quel est et comment 
faitre passer le méssage de l'année de 
l'environnement grâce au média spécifique 
qu'est la radio libre? Quel peut étre le rôle 
de l'animateur, comment peut-il susciter 
une prise de conscience el desactions 
dans sa région?s. Ce colloque se tiendra 
aux Forges Saint-Roch, 10 route Charlerna- 
gne à Couvin. Inter-Gral, 474 chée de 


Fleurus à 6060 Gilly. Tél.: 071/39,62,65 


N° 93 - OCTOBRE 87 - PAGE 4 











des affiches toujours disponibles par la poste! 


Chaque mois vous trouvez au centre d’Alternative Libertaire, une affiche. C’est une façon, pour nous, | 


d'exprimer graphiquement une idée qui nous tient à cœur. Sachez-le: les affiches des mois précédents 
(dont celles que nous reproduisons ci-dessous) sont toujours disponibles soit directement à l’imprime- 
rie (2 rue de l’'Inquisition à 1040 Bruxelles), soit par envoi postal. Pour les commander, il vous suffit de 
verser 20 francs par affiche à notre compte bancaire 001-0536851-32 (ou de nous envoyer un chèque 
barré), sans oublier de mentionner clairement vos noms et adresse complète, et surtout quelles affi- 
ches vous voulez acquérir. N’hésitez-pas.. affichez-vous ! 

De gauche à droite, de haut en bas : 6 ans de gouvernement Martens/Gol c'est. les riches plus riches, les pauvres plus pauvres * Per- 
dre Sa vie à la gagner « La résignation est un suicide quotidien + Contre les gouvernement Martens/Gol seule l'action pale + Conspirer 
c'est respirer ensemble » À la santé du Tiers-Monde » Einstein + Le destin de l'homme 





_ Jesrichés plus ric 
les pauvres plis pa 


5: 


perdre sa vie 
ALLIE 


_à la santé 
tiers-monde 


7 





ss 
contre le gouvernement martens-gol 
seule 


l’action 


ae YZrus re de rpesmn | DAQ 7 conte He CATIETS 75 





Parker de l'humanité 
c'en parier de sobméme, Dans Le proces 
que Pine Imente perpéwellenent à Flurrianité. 
est lubmäme Incréminé «tr & seule chuet qui puisse le | 
micune hors de cause 25e la mars. Mes slgnificaff qu'il se trouve 
coatamenent sur Je banc des accusés, méme quand If cm fuge 
Personne ne peut prétendre que l'humanité eu en train de pourrir sans 
avoir, tout é'abord, constaté es sympiémes de la muréfaction sue lul.mème 
Personne ne peut dire que l'être humain eut mauvais sans avoir lu mème commis de 
mauvaises actlons. En cc domaine, soute observation doi &re te in view. Toul êvre 
vivant es prisonnier à perpétuité de l'humanisé ei comribue par sa vie, qu'il k veuille ou 
non, à socroûre où à amolndrir & pan de bonheur et de mallicur, de grandeur et d'infamie, 
d'espoir ex de désolauion, de l'hümañité. C'est pourquoi je puis or dire que le destin de 
l'homme s Joue partout et tous le temps ot qu'il est lmipossibhc d'évaluer ce qu'un tre Mrumain 
peut reprétencer pour un autre. Je crois que 13 solidarité, la sympathie et l'amour sont les dernières 

chemises bandes de l'iumanisé. Plus haut que touies les venus, Je phoe cette formé d'amour que 
l'on appelle le pardon. Je cools que là soif hunraine de pardon.est inextinguibte, non pas qu'il exisue un 
péché originet d'origine divine ou diabolique mals parce que, dès l'onlgine, nous sommes cn hinte à 
une fmphoysble organisation du monde contre laquelle nous sommes bien plus désarmés que nous 
ne poumions le souhalier. Or. ce qu'il y à de vraghque dans nütre situation c'est que, tout en étant 
convaincu de l'exbrence des vertus luraines, je puis néanmoins nourris des doutes quam à l'aprhude 
Se l'homme à cmpècher l'anéaulsement du monde que nous redouions tous. EL ce scepticisme s'explique 
parle fau que ce n'est pa l'homeme luiméme qui décide, en définitive, du son du monde, mais des 
bhecs, des constellations de puissances, des groupes d'Aiaré, qui parlent vous une langue différente de 
celle de l'homme, à savoir celle du pouvoir. “2 Je crois que l'ennemi héréditaire de l'homme cs Ja 

macrg-oranisaton, pare que celle-ci k prie du sentiment, indispensaiée à la vie, de sa responsabilité 

vers ses sembbibles. rédult le nombre des occasions qu'il a de faire preuve de solidarité et d'amwur, 

et le transforme au concraire en o0-<délentour d'un pouvoir qui, même s'il parait, suc le moment 
dirigé contre les aubres, est en fn de compec derigé contre lubmème. Car qu'est-ce que ke pouver 
si ec n'eut le sentiment de n'avoir pas à répondre de ses mauvalses 2cions sur Sa propre vle 
mals sur colle des aucrcs? ft Si, pour terminer, Je devais vous dire ce dont je rêve, 
comme li plupan de mes semblables, malgré mon impuissance, je difals ceci: Le 
souhaite que le plus grand nombec de gens possible comprennent qu'il est dde leuc 
devoir de se sousrabre à l'emprise de ces blocs, de ces Eglises, de ces onganisarions 
qui détiennent un pouvoir hastile à l'être humain, non pas dans le but de 
créer dc nouvelles communautés mals afin dc séduire k poicatiel 
J'anéaniissement dont dispose k pouvoir en ce monde, C'est 
poudre ls sculc cénce qu'ait l'être humain de pouvoir un 
lour se conduire comme un homme parmi les 
homes, de pouvoir redevenir la foie ct 
l'ami de ses sembtbles 





Celui qui défile joyeusement au pas cadencé a déja gagné mon mépris n 
C'est par erreur qu'on lui a donné un grand cerveau puisque la moëlle épi- 
nière lui suffirail amplement, On devrait éliminer sans délai cette honte de 
la civilisation, L'héroïsme sur commande, la brutalité stupide, celte lamen- 
table attitude de patriotisme, quelle haine j'ai pour tout cela. | 

| Combien méprisable et vile est la guerre. 

Je préférerais être déchiré en lambeaux plutôt que dé participer à quelque 
chose d'aussi méprisable, Je suis convaincu que luër sous prétexte de 
querre n'est rien d'autre qu'un assassinat pur et simple. 

Abert Einstein à 


LE DESTIN DE L'HOMME : 
SE JOUE PARTOUT ET TOUT LE TEMPS | 
Stig Dagerman | 

1950 


er 1 BCE À Ft 09 non OO Prurdies téenone 3 710 27 18 














littérature populaire 

ls sont tous deux mensuels. «El Mouchon 
d'Auniaæ+ en est à sa 75* année dans la 
région du Centre. L'autre, «Le Glettons, a 
publié, en juin, son 138* numéro, au cœur 
de la Gaume. Malgré les 200 kilométres qui 
les séparent, ces périodiques présentent 
des caractéristiques identiques. Jusqu'au 
format. Leur présentation est impeccable, 
sobre, soignés, agréable. L'un fait vivre le 
wallon du Centre, l'autre le lorrain gaumais, 
en des textes (poèmes ou prose) tendres, 
rigolards, passionès, truculents. Ils ont le 
souci de mettre en valeur des traditions tou- 
jours vivantes mais aussi de conter la vie 
des simples gens, des travailleurs de Wallo- 
nie. Deux exemples, bien vivants, en pleine 
santé malgré leur âge, d'excellente littéra- 
ture populaire, de culture wallons -même si 
certains intellsctualistes s'acharment à la 
nier. Le Gletton, 84 rue Sart Macré à 6742 
Chantemelile « El Mouchon d’Aunia, 123 
rue Ferrer à 7161 Halne St Paul. 


la condition féminine 

Les Femmes Prévoyantes Socialistes de 
Philippeville ont mis sur pied depuis peu un 
centre de documentation accessible à tous. 
ll est axé sur trois thèmes. - La condition 
féminine: travail et chômage des femmes, 
pension, temps partiel, congé de maternité, 
interruption de travail, contraception, plan- 
ning familial, sexualité, stérilité, méno- 
pause, interruption volontaire de gros- 
sesse; maternité, prématurité, prénatalité, 
accouchement, naissance à risques, loisirs. 
- Couple-famille: relations affectives, 
sexuelles, éducation sexuelle, mariage, 
mériage mixte, concubinage, union libre, 
divorce, adoption (législation), gestion du 
budget, alcool, abus de médicaments, 
euthanasie alimentation; retraite, 3° âge, 
veuvage. - Énfance-jeunesse: petite 
enfance, enfance, adolescence; maladies 
infantiles, énurésie, ncontinence, sommeil, 
carie dentaire, accidents domestiques, ali- 
mentation, tabac, drogue; enfants matyrs, 
négligés, enfants handicapés, scolarité, loi- 
airs. Femmes Prévoyantes Socialistes, 35 
rue de France à 6340 Philippeville. Tél.: 
071/66.64.71, Poste 26. 


L'art a le don des langues 
Bruxelles est une ville où se côtoyent des 
communautés différentes qu'on appelle 
plus généralement les dmmigrésr. Beau- 
coup se sont chargés et se chargent 
encore de pointer les problèmes liés à leur 
insertion en Belgique. Bien que conscients 
de ces problèmes, nous pensons qu'il est 
temps de msttre l'accent sur les richesses 
culturelles et artistiques des communautés 
non-belges. 
Les innombrables expressions artistiques 
puisées dans des cultures différentes ne 
peuvent que rapprocher les communautés. 
Nous pensons qu'il n'existe pas un art immi- 
gré (nouveau ghetto culturel) mais seule- 
ment de très nombreuses manières d'expri- 
mer l'art. 
Le caractère universel de l’art dans le temps 
et dans l'espace lui confère une qualité infi- 
nie: non seulement celle de parler à tous, 
mais aussi de permettre à chacun de com- 
prendre, découvrir, d'aimer l'histoire at la 
vie de l'Autre. 
C'est pour ces raisons qué même si notre 
objectif premier est de faire connaître des 
artistes d'origine immigrée, cela se fait dans 
un esprit d'échange interculturel. Aussi, 
des artistes belges trouveront leur place 
aux côtés d'artistes immigrés. 
Le cycle présentera des expositions 
d'ensemble dans le domalne de la peinture, 
la gravure, là sculpture et la photographie. 
L'organisation de ces expositions s'inscrit 
dans la démarche interculturelle appliquée 
par le Centre Socio-culturel des immigrés 
de Bruxelles depuis sa fondation. Nous sou- 
haitons que le public vienne nombreux 
apprécier les artistes qui participent à cette 
convergence conviviale sous le signe de 
l'art. 
Nous vous signalons ainsi la première expo- 
sition du cycle <L'art a le don des langues». 
Avec A. Zivad, J. Castillo, J. Defrang, |. 
Fonseca, JM. La Haye, M. Naïar, À. 
Nouar, N. Ozdemir, M. Platero-Roballo, 
peintres et graveurs. 
Du 2 au 23 octobre 1987, du mardi au 
samedi de 14 à 19h au Centre socio- 
culturel des Immigrés, 24, avenue de Stalin- 
grad, 1000 Bruxelles. 

» Le Centre Soclo-culturel 

des Immigrés de Bruxelles 


du couscous sur les ondes 
Rappelez-vous, c'était en mai 85: pour atti- 
rer l'attention de l'epinion sur les drames 
que peut causer l'expulsion d'immigrés 
maghrébins de la deuxième génération, un 
groupe de jeunes Bruxellois a réalisé un 
vidéogramme intitulé «Du couscous sur les 
ondes». Cette production de fiction raconte 
avec humour comment de jeunes immigrés 
s’y prennent pour pirater l'antenne TV de la 
RTBF pour y pousser leur cri d'alarme. 
Depuis, la vidéo a fait l'objet de plus de 200 
animations-débats dans des lieux aussi 
divers que: l'Ecole des Arts at Métiers, les 
Maisons de Jeunes de Bruxelles et de Wal- 
lonie, le Partement Européen de Stras- 
bourg. ; 
Aujourd'hui la fiction est entrée dans la réa- 
lité puisque «Du couscous sur les ondes» 
fut programmé sur TV5 le samedi 26 sep- 
tembre à 20h00 et lé samedi 3 octobre à 
17h15. 

Cette diffusion nous amène à constater que 
les problèmes soulavés à cette époque: 
exclusion sacialé, racisme, llherté d'expres- 
sion, non existence d'une politique positive 
ReTEnp: restent d'une brûlante actua- 
lité. 

«Du couscous sur les ondes» pêut être 
loué à la Fondation Jacquémotte, 
02/512.07.04 ou au Centre Vidéo de 
Bruxelles, 02/216.80.39. Prix: 200F en 
VHS). 


ABONNEZ-VOUS: 600 FRS L’AN 











le 25 octobre prochain, le comité national pour la paix et 
le développement organise une nouvelle manifestation… 





Alternative Libertaire: Le 25 octobre prochain, 


le Comité Natlonal pour la Paix et le Développe- | 


ment (CNAPD) organise une grande manifesta- 
tion nationale sur le thème «le désarmement... 
malntenanti». Pourraisu nous rappeler ce 
qu'est lé CNAPD et quelles sont les assaocia- 
tions qui le‘ composent ! 

Denis Lambert: Le CNAPD est une coordination 
d'organisations progressistes et démocrates qui 
sont de trais types: des associations de jeunesse, 
de développement et de défense des libertés 
démocratiques. Le CNAPD est surtout connu 
depuis les grandes manifestations pour la palx qu'il 
a organisé. La première sur le thème <désarmer 
pour survivre», en 1978, avait rassemblé plus ou 
moins 10.000 personnes. EN 1979, nous étions 
50.000 à descendre dans la rus. En 1981, 
200.000 et en 1983, 400.000 manifestants. 


200.000 personnes. Ce qui est important à rete- 
nir, c'est que le CNAPD ne s'est jamais défini 
comme LE mouvement de la paix. Celui-ci nous 
dépasse, st de loin, avec notamment les comités 
de paix locaux et pluralistes dans les régions, avec 
les mouvements d'éducation permanente, les 
syndicats, les églises. Ceci, en ne prenant en 
compte que le versant francophone, puisqu'il y a 
en Flandres le pendant du CNAPD qui s'appelle le 
VAKA. Précisément, la manif du 25 octobre, 
plus du CNAPD et du VAKA, est également orga- 
nisée par la Concertation Paix et Développement, 
et son pendant flamand, l'OCV. Que dire encore 
sur le CNAPD... que la coordination s'est égale- 
ment préoccupée dans sa courte histoire des pro- 
blèmes de développement (en particulier du sour- 
tien aux luttes de libération dans le tiers-monde) et 
du combat pour la défense des libertés démocrati- 
ques (particulièrement en cé qui concerne les 
droits des jeunes). 


AL: Quelles sont les objectifs précis de la mar- 
che du 25 octobre ? 

DL: # y a une liste de quinze revendications préci- 
ses {ndir: que nous reproduisons ci-contre en 
encadré). Pour moi, l'essentiel peut se résumer 
comme suit. On est aujourd'hui à la veille d'un 
accord de désarmement historique et affectif sur 
és missiles nucléaires entre les Etats-Unis et 
l'Union Soviétique, Un accord effectif, parce que 
les précédents accords correspondaient plus à 
une codification de la croissance de la course aux 
armements, qu'à un réel désarmement. C'est une 
victoire pour le mouvement de la paix. Encore faut- 
il que cet accord soit réellement signé et surtout 
appliqué... Nous devrons être attentifs à ce que le 
gouvernement belge n'entrave pas ce 
processus. Le 15 mars 1985, 16 missiles 
nucléaires américains Cruise ont été déployés sur 
la base militaire de Florennes. Si aucun accord de 
désarmement n'intervient entre les USA et l'URSS 
avant décembre 1987, le gouvernement belge 
défend la thèse de l'automaticité du déploiement 
des 32 missiles suivants. L'imminence d'un 
accord entre les USA et l'URSS nous pousse a 
exiger du gouvernement belge qu'il renonce à 
cette automaticité qu'il avait décidé dans un tout 
autre contexte international, en 1985. Par ailleurs, 
et c'est important, il faut savoir que l'accord de 
désarmement USA-URSS dont il est question 
aujourd'hui ne concerne que 3% seulement du 
potentiel nucléaire des deux pays. C'est un pas 
dans le bon sens, mais le chemin est encore long 
à parcourir. Et rien n'exdlut une relance de la 
course aux armements dans d'autres domaines 
que le nucléaire, dans les armes conventionelles 
par exemple. Cela pose deux défis au mouvement 
de la paix. Un: être capable de porter un projet de 
sécurité commune en Europe basé sur des mesu- 
res de confiance mutuelle et sur un plancher 
d'armement le plus bas possible. Deux: faire avan- 
cer des propositions concrètes pour une écono- 
mie de paix non liée à la production rnilitaire. C'est 
ce que nous appelons le projet du droit au travail 
utile pour tous. 


AL: La gigantesque rnanifestation de 1984 
n'avait pas empêché le vote majoritaire du par- 
lement en faveur de l'implantation des missiles 
américains à Florennes. Malgré le nombre 
impressionnant de cioyens descendus dans la 
rue (c'était la plus grande manif depuis la 
guerre), cela avait été un échec cuisant pour le 
mouvement de la paix. De plus an plus de gens 
se demandent à quoi servent ces mégalos 
manifs. Ces promenades du dimanche après- 
midi, fussent-lles à 400.009, ont-elles une 
influence sur la réalité politique du pays. 

DL: La décision du gouvernement belge d'installer 






ALTERNATIVE LIBERTAIRE % ASBL 22 MARS - N° 93 - OCTOBRE 87 - PAGE 5 





| contre l'avis de la majorité de la population. En fait, 
|_belges puisque les missiles étaient déja en vol vers 


|_ prononce sur la question. Ceci dit, je pense que 
| ces grandes manifestations de masse dont tu par- 








our la paix! 





A cette occasion, Alternative Libertaire a rencontré | 


Denis Lambert, vice-président du CNAPD, et par ail- 


leurs animateur permanent aux Magasins du Monde 


OXFAM. Cette interview provoquera sans doute des 


réactions, en sens divers. Sachez, en tout cas, que 








Mi Ti La 
FLGSEEA #0 FULÉADM FONHOU NC FLAGGR LT 
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à 





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+ Gien Péure Etat Pérveerl Gb et MB La Gratin Etes Gad ae) -PsLéqaihe TO Alroreft Case 


DESARMER POUR DEVELOPPER 


25 OCTOBRE 87 
LULORIER 

















intervieu 


ont souvent été la première forme de participation 
politique pour toute une génération de jeunes. Je 
crois que le mouvement pacifiste en Belgique a 
été une réelle lame de fond dans l& jeunesse 
comme l'a été, toutes particularités mises à part, le 
mouvement «Touche pas à mon pote» en France. 
Al: Mais, plus concrètement, si quelqu'un te 
fait part de son scepticisme quant à l'utilité de 
participer lui, individuellement, à la manif du 25 
octobre, tu lui dis quoi? 

DL: Je viens de te donner mon évaluation des 
acquis du mouvement de la paix qui n'existe que 
grâce à l'adhésion active et consciente de centai- 
nes de milliers d'individus. Pour ma part, je suis 
venu au mouvement de la paix moins pâr peur du 
nucléairé que pour un projet positif: la volonté de 
participer à un courant qui favorise le développe- 
ment, la volonté de mattre tout en œuvre pour 
enfin satisfaire une Serie de besoins sociaux 
oriants, tant ici en Europe que dans le tiers-monde. 
Dans ma motivation, il y avait aussi un besoin de 
réagir face à l'autoritarisme croissant du gouverne- 
ment. 


AL: Certaines mauvaises langues voient dans le 
mouvement pacifiste un repère de crypto- 
communistes. Est-il vrai qu'il vous a fallu plus 
de temps et de réflexion pour afficher votre 





| opposition aux SS20 à l’est, qu'aux missiles 


américains à l’ouest ? 

DL: Non. Dès les premières manifestations l'objec- 
tif d'un désarmement bilatéral était à l'ordre du 
jour. Je n'ai rien d'autre à ajouter, parce que cette 
question, que certains posent je le reconnais, 
cette question m'emmerde. N'importe qui, avec un 
minimum d'objectivité constatera qu'elle est 
dénuée de tout fondement. 


AL: Le CNAPD a-til mené dans un passé pro- 
che des actions de solidarité avec les pacifistes 
indépendants emprisonnés dans les pays de 
Vest, en RDA, Pologne ou Tchécoslovaquie par 


DL: Oui. Le CNAPD a été amené plusieurs fois à 
réagir sur des cas précis de détentions arbitraires 
de pacifistes indépendants dans les pays de l'est. 
Sans beaucoup de succès d'ailleurs, parce qu'à 
mon avis nous n'avons pas beaucoup de prises 
sur cette saciété-là. Par contre nous sommes en 
train de voir se réaliser la pertinence de notre slo- 
gan «Moins de missiles c'est plus de libertés. 
N'avez-vous pas remarqué que c'est à l'heure où 
un accord sur le désarmement est proche d'abour 
tir que l'on peut constater des ouvertures politi- 
ques à l'est. Diminuer les dépenses militaires, 
c'est aussi permettre un redéploiement industriel, 
non au service de la querre, mais au service du 
bien-être de la population. La détente est toujours 
plus favorable au développement des libertés des 
citoyens {à l'est comme à l'ouest} que la guerre 
froide. C'est une évidence. 

AL: Quel sst ton commentaire sur cette phrase 
de François Mitterrand: «Les pacifistes sont à 
l’ouest et les missiles à l'est». 

DL: Cette phrase est un beau produit de marketing 





«La décision d'installer 
les 16 premiers missiles, 
en 1985 fut effectivement 

un échec pour 



























les 16 premiers missiles à Florennes en 1985 fut 
effectivement un échec pour le mouvement de la 
paix. Ce fut surtout un échec pour la démocratie: 
une décision du parlement prise de façon évidente 


une illusion de décision pour les parlementaires 





notre pays avant même que le parlement ne se 


les ont été utiles. Le dossier de la Défense Natio- 
nale a été arraché au cercle restreint des militaires 
et exposé sur la place publique. Le consenssus 
atlantiste a été rompu dans la classe politique 
belge. Ces manifestations ont également été une 
sorte de mouvement de vigilance pour la défense 
de la démocratie. Par exemple pendant la manifes- 
tation de mars 1985, je me rappelle avoir vu plus 
de banderoles et entendu plus de slogans sur la 
défense de la démocratie que sur les missiles eux- | 
mêmes. Et enfin, avec un décalage de deux ans, | 
une première victoire arrive: les conditions d'un | 
retrait des euromissiles sont pratiquement | 
aujourd'hui réunies. Par delà ces objectifs directs, | 
il faut aussi noter que ces grandes manifestations 


M Non aux 32 nouveaux missiles à Florennes, 
démantèlement des 16 missiles à 
Florennes, des Cruise et Pershing Il, 
démantèlement des $$ 20, 21, 22, 23: 

M Pour une politique de paix indépendante 
et active et démocratique de la Belgique ; 

M Pour une Europe responsable de sa 
sécurité et facteur de paix ; 

BB Pos de participation belge à F1.D.5.; 

BB Pos de course aux armements dans l'espace ; 

M interdiction des essais nucléaires ; 

M Zones dénucléarisées et de sécurité en 
Europe ; 








NON 


AUX MISSILES : LE DESARMEMENT MAINTENANT 






le mouvement de la paix» 


M Non aux nouvelles armes nucléaires 
francaises et britanniques : 

BE Non à lo bombe à neutrons : 

M Démantèlement des armes nucléaires 
existantes : 

M interdiction des armes chimiques et 
biologiques ; 

M Réduction équilibrée des armements 
conventionnels ; 

Limitation effective et contrôle démocratique 
du commerce des armes ; 

M Economie de paix: droit au travail utile 

pour tous - libertés démocratiques. 


politique. pour avancer un véritable mensonge. 
Selon le Groupe de Recherche et d'information 
sur la Paix (un centre d'études indépendant), il y a 
équilibre dans là balance de la course aux arme- 
ments entre l'est et l'ouest. Ou plutôt, les déséqui- 
libres dans les différents domaines de la course 
aux armements correspondent à un équilibre glo- 
bal. Ceci dit, c'est un slogan qui a fait mal parce 
que Mitterrand est très populaire en Wallonie. 


AL: Adoptes-tu le slogan de certains pacifistes 
berlinois «Plutôt rouges que morts». 

DL: Je ne l'adopte pas, parce que, si un conflit 
éclate, il sera très certainement nucléaire et nous 
serons tous morts, y compris les rouges. J'ajoute- 
rai qu'une occupation par l'Union Soviétique de 
l'Europe Occidentale est totalement impensabie, 
politiquement et économiquement. Ils ont déja tel- 
lement de difficultés à faire le ménage dans leur 
zone d'influence que cela me paraît vraiment 
impensable. En disant cela, je n'évacue pas 
cependant la réalité de la menace militaire soviéti- 
que. C'est indéniable, les 8520 et les autres mis- 
siles soviétiques, ils Sont bien pointés vers nous. 


Mais n'oublions jamais que la perception est la | 


même de l'autre côté. Pour un citoyen soviétique, 
ce sont les Cruise et les missiles occidentaux qui 
sont pointés sur eux. Ce qui devrait changer dans 
les doctrines militaires, ce serait de dire, non plus, 
«je suis capable de détruire l'autre», mais plutôt de 
dire «moins je suis menaçant et moins l’autre sera 
menaçant». C'est ce que nous appelons les mesu- 
res de confiance réciproque. 


AL: Il y a pour toi, nous l’avons vu plus haut, 
une relation évidente entre le désarmement et 
la problématique des droits de l’homme... Sans 
faire de comparaison avec la situation actuelle, 
d’un point de vue purement historique, pouvait- 
on désarmer à la fin des années trente en 
Europe face aux régimes nazis ou fascistes? 

DL: Je précise tout de suite que je suis loin de mai- 
triser toutes les données historiques de cette 
période. Ce que moi je peux en dire, c'est qu'on 
parle toujours des positions pacifistes en 1936... 
On parle moins de ce qu'il aurait fallu faire avant, 
dans les années qui ont précédé 36, lors de la 
prise du pouvoir par Hitler en Allemagne, quand la 
répression déferlait sur le pays. Il y a eu une sorte 
de démission collective des pays européens face 
à ce qu'ils considéraient comme «un problème 
interne» à l'Allemagne. Ce qui est posé en fili- 
granne dans ta question c'est: dans certaines cir- 
constances extraordinaires comment assurer une 
défense face à des force délibéremment bélli- 
queuses? Pour moi, le projet pacifiste comprend 
une forme de sécurité défensive et donc il n'est 
pas nécessairement anti-militariste. Je peux parfai- 
tement comprendre des situations de résistance, 
même armée, comme cela à été le cas pendant la 
dernière guerre mondiale en Europe et comme 


c'est le cas aujourd'hui en Afrique Australe, au | 


Nicaragua ou en Afghanistan. Mais la résistance, 
il ne faut pas l'oublier a été aussi civile, par des 
mouvements de masse, des actes de sabotages, 
des grèves, la désobéissance civile. 


AL: Quelles sont pour toi les différences entre 
le pacifisme et l’anti-militarisme, la nonvio- 
lence ? 

DL: Les pacifistes ne rejettent pas la question de la 
Défense Nationale, ou plutôt de la sécurité, qu'ils 
considèrent comme une vraie question. En quel 
ques traits, cetié sécurité passe, pour nous, par 
trois dimensions. Une dimension économique: là 
où il y a un niveau de bien-être pour la population, il 
y a automatiquement moins de tensions. Une 
dimension politique: il s'agit d'avoir la volonté de 
garantir une sécurité commune, même (et surtout} 
si l'autre est différent, et en cas de tension faire 
jouer à fond la société civile. Et enfin une dimen- 
Sion militaire qui fournisse au niveau le plus bas 
possible une défense «défensiver. Le projet non- 
violent, selon moi, n'intègre que les dimensions 
politique et économique. Reste que le mouvement 
pacifiste se pose de grosses questions sur l'insti- 
tution militaire, des questions qui sont de l'ordre de: 
la démocratisation et de la transparence de cette 
institution. Personnéllement, j'ai été dispensé du 
service militaire, mais dans une autre situation, 
j'aurai choisi de faire plutôt un service civil lié à une 
objection de conscience. Toujours personnelle- 


CONSCIENCE ? | 
INCONNUE AU BATAILLON 


ment, je voudrais ajouter que dans une situation de 
résistance, comme en Afrique du Sud par exem- 
ple, cette objection de conscience serait certaine- 
ment très active. 

AL: jusque et y compris à une activité de gue- 
rilla armée. 


DL: Je crois qu'on ne peut répondre honnêtement 





à cette question que quand on vit soi-même une 
telle situation historique. En tout cas, ici en Belgi- 
que, les espaces de liberté sont suffisamment lar- 
ges et préservés pour refuser radicalement toute 
forme de violence terroriste dans le combat politi- 
que. 


AL: A l'instar des autres grands mouvements 
sociaux, le mouvement pacifiste n’est pas 
homogène. Il y a en son sein des militants plus 
proches du terrain (comme ceux de la Floren- 
nade par exemple) qui reproche au CNAPD son 
côté trop institutionnel, cartel de partis politi- 
ques ou regroupement de notables. Quelle est 
l'autonomie réelle du CNAPD par rapport à la 
classe politique... 

DL: Tu parles de ce clivage-là, mais il en existe 
bien d'autres au sein du mouvement de la paix. 
Pour n'en citer qu'un, celui qui différencie ceux qui 
voient dans le mouvement de la paix un mouve- 
ment social ou un mouvement politique... sans 


compter tous les clivages traditionnels et propres | 
à la Belgique. Ceci dit, l8 CNAPD a suscité, orge | 
nisé et coordonné des comité locaux et pluralistes | 


pour la paix. C'était une initiative nouvelle pour la 
Wallonie, uné façon de faire qui rejoignait le 
modèle plus basiste (organisation horizontale) net- 
tement plus développé en Flandres. Une initiative 


nouvelle, parce qu'en Wallonie, il était de tradition 
de rnobiliser la population en passant obligatoire- 


ment par les grandes institutions (les partis politi- 


ques, les syndicats,...). Pour le CNAPD 
aujourd'hui, crganiser une manifestation, c'est lan- 
cer une dynamique à la fois avec ces comités 
locaux (c'est devenu une des données du champ 
social) et dans les grandes institutions qu'il nous 
est impossible d'ignorer. Le rôle du CNAPD est de 
soutenir l'action des comités locaux qui sont large- 
ment autonomes. C'est aussi d'aiguillonner les ins- 
titutions. De faire en sorte que les acquis du mou- 
vement de société pour la paix soient concrétisés 
sur le plan politique. Une de nos premières activi- 
tés vers les politiques a été de les informer, car la 


classe politique connaissait très mal les enjeux du 
dossier de la Sécurité. La marge de manœuvre du | 
CNAPD se situe entre ces trois composantes: ini- | 
tiatives locales à la base, liaison avec les institu- 


tions et pression sur la classe politique. 


AL: Tu n'as pas l'impression de parfois rouler | 


pour le Parti Socialiste? Les campagnes du 
CNAPD ne sont-elles pas récupérées en temps 
utiles, en période électorale, par certains partis 
politiques. 

DL: 1 y a un double mouvement. Des organisations 
socialistes sont membres du CNAPD (qui 
rappelons-le est une coordination pluraliste) et à 
son tour, le CNAPD pousse le Parti Socialiste. 
Mais plus directement sur la question de la récu- 


pération, que dire, si ce n’est qu'amener Guy Spi- | 
taels dans une manifestation pour la paix, c'est | 
nous qui l'amenons et ce n'est pas lui qui vient. | 
C'est moins le Parti Socialiste qui tente de nous | 


récupérer que nous qui le mettons en position 
d'être obligé de souscrire à nos positions. 


AL: À Greenham Comon en Angleterre, des 
femmes du mouvement de la paix ont bloqué 
pendant des mois une base militaire accueil- 
lant des missiles nucléaires américains. Pour 
Sa part, hormis des présences ponctuelles lors 
de manifestations (comme des chaînes humai- 
nes), le CNAPD n’a jamais appélé à une action 
prolongée autour de la base militaire de Floren- 
nes, comme un blocage par exempie. Pourquoi 
manifester à Bruxelles et pas directement sur 
le terrain? 

DL: À Bruxelles, nous sommes sur le terrain, sur le 
terrain de la classe politique. Le débat sur le désar- 
merment passe par le terrain politique, c'est une 
évidente question de volonté politique. Pour ce qui 
est des actions directes devant la base, nous 
avons été attentifs à suivre les positions du Comité 
de Lutte pour la Sauvegarde de la Région Floren- 
noise et de ne pas favoriser la création d'un climat 
policier dans la région. Certains esprits pourrait 
mettre, de facon injustifiée, sur ls dos des pacifis- 
tes les nombreux contrôles d'identité fait dans la 
région à l'initiative de la gendarmerie. Et là, je ne 
fantasme pas. Nous avons plusieurs exemples 
d'habitants de Florennes dont l'identité a été con- 
trôlée quatre ou cinq fois rien que sur le trajet des 
courses. Personnellement, même si cela ne s'est 
pas encore présenté, je ne rejette pas, à un 
moment ou à un autre, de recourir à des moyens 


ALTERNATIVE LIBERTAIRE x ASBL 22 MARS - N° 93 - OCTOBRE 87 - PAGE 6 











d'action plus directs (mais nonviolents) sur le ter- 
rain. Ceci parallèlement aux mobilisations de 
masse qui sont, à mon avis, toujours centrales 
pour le mouvernent de la paix. Le problème est: 


comment ne pas déforcer le mouvement de | 


masse avec des actions directes? Notamment 


pour notre image de marque auprès des «modé- | 


rés» du mouvement. 


AL: Quelles sont vos relations actuelles avec 
l'aile la plus radicale du mouvement pacifiste, 
le coltectif de la Florennade par exemple. 

DL: La Florennade est un collectif d'action directe 
implanté à côté de la base militaire de Florennes. 
Je ne pense pas que leurs actions aient déforcé le 
mouvement global. Ceci dit, il ne me semble pas 
avoir apporté grand chose non plus. Dans le 
passé, nous avons eu des relations assez conflic- 
tuelles, notamment sur les relations entre action 
directe et mouvement de masse, problème dont 
j'ai déja parlé. Il y à aussi eu pour eux..un problème 
d'intégration dans la population de là région. Ce 
sont en grande partie des jeunes flamands qui sont 
parfois perçus comme des militants parachutés qui 
méconnaissent la situation réelle du coin. On peut 
se demander si au lieu de s'expatrier en terre 
inconnue jusqu'à Florennes, ces jeunes pacifistes 
flamands ne ferait pas mieux de mener dans leur 


région d'origine des luttes toutes aussi valables 





comme par exemple, dans la région de Leuven, | 


des actions contre la recherche militaire scientifi- | 
que à l'Université Catholique de Louvain, comme | 


dans toutes les autres universités d'ailleurs. Pour 
terminer sur la Florennade, le temps aidant, les 
relations se sont peu à peu «normalisées». Nous 
avons même signé un communiqué de presse 
commun après les dégradations dont a été victime 
cet été leur maison ainsi que le local du Comité 
pour la Sauvegarde de la Région Fiorennoise. 
AL: Changeons de casquette. Outre ta particl- 
pation au CNAPD, tu es également animateur 
permanent aux Magasins du Monde OXFAM. 
Pourrais-tu nous définir en quelques mots la 
démarche d'OXFAM... 

DL: Le but d'OXFAM est de soutenir des groupes 
du Tiers-Monde (groupes de base, coopératives, 
mouvements de libération.) par le biais de projets 
de développement. Cela intègre une dimension à 
la fois humaniste et politique. L'autre versant de 
l'action d'OXFAM consiste à informer les gens d'ici 
{de Belgique) sur les aspirations, les réalisations et 
les difficultés du tiers-monde. Cette action a pris 
une forme originale par le biais des Magasins du 
Monde qui commeércialisent les produits de pays 


du tiers-monde. Une bonne manière de montrer | 


que le problème n'est pas une question d'aide ou 
de charité, mais de justice dans les rapports nord- 
sud. 


AL: Depuis quelques années, on a vu apparaître 
le numéro bancaire d'OXFAM aux côtés de 
ceux des autres grandes organisations charita- 
tives, pour des collectes de fonds d'aide 
urgente, pour l’Ethiopie par exemple. Quelle 
est la spécificité d’'OXFAM par rapport à ces 
autres associations comme Caritas Catholica 
ou Solidarité Socialiste. 

DL: Qui, nous faisons aussi de l'aide d'urgence. 
Mais notre spécificité est d’avoir une démarche 
suivie. Après l'aide d'urgence, il faut entamer un 
processus de réhabilitation et puis élaborer un plan 
de développement plus structurel à long terme. 
C'est une démarche d'accompagnement des gens 
sur place plutôt qu'un saucissonnage des problè- 
mes. Par ailleurs, nous attirons l'attention de l'opi- 
nion publique sur les causes réelles, politiques et 
économiques qui produisent les situations dramati- 
ques de l'aide d'urgence. Je t'en donne un exem- 
ple concret. On va beaucoup parler dans les 
semaines qui viennent de la situation de famine qui 
sévit au Mozambique. En même temps que vous 
verrez apparaître sur votre écran de télé le numéro 
de compte bancaire d'OXFAM, aux côtés de celui 
des autres associations, pour un appel d'urgence 
en faveur du Mozambique, nous expliquerons le 
poids du passé colonial du pays, les difficultés 
d'un nouveau régime qui a certainement fait des 
erreurs, mais surtout le rôle néfaste joué par l'Afri- 








«Mais plus directement 
sur la question de la 
récupération, que dire si 
ce n'est qu'amener 
Spitaels dans une manif, 
c'est nous qui l'amenons, 
ce n'est pas lui qui vient. 
C'est moins le PS qui 
tente de nous récupérer 
que nous qui le mettons 
en position d’être obligé 
de souscrire 

à nos objectifs» 





que du Sud dans la région, notamment via son 
soutien à la guerilla du MNR. Ceci, sans oublier 
une information plus globale qui met en évidence 
que le Mozambique, comme bien d'autres pays du 
tiers-monde, est lui aussi victime du déséquilibre 
des rapports nord-sud. Pour faire, comme nous le 
faisons, des projets de développement et puis, 
malheureusement, par la suite de l'aide d'urgence 
(car dans le cas du Mozambique, ce n'est pas de 
l'urgence puis du développement, mais 
l'inverse..), l'atout principal, c'est avant tout 
d'avoir des partenaires sur place. 


AL: Tu l’as dit, les Magasins du Monde ont l’ori- 
ginalité de soutenir un certain nombre de pays 
du tiers-monde en vendant directement leurs 
produits en Belgique. Pourrals-tu me donner la 
liste de ces pays? 

ÊL: 11 y a deux types d'origine pour les produits. 
L'artisanat provient en général de coopératives 
plutôt que d'états. Principalement des coopérati- 
ves situées aux Philippines, en Inde, au Bengla- 
desh.. Les produits alimentaires, eux, sont expor- 
tés pour la plupart par des organismes para- 
étatiques de pays tels que le Nicaragua, le Viet- 
nam, le Mozambique, l'Algérie, la Tanzanie, le Cap 
Vert. Ce sont là les principaux. 


AL: Tu viens de le rappeler, parmi les pays que 


dehors les missiles! 


Le 16 mars 1985, 16 missiles nucléaires américains ont été installées à la base militaire de Flo- 


rennes . 


Maigré cette décision gouvernementale, l'opposition à cette installation reste très 


importante, ainsi que celle à la course aux armements. Avec le VAKA (mais aussi avec le CNAPD 
et l'OCV), de plus en plus de gens trouvent qu'il est temps de stopper la folie meurtrière. Or, 
l'installation de 32 nouveaux missiles, planifié par le gouvernement belge pour la fin de cette 
année, n'est sûrement pas le meilleur moyen d'y arriver. Les nouveaux missiles ne peuvent pas 
être installés. Les 16, déjà placées, doivent disparaître. C'est la raison pour laquelle le VAKA, le 
CNAPD et l'OCV manifesteront le dimanche 25 octobre 1987 à Bruxelles. Mais, le VAKA ne se 


contente pas de cela... 


votre signature, notre arme! 

Chaque Belge a, suivant l’article 21 de la Constitution, le droit d'adresser une requête au Prési- 
dent de la Chambre ou du Sénat. Dès lors, utilisant ce droit démocratique, le VAKA vous appelle 
à lui renvoyer le.plus rapidement possible la requête ci-jointe afin de demander la réouverture du 


débat au Parlement sur l'installation en Belgique des missiles nucléaires de l'OTAN. 
e Vaka, 8 Munstraat, 2000 Antwerpen 


Lettre adressée au Président de la Chambre 


Palais de /a Nation, rue de la Loi 10, 1000 Bruxelles 


Monsieur le Président, 


Vu mon opposition à la présence des armes nucléaires sur le territoire belge, je me permet de 
vous demander, ainsi qu'au Parlement, de bien vouloir réfléchir à nouveau, afin de savoir : si l'ins- 
tallation des 1 6 missiles à Florennes reste encore de vigueur: si le placement des 32 prochaines 


fusées nucléaires reste justifié. 


NON rare 2e 


Adresse: 


SANTE ee 





vous soutenez économiquement, 5e trouve la 


République du Vistnam. Cela ne te pose-t-il pas 
un problème de vendre en Belgique les pro- 
duits d’un régime totalitaire qui entretient un 
véritable goulag ? 

DL: Nous venons de clôturer à propos du Vietnam 
un débat long de deux ans. Notre conclusion est 
celle-ci. La pire de choses serait d'isoler économi- 
quement un tel régime, ce qui favoriserait encore 
son durcissement. En ce qui concerne l'évaluation 
même de ce qui se passe dans ce pays, se basant 
au maximum sur des faits vérifiables, on peut dire 
que les résultats économiques (en particulier dans 
le domaine alimentaire) sont relativement satisfai- 
sants… et c'est important! Mais évidemment, la 
situation des droits de l'homme est déplorable. 
Enfin, nous avons fait un effort pour resituer tout le 
problème dans sa dimension historique. On 
es pas une aussi longue guerre d'un trait de 
plume. 


AL: Ton argumentation sur un durcissement du 
régime suite à un isolement économique à pro- 
pos du Vietnam me fait étrangement penser à 
cells, pareille, des partisans du régime sud- 
africain qui plaident contre les sanctions à 
l'égard du régime de l'apartheid... Et si, à l’ins- 
tar des Noirs sucrafricains, certains dissidents 
vietnamiens vous demandalent de boycotter 
l'état vietnamien pour F'affaiblir… 

DL: Tu précises dans ta question que dans le cas 
de l'Afrique du Sud, il y a appel de la majorité noire 
en faveur du boycot économique, ce qui n'est 


| libertaire et pacifiste, jean de wandelaer 
| a mis, avec d'a 


le cas au Vietnam... Et je ne crois pas que ce soit | 


parce qu'un appel émanant de la population vistna- 
mienne ne serait pas parvenu jusqu'à nous, qu'il 
aurait été complètement occulté par l'état vietna- 
mien. Ceci dit, l'Afrique du Sud, à la différence du 
Vistnarn, a été mise au banc de la Communauté 
internationale. C'est important pour faire la difté- 
rence entre les deux situations. 


AL: Il n’en reste pas moins qu'en cammerciali- 
sant les produits en provenance de ces pays, 
vous renforcez, même de manière limités, des 
régimes qui sont loin, et c’est un auphémisme, 
d’être attachés au respect concret et quotidien 
des droits de l'homme. Il suffirait pour s’en 
convaincre de consulter le rapport annuel 
d’Amnesty International. Alors, cette dimen- 
sion «droits de hommes n'intervient pas lors 
de la définition des critères qui vous font soute- 
nir tel ou toi pays. 

DL: On ne peut pas mettre les différents pays avec 
lesquels nous coopérons sur le même pied. La 
situation des droits de l'homme n'est pas la même 
au Vietnam et.au Cap Vert. te faut prendre en 
compte.la dimension historique. Au départ nous ne 
coopérions pas avec des états mais avec des 
mouvements de libération nationale. || aurait été 
incohérent de cesser d'avoir des rapports avec 
ces mouvements devenus partis au pouvoir. Les 


droits de l'homme font parie intégrante de nos cri- | 


tères en ce sens qu'il ne s'agit pas pour nous 
d'avoir une coopération aveugle avec n'importe 
quel régime au nom de je ne sais quelle étiquette. 
Chaque projet de développement est le fruit d'un 
contrat où ces questions sont posées à travers le 


contenu du projet. C'est notre forme d'action. | 


D'autres font autre chose et cela me paraît com- 
plémentaire. 
AL: Tu as dis plus haut qu’un de vos rôles était 
d'informer les gens d'ici sur la situation dans 
les pays en vole de développement. Avez-vous 
déja mené l’une ou lautre campagne de sensi- 
bilisation sur des violations des droits de 
l'homme dans les pays avec lesquels vous coo- 
pérez? 
DL: Oui. Un exemple. En 1984, quand le gouver- 
nement sandiniste du Nicaragua a rernis à l'ordre 
du jour des mesures d'état d'urgence et d'excep- 
tions (notamment en ce qui concerne la limitation 
de la liberté de la presse), nous avons remis à cha- 
que client des fameuses bananes du Nicaragua, 
un texte dénonçant clairement cette décision, la 
jugeant contraire à l'esprit même de la révolution 
sandiniste. La jugeant inefficace par ailleurs, tout 
en la resituant dans le contexte de guerre non- 
déclarée menée dans la région par l'administration 
Reagan. 
Dernière question. Anecdotique. Quelle est ta 
couleur préférée! 
DL: Le magenta. 
AL: C'est un rouge. 
DL: Oui, mais un rouge autre. Si.c'était de ma cou- 
leur politique dont tu voulais parler, ce serait un 
mélange de rouge et de vert qui ne serait pas gris. 
Propos recueillis par Babar 


Bruxelles le 5 septembre 1987 | 












DE L'HOMME DANS LES PAYS 
DU TIERS-MONDE... 

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QUE FAIRE POUR LES DROITS | | 






















Non-Violence et Société: Tu viens juste de ren- 
trer de neuf mois de séjour en Amérique Cen- 
trale et au Mexique, mais principalement au 
Guatémala. Qu'est-ce qui l’a conduit dans ces 
pays ? 

Jean De Wandelaer: J'avais déjà quelques con- 
naissances de l'Amérique Centrale: je suis allé 
rencontrer en 1985 des groupes de paix, des 
groupes nonviolents, de défense des Droits de 
l'Homme et des groupes anarchistes. Je suis 
revenu au Guatemala parce que j'aime les quaté- 
maltèques. De plus, les Brigades de Paix sont 
situées là-bas. 

En quoi consistait ton travail avec les BPI (Briga- 
des de Paix Internationales)? 

L'objectif des BPI au Guatéméla est de fournir une 
protection physique aux gens qui luttent pour leurs 


répression contre eux. J'al travaillé comme 
escorte (comme garde du corps nonviolent}) pour 
les animateurs du groupe des Droits de l'Homme 
qui sont menacés par la violence. L'escorte 
accompagne l'activiste guatémaltèque à toute 
heure de la journée. Les membres de l'équipe BPI 
fournissent également une présence nonviolente 
aux manifestations, non en tant que participants, 
mais comme observateurs, de telle manière que le 
gouvernement et les militaires sachent que la com- 
munauté internationale est témoin. J'ai aussi tra- 
vaillé avec des groupes tels des syndicats, des 
groupes des bidonvilles, essayant d'étendre là les 
principes de l& nonviolence. 

En étudiant l’histoire des groupes de défense 
des Droits de l'Homme au Guatémala depuis 
1954 (lorsque les Etats-Unis ont renversé Île 
gouvernement élu démocratiquement) presque 


tous leurs membres ont été assassinés. Com- 


ment le GAM parvient-il à survivre ? 


C'est l'aide internationale qui fait la différence. Le | 


GAM a commencé son travail en juin 84. À ce 
moment, il y avait très peu de membres, mais il se 
sont rapidement organisés. lis ont demandé la pro- 
tection des BPI, celles-ci travaillaient au Guatémala 


depuis mars 83 et ont fourni au GAM leurs locaux | 
pour que les réunions se déroulent en sécurité. En | 


mars-avril 85, le GAM a subi une forte répression: 
deux de ses animateurs ont été torlurés et assas- 
sinés. Depuis, une aide d'escortes a été deman- 


N°93 - OCTOBRE 87 - PAGE 7 


utres, la paix... 


| Jean De Wandelaer, membre de l’Internationale 

des Résistants à la Guerre, a travaillé en Amérique 
Centrale de juin 86 à février 87. Il y a consacré la 
majeure partie de son temps à une Brigades de 
Paix Internationale constituée au Guatémala pour | 
défendre la lutte pour les droits de l’homme du 
Grupo d’Apoyo Mutual (GAM). Lors d’un second 
séjour dans la région, il est arrété le mardi 25 août 
87 par les militaires salvadoriens, puis expulsé 
48h00 plus tard vers le Guatemala.Nous publions 
ci-dessous une interview que Jean a accordé à la 
revue de l’IRG «Nonviolen 














ce et Société». 





dée aux BPI at d'autres organisations internationa- 


| les de solidarité ont aidé le GAM à survivre. Le 
|_ gouvernement sait que nous sommes vigilants et, 


bien sûr, les guatérnaltèques sont déterminés à 
retrouver leurs disparus. 


Quelles ont-été les récentes actions du GAM 


Celle qui me reste surtout en mémoire s'est dérou- 
lée en automne 86. Le 15 septembre est le jour 
de l'indépendance pour toute l'Amérique Centrale. 
Le GÂAM a effectué une manifestation silencieuse | 
pour protester contre l'absence de libertés et | 
d'indépendance au Guatémala. Quand les militai- | 


res ont défilé, le GAM les a suivi en dressant un 
grand calicot montrant un soldat battant un pay- 


| san. Cela eut un très grand impact: les specta- 
| teurs applaudissaient en solidarité. Le GAM suivait 
MR UE EU Pres | les militaires, telle la conscience des soldats. De 
droits. Par notre présence, nous pouvons limiter l& | ouvelles menaces de mort envers les animateurs 
| du GAM s'ensuivirent. Les militaires ont placé dans | 
| les journaux des encarts payants déclarant que | 


tout ce qui pourrait arriver aux animateurs du GAM 
serait de leur propre faute. L'armée n'oubliera 
jamais cette manifestation. 





intervieuv 




















Notre ami Jean De Wandélaër, membre des 
| Brigades de Paix Internationales, a été arrété le | 
| mardi 25 août 1987 à El Salvador puis expulsé | 
| 48 heures plus tard vers le Guatéméla. | 
| Victimes d'attentats, d'assassiats, de mena- | 
ces répétées, deux organisations salvadorien- | 
res de défense des droits de l'homme (Coma- 
dres et Cripdes) venaient de demander aux Bri- 
| gades de Paix de mettre sur pied au Salvador 
| des escortes nonviolentés comme elles le font 
| avec succès depuis 1985 au Guatémala pour 
| Je Grupo d'Apoyo Mutual. 

| Jean De Wandelaer, en service au Guatémals, 
| s'était rendu sur place pour organiser ces nou- 
| veles escortes nonviolentes permanentes. Les | 
militaires du Salvador ñe lui en ont pas laissé le 
temps. Tout reste à faire! Îl est certain que les | 
| BPI, et l'ami Jean en particulier, s'entéteront. | 
| Qu'est-ce qui est plus têtu qu'un militaire ? Un | 
| anti-militariste, bien sûr! | 
La réussite de leur action, et la santé des mit | 
tants sur place dépendent aussi de notre wigi- 
lance, de notre promptitude à réagir en cas de 
eproblèmes. C'est pourquoi l'Allance Libertaire 
appelle tous l6s libertaires du pays à se mobi- 
ser pour Soutérir nôtre compagnon Jean De 
Wandelser et les BPI. 











































y Alliance Libertaire 
34 rue de Pologne 1060 Bruxelles 
Téléphone 02/537.88.18 












Tu parles de la répression au Guatémala, pour- 
tant Vinicio Cerezo, président depuis janvier 
86, est présenté dans la presse internationale 
comme un dirigeant éclairé qui travaille pour 
des réformes démocratiques authentiques et 
pour le respect des Droits de l'Homme. Peux-tu 
dire que c'est le cas? 

Cerezo n'est pas un personnage négatif, mais il 
répète ce que les dictateurs avant lui déclaraient: il 
n'y a pas de violation des Droits de l'Homme au 
Guatémnala. C'est très grave, parce que cela ne 
signifie pas seulement qu'il ne tente pas de prou- 
ver ces violations, mais qu'il les couvre. Cela aussi 
a été le cas avec Rios Montt Victores. || est égale- 
ment trés limité dans ce qu'il peut entreprendre 
car ce sont en fait les militaires qui détiennent réel- 
lement le pouvoir. IIS utilisent Cerezo dans le but 
d'obtenir l'aide américaine. Il à un passé politique 
propre, il n'a pas été membre des précédents 
gouvernements, il a subi des menaces de mort et 
a dû fuir le pays. Mais actuellement, il est juste une 


Toutes les photos qui Hlustrent ces pages ont | 
été prises le 15/09/86 à Guatéméla City lors | 
d'une manifestation du GAM... 


| Le Groupe d'Action Mutuel du Guatémala s'est | 
développé grâce aux efforts des mères et | 
| parents pour découvrir ce qui était arrivé aux | 


membres disparus de leur famille. Cette capa- 
cité de s'organiser et de survivre dans la vie de 
fous les jours a une signification qui dépasse /a 
recherche même des disparus. Cele constitue 
la création d'une ouverture dans les voies limi- 
lées de l'expression polilique au Guatémala, | 
expression qui se développe et qui rend possi- 

bé la création d'un Mouvement nonvio/ent 

| dans Ce Days. 











marionnette. Ce n'est pas lui qui me donne 
l'espoir, c'est le peupie. 


Pourquoi la presse américaine le présente-t-il 
comme ayant accompli plus de réformes qu'en 
réalité ? 

C'est la stratégie américaine d'essayer d'établir de 
«nouvelles démocraties» partout en Amérique 
Latine pour couvrir sa stratégie de conflit de basse 
intensité. L'idée principale du conflit de basse 
intensité est, pour les Etats-Unis, de garder le con- 
trôle sur toute la population d'Amérique Centrale 
sans un état de guerre ouverte. Le gouvernement 
US a besoin de vendre sa politique d'aide militaire, 
de conseillers, etc. C'est plus acceptable avec un 
gouvemement civil. Dans un conflit de basse 
intensité, on peut compter 10% de guerre ouverte 
et 90% de guerre psychologique, économique, 
politique et culturelle. lis espèrent détruire toutes 
les organisations populaires telles que le GAM ou 
les syndicats. Le contrôle de l'information est leur 
atout principal. Ils peuvent ainsi présenter le Gua- 
témala comme un pays souriant. C'est une des 
facettes de la guerre psychologique. 


Tu dis donc qu'il y a deux volets à la guerre 
psychologique: envers le population du Guaté- 
mals et envers la communauté internationale. 
Comment cela fonctionne-t-il à l’intérieur du 
pays ? 
Deux importants agents de contrôle ont été déve: 
loppés par les précédents gouvernements militai- 
res (Lucas Garcia, Rios Montt et Mejia Victores) : 
les patrouilles civiles et les villages modèles. Ces 
derniers ont été imaginés par le même conseiller 
US qui créa les «hameaux stratégiques» du Viet- 
nam, et ce dans le même but: le contrôle total de 
la population des montagnes, constituée principa- 
lement par des indiens. 
ils gardent le contrôle sur approximativement 
300.000 personnes, des hommes de 14 à 65 
ans qui doivent accomplir un service armé pré- 
senté comme volontaire mais en fait obligatoire. Si 
vous ne l'effectuez pas, vous devez payer une 
amende; si vous refusez à nOUVEAU, VOUS avez à 
payer une nouvelle amende. À la troisième fois 
c'est la prison. Mais ça, c'est la théorie: l'assassi- 
nat est plus courant. Par cette violénce, ils ont le 
contrôle sur toute la population: sur les villages 
que couvrent les patrouilles civiles et sur les popu- 
lations forcées de rejoindre ces patrouilles. L'aide 
étrangère appuie ce contrôle militaire parce que 
celui-ci ne dépend pas financièrement de sa pro- 
pre population. 
Qu'elle est l'attitude des guatémaltèques vis-à- 
vis du service armé et de la conscription obliga- 
toire ? 
C'est principalement la population défavorisée qui 
est forcée de servir. Les militaires arrêtent les bus 
sur les routes et emmènent les jeunes qui n'ont 
pas de papiers en règle. Parce qu'ils doivent aider 
De familles, ceux-ci ne veulent pas perdre deux 
ou trois ans dans l'armée. lls sont donc carrément 
kidnappés et forcés de servir. À cause de la ter- 
reur, il n'y a pas de résistance organisée au ser- 
vice militaire. Au Salvador, c'est différent. en 


novembre 86, il y eut une nouvelle loi pour aug- | 


menter le budget militaire et la conscription. Il s'en 
suivit une forte résistance de l'Eglise catholique, 
des syndicats et des étudiants, avec en décem- 
bre, une grande manifestation à El Salvador. 


Le travail des Brigades de Paix au Guatémala 
est une stratégie nonviolente qui inclut des 
européens et des nords américains. Quel types 
d'actions nonviolentes as-tu trouvées qui sont 
produits par les guatémaltèques ou les salvado- 
riens eux-mêmes ? 

La population a pris part à toutes une série 
d'actions nonviolentes. Au Guatémala, le GAM 
manifeste presque une fois par Semaine. Au Saiva- 


dor, il y a un mouvement plus important, plus orga- 


nisé et plus politique, comportant les syndicats, 
les groupes de défense des Droits de l'Homme, 
les étudiants et les mouvements de repopulation. 
La repopulation consiste, pour les paysans, à 





comment participer au projet 
des brigades de paix 
internationales ? 


Partir volontaire 


Deux belges sont déjà sur place, à long ou à | 


court terme. Deux autres s'y rendent dans les 
prochains mois. Les seules conditions (stric- 
tes!) sont de connaître l'espagnol et d'avoir 
des notions d'action nonviolente: des stages | 

| sont régulièrement organisés en Espagne. Les | 

| frais de séjour sur place sont pris en charge par 
les BPI. Les frais de voyage sont à charge du 

| volontaire qui, en général, organise une sous- 
cription. Une participation de la section natio- 
nale est toujours envisageable, suivant nos | 
finances. Contactez-nous ! 
Le réseau d'urgence | 

| En cas de problème grave sur place -agression | 
contre le GAM ou les BPI- un réseau de télex, 

| via le Canada et la Suède, nous prévient immé- 

| diatement. Les membres du réseau d'urgence 
télégraphient ou écrivent leur protestation 
aussi vite que possible aux autorités guatémal- | 
tèques et au ministre belge des relations exté- | 
rieures. Le réseau d'urgence organise aussi, le 
cas échéant, le rapatriement d'un volontaire. 
Pour faire partie du réseau, contactez-nous! 
Participer financièrement 

| Le projet des Brigades de Paix sur place, les 
déplacements des volontaires et les publica- 
tions sont une lourde charge financière. Une | 
participation de votre bourse est indispensable 
pour un travail efficace sur place. Notre 
numéro de compte bancaire: 001-1616388- 
56. BPI, 58 St Antoine, 6682 Manhay. 
L'information 
Une information régulière sur les Brigades de 
Paix Internationales Se fait en Wallonie par 
l'intermédiaire des deux publication suivantes : 
L'Elastique revue mensuelle à participation 
libre, 58 St Antoine, 6682 Manhay et Nonvio- | 
lence et Société mensuel 300 fb par an (n° 
de compte: 001-0732475-07, avec mention 
ABO-NVS). Avec Nonviolence Actualité: 
1.000 Fb par an (même numéro de compte, 
avec mention ABO NVA-NVS). 





retourner dans leur propre village, même si celui-ci | 
a êté bombardé. Les escortes de la communauté | 


internationale ont aidé les paysans à se protéger 
durant ces tentatives de repopulation, de la même 
manière que les Brigades de Paix protègent les 
membres du GAM. Mais ce sont les salvadoriens 
et les guatémaltèques qui prennent les intiatives et 
endossent le maximum de risques. Le GAM 
accomplit une quantité d'action nonviolentes telles 
que des sit-ins, et des occuations de bâtiments 
publics. C'est une tradition nonviolente bien qu'ils 
n'aient pas l'usage de ce terme. " 


au Guatémala ? 

Parce que le GAM bénéficie d'un support interna- 
tional et parce que les BPI sont témoins de ce qui 
se passe, le gouvernement doit laisser du champ 
libre au GAM. lis ont interrompu d'autres manifes- 
tations et kidnappé des dirigeants syndicalistes en 
grève: la réponse aux manifestations d'autres 
groupes a été plus violente. La communauté inter- 
nationale s'est foccalisée sur le GAM. Mais même 
ainsi, les négociations entre le GAM et le gouver- 
nement restent limitées. La demande principale du 
GAM est que le gouvernement crée une commis- 
sion d'enquête sur les disparitions: les disparus 
ont-ils été assassinés, par qui, pourquoi, etc. 
Cerez a plusieurs fois promis une commission 
gouvernementale mais non indépendante. Ni le 
GAM , ni l'église n'en voulaient. 


As-tu trouvé au Guatémala des formes d'action 
politique telles ca Salvador ? 


brigades internationales de la paix 
déclaration de fondation 


Nous avons décidé de créer une organisation 
qui formera et soutiendra des Brigades Interna- 
tionales de la Paix. Cela nous semble être un 
impératif historique et moral. 


Les Brigades de la Paix, créées pour répondre 
à des besoins et demandes spécifiques, entre- 
prendront des missions impartiales qui peuvent 
inclure des initiatives pacificatrices, le maintien 
de la paix par une discipline nonviolent et un 
service humanitaire. Notre intention est aussi 
d'offrir et d'apporter notre aide à des efforts 
identiques programmés et appliqués par 
d'autres groupes. 


Nous faisons appel particulièrement : 

- aux peuples de cultures, langues, religions, 
systèmes sociaux divers qui sont prêts à contri- 
buer de façon nouvelle à la résolution nonvio- 
lente des conflits, 


- à tous ceux qui cherchent à accomplir les prin- | 


cipes élevés et les buts exprimés dans la 
Charte des Nations unies, 

- et à tous ceux qui travaillent pour préserver la 
vie et la dignité humaines, pour instaurer les 
conditions de la paix. 

Nous faisons appel aux individus et aux groupes 
pour qu'ils s'engagent dans un travail local, 


régional qu international des Brigades de la 
Paix. Nous sommes en train de former une 
organisation qui se veut apte à mobiliser et à 
fournir des unités de volontaires entraînés. Ces 
unités peuvent être envoyées dans des régions 
«chaudes» pour prévenir les explosions de vio- 
lence. En cas d’hostilité, une brigade peut éta- 


| blir et contrôler un cessez-le-feu, proposer une 


médiation ou entreprendre des travaux de 
reconstruction ou de réconciliation. 

Ceux qui entreprendront ces actions devront 
faire face à des risques et des épreuves. Les 
autres peuvent apporter leur soutien et se mon- 
trer solidaires d'une multitude de façons. 

Nous construisons sur un héritage riche et 
vaste d'actions nonviclentes qui ne peut plus 
être ignoré, et cet héritage nous dit que la Paix 
est plus qu'une absence de guerre. 

Nous sommes convaincus que cet engagement 
des esprits, des cœurs et des volontés de ser- 
vir, apporte une différence sensible dans les 
affaires humaines. 

Unissons-nous tous dans la marche qui nous 
mène du mensonge à la vérité, de l'obscurité 


| à la lumière, de la mort à la vie. 


Fait à la conférence de Grinstone island, 
Ontario-Canada, le 4 septembre 1981. 


Brigades de Paix Internationales 
35 rue Van Elewijk, 1050 Bruxelles, Tél. 02/648.52.20 
58 St Antoine, 6682 Manhay, Cpte bancaire 001-1616388-56 
Communiquez ons au GAM votre soutien! 


Grupo 


Mutual 


15 ave 911, zona 12, ie de Guatemala, Guatemala 








COMMUNIQUÉ - VIENT DE PARAÎTRE 


amnesty international 
rapport annuel 1987 


«Parce que savoir c'est déjà agir» 


Amnesty International publie ce 30 septembre son Rapport Annuel 1987 qui dresse le tableau de la 
situation des droits de l'homme dans plus de 130 pays. 

Litanie d’emprisonnements pour délits d'opinion, de tortures, de «<disparitiong», d'exécutions? Non, ce 
rapport n'est pas le comptable de l'horreur. Il vise a informer parce que savoir c'est déjà agir. 


Comment se procurer le Rapport 1987 ? 


+ au secrétariat d'Amnesty, 9 rue Berckmans à 1060 Bruxelles 


e auprès du groupe de base de votre quartier : 
« dans toutes les bonnes librairies. 


{vente directe ou par correspondance) 


Acheter le Rapport par correspondance, c’est possible... 

Bon de commande: Je désire recevoir par courrier le Rapport Annuel 1987. Pour ce faire je joins un 
chèque barré de 500 frs / je paie à la réception de la facture (dans ce cas prévoir 50frs supplémentai- 
res pour frais administratifs). 


1 L] 
OUEST ER RER CSS RE AE ER 


Adresse complète : 


SHIRT ERA Sand ER db sen nn ss assume unassauesmenne mannnnnenerenmrs 


shressnanmsairoseneiuenrbessns rennes eo rene eee eers nanas serén 


A renvoyer à Amnesty International 9 rue Berckmans 1060 Bruxelles Téléphone 02/538.81.77 
Rapport Annuel 1987, Editions La Découverte /AEFAI, 288 pages, 500 fb. 


Afghanistan Les forces soviétiques, appuyées par des militaires afghans, se seraient livrées à des exécutions som- 
maires, Amnesty Intemational donné des précisions sur ls recours systématique aux mauvais traitements et à la tor- 
ture de prisonniers. + Afrique du Sud La législation d'exception a été invoquée pour détenir sans jugement plus de 
20.000 détracteurs et opposants. Beaucoup ont été maltraités, torturés, sont morts dans des circonstances sus- 
pectes. La police et l'armée sont accusées d'avoir massacré des civils. + Albanie Impossible d'évaluer le nombre 
de prisonniers d'opinion en raison de la censure et des restrictions en matière de liberté de circulation. + Algérie 
Frocès inéquitables. Décès de plusieurs prisonniers suite à des sévices commis par les autorités. + Angola Déten- 

tions sans jugement et procès politiques inéquitables. + Arabie Saoudite Au moins 24 exécutions publiques ont été 
enregistrées durant l'année par Amnesty. Informations concernant des cas de torture et de mauvais traitements. 

Détentions sans jugement. * Argentine Nombreux débats à propos de l'établissement des responsabilités concer- 

nant les violations des droits de l'homme sous le régime précédent. La loi dite «punto finah entrée en vigueur en 
1986, limite ies poursuites possibles à l'encontre des militaires dont les responsabilités ont pourtant été établies. « 
Autriche Détentions de prisonniers d'opinion, dont des objecteurs de conscience, parfois victimes de mauvais trai- 
tements. « Bangladesh Arestations arbitraires, tortures et exécutions sommaires de tribaux non-arrnès, perpétrées 
par les forces gouvemementales. + Bénin Plus de 50 opposants présumés libérés, mais 80 autres demeurent 
incarcérés sans jugement. Mauvais traitements et tortures. + Bolivie Opposants détenus pour des courtes périodes 
en vertu de l'état de siège. + Brésil Exécutions sommaires par la police de suspects de droit commun. + Bulgarie 
Des membres de la minorité turque ont été torturés. + Chili Les arrestations pour motifs politiques ont augmenté en 
1986. Manifestants roués de coups, certains d’entré-eux ont même été abattus, Campagne d’enlèvements at d'inti- 


Je suis plus familier du Guatémala que du Salva- 


dor, mais je crois qué les salvadoriens sont plus | 


politisés. Ils ant eu plus de temps pour s'organiser 
et ont plus d'expérience. Plusieurs des groupes 
salvadoriens actuels existent depuis plus de 10 
ans, comme Comadres ou la commission des 
Droits de l'Homme. Au Guatémala, le seul groupe 
existant publiquement est le GAM, et c'est un 
groupe assez récent. Aussi le GAM ne demande-t- 
il que le retour des disparus, tandis que les piate- 
formes politiques des groupes du Salvador sont 
plus larges. De plus, le Salvador a un gouverne- 
ment «civil» depuis 1984; le Guatémala depuis jan- 
vier 1986 seulement. Il est le premier pays d'Amé- 
rique Centrale à subir ces vagues massives de dis- 
paritions et d'assassinats dans les campagnes; 
beaucoup d'animateurs de la résistance ont été 


assassinés ou ont fui le pays. Ils ont subi le plus | 
haut pourcentage d'assassinats et la population a 


peur de réagir. 


Y at-il un espoir de développer au Guatémala 
des forces qui mèneront à une réelle libéra- 
tion ? 


Je pense que la population est fatiguée de'toute 
cesviolences et des violations des Droits de 
l'Homme qu'elle regarde aujourd'hui vers d'autres 
voies de libération. Au Guatémala, un grand nom- 
bre de gens comprennent qu'on ne peut trouver 
aucune solution dans la guerre. lls essayent de 
trouver d'autres moyens tels que ls GAM, les 
syndicats, les groupes de travail des bidonvilles. 
Le GAM démontre que dans un pays comme le 











Guatémala, face à une telle répression, il reste 
possible de s'organiser. Il y a une place pour la 
nonviolence, c'est mon espoir et celui des amis 
guatémaltèques. || y a plus d'espace pour S'organi- 
ser depuis Un an. C'est un peuple qui lutte depuis 
de nombreuses années et c'est ie seul qui a bien 
résisté aux espagnols : c'est pourquoi il y a encore 
autant d'indiens ici; il sont habitués à résister à 
l'oppression. 


Que penses-tu qu'il est important, pour les 
pacifistes occidentaux, de comprendre dans 
cette situation ? 


Surtout que la guerre s'est transformée en conflit 
de basse intensité, non seulement au Guatérmnala, 
mais dans toute l'Amérique Centrale. Dans ce type 
de conflit, il y à une grande place pour la résis- 
tance civile et nonviolente. Les pacifistes peuvent 
aider la population à développer cette conscience. 
Qu'entends-tu par là? 
La stratégie du conflit de basse intensité est de 
présenter la réalité à l'opposé de ce qu'elle est, de 
développer une fausse conscience de l'Amérique 
Centrale, de telle manière qu'on ne reconnaisse 
plus les raisons de la lutte. Nous pouvons dévelop- 
per une conscience exacte à travers une informa- 
tion objective exposant l'injustice et la répressia 
Faire un travail volontaire tel que les BPI suppose 
des riques personnels, de l'humilité et une bonne 
COMRLEORENN de la situation et des cultures. 
Non-Violence et Société 
35 rue Van Elewijck - 1050 Bruxelles 
Téléphone 02/648.52.20 


ALTERNATIVE LIBERTAIRE x ASBL 22 MARS - N° 93 - OCTOBRE 87 - PAGE 8 


la nouvelle loi 
sur les réfugiés 
a été votée 
le 15 juillet 87 
le comité de soutien 
aux réfugiés vous invite 
à un après-midi 
d’informations/débats 
le samedi 10 octobre 
76 r. des écoles 1080 bxl 


renseignements 04/217.56.94 


réussir à l’école: 
un livre-témoignage 
La Confédération Générale des Ensei- 
gnamts vient de publier un liws collectif 
aux Editions Vie Ouvrière sous le titre 
héussir à lEcoles. Nous reviendrons 
dans nos prochaines éditions plus on 
détall sur cet ouvrage indispensable à 
qui pratique le système scolaire. Dès à 
présent, notons que ce Îlvre sst disponi- 
ble au prix de 450 francs (envoyez un 
chèque barré) à fa CGE, 14 rue des 
Cyprès à 1000 Bruxelles. Nous reprodui- 
sons ci-dessous deux extraïts de 
presse. histoire de vous mettre l'eau à la 
bouche. 
L'Ecole, c'est la iransmission des savoirs. 
Vous avez sans doute déjà énteñdu énon- 
cer, par l'un ou l'autre homme pollique, 
cette phrase définitive. Si, en ce début 
d'année scolaire, vous, parent ou ensel- 
gnant, VOUS ne partagez pas ce pcint de 
vue, alors vous devar fre Réussir à 
‘école, un lvre-témoignage écrit par une 
quaranaine d'hommes st de femmes de !er- 
Fain, de Belgique et de France, qui ont 
voulu vivre la classe autrement et y sont 
parvenus. ls expliquent dans ce livre col- 
lactif -on se demandé d'ailleurs pourquoi 
les éditeurs ont seulement retenus deux 
noms, sérail-cé parce qué ces déux péda- 
gogues pris parmi les autres sont des pro- 
fesseurs d'université ?- leur travail et leur 
recherche au quotidien, leurs réussites 
après quelgues échecs, leurs angoisses 
aussi. Mais dans ce livre, on netrouve pas 
d'exemples de transmission pure et simple 
du savoir: le professeur n'est pas iMassa- 
blement celui qui sait tandis que l'élève est 
relégué au rang de celui qui ne sait pas. 
Mon, à y a l'appropriation active du savoir. 
Le Soir 
Les Editions Vie Ouwière sortent à propos 
un livre intitulé «Réussir à l'ecole». Méflez- 
vous. Ce n'est pas une recette pour obtenir 
un diplôme en dix leçons mais plutôt la saga 
de quarste enseignants qui vivant la réalité 
scolaire ei ne veulent pas enseigner idiot. 
L'enseignant n'est pas seul face à l'école. I! 
y a le fonchonnement de linslution an elle- 
même, existent aussi des partenaires 
potenties comme les assistants sociaux, 
les psychologues. il y a Mnstiution scolaire 
se-même el ses contradictions. Mais 
réussir à l'écofes c'est aussi découvrir les 
élèves avec le ragard de leurs profs. Un 
regard exigeant ét complice, une volonté de 
réussir avec eux. Ratenñons de ce livre sans 
Barrière ni compromis, sans tabou sur 
l'école cette petite phrase clé qui symbolise 
l'enseignement: «On ne peut apprendre à 
fre à l'élève qué si on sait ire l'élève. 
HP K., Le Drapeau Rouge 








juristes démocrates 

















une adresse 
toujours utile 


ligue 
des droits 
de l’homme 
26/28 passage de linthout 


boîte 24, 1200 bruxelles 
téléphone 02/735.21.45 


ne croyez pas ce que médias 
u akbar 


| Le 20 avril 86, se déroulait à Bruxel- 
| les une manifestation de protesta- 





es gens diront 


On peut bien en parler. Ces choses-là reviendront vite. Un 
jour d'hiver dans la campagne. Le ciel, les champs, tout est 


ent des rognures d'ongles ? 


À 





+ seulem 


Etait-ce le fait que je me les caillais, 
était-ce bien plutôt l'habitude : assis sur 


| la sépulture de Paul-Henri Spaak, je 





descendais une bouteille de wouiskie 
dégueulasse de pauvre. Cette solitude, 
cet abandon et les doigts noirs des peu- 
pliers giflés par le vent, avec la dépouille 
du vieil homme d'Etat sous la pierre 
bleue qui porte à la boutonnière une 
minuscule rose au poing. Et ce wouïskie 
pourri. L'impression qu'on pouvait aussi 
bien rester là. 


la madonna... 

Je voulais vous parler de l'autre morue, 
là, par qui le souffle de la jeunesse est 
entré dans le trois pièces-cuisine de 
Jacques Chirac. Madonna. Le boudin 
bien propre sous les bras, la petite 
bècheuse qui perd sa culotte mini-Mir 
mini-prix entre les bras de la France de 
demain, vivement. Des fois, avec les 
copains, on s'emmêle tellement les pin- 


| ceaux dans les conversations décou- 
| sues à passer le temps qu'un maoiste 
| n'y distinguerait plus son ennerni princi- 
| pal de son ennemi secondaire. L'autre 


À noter la parution avec un lock plus 


des Juristes Démocrates. Au sommaire de 
ce numéro 50 daté de septembre 87: con- 
flits sociaux, droits de grève et pouvoir judi- 
ciaire - La loi sur la filiation, l'égalité n'est 
pas encore complète - Haïti, la démocratisa- 
tion se fait attendie - Appel des juristes con- 
tre la guerre nucléaire - Pour la révision du 
procès d'Otello de Carvaiho. Association 


Belge des Juristes Démocrates, 13 rue 
P.E. Janson, 1050 Bruxelles, tél. 
02/539.05.14. 


jour, c'était Carmela qui me disait à pro- 
pos de Luc Honorez, le critique cinéma 
du Soir: «Mais qu'est-ce qu'il écrit mal, 
et qu'est-ce qu'il est vulgaire!» Et c'était 
vrai. il y avait un article -une pitrerie sans 


| goût et sans couleur- sur John Huston. 


Ca m'a fait penser à ces connaissances 
qui vous prennent le bras pour vous 


moderne et plus acréable à lire du Jaurnat | Expliquer les grosses histoires qui les 
PDémes | font rire. Une horreur. Dans Libé d'ail- 


leurs, ce jour-là {ou la veille), on donnait 


| trois pages et la Une en couleurs sur 


Madonna, ét des chiures de‘mouche à 
propos de Huston, Madonna qui est 
malgré tout arrivée à ce qu'on siffle le 
nom de Jacques Chirac, à la seule force 
dé Son immense niaisere. Est-elle 
niaise? Elle a l'air niais. Ce serait suff- 
sant. Même si c'est rien encore à côté 


perdu dans un verre de lait glacé, immobile et muet... 






de Jacques Chirac posant dans Podium, 
un walkman sur les oreilles et un sourire 
de castagnette entre. Rappelez-vous. 
L'autre, pour prendre la France par la 
taille, y allait de son accordéon. Ça 
change. «Comparer Marylin Monroe à 
Madonna, c'est comparer Raquel Welch 
a l'arrière d'un autobus, dit Boy 
George. Eh bien, nous voilà prévenus. 
Pas assez cépendant pour éviter de 
cruelles désilusions. Avez-vous vu ce 
concert diffusé à TF1 et sur la RAI? 
«L'armaque d'une rumeur de cuir ciouté 
et de soie mauve. L'escroquerie à la 
promesse d'une Baby-Dol revisitée par 
Marylin. Tous ceux qui auront attiré le 
gogo en effeuilant des guépières de 
luipanar en sont pour leurs fantasmes. 
Msdonna chante et danse en «body» 
fort sage. La fareuse culotte jetée au 
public n'est qu'un truc de plus. Pas le 
mieux. Un faux. À peu près ce que 
Hollywood aurait pu retenir du french 
cancan Servi par les plus mauvaises 
années du Casino dé Paris», constate, 
amer, le quotidien Le Monde. Dépri- 
mant. Parce que voilà ce qui évoque le 
souffle de la jeunesse chez les Chirac, 
et qui les fait se dresser sur les pattes 
arrières, une réduction de la taxe sur les 
disques dans la gueule. 


été pourri. 

Cet été n'a pas été un été. Pas un jour la 
hantise de l'hiver ne m'a quitté. || n'a pas 
fait radicalement beau. Je me suis sou- 
venu de l'hiver parfait qu'on connaît 
dans certains coins. Il était un peu tôt 
dans l& saison pour que j'y cherchasse 
avec conviction quelque consolation du 
type promenade dans les bois etc. 


haa michaël.. 

Michaël Jackson est de plus en plus 
blanc. Il a de moins-en moins de nez. Ita 
maigri. Où veut-on en venir? J'ai eu 





l'impression d'une jeune pute un peu 
vulgaire. Voici la première étoile noire 
qui pat sciemment. Son clip met en 
scène une histoire de famille noire, son 
visage ressemble de plus en plus à la 
réplique en cire du musée Tusseau. 
Avec cette image fascinante et glaciale, 
plus loin que toutes les ambiguités qui 
remuent, se pose-t-on encore la ques- 
tion de savoir si M. Jackson est un 
pédé? S'imagine-t-on cet être bionique 
qui ne ressemble à ren en train de faire 
l'amour, avec son corps, ses humeurs ? 
C'est bien simple: a-t-l des rognures 
d'ongle? Et il y a la musique. Les criti- 
ques consacrées passent soigneuse- 
ment en revue toutes les raisons de {a 
dégueuler, pour conclure qu'elle est 
parfaite. Je trouve ça incroyablement 
moderne. L'expression d'une insatisfac- 





tion que rien ne résoud. Le malaise sans | 


eau et sans glaçon. Le malaise vraiment | d'une p | sdiférent , l 
ns recul et sans réflexion. | Conscience polltique et d'une dynamique 


modeme, sa 
Celui qui engendre la bougeotte. 


plus vite. 





tion contre le raid américain en Libye 
quelques jours auparavant. L'écho 
qu'eut dans la presse cette manites- 
tation, la manière dont Il en a été 
rendu compte, les débats, les attitu- 
des qu'elle a engendré dans les 
médias, les bureaux politiques et la 
population, en ont fait un événement 
clé dans la lecture de l'immigration 
musulmane par le citoyen belge. 

Dans un livre qui vient de paraître, F. Das- 
seto et À. Bastenier, dans la perspective 
d'une «histoire immédiate», ont tenté de. 
dégager les significations profondes de ia 
manifestation et dés réactions qu'elle fit nai- 
tre. NS replacent l'événement dans son con- 
texte global, afin de dépasser la lecture 
superficielle et réductrice qui en fut rels- 
nue. Leur analyse dégage deux axes pour 
une compréhension renouvelée. La mani- 
festation à joué en quelques sortes un rôle 
d'analyseur de la présence dans notre pays 
d'uné population edifférentes, forte d'une 


culturelle propres. Le 20 avril 86, ont été 


| mis en lumière dans les rues de Bruxelles, 
| les logiques divergentes et les conflits 
| sous-jacents au processus de confrontation 


Ben Johnson met 983" pour parcourir | 


100 mètres. Et quoi encore. Où veut-on 
en venir? Avez-vous vu Ces visages 


et ultra moderne, 
malaise. Un sentiment d’absurde et 
d'inévitable à la fois. 


la question. 

On sera en octobre lorsque ceci parai- 
tra, la question de l'été réglée, une fois 
de plus. Ce n'est pas normal. À votre 
avis, qui conduisait la délégation beige 
au Sommet international de la francopho- 
nie de Québec? La délégation belge, 
parce qu'il y avait aussi une délégation 
Walionie-Bruxelles. Mais oui: l'ancien 
extrémiste flamingant W. Martens. Ce 
premier ministre qui se sent «profondé- 
ment flamands, quand on lui parle du 
sommet à ATL. Ga non plus ce n'est pas 
normal. Et comme chaque fois, à 
l'entrée de l'hiver, il me semble que des 
choses inouies Se préparent. Les 
mineurs noirs redescendent dans la 
mine. Concluant le conflit social le plus 
long (trois Semaines} mené per un syndi- 
cat noir au pays de l'apartheid. On a vu 
se repointer le rêve d'une Afrique pre- 
nant l'Europe par la main. 


la mémoire kurt…. 

Qui ést Kurt Waidheim? Personne. 
Quelqu'un qui a fait son devoir. Sous 
l'uniforme de la mort quand c'était à la 
mode. Et aujourd'hui qu'il ést question 
de décerveler les Autrichiens, avec la 
tronche au petits veux fuyants de 
l'hypocrisie et de la honte. Certains sont 





entre la communauté arabo-musulmans et la 


| société belge. Bouleversement, peur, repli, 


focalisation sur les signes islamiques, acou- 


‘ | sation d'intégrisme.. seulés réponses pos- 
décompasés par la douleur, ces fem- F je La 
mes, à l'issue d'une course ultra rapide | 


à Rome? Quel 


sibles à la différence? D'autre part, il s'est 
révélé, avec uns nouvelle acuité, le pouvoir 
des médias (les médias sont grandes}, eten 
particuller du JT de la RTBF, dans la modu- 


| lation et la canalisation des perceptions. 


L'information fut sélectionnée, transformée, 


| dé telle sorte qu'une vision s'impose au 
| public: Bruxelles en passe de devenir 





prêts à payer gros leur goût immodéré | 
pour la tranquilité d'esprit. Tout de 


même, avec la perspective d'Europalia 
Autriche, leur hébétude eût pu s'en 


trouver troublée. Pas d'angoisse: Bau- | 


douin, le roi des Belges, à pris l'affaire 
en mains, les a fait voler dans un nuage 
de poudre d'or, et pfuit Waldheim dis- 
paru, on a trouvé une colombe blanche. 
Le système Waldheim sans Waldheim. 
Très fort. Etrange Autriche sans Juifs et 
sans nazis. Excusez, la comparaison 
paraîtra peut-être excessive, mais c'est 
pourtant l'impression qu'ils me font, ces 
socialistes bruxellois. I voudraient un 
Bruxelles sans racistes et sans étran- 
gers. En Hollande, l'expérience a mon- 
tré que partout où les socialistes ont pris 
le parti de s'adresser à eux, les étran- 





gers les ont largement pébliscités. Les | 


nôtres préférent apparemment les certi- 
tudes d'une Belgique vieilissante où les 
chrétiens hégémoniques empécheront 


longtemps la liberté des femmes devant | 


la maternité. Gardez votre prison, 
disent-ils, l'inconnu nous fait peur. 
+ Serge Noël 


Téhéran ou Beyrouth. Une analyse minu- 
tieuse dés différents moments dé la mani- 
festation et des multiples séquences infor- 
malives nous montre les hésitations, les 
occulations, les dérapages au cœur du phé- 
nomène. On découvriré aussi dans Médias 
U Akbar une approche de l'histoire et du 
vécu de diverses crganisalions arabes en 
Belgique, dans leurs conflits pour la con- 
quête d'un leadership, l'opposition de leurs 
tendances, mais aussi la recherche d'uné 
identité collective, porteuse d'une sensibi- 
lité, de catégories de compréhension, et de 
moyens d'expression qui soient les leurs. 
Cet ouvrage parle de notre société au pré- 
sent. Il observe certaines de ses contradic- 
tions, de ses difficultés d'être. Les valeurs 
de tolérance, d'ouverture, de respect de 
l'individu dont elle se dit garante sont fragi- 
les et s'effarouchent devant l'affimmation de 
l'Autre. Comment imaginerons-nous une 
co-existence où lé communication ne soit 
pas réduite à un échange de regards sté- 
réotypés? Un tel livre me donne envie de 
redire qu'il est urgent que chacun dé nous 
se débarrasse des filtres que lui imposent 
organes dé presse et instances politiques 
at retrouve ur régard plus libre. 


Médias U Akbar, Ciaco éditeur, 1987 


tiermondopoly 
Les Magasins du Monde Oxfam viennent de 
publier un nouveau jeu qui veut induire une 


| autre vision du commerce mondial, une 


autre pratique des rapports Nord-Sud et du 
Tiers-Monde.… Un jeu de société, nouvelle 
version didactique inspirée du célébre 
Monopoly. Quelques explications. Les par- 
ticipants, au nombre de six à huit, entrant 
dans |8 peau d'un paysan péruvien Soumis, 
pour vivre, au rythme infernal des saisons. 
Tantôt sèches -très sèches !- tantôt humi- 
des, celles-ci règlent toute la partie, faisant 
monter ou baisser le cours des cultures 


| auxquelles se consacrent les paysans. 


L'égalité des chances, au demeurant très 
théorique, fait long feu! Quelques coups de 
dé symbolisant les hasards et autres aléas 


| dé l'existence ont vite fait d'entamer diver- 


Sément lé capital dé chacun. Au fil des 


sent: l& maladie d'un enfant, sans la sécu- 
rité sociale, une invasion de sauterelles, et 


| l'ombre des terrorismes de tous poils qui 


plané sur ls tableau du Tiers Monde... Le 
jeu tient en haleine comme la «vrai vies et l& 
feuille de bilan comptable que chacun doit 
compléter au terme d'une année -entendez 
un tour-lui permet de mesurer combien 


| s'avère précaire la situation matérielle des 


+«campésinos: péruviens..…. Tiermondopoly, 
950 francs, Magasins du Monde Oxfam, 


| 74 rue de la Caserne, 1000 Bruxelles. 





ABONNEZ-VOUS: 600 FRS L'AN AU COMPTE 001-0536851-32! 


ALTERNATIVE LIBERTAIRE à ASBL 22 MARS - N° 93 - OCTOBRE 87 - PAGE 9 


pour être 
présents 
dans ces pages 


il vous faut 


nous envoyer 
vos textes 

avant le 20 du 

mois précédent 


condamnés 


Trente et une personnes ont été condam- 


nées à la paine de mort par pendaison en | 
raison dé leur participation à la rs | 


populaire contre le régime d'apartheid. | 


sont à présents détenus dans les ae | 
des condamnés à mort à ls prison centrale | 
de Prétoria.. Traités comme des criminels | 


de droit commun, ils sont en réalité des pri- 
sonniers politiques. En outre, le régime 
d'apartheid ne reconnaît pas aux résistants 
qui se revendiquent dé la branche armée du 
Mouvement de libération, le droit au statut 


de prisonnier de guerre défini par les Con- | 


ventions de SRE de 1948 
qu'amendéés par le 
de 1977. 

La condamnation de ces 31 hommes et de 
cette femme est le résultat du rejet par le 
peuple noir du système corrompu des con- 
sellers municipaux fantôches mais aussi de 
la résistance contre les habitants des ban- 
lieues noires et de la lutte contre la persé- 
cution des syndicalistes et activistes politi- 
ques. 

Il est désormais Impossible de compter le 
nombre de tués et de blessés du fait de la 
répression et de la résistance en Afrique du 
Sud. La police et l'armée du régime ont 
commis des massacres à Soweto, Uiten- 
hage, Ouduza, Mamelodi et en d'autres 
endrois à l'intérieur comme à l'extérieur du 
pays, au Mozambique, au Lesotho, au Bots- 
wense et au Zimbabwe. La police et ses 
agents, des vigiles armées, sillonnent les 
banlieués noires, harassant, kidnappant l& 
population et, très souvent, tirant à vue sur 
cette dernière. Des personnes ont été 


tuées par balles alors qu'elles ne faisaient | 


que marcher dans la rue; de jeunes enfants 


ont été descendus alors qu'ils jouaient 


devant la porte où dans la cour-arrière de 
leur maison. Des dirigeants élus et des 
porte-parolss des syndicats et des organi- 
sations démocratiques locales ont été 
retrouvés assassinés -parfois de manière 
horrible-dans de mystérieuses circonstan- 
ces. 

Jamais personne n'a été arrêté ou Incuiné 


telles | 
e Frotocole additionnel | 


pour ces crimes. Ceux qui attendent actusl- | 


lement l'exécution sont des prisonniers poli- 
tiques. Les terroristes d'Afrique du Sud, par 
contre, circulent encore en foute liberté. 

Une campagne pour sauver la vie de ces 
condamnés à mort a été organisée en Afri- 
que du Sud par le «<Southg African Youth 
Congressx, avec le soutien du «United 
Democratic Front», de la «Felésse Mandéla 
Campaigre, du National Union of Minewor- 
kers», du <South African National 
Students Congress» et du National Educa- 
tion Crisis Commitees. La campagne a aussi 


recu l'appui dé l'Africtan National Con- | 


gresss. 
Ges organisations 
d'adresser d’urgançce un appel aux: 

- Président du Conseil des Communautés 


nous demandent | 





L'A.S.B.L. Aide info Sida s'adresse à titré 
prioritaire aux homosexuels car ceux-ci ont 
été parmi les premiers à devoir faire face au 
Sida. Néanmoins, nous nous refusons à 
limiter notre action à cette catégorie de la 
population. Deux raisons nous imposent 
cars Re Dane par, = cons de gra 


ioutes les couches de FÉonubton. | D'autre 
part, nous ne voulons pas perpétuer les dis- 
criminations en les invérsant en quelque 
sorte. Tout être humain malade, séropositif, 
inquiet ou simplement soucieux de s'infor- 
mer mérite exactement la même âttention 
ou la même assistance. 

Nos activités principales ont été Jusqu'à 
présent l'information et la prévention (notre 
répondeur diffuse en permanence une 
information minimale). Un service d'écoute 


| téléphonique fonctionne lé mardi et le ven- 


Européennes (Mr. Poul Schlüter, Premier | 
jy | des bénévoles qui reçaivent une formation 


Ministre, Représentation permanente du 
Eanemark, 73 rue d'Anon, 1040 Bruxelles: 


- Premier Ministre belge (Mr. Wilfried Mar- 


tens, 16 rue de la Loi, 1040 Bruxelles); 


- Ministre belge des Relations Extérieures | 


(Mr Léo Tindemans, 2 rue des Quatre-Bras, 
1000 Bruxellés): 


Pour qu'ils utilisent l'influence des Commu- | 


nautés européennes st du gouvernement 
belge aux fins d'empêcher ces pendaisons. 
Se appel urgent devrait aussi être adressé 


À Président P.W. Botha (Union Buildings, 
Pretoria, South Africa; telex 322158) afin 
que ne soit pas procédé à ces meurtres 
judiciaires. 

Comité contre l'Apartheïd 


199 av. Molière, 1060 Bxi | à ] 
| demment les homosexuels trouvent les 


monde entier, le régime Fuite d’ Afrique 
du Sud vient de faire procéder, le 1* sep- 
tembre, à l'éxécution par pendaison de 2 
des 32 jeunes hommes et femme con- 
damnés à mort pour faits de résistance. Il 


ces exécutions Illégales et appeler 


d'urgence à la non-exécution des autres 
condemnés à mort! 
























dredi de 18 à 20 heures. |l est assuré par 


adéquate, sont supervisés par deux 
psychothérapeutes et bénéficient de l'infor- 
mation scientifique la plus récente par 
l'intermédiaire d'un médecin de l'institut de 
Médecine Tropicale d'Anvers. Nous souhal- 
tons développer ce service et arriver à le 
rendre quotidien. I nous faut pour cela des 
volontaires supplémentaires. Qui n'a pas 
quelques heures par mois pour S'y conéa- 
crer? 

L'information est assurée également par la 
diffusion de brochures. Depuis plus d'un an 


| a été distribué un tract-affiche spécifique- 
| ment destiné aux homosexuels afin 
| d'encourager la pratique de l'amour sans 





risqués. Tout récemment 4 été publiée une 
brochure +tout publicx dans laquelle évi- 


informations les concernant. L& supervision 
scientifique en a été assurée par le Docteur 
Lise Thiry, professeur de microbiologie à 
l'Université Libre de Bruxelles, Nous la dis- 
tibuons, par priorité, dans les endroits de 
rencontres fréquentés par les gais. Malheu- 
reusement, notre équipe est trop réduite 
pour pouvoir sé rendre «sur lé terrains avec 
la fréquence nécéssaire, Pour cela nous 
avons besoin de volontaires qui velllent au 


| renouvellement des dépôts de documents- 


tion et réparent éveniuellement les dégâts 
causés par quelques vandalés qui arrachent 
nos présentoirs et déchirent les dépliants. 

Actuellement, nous avons Sous pressé une 
brochure relative aux tests de détection des 
anticorps du Sida. Elle actualise un tract dif- 
fusé antérieurement et souligne les avanta- 
ges et les inconvénients des tests. Elle vise 
à aider chacun à prendre en touts connals- 
sance de cause la décision de se soumettre 
où non à cet examen. En même temps sor- 


| tira un dépliant relatif à l'utilisation des pré- 


servatifs conçus pour les gais. 
Trop d'entre-eux connaissent encore mal 


L l'utilité etle mode d'emploi de la capoté. Or, 


_ dans l'attente de progrès médicaux détenmi- 


nants, le préservatif constitue le Seul mode 
de prévention pour ceux qui aiment s0domi- 





ser et se fairè sodomiser. H faut savoir aussi 
que la capote n'est plus l'instrument rébar- 
batif qu'utilisaient nos grands-pères et que 
les plaisanteries de corps de garde sont à 
ce sujet dépassées. Malheureusement, 

dans des buts purement mercantilés, sont 
diffusés sur le marché certains produits 
qualifiés de «+renforcés» qui ne donnent 
aucune assurance aux gais. C'est pourquoi 
nous avons décidé d'acquérir l'exclusivité 
du préservatif «Hot Rubber, destiné au coit 
anal et qui nous est fournie par notre horma- 
logue, l'Aide Suisse contre le Sida. Nous 
demandons aux téenanciers des lieux gais 
d'en assurer la distribution. Certains le font 
déjà, d'autres ont promis de le faire, 
quelques-uns -heureu- 
sement rares- nous ont fichu à la porte avec 
nos papiers et nos capotes. Il faut les con- 
vaincre et pour cela nous avons besoin de 
volontaires. 

Autre activité, nous accuelllons des person- 
nes éprouvant des difficultés psychologi- 
ques. Sur rendez-vous, elles sont reçues 
par un psychothérapeute qui les aide à 
Mmièux cernér ét résoudre leurs problèmes. 

ll ne s'agit pas d'une thérapie, mais d'un 
entretien de guidance. 


Enfin, nous allons Intensifier notre service | 
d'aide aux malades en milieu hospitalier ou à | 


domicile. Comme toutes nos activités, 


celle-ci est réalisée par des bénévoles qui | 
reçoivent l'information nécessaire pour là | 
mener à bien et qui témoignent dans cette | 


tâche difficie d'une grande générosité. 


Sans sombrer dans l'alarmisme, on peut 


présager que la demande de pareille assis- 
tance va s'accroître. Pour y faire face, nous 
avons besoin de surcroît de volontaires. Il 
faut signaler encore que nous encours 
geons, dans la mesure de nos moyens, 
l'activité du Groupe +. Celui-ci accueille 


séropositifs. Il s'agit de réunions amicales 
de gens qui s'entraident, 
l'autre mais sans tomber dans les lamenta- 


tions. lls parlent sérieusement et chaleureu- | 
ils sortent | 


ensemble et ils pourraient avoir comme | eet-silent 


sement, mais ils rient aussi, 


devise «ll faut que la vie continue» (tél. 
02/218.80.92). 


Dans tous les pays voisins, les gais se sont | 


mobilisés pour assurer une information 
sérieuse en matière de Sida, pour promou- 
voir la prévention, pour aider ceux qui souf- 
rent physiquement etmoralement, pour lut- 
ter contre la discrimination et le réjet social. 
Nous n'avons pas éncore réussi à Créer ce 
mouvement de masse Gér nous sommes 
trop peu nombreux ét nous n'avons pas 
assez de moyens financiers. Mais nous 
croyons qu'ici comme ailleurs, les gais peu- 
vent étonner le resté de la population -ou 
s'étonner eux-mêmes-par leur sens des 
responsabilités, par leur Fe : leur 
générosité. 





AIDE INFO SIDA 
Rue Duquesnoy 45-1000 Bruxelles 
Tél.: 021511.45.29 


Compte n° 068-20366467-76 


ASBL 22MARS - N° 93 - OCTOBRE 87 - PAGE 10 


| mes, Îa | 


| brt ou bsr… 

| Le licenciement d'un journaliste de la BRT a 
| provoqué de nombreux commentaires et les 
| soutiens n'ont pas manqué pour dénoncer 
| cet abus de pouvoir caractérisé. Cepen- 
| dant, il ne faudrait pas perdre de vue que 
| tous les jours, dé «simples travailleurs» sont 
licenciés pour daute grave» perdant ainsi 


qui écoutent | ji de Liège, 08/12/82}. Le problème pour 


la sûreté vous écoute. 

Le Parti du Travail de Belgique à porté à la 
connéissance de l'opinion publique la 
découverte, dans un local pris en location et 
dans lequel devait se dérouler une réunion 
de ses affiliés, de deux postes d'écoute ins- 
tallés par la Sûreté de l'Etat. L'Association 
des Juristées Démocrates condamne ce pro- 
cédé, alors même que le projet de loi 
déposé par le ministre de la Justice soumet 
à un stricte contrôle juridictionnel l'instaila- 
tion de postes d'écoute téléphonique, qui 
doit être motivé par de graves présomptions 
de menaces contre l'ordre public. Les droits 
congtitutionnels dé réunion et d'associa- 
tions doivent assurer aux citoyens les 
mêmes garanties de discrétion que celles 
qui s'attachent à la protection de la vie pri- 
vée. L'ABJD s'étonne que le ministre de la 
Justice ait paru excuser des mesures 
d'espionnage à l'égard d'un parti politique 


dont rien ne laisse supposer qu'il agirait à. 


l'encontre de nos libertés démocratiques. 
Rappelons l'article 151 du Code pénal qui 
stipule: <Tout autre acte arbitraire et attan- 

tatoire aux libertés et aux droits-garantis par 
la Constitution, ordonné ou exécuté par un 

fonctionnaire ou un officier public, par un 
dépositaire ou agent de l'autorité ou de la 
force publique sera puni d' emprison! nement 
de 15 jours à un an. Association Belge 
des Juristes Démocrates, 13 rue P.E. Jan- 


|_son à 1050 Bruxelles, tét. 02/539.08.14. 


l’université des temmes… 


| L'Université. des Femmes a choisi cette 


année de concentrer ses conférences sur 
deux courtes périodes plutôt que dé les éta- 
ler sur l'année entière, il lui semble que cela 
sera plus stimulant pour les participantes. 

Un premier cycle commence ls 15 octobre 
pour se terminer fin novembre. Un 
deuxième cycle aura lieu de début janvier à 
fin février. Thème retenu pour l'année: la 
famille. À noter dans vos agendas. Le jeudi 
15 octobre à 20h30: Modèle familial et 
types de familles, une conférence de: Ber- 
nadette Bawin-Legros (chargée de cours à 
l'UEL). Le jeudi 22 octobre à 20h30: L'évo- 
lution de la politique familiale en Belgique 
par Joëlle Delvaux (chargée de recherches 
à la Ligue des Familles}. Le jeudi 28 octo- 

bre toujours à 20h30: L'évolution de la 
famille en Belgique, un exposé d'Anne Van- 
derputten {(chercheuse en sociologie au 
FNRS). Et déja, pour le jeudi 5 novembre à 
20h30: Les familles mono-paréntalés, par 
Françoise Pissart (licenciée en s6ciologis à 
l'Université de Liège). Université des Fem- 
Place Quetelet à 1090 Bruxelles. 

02/219.61.07. 


leur droit aux allocations de chômage, sinon 
définitivement, tout au moins pour une 
période pouvant aller jusqu'a une année 
(Art. 126, 134, Arrêté royal du 20/1 2/63). 
«la faute graves invoquée par le patron 
implique en effet que le chômeur soit tenu 
pour responsable de sa situation de chô- 
mage de par son attitude. La fauté grave est 
dans l& droit social actuel une notion qui 
peut recouvrir n'importe Quoi, n'importe 
quelle attitude qui déplait au patron. Elle 


| peut être l'interprétation par l'employeur de 
| toutes adéviancés socialess. Le cas le plus 


significatif est peut-être celui de ce travail- 
leur renvoyé sans préavis pour faulé 
graves pour avoir, comme homosexuel, pré- 


: s Lis | féré subir une intérvention chirurgicale lui 
tous les premiers vendredis du mois des | iéré subir une intervention chirurgicale lu 


donnant le sexe féminin. Finalernent, il 
obtint gain de cause en Appel (Cour du Tra- 


l'ouvrer licencié sur l'héeuré, c'est qu'il 
hésite à citer son patron devant le Tribunal 
«ut Travail. est vrai que l'appareil judiciairé 
… Ainsi, un travailleur licencié 
parce qu'il ne donnait plus satisfaction 
depuis le départ de sa femmés à obtenu six 
mois de salaire pour licenciement abusif... 

après deux ans de procédure (Tribunal du 
Travail de Liége, in La Wallonie du 
03/02/87). Dans le cas du journaliste de la 


bruxelles 


un son 
différent 
radio 
air libre 
fm 107.6 


BAT, les choses sont plus claires, si l'on 
peut dire, puisque comme fonctionnaire 
licencié, il ne peut bénéficier d'allocations 
de chômage. Seules les portes du CPAS lui 
sont ouvertes. Seulement, il est évident 
qu'un journaliste de l'audio-visuel est tout 
de même plus armé pour retrouver du travail 
qu'un simple ouvrier. À la limite, un Ministre 
remercié et sans autre source de revenu 
(ce qui relève presque du délire...) n'a pas 
droit au chômage et 5e retrouverait en situa- 
ton de demander le minimex au CPAS. 
S’abaisserait- il pour autant à le faire? 
Devralt-on s'en faire pour son avenir profes- 
sionnel? Alors, dans cette affaire, un peu de 
discernement s'il vous plaît. Jean-Marie 
Renal. 


semaine nord-sud 

La Maison de l'Ecologie dé Mons st du Bori- 
nage organise du 26 au 31 octobre 1987 
une semaine de sensibilisation aux problè- 
mes Nord- Sud. AL programme: une exposi- 
tion, des animations de rue, la projection de 
montages vidéo, des spectacles et des 
soirées-débats. Pour tous renseigne- 
ments: Maison de l'Ecologie, 23 rus du 
Parc à 7000 Mons, tél. 065/33.75.86. 


delhaize et l’apartheid 

Le Comité contre le Colonialismé et l'Apar- 
theid signale que la chaîne de grands maga- 
sins Delhalze, en tout cas dans S& Ssuccur- 
salé de Wavre, camoufle des fruits en pro- 
vanance d'Afrique du Sud sous des étiquet- 
tes. mentionnant de fausses origine. Des 
faits semblables peuvent être communiqués 
au Comité contre ls Colonialisme at 
l’Apartheld, 199 avenue Molière 1060 
Bruxelles, tél. 02/345.08.97. 


atd quart-monde 

Le mouvement international ATD Quart- 
Monde fête son trentième anniversaire le 
17 octobre prochain à Paris, Parus des 
Droits de l'Homme. 50.000 personnes y 
sont attendues, dont... 3000 Belges. ATD: 
Quart-Monde vous propose de participer à 
cette journée. Pour tous renssignements : 
ATD Quart-Monde, 12 av. Victor Jacobs 
1040 Bruxelles, tél. 02/649.16.47. 


mémoires urbaines 

Les Causeries Nivelloises organisent 15 
jours d'exposition L'Ecologie en actions 
sur le thème Mémoires urbaines, qu'avons- 
nous fait de notre ville? En 1987, que 
reste-t-il du Nivelles de la belle époque? Le 
lundi 12 octobré, animations-débats sur le 
thème: Villes et campagnes, quel avenir? 
Avec la participation d'architectes, de pay- 
sagistes, d'universitaires et de journalistes. 
Pour tous renseignements: Causerles 
Nivelloises, Bibliothèque publique prinel- 
pale du Brabant wallon, 1 place Albert ?*, 
1400 Nivelles. 


cercle homosexuel ulb 

Le CHE de l'ULB organise le 10 octobre à 
partir de 18h30 une soirée d'accueil pour 
les nouveaux étudiants. Le 15 octobre à 
partir de 19h30, une soirée jeux de 
société: découvrez-vous, sans scrupulss. 
Le 22 octabre à 20h, soirée vidéo: Tenue 
de soirée (obligatoire). Le 29 octobre à par- 
tir de 18h30, soirée littéraire : parlons de ce 
qu'on lit. Toutes ces soirées se déroulent 
au 38 av. Jeanne à 1050 Bruxelles. Cercle 
Homosexuel Etudiant, 38 av. Jeanne, 
1050 Bruxelles, tél. 02/642.25.40, 


l’art a le don des langues 

Le Centre Socio-culturel des immigrés de 
Bruxelles organise du 2 au 24 octobre une 
exposition réunissant des artistes belges et 
immigrés, dans des domaines aussi divers 
que la peinture, la gravure. la sculpture et la 
photographie. Une rencontre entre les dif- 
férentés communautés belges et non- 
belges dé Bruxelles. CSCIB, 24 av. de Sta- 
lingrad, 1000 Bruxelles, tél. 02/513.96.02. 


IMPORTANT: POUR CAUSE DE 
POURSUITE DE LA RÉFLEXION, LA 
RÉUNION DES LECTEURS PRÉVUES 
POUR LE 24 OCTOBRE EST REPOR- 
TÉE A UNE DATE INDÉTERMINÉE... 





le centre ture libertaire lillois 


À 100 km de Bruxelles 
entend promouvoir dé 
l'élaboration de pratiques alt LIMPULLES 
rences, de débats, d'exp 


le savi 


disques autopraduit….… 


ez-vous, les anars lillois ont créé un centre culturel qui 
sspaces de libertés et de dialogues, tout en participant à 
antiautoritaires et égalitaires. Lieu de conté- 
ins el de crojections, le centre ani 
(antimilitarisme, écologie, mouvement syndical, 


ni une librairie 


éducation, anarchi me, fanzinés, 


. une bibliothéque de prét, une cafétariat, ainsi qu'un centre 
de documentation. Au programme pour ce mois d'octobre 87. & 


Samedi 10: c'est 


l'inauguration. Samedi 17: en finir avec les prisons ? avec la revue Otages, le pro- 


fesseur de psychologie à l'Université de Paris 8. 
Syndicat des Avocats de France. Le samedi 31 


dans ls métropole lilloise? 


Jacques Lesage de ls Haye, le 
octobre: quel avenir pour le théät 
£ 


Avec le Ballatum-Théitre et les salariés de l'@ 


Lille. Pour tous renseignements: Centre Culturel Libertaire Benoit Broutcho x, 1 


voiture de Bruxelles. 


ps 


rue du Féage, 58800 Lille, tél. 16/20.47.62 


65. Lille ne 56 trouve qu'é une heure de 





de la vessie au ballon. 

Dans la nuit du 15 au 16 août, vers 2h45, à 
la sortie de l'établissement de la rue du 
Grain d'Or à Tournai, un homme de 26 ans 
se sentit une irrépressible envie de se sou- 
lager la vessie. Ce qu'il fit, dans le 
caniveau... Survint un véhicule banalisé de 
la police communale. Deux agents en des- 
cendirent et prièrent le quidam de présenter 
ses papiers. Le jeune homme dit qu'il ne les 
avait pas sur lui. Les policiers procédèrent à 
une fouille sommaire et appelèrent deux de 
leur collègues pour qu'ils viennent embar- 
quer cette personne qui était sous l'emprise 
de la boisson, Au commissariat, le futur 
beau-frère du jeune homme expliqua qu'ils 
enterraient Sa vie de garçon mais qu'ils ne 
faisaient rien de mal. Dix minutes plus tard, 
les deux compères sortaient du bureau de 
police. Le jeune homme qui avait été inter- 
pellé se mit à chanter à tue-tête puis 
S'appuya Sur une voiture avant de se pré- 
senter à la portière. Il ne s'agissait évidem- 
ment pas de sa voiture personnelle. Plu- 
sieurs policiers sortirent alors et l8 ramenè- 
rent au commissariat afin qu'il cuve son vin 
sur place. Le matin, vers 8 h., le jeune 
homme fut entendu par un inspecteur at 
quitta les lieux sans plus dé difficuités. 

Cette petite histoire de poivrot ne mériterait 
pas d'attention si elle n'avait «joué les pro- 
longations. Bruno Piens, le jeune homme 
en question à en effet porté plainte auprès 
du Procureur du Roi pour mauvais traite- 
ments lors des quelques heures passées au 
commissariat. Il a donné sa version des faits 
à la police judiciaire de Tournai qui à ouvert 
une enquête. Il est marié et accomplit 
actuellement son service civil (ndlr: d'ojéc- 
teur de conscience) dans les services du 
troisième âge du CPAS de Tournai. I recon- 
naît qu'il était saoul et que lors du début de 
la fouille, il S'est retourné en disant «ça va 
pas, non ?». Il dit avoir été victime de coups, 
lors de sa deuxième intérpellation après 
s'être appuyé sur une voiture dans la rue de 
l'Athénée, eune voiñure que j'avais prise 
pour celle de mon beau-frères assure-t-il. 
Les coups sont venus lorsqu'il a été ramené 
au bureau de police pour être conduit dans 
une cellule afin d'y passer ls restant de la 
nuit. *09s policiers m'ont pris par la bras et 
les jambes, et m'ont frappé. À l'intérieur du 
commissartal, l'ai ancorse reçu des coups. 
ils frappalent avec le bas de la paume de la 
main. Après cela, il y en ä un qui s'est 
excusé et à ajouté: la voiture d'un copain 
s'est sacré. Il était très nerveuxs. À 8h. 
Bruno Piens a êté entendu par l'inspecteur 
de permanence, M. Lemaire. Le 24 août, 
une semaine après les faits, M. Piens s'est 
rendu chez un médecin. ll souffrait de plus 
en plus des côtes. Une radiographie a 
décelé une fracture de l'arc postérieur de la 
9° côte draite. Le médecin qui l'a consutité 


est formel: «fl! faut qu'il y ail eu un choc vic- | 


lent pour qu'une côte soit brisées. D'autre 
part lé médecin indique dans un rapport qu'il 
a relevé une série de traces de coups. Ils 
sont tous au côté droit, cheville, genou, 
côte bien sûr, coude, plus un coups à la 
lèvre inférieure. M. Plans s'est alors rendu à 
la police judiciaire puis a averti la presse 
dans le but dit-il <que l'on sache que cela 
arrive aussi à Tournai». |...) Le courrier de 
l'Escaut, ter septembre 1987 (envoyé par 
un lecteur). 


production laitière 

Quotas laitiers, primes à la réduction des 
fTOUDEAUX, stocks gigantesques de beurre 
liquidés à vil prix, surproductiuon de lait. 
l'opinion publique est soumise à un matra- 
quage constant visant à lui présenter les 
producteurs de lait, beurre, fromage 
comme de dangereux budgétivores produi- 
sant des surplus inutiles financés par les 
contribuables de la Communauté Eurc- 
péenne. Le journal des Unions Profsssion- 
nelles Agricoles (UPA) 
cette falsification des faits. Ainsi, précise ce 
journal, le beurre ne représente que 20% 
des huiles ét matières grasses consomés 
au sein de la CEE! Et même si l'on ajoute 
les autres matières grasses produites par la 
CEE, on n'arrive malgré tout qu'à environ 
45% du total consommé. Le reste est 
importé, la plupart du temps sans droit ni 
prélèvement. Ainsi les matières grasses 
sont, après le pétrole et... le boïs, la troi- 
sième source du déficit budgétaire de la 
CEE. L'exemple du beurre néo-zélandais 
importé <à des conditions particulières» 
illustré cette situation paradoxals et scanda- 
leuse. Situation dont les éleveurs wallons 
sont les principales victimes, pénalisés par 
l85 quotas alars qu'ils ne produisent pas -at 
de loin- la totalité des produits laitiers con- 
sommés en Walloniel Journal des UPA, 94 
rue Antoine Dansaert à 1000 Bruxelles. 
Tél.: 02/511.07.37. 


ABONNEZ-VOUS: 600 FRS L’AN 





un nouveau débat sur 
1 mouvement ouvrier ? |: 


| J'ai beaucoup apprécié pendant 


l’année écoulée le dossier réalisé 
par Alternative Libertaire sur le 
mouvement écologiste. Je crois 
que la manière dont vous avez 
mené la discution correspond 
bien à l’idée que je me fais d’AL 


et à la possibilité pour chacun de 
| pouvoir s'exprimer sur un sujet 
| déterminé. Dans le même ordre 


d’idée, il me paraîtrait intéressant 
d'ouvrir un autre dossier. sur le 
mouvement ouvrier en 1987. 


s'insurge contre | ll est évident, maintenant, que la haute 


finance continue et augmente ses béné- 
fices et Sa puissance, profitant ainsi de 
la «crise économique». Doit-on encore 
considérer cette crise comme économi- 
que si l'argent ne cesse de remplir les 
caisse de ceux qui dirigent l'économie 
du pays? Il serait préférable de parler de 
crise sociale puisque, grâce aux res- 
tructurations, la finance se porte bien et 
que le chômage, lui par contre, ne 
cesse d'augmenter. 

Les six derniers gouvernements (Mar- 
tens | à VI) qui se sont succédés à la 
tête de notre pays n'ont fait que soutenir 
cette politique bancaire de restructura- 
tions jusqu'à l'appliquer dans les entre- 
prises d'états. || paraît actuellement évi- 
| dent, que favoriser le capital, même en 
espérant qu'il réinvestira en emplois, 





n'est pas à même de résoudre les pro- 
blèmes sociaux que le capital lui-même 
a créés. 

Cette politique gouvernementale a été 
discutée par ce que l'on appelle en Bel- 
gique, les partenaires sociaux. Y partici- 
paient donc, notamment, les représen- 
tants des travailleurs. les syndicats. 
Ces derniers, sous prétexte de préser- 
ver les emplois qui restent encore dis- 
ponibles (la solution du moindre mal?) 
ont acceptés cette politique (bon gré, 
mal gré?), trahissant par là, leurs mem- 
bres et le mouvement qu'il représen- 
tent, l8& mouvement ouvrier. 

Les deux grandes organisations syndi- 
cales belges totalisent environ trois mil- 
lions d'adhérents qui paient en moyenne 
250 francs de cotisation par mois. Cela 
représente un montant global arnuel de 
plus où moins 9 milliards de francs. Les 
travailleurs avec ou sans emploi, 
doivent-ils accepter que leur mouve- 
ment ne crée pas un rapport de force 
suffisant et que leurs avis sur tel ou tel 
point de politique économique ou 
sociale ne doit être pris qu'à titre consul- 
tatif.. et encore? 

Je crois, sincèrement, que si les syndli- 
cats faisaient peser réellement le poids 
qu'ils représentent, nous n’aurions pas à 
subir la domination actuelle des forces 
du capital. 

De toute évidence, si Jef Houttuys, 
André Vandebroek, Jean Gayetot et 
autres Jacques Fostier n'utilisent pas le 
rapport de force qu'ils représentent, 
c'est qu'ils participent eux-mêmes aux 
pouvoirs. Âu pouvoir financier, car 9 mil- 
lards par an, cela se gère, se place, 
donc cela rapporte. Au pouvoir politi- 
que, en prenant des décisions qui sont 
imposées à la base, sans respect de la 
démocratie vraie. 

Dès lors, doit-on encore faire confiance 
aux syndicats dans leur forme actuelle? 
Ces secrétaires permanents de tous 
genres sont-ils encore nos représen- 
tants ou bien ne sont-ils plus que les 
cadres supérieurs d'une société finan- 
cière comme les autres? Voir à ce sujet, 
leurs traitements et frais divers qui 
dépassent et de loin, le salaire maximum 
de leurs affiliés. Doit-on encore accep- 
ter que la vraie démocratie soit bafouée 
au sein de notre mouvement? Par exem- 
ple. Est-il logique qu'un permanent 
régional de la Centrale de l'alimentation 
soit un licencié en philosophie qui n'a 
jamais travaillé dans le secteur qu'il 
représente? Est- il normal qu'il négocie 
une restructuration d'entreprise en 
dinant au restaurant avec les patrons? 
Est-il logique qu'un universitaire ait 
débuté sa carrière dans le mouvement, 
arrive jeune au sommet de celui-ci et là, 
freine les initiatives des Comités de chô- 
meurs affiliés jusqu'à les considérer 


ALTERNATIVE LIBERTAIRE x ASBL 22MARS 








comme des «rigolos», alors qu'ils repré- 
sentent 30% des membres et, par là 
même, une somme assez rondelette. 
Est-il normal pour les travailleurs d'une 
entreprise d'accepter un délégué 
imposé par le sommet, par la centrale, 
et non élu par les travailleurs eux- 
mêmes? Est-il logique de maintenir à la 
présidence d'un comité exécutif de cen- 
trale un délégué d'entreprise désavoué 


par les travailleurs lors des élections | 


sociales? Est-il vraiment démocratique 
d'élire à un poste de responsabilité 
élevé de l'organisation un candidat uni- 
que, et cé, par applaudissements (les 
tractations d'avant-congres avant éli- 
miné les autres candidats possibles)? 

Voila je crois, quelques questions qui 
peuvent lancer la discution. Je pense 
que le débat sur le mouvement ouvrier 
aujourd'hui, en 1987, ne laissera pas 
les lecteurs d'Alternative Libertaire indif- 
férents. J'espère en tout cas que ces 


quelques lignes susciteront quelques | 


réactions que vous pourrez publier dans 


vos prochaines éditions. Bien entendu, | 





si besoin en était, je suis prêt à expliciter 
mes exemples en donnant noms, dates 


et lieux. 
° Michel Sinte 


20 route de Jomouton à 5100 Jambes | 


alternative 


libertaire 
600 


francs 
ce ne 





RER 





| tion de la reproduction, Santé... : 


| semaine (horaire à convenir). 


| Scolaire 
| détaillée sur simple demande à Diffusion 


la nouvelle loi 
SUMERELE Le) E 
Une conférence-débat 
Clallnihert 
Laurence Taminiaux, 


avocate à Bruxelles. 
Le 22/10/87 à 20h30 

à la Maison des Femmes, 

29 rue Blanche 1050 Bxl 
Rens.:02/538.47.73 


11 novembre 
journée nationale 
des femmes: 

bébés: nouvelle cuisine 

maternités éclatées 

Nouvelles Technologies de Reproduc- 

tion. Insémination artificielle, féconda- 

tion In vitro, transfert d'embryon, mères 

porteuses. 

Les prougsses médicales pour vaincre [a 

stérilité tiennent la vedette. La parole est 

aux biologistes, médecins, juristes, sociolo- 

gues. Ces experts nous offrent discours 


| éclairés, tables rondes, colloques, commis- 


sions «bio-éthiques» où les femmes ne sont 
pas conviées, si cé n'est à travers l'heu- 
reuse image médiatique de quelques 
mamans <combléess. 

<Femmes in vitro», objets de recherches et 
d'expériences, voilà l'unique apport qu'on 
nous reconnait en cette matière. 

Les femmés n'attendent pas qu'on lés y 
invite pour prendre la parole sur ce sujet qui 
les concerne au premier plan. De plus en 
plus, individuellement ou au sein de mouve- 
ments, elles s'interrogent st prennent posi- 
ton. Elles 5e réapproprient les discours qui 
concernent leur corps, leurs maternités, et 
bien plus gncore, leur existence même. 
C'est pour faire entendre quelques-unes dé 
ces voix que nous avons choisi les «N.T.K.» 
ét leurs enjeux comme thème de la Journée 
des Femmes, ce 11 novembre. 

Nous ne prétendons pas vouloir y aborder 
toutes les questions relatives à ces nouvel- 
les technologies. Mais plutôt faire écho de 
quelques aspects de cette matière à travers 
des voix de femmes complémentaires, dif- 
férentes, ou même contradictoires. Bio- 
technologies, eugénisme, nouvelles paren- 
tés, désir ou non-désir d'enfant, médicalisa- 
quelques 
thèmes abordés par nos invitées. Une librai- 
rie, des films, des stands, at bien Sûür vos 


| interventions lors des débats complèteront 


cette journée. C.D. La journée se dérou- 
lera à la Maison des Femmes, 29 rue 
Blanche à 1050 Bruxelles, tél. 
02/538.47.73 ou 539.10.38. 





| femmes battues 


Réfiéchir à la relation que je vis actuelle- 
ment avéc mon partenaire; réfléchir à ce 
que je pourrais vivre avec lui. Que puis-je 
faire, MOI, pour modifier MA place dans 
cette relation? Le Collectif pour Femmes 
Battues organise au mois d'octobre, un 
groupe de réflexion et d'échange sur ces 
thèmes. Ce groupe, qui sera animé par 
deux conseillères conjugales, s'adresse à 
toute femme rencontrant des problèmes 
relationnels. Sa duréé Sera de trois mois à 
raison d'une séance de deux heures par 
Conditions 
financières : 3.600 francs pour le cycle (12 
séances). Pour tous renseignements com- 
plémentaires et inscription, prendre contact 
avec Marie-Christine CORVISIER ou 
Odette SIMON au Collectif pour Femmes 
Battues, t6l.: 539.27,44. 29 rue Blanche - 
1050 Bruxelles. 


rock à l’école 

Trois fois deux heures de cours pour les 
groupes d'une trentaine d'élèves, de 15 
ans et plus, sur le thème des coulisses du 
rock. Voilà ce que vous propose Diffusion 
Alternative. Trois chapitres : les recettes du 
showbizz - le rôle, la pratique et l'influence 
d'un journaliste spécialisé - le métier de 
musiciens (disques, concerts, droits 
d'auteur, création, sponsoring...) Au menu, 
la visite de l'expo-jeu <Les dessous des 
Sons, le visionnement du montage audio- 
visuel <C'rock-moir, réalisé sur base des 
témoignages de Lio et de Klaus Klang. Mais 
aussi une rencontre avec un journaliste de 
la presse rock et enfin un débat animé par 
Jef, le leader du groupe Gansters d'Amour. 
La première séance de ce cycle est prévue 
pour les établissements scolaires de 
l'agglomération bruxelloise du 26 au 30 
octobre 1987. Les inscriptions des écoles 
sont urgéntes. À la mi-novembre, la pro- 
vince du Luxembourg accueille ce projet, 
principalement à Marche, Arlon et Floren- 
ville. En janvier 88, ce sera au tour de la 
province du Hainaut: à Beaumont, LafLour- 
vière et Charleroi. L'année scolaire suivante 
(88-89) sera consacrée aux provinces de 
Liège et de Namur, ainsi qu'au Brabant Wai- 
lon. Les enseignants, ainsi que les élèves 
ou les parents qui souhaiteraient convaincre 
les écoles d'accueillir cette mini-formation 
recevront une documentation 


Aïternative, clo Maison des Musiques, 9 
ruë P.E. Janson, 1050 Bruxelles, tél. 
02/538.57.58. 


N° 93 - OCTOBRE 87 - PAGE 11 





Empire catholique, à la tradition 
antisémite séculaire, l’Autriche 
s’effondre avec son ailié allemand 
en 1918. Cette défaite est vécue 
comme la fin d’une époque heu 
reuse: celle d’un début de siècle 
des lumières où les valses viennoi- 
ses bercent les œuvres des Freud, 
Malher, Krauss, Schnitzier, Musil, 
etc. C'est une Autriche souffrant 
d'amnésie qui, en 1947, refera 
peau neuve avec la bénédiction 
des alliés. Une Autriche kitsh, à la 
démocratie tyrolienne et pay- 
sanne, dont la stabilité politique et 
le miracle économique provoquent 
l'admiration et l’envie. 

cachez ce juif... 





Le Congrès Juif Mondial, fondé en 1936, est 
chargé après la guerre de négocier avec l'Allems- 
gne et l'Autriche les réparations dues aux vicli- 
mes juives. Ces discussions seront menées Sans 
difficulté avec les responsables allemands qui, 
sous la direction du chancelier Adenauër, mêne- 
ront une véritable entreprise de dénazification st 
de Vergangenheltebewäigung -efHort douleu- 
raux d'examen du p Or, lorsque Nahum 
Goldmann, président du CJM, rencontre lg chan- 
célier auiichien de l'époque, Julius Rasb, celui-ci 
lui déclare que là situation des juifs et des Auiri 
chiens était la même: victimes du nazisme. «C'est 
pourquoi, ajoute N. Goldmann, je lui répondis: 
justemment, cher Monsieur is Chancelier, la rai 
son de notre présence ici est de déterminer côm- 
bien d'argent les juifs doivent aux Autrichiens». 
L'anecdote, féroce, illustre les particularités de la 
relation entre les juifs et l'Autriche, Aussi bien, 
plus personne en Autriche ne se souviéndrä que 
tout Vienne était massée sur les trottoirs, pour 
acclamer Hitier, natif du pays, lors de 44 joyeuse 
entrée. Personne ne se souvient de cette propo-: 
sition de loi déposée par un député conserva- 
teur, Walter Richl, selon laquelle on devrait cäs- 
trer les juifs ayant eu des relations sexuelles avec 
une aryenne. Ni que des ratonnades, pillages de 
commerces, tabassages de foules ont lieu tout 
au long des années "30 sous le regard approba- 
teur du passant. En fait, un certain nombre d'his- 
toriens affirment que l'antisémitisme sutrichien a 
éte plus virulent, plus violent que son corrakaire 
eemand. 


Les manifestations résiduelles de cet antisémi- 
tisme, après la guerre, seront d'ailleurs autre: 
ment plus spectaculaires. Les procés-parodie de 
criminels nazis autrichiens Scandifiserent le 
monde entier. Franz Murer, assassin des juifs de 
Vilna, est acquitté par le tribunal de Graz Eric 
Fajakowitsh, adjoint d'Eichmann, responsable de 
la déportation de dizaine de milliers de juifs hol- 
landais, est condamné à deux ans ef demi de pri- 
son. Plus près de nous, ce sont les diñigeants du 
Parti populiste (OeVP, conservateurs) qui sou- 
Fennent la candidature de KW, qui déclareront: 
«Les représentants du CJM ne savent pas quel 
mal ils font à leur propre cause et à celle de la 
communauté juve d'Autriche». Répondant peut- 


être en cela à un sentiment populaire selon | 


lequel: des socialos et les Juifs vont main dans 
main, une fois de plus. 


l'incarnation ; 
d’une destinée 


<Nous, Autrichiens, élisons qui nous voulons» 
praclament les affiches conservatrices. D'autres 
précisent encore, après que les révélations du 
CJM eussent été particulièrement accablantes : 

«alors justement maintenant». On est d'accord, 
dans l'entourage de KW, pour dire que catte 
campagne est le fruit d'une volonté d'ingérence 
de «l'étranger», et chacun sait ce Qu'E y a à com- 
prendre derrière ce mot. On ne peut cependant. 
hors d'Autriche, s'imaginer à quel point ia per: 
sonne et ls carrière de KW sont une incarmration 
de la destinée de toute la nation. Et c'est Wal- 
dheim lui-même qui met les points sur les i, 
appostrophant l'opinion en disani: si je suis un 
criminel, vous l'étas tous. Concevrät-on que le 
futur dirigeant suprême d'un pays, ici, en France, 
ou même en Allemagne, puisse déciarer qu'en 


collaborant avec l'occupant ennemi (puisque | 


l'Autriche a été la «première viclime du nazisme»), 
il n'a «fait que Son devoirs ? 


les «oberbayerns» 
innocents 


Ceux d'entre nous qui ont vu le fin «Cabaret: Se 
souviennent de cette scene terrible où l'on voit, 
dans là verdoyante campagne, une fête de la 
bière apparemmént bonhommeé, 36 transformer 
en célébration guerrière de la germanité. Qu'y a- 
t-il derrière l'image tranquille d'une Autriche pros- 
père et sans passé? Aujourd'hui, Communauté 
nlernalionele se pose la question. C'est une gif- 
fle à toute la nation autrichienne. C'est le prix à 
payer pour trente années d'amnésie collective. 
Malheureusement, À ne semble pas que l'Auiri- 
ché se dirige vers une rupture authentique avec 
son Passé, vers Un avenir commun à toute 
l'Europe. Malheureusement, Îles organisateurs 
d'Europalña ne semblent pas 36 soucier, plus que 
le président autrichien, de la vérité historique. 


Serge Noël 








en marge d ‘europalia autriche 1987, 
l'affaire waldheim ou le... 











mensonges, oublis, trous, contradictions. 








le dossier de la défense... 





* . Porte-parole de la présidence autrichienne, 
Gérold Chrishan areconnu, en octobre 1986, que 
Kurt Waldheim (K\W} avait «commis une erreur 
dans sa biographie et que, contrairement à ses 
déclarations antérieures, Ü avait bien été affecté 
dans les Balkans à partir dé 1942, dans une 
région et à une époque où dés massacres ont été 
perpétrés. par les nazis. 


e 2. ell est difficie de se souvenir d'événements 
datant de près d'un demi-siècle». KW 


» 3. Le 12 avri 1986, le Congrès Juif Mondial 
(CJM) publie des documents montrant que KW a 
pas part à des opéralions de représailles contre les 
partisans yougoslaves dans là région de Kozara en 
Bosnie. Jusqu'alors, KW niait s'y être trouvé. 
Devant l'évidence des preuves, Gerold Christian 
déclare, le 30 octobre 1986, que des <recher- 
ches complémentaires permettaient de conclure 
que le lieutenant KW se trouvait bien dans la 
région de Kozara, mais «sans participer directe- 
ment aux combats. Il était chargé de l'approvision- 
nement dés troupes». Une semaine plus tard, le 
même Christian revenait sur sa déclaration: KW 
s'est trouvé dans la région pour une «très courte 
période» et en est parti dès le début des opéra 
tions. Ce fait à son importance, ét on y reviendra 


encore: il porte sur des événements qui ont eu | 


lieu pendant l'été 42. Au cours de vastes opéra 
tions de nettoyage et de représailles, tous Î8s villa 
ges/de la région des montagnes du Kozare ont êté 
détruits, ncendiés, plllés. La ponutation civile - soit 
80.000 personnes- a été tuée ou déportés. Le 
dossier d'accusation transmis en 1947 par la You- 
goslavie à la Commission des crimes de guerre de 
l'ONU, et demandant des poursuites contre KW, 
repose sur la conviction que celui-ci était présent 
sur le théâtre des opérations et y a pris part dans 
le cadre de ses fonctions. En avril 1986 KW, dans 
les colonnes de ia <Républicæ, admet avoir été 
présent dans la région, mais prétend qu'il a «passé 
son bemps à jouer aux cartes avec le général italien 
Espositor. 

+4. «Je n'étais qu'un pelit bureaucrate de 
l'armée». KW 

« 5, dl n'y avait pas d'interrogatoires dé prison- 
niers de guerre où de partisans au QG de l'armée 
allemande d'Arsaklis. 

« &. La rumeur sur le passé de KW s'explique par 
«la grande influence du CJM, sur les médias amé- 
ricains notamments 

s 7_ «l'antisémitisme n'est pas un problème en 
Autriche». KW 

«+ 8. Pourquoi avoir caché qu'il a servi dans les 
Balkans: «ll n'y avait pas de raison de le raconterz. 
+ 9. KWesl un «grand patriote qui a fait Son devoir 
et qui est la victime de machinalions». Helmut 
Konl 

e 10. «Si je suis un criminel, vous étes tous des 
criminels». K 

« 11. «Je n'ai fat que mon devoir, comme des 
centaines de millers de mes compatriotess. KW 
* 12. «Je reconnais notre responsabiité partielle 
dans le régime nazi. Des choses terribles ont eu 
lieu pendant ces années de l'ère hiflérienne, et 
nous én portons tous une responsabälté cam 
mune. Mais le soldat indmiduel qui servait eur le 
front n'était pas un criminel», KW 

« 13. Après avoir nié avoir rien su des atrocités- 
nazles dans les régions où 1 servait (d'élais à six 
kilomètres de läs, emma fonction se bornait à celle 
d'un simple interprète»), KW admet avoir eu cor 
naissance des faits, dans une Interview au «New 
York Times» d'avril 1986: «Je le savais, mais je 
savais aussi qu'un grand nombre de soldats aile- 
mänds étaient pris au piège et exécutés dans de 
semblables conditionss. 


* 14. «J'ai la conscience propre». KW 


e 15. «Je ne pouvais pas refuser dé participer à | 


certaines activités du mouvement national- 
socialiste, si je voulais poursunré mes études et 
survivre politiquement». KW 

s 16. J'étais un soldat honnète et je n'ai jamais 


fais partie d'une organisation nazie, que ce soit la | 
SA ou la fédération des étudiants allemands de | 


cette époques. KW 


° 17. «À l'époque, je n'ai rien su des déporta- 
tions de juifs grecss. KW 


s 16. En avril 1986, KW admet savoir délibéré- 


ALTERNATIVE LIBERTAIRE %x ASBL 22 MARS - N° 93 - OCTOBRE 87 - PAGE 12 








ment accepté de participer aux activités du NS 
Reiterkorps (cavalerie nazie) et d'une organisa- 
tion estudiantne à l'académie consulaire de 
Mienne avant l& guerré., J'ai eu du rnal à terminer 
mes études, alors je me suis dit, je peux y partit 
per cela me pérméttra de rester ii sans étre aite- 
qué, n'y à pes de mal à Ga. 

e 19. «le temps est venu d'en finir avec ces 
choses-lä». KW 

+20, Le CJM, «composé de fonctionnaires 
grassement payés» a <lamentablement échoué» 
dans sa campagne de «calomnies, accusations et 
méchancetés». KW 

» 21. «Je n'ai jamais pris part à des actions milt- 
taires contre les partisans vougoslaves». KW 

e 22. Le dossier qui devait <mnocenter KW, 
selon Gerold Christian, établi à partir du compte- 
rendu d'une +enquête de routine ouvérte par la 
police autrichienne en 19462, sur KW qui était 
candidat à un poste au ministère des affaires 
étrangères -enquêle avant démontré que KW 
«n'avait aucun passé n&b, ce dossier «a disparu 
des archives» déclare le ministre des affaires 
étrangères. 


+ 23. «J'ai bonne conscience, et VOUS POUVez | 


avoir confiance en mois. KW 





+ 24, Un Livre Blanc est présenté à la presse en 


avril 87 par les amis de KW. «Ce n'est qu'une | 


sbième version des faits, écrit I& «Mondes, tour | 
tes les précédentes avant été rendues caduques 
par le travail des journalistes», 


promiscuité 
indésirable 


| interviewé per le «Soir», KW démentira avoir 
«sondé les Belges au sujet de sa participa- 
tion personnelle. Il conclut: «il y a tant de liens 
historiques entre la Belgique et l'Autriche: si 
une manifestalion était justifiée, c'est bien 
celle-là, Lés expositions aideront certaîne- È 


ment à une meilleure compréhension de nos 
culiures et Ilusireront de manière conuain- 
cante, même touchante, je crois, lés ralà- 
tions amicales de deux pays très proches par 
le cœurs. Cette déclaration sereine, satisfaite, 
donne une idée de l'image de l'Auiriche qui 
nous est proposée par Îles organisateurs 
d'Europalia. L'escamotage du malaise “Val 
dhéeim empêche les organisations juives qui 
s'y étaient préparées, de manifester leur 
1 désapprobation 








ndrome de la mérn 








Pourquoi faire un fromage de cet Europalia Oster- 
reich 87, alors que les manifestations des années 
précédentes nous avaient laissés plus ou moins 
indifférents ? C’est que l’Autriche, ce n’est pas 
n'importe quoi. Après avoir joui pendant 30 ans 
d’un prestige international peu commun, elle souf- 
fre depuis 2 ans d’une image trouble et inquiétante. 
Que l’on offre de la culture des pays européens invi- 
tés à Europalia, un panorama angélique et sans 
aspérités, c’est une mauvaise habitude. Quand il 
s’agit de l’Autriche, cela devient un scandale. Réa- 
lisé par Serge Noël, à partir d’une documentation 
de presse réunie par le MRAX, nous vous livrons le 
dossier.Tant celui de la défense que celui de l’accu- 
sation, reprenant les éléments principaux de la 
polémique autour du passé récent de l’Autriche et 
de son président. 


NANTAIS TE TEL TS 


‘4 
LA 
21 
£ 
À 


DER AA LA UTILE LE UT CE 





Kurt Wafdheim ffléché}, avec un aéropage d officiers allemands en juillet 1943 à Athènes. Au premier plan fe général Felmy, cp à FOREST 


Étirepalla: l’autruche triche 


En mai 1987, M. Tindemans (ROUES “Le fait de ne pas avoir invité le prési- 
dent autrichien à Europalia n'a rien à voir avec l'interdiction faite par le gou- 
vernement américain à Kurt Waldheim de se rendre aux Etats-Unis en tant 
que personne privée». C'est pourtant à l'issue de plusieurs semaines de 
manœuvres, de déclarations, de démentis, entre Vienne et Bruxelles, que le 


roi réserve son patronnage, si KW participe aux manifestations d'inaugura- 
tion. Embarrassé, le gouvernement s’appuyera sur la «tradition d'Europalia» 
qui ne prévoit pas la présence des chefs d'Etat -ormis les souverains espa- 


gnols et hollandais «amis de la famillen royale belge. Waldheim a-t-il 
demandé à être invité ? Un long article du «Morgen» l'atteste, «tissu de men- 
songes» s’'ajoutant à la campagne internationale de diffamation, dira-t-il. Le 
gouvernement restera lui étrangement silencieux. 

Reste un point délicat: le co-patronage des festivités par la présidence autri- 
chienne. À côté du nom de Baudouin ler, on mentionnera: «Le président de 
la République d'Autriche», sans signaler qu'il s’agit de. Kurt Waldheim. 


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document 








Pourquoi faire un fromage de cet Europalia Oster- 
reich 87, alors que les manifestations des années 
précédentes nous avaient laissés plus ou moins 
indifférents ? C’est que l’Autriche, ce n’est pas 
n'importe quoi. Après avoir joui pendant 30 ans 
d’un prestige international peu commun, elle souf- 
fre depuis 2 ans d’une image trouble et inquiétante. 
Que l’on offre de la culture des pays européens invi- 
tés à Europalia, un panorama angélique et sans 
aspérités, c’est une mauvaise habitude. Quand il 
s’agit de l’Autriche, cela devient un scandale. Réa- 
lisé par Serge Noël, à partir d’une documentation 
de presse réunie par le MRAX, nous vous livrons le 
dossier.Tant celui de la défense que celui de l’accur- 
sation, reprenant les éléments principaux de la 
polémique autour du passé récent de l’Autriche et 
de son président. 


PUS 





ec un séropage d'officiers allemands an juillet 1948 à Athèñes. 


Europalia: l’autruche triche 


En mai 1987, M. Tindemans confiait: «Le fait de ne pas avoir invité le prési- 
dent autrichien à Europalia n’a rien à voir avec l'interdiction faite par le gou- 
vernement américain à Kurt Waldheim de se rendre aux Etats-Unis en tant 
que personne privée». C'est pourtant à l'issue de plusieurs semaines de 
manœuvres, de déclarations, de démentis, entre Vienne et Bruxelles, que le 


roi réserve son patronnage, si KW participe aux manifestations d’inaugura- 
tion. Embarrassé, le gouvernement s'appuyera sur la «tradition d'Europalia» 
qui ne prévoit pas la présence des chefs d'Etat -ormis les souverains espa- 
gnois et hollandais «amis de la famille» royale belge. Waldheim at-il 
demandé à être invité ? Un long article du «Morgen» l’atteste, «tissu de men- 
songes» s'ajoutant à la campagne internationale de diffamation, dira-t-il. Le 
gouvernement restera lui étrangement silencieux. 

Reste un point délicat: le co-patronage des festivités par la présidence autri- 
chienne. À côté du nom de Baudouin ter, on mentionnera: «Le président de 
la République d'Autriche», sans signaler qu'il s’agit de... Kurt Waldheim. 








ABONNEZ-VOUS: 600 FRS L’AN AU COMPTE 001-0536851-32! 





















Au premier plan le général Falmy, condamné à Nuremberg. 








témoignages, rapports, photos, enquêtes... 





et celui de l’accusation! 





+ 1. Documents publiés le 16 octobre 1986 par 
le CJM (Congrès Juif Mondial): d'Oberleutnant 
Waldheim aurait été à l'origine de repésailes 
massives contre les populations civiles de Bosnie 
et de Macédoine.…, à l'origine d'exécutions 
d'otages dans la région de Sarajevo, dela mise à 
mort de prisonniers de guerre, de l'incendie de 
vilagéss. 

« ?. Documents allemands publiés par le «Was- 
hington Post» le 30 octobre 1986: KW était l'un 
des officiers de l'état major du général Von Stahi, 
recommandé par lui par KR distinction de l'ordre 
de Svonimir pour sa «bravoure contre les rebelles 


au printemps et à l'été 42», distinction assortie | 
des feuilles de chêne, pour bravoure «sous le feu | 


de l'ennermnis. 


+ 3. Un rapport établi par Îs député conservateur | 


britannique Robert Rhodes Jimes, attestant la 
disparition de six commandos britanniques qui 
faisaient partie dun groupe de militaires interro- 
gés par KW en qualité d'officiér des renseigne- 
ments. 
e 4, Un télégramme confirmant lss projets de 
représaile contre les partisans grecs, signé par 
KW en date du 6 septembre 1944. 
+ 5. Le rapport de la Commission d'enquête you- 
guser. des documents émanant de l'état major 
u groupe d'armée de la Werhmacht commandé 
pér ke généra Loehr -fusilé pour crimes de 
guerre en 1947, des témoignages de prison- 
niers de guerre, le. tout administrant la preuve qué 
KW participait activement à l'étahoration et à la 
mise en œuvre de représailles contre la populs- 
tion civile, exéculions d'otages, la destruction de 
Villages». 
s G, Témoignage d'un officier allemand. Le 17 
décembre 1947, Johann Mayer, officier alle- 
mand compagnon de KW, témoigne devant la 
Commission des crimes de qguere yougoslave 
disant qu'il avait servi dans le même commande- 
mant. KW «avait les fonctions d'un officier de ren- 
seignement (comme Barbie à Lyon, ndlr) et à ce 
titre, il a suggéré à son officier Supérieur l'organi- 
sation de représailles brutsales contra les otages 
et prisonniers cils». Les officiers de renseione- 
ment, souligne Mayer, étaient responsables de 
toutes les questions de représailles. 1! cite l8 cas 
de civils exécutés à Sarajevo en 1944, en raison 
de la désertion de soldats allemands: «L'ordre 
d'exécution a été donné par le département des 
officiers du renseignements. 
* 7. Document publié le 23 septembre 1986 per 
le CJM. Daté du 28 novembre 1944, ce docu- 
ment, trouvé dans les archives nationales US, 
prouve que KW à organisé la distribution de 
tracts destinés aux troupes soviétiques, portant 


les déclarations: <asséz dé là guerre juiveh et | 


«tuez les juifs et passez de notre côté». 

+ 8. Photo publiée en mars 1986 par un journal 
néo nazi ouest-allemand. Cette photo, datant de 
1936, montre KW participant à une parade de 
l'Union des étudiants nazis à Vienne. 

« 9. Document retrouvé dns lés archives natie- 
nales US. Ce document daté du 48 janvier 1844 
contient des notes manuécrites de KW montrant 
qu'il exerçait véritablement les fonctions d'efficier 
de renseignement, avec des pouvoirs étendus. Il 
y discute entre autres l'évaluation en hommes et 
en armes des forces de la Résistance grecque. 
* 10. Lettre datée du 15 février 1944, précisant 
les tâches de KW, lui confiant la responsabilité 
des documents secrets de l'état major, notam- 
ment lés comptes rendus d'interrogatoires de pri- 
sonniers et un journal dé bord du groupe 
d'arméer. Cette lettre prouve que KW exerçait 
ses activités sous la référence OS -officier 
d'ordonnance numéro 3. À ce titre , Il était ehabi- 
lité secret» et avait connaissance de tous les 
documents classés secrets par le Haut Comman-: 
dernent. 

« 11. Rapport interne des services de contre- 
espionnage allemands (Abwehr) daté du 22 sep- 
tembre 1944: le QG des services de renseigne- 
ment en Grèce -dont KW était le chef-adjaint- 
ordonne pour les demières semaines de juitet 
1944 la déportation vers Auschwitz de 2.500 
juifs grecs de Crète et de Rhodes. Tous sont 


morts dans les chambres à gaz à partir de la mi- 


août. 
* 12. Compte rendu d'un interrogatoire date du 








6 mai 1944. Deux officiers et deux soldats bri- 
tanniques sont interrogés au QG d'Arsakli 
(Grèce). 

s 13, Soutenant sa thèse de doctorat en droit 
consacrée à Konstantin Franz, homme d'Etat 
prussien pangérmaniste dont Hitler consellait la 
lecture, KW émet en 1943 l'idée d'un Anschiuss 
dé la Belgique, des Pays-Bas, du Luxembourg et 
de la Suisse au «Grand Réichs. 

s 14. Rapport de la police secrète militaire alle- 
mande. Le 10 novembre 1943, un rapport 
classé «secret: passe par lès services de rensei- 
gnement du groupe E du Haut Commandement 
de l'armée allemande. Ce rapport est visé par 
KW. I s'agit d'un projet de renversement du gau- 
vemement grec et de liquidation des communis- 
tes de ce pays. 

s 15. Lettre à la Chambre des Communes de 
Frank Knotley, ancien prisonnier dé guérré bri- 
tannique dans les Egikans: KW a eassisté au 
transport de caciavres de prisonniers exécutés» 
par l'unité où il était responsable dés sinterroga- 
toires qui se terminaiént généralement par la mort 
des détenus». 

« j6. Trois témoignages israsliens révélés par 
Yilzak Modaï, ministre de la Justice, en juin 
1986. Le premier témoin affiime avoir vu KW 
battre son frère à mort à Salonique, après l'avoir 
dépouillé, Le deuxième témoin l'a vu infliger des 
sévices à un civil en Serbie. Yossef Weil était 
astremt aux travaux forcés dans le quartier des 
bureaux allemands. Il était logé avec d'autres 
dans un grenier au dessus du bureau rie KW. l se 
souvient d'une chambre de torture attenante à ce 


l bureau, dont KW oarcdait la claf sur lui. 


« 17. Un ordre d'exécution de cinquante otages 
vougoslaves pour chaque soldat allemand tué, 
est signé par KW le 8 décembre 1943. 

«+ 18. Les troupes allemandes entrent en Autri- 
che le 12 mars 1938. C'est le 1er avril, deux 
semaines plus tard, que KW s'afflie à la Fédéra- 
tion des étudiants nazis, Le 18 novembre il 
adhère à un groupe de cavalerie affilié à l& SA. 


s 19. La liste des membres de l'état major du | 


général Alexander Loehr. KW y figure en 14ème 
position, chargé de missions spéciales: et 
d'anterrogatoires de prisonniers». 


+ 20. Document daté de juin 1944, montrant 
que KW participe à l'organisation dé d'opération 
Viper»: destruction de villages, utilisation d'ota- 
g8s. 

* 21. Documents secrets de l'armée allemande 
retrouvés dans les archives américaines ét 
publiés le 28 mai 1986 par ls CJM. Ces docu- 
ments montrent que KW participait à des rêu- 
nions où la question de l'utilisation des otages, 
pour prévenir des opérations de sabotage, était 
examinée. On y élabora d'opération Viper» -nom 
de code d'un programme de «nettoyage» des 
zones de résistance en Grèce. Un document 


| daté du 20 mai 1944 indique que KW propose 


d'entasser des otages à l'avant d'un convoi ferro- 


vière traversant le Péloponèse. Dans un autre | 
document daté du 13 juin 1944, KW fait un rap- 


port sur le travail forcé en Grèce. 

« 22. Le rapport complet de la Commission des 
crimes de guerre de l'ONU, daté du 19 février 
1948. Ce texte porte le numéro 79/724. Le cas 
KW, sous le code RN684, y est examiné. On cite 
six témoignages de prisonniers de guerre. Ce 
rapport conclut: «Les preuves sont suffisantes 
pour justifier une poursuite de KW devant les in- 
bunauxs, notamment pour <meurtrés ét exécur 
tons d'otages». KW y est classé sous la mention 
<type A», qui est la plus grave édictée pér cette 
commission (d'autres type À»: Eichmann, Bar- 
bie, Mengele). 


* 23. Un rapport signé par KW sur l'intérroga- 
toire de sept Britanniques ét trois Grecs capturés 
en Mer Egée. Ce rapport conclut qu'un nouvel 
interrogatoire <serait infructueux, à la suite de 
quoi les détenus Seront confiés à la police 
secrète pour <ratement spéciah, c'est-à-dire 
exécution. 

+ 24. Plusieurs rapports signés par KW, où il est 
fait état d'un srenforcement des activités des 
bandits sur la route entre Slip et Kocane en 
Macédoine. C8s rapports, datés du 12 octobre 
1944, précèdent de deux jours lé déclenche- 








L'Oberlieutnant en 1944 en Yougoslavie 


ment de représailles dans là région contre trois 
villages (Krupice, Gorni Balvan, Cioinui Balvan) qui 
seront brûlés. 114 personnes, femmes et 
enfants compris, trouveront la mort. Un des rap- 
ponts indique per ailleurs les «pertes ennemies» 
pour la période: 799 morts, $4 prisonniers, 
parmi les <bandits yougoslavess. 

+ 25. La transcription d'une communication télé- 
phonique datée du 22 septembre 1943. La res- 
ponsabilté de KW dans l'envoi de millier de pri- 
sonniers italiens et grecs dans des camps de tra- 
val allemands y est manifeste. KW précise que 
27.000 Itdiens ont déjà été rassemblés à Alhè- 
nes par son détachement. || ajouté qu'en octo- 
bre, son groupe aura «rempli sa mission». est de 
fait que sur un 1.500.000 déportés fialiens, 
après la reddition fälienne du 8 septembre 
1943, le groupe de KW en acheminera à [ui seul 
100.000, soit un quinzième, Ce groupe n'est 
pourtant constitué que de vingt officiers. 

+ 26. Les listes des criminals de guerre (36.000 
noms) tenues secrètes dange lés archives de 
l'ONU. La 7S# liste comprend le nom de KW et 
indique: «Cette personne est recherchée pour 
rneurtres et prises d'étagésr. 

° 27. Un dossier signé par KW et daté du 18 juil- 
let 1944 à Salonique, fait état d'intemogatoires 
de deux Britanniques en juin 1944. 

+ 28. Un mémorandum de douze pages est 
publié par le fils de KW, Gerhard Waldheim. Peu 
après sa publication, celui-ci admet avoir modifié 
certaines dates sur la copie du document. Ainai, 
dans celte première version, KW est arrivé à 
Salonique en juillet 43, deux mois après les raf- 
fes et la déportation de 40.000 juifs. Après rec- 
tiflcation, KW est sur les lieux dès avril, au plus 
fort des opérations. 

° 29, Le témoignage de Yehoshous Matza, qui 
affirme avoir été baftu par KW en Grèce en mars 
1943, aprés que celui-ci l'eût dépouitlé. il l'a 
reconnu eur les photos en uniforme publiées 
récemment. 

* 30. Un rapport signé par KW et daté du 11 
avril 1944, Lu au procès de Muremberg k& 18 
août 1947, ce rapport a permis d'établir la cuiper: 
bllité de neuf officiers nazis dans le massacre 
massif d'étages, l'incendie de centsines de villa- 
ges dans les Balkans. 

e 31. Un rapport secret daté du 11 avril 1944, 
signé par KW, appartenant à l'acte d'accusation 
NOKW-935 du procès de Nuremberg. Ce rap- 
port établit l'organisation de la liquidation des 
communistes à Athènes. 

* 32, Documents publiés en avril 1986 par le 


| quotidien du parti socialiste autrichien, <érbeiter- 
| zeitungr. Ges textes montrent que KW a servi 


dans une unité impliquée dans la déportation des 
40.000 Juifs de Salonique. Produits au procès 
des criminels de guerre d'Athènes, ces docur- 
ments indiquent que l'unité de KW avait aussi la 
responsabilité d'un camp de concentration à 
Salonique, 

+ 39. Six accusations sont formulées par le 
ministère américain de la Justice, aboutissant à 
placer KW sur la liste des personnes interdites 
aux USA: 

- remise aux 55 de civils pour exploitation à des 
travaux forcés; 

- utilisation de propagande antisémite; 

- déportation de civils vers des camps de con- 
centration et d'extermination; 

- représailles contre des otages et des civils; 

- déportation de jufs de diverses régions grec- 


es: 
- sévices infligés à des prisonniers alliés, 
s 34, Des projets de lextes signés par KW 
ayant servi à la redaction de tracts antisémites 
diffusés en 1944 à 100.000 exemplaires, par 
l'unité de propagande du groupe d'armée E où 
servait KW 
* 35. Une commission indépendante d'experts 
commence ses travaux en septembre 1987. Elie 
est composée de cinq historiens (un Américain, 
un Britannique, un Allemand, un léraélien et un 
Belge]. L'expert belge est M. Vanwelkenhuysen 
directeur du Centre de recherches et d'étude 
historique de la Seconde guerre mondiale. Cette 
commission à laquelle les experts participent à 
titre privé, remettra un premier rapport provisoire 
fin octobre au gouvemement autrichien. Le gou- 
vernement yougoslave, qui détiendrait, selon 
Simon Wiesenthal, les preuves définitives de la 
culpabilité de KW, n'y est pas associé. 





Un article réalisé sur base du dossier de 
presse consultable au Centre de docu- 
mentation du MRAX, 37 rue de la Poste à 
1210 Bruxelles, tél. 217.56.94. 


ALTERNATIVE LIBERTAIRE * ASBL 22MARS - N° 93 - OCTOBRE 87 - PAGE 13 


Premier élu, La Maison du Dr Zack, 
par Renaud et Dufaux, soit la suite de 
Souviens-toi d’ Enola Gay, paru en 
février dernier et très bon également. 
Rappelons les faits. L'amant de Jessica 
Blandy s'étant fait descendre, Gus 
Bomby (un privé) et Robby (un flic 
vicieux) pataugent, l'enquête n'avance 
pas. La seule piste, une espèce de 
géant chauve : qui liquide une série de 
personnes n'ayant apparemment 
aucun lien entre elles. L'album se termi- 
nait là-dessus. Dans ce second (et der- 
nier) tome, l'intrigue se précipite et 
s'éclaircit rapidement. Ne voulant pas 
déflorer ici toute la saveur de cet 
album, je renvoie le lecteur à cette BD 
dynamique, aux dessins très fins 

(même si très classiques) et au décou- 
page plus qau'agréable. Assez de 
fleurs. L'album est édité par Novedi. 


tango 

Trente-cinquième album de Pratt et 
dixième album des aventures de Corta 
Maltése: Tango. Issues de la <haba- 
nera» cubaine &t de la «milongax créole, 
les premières expressions musicales 
du tango remontent à plus d'un siècle. 

La décennie 1880-1890, charnière 
entre l'Argentine archaïque et la 
moderne, se fit le décor de pas mal de 

changements: modification de l'archi- 
tecture urbaine, de la manière de par- 
ler, les spectacles, de la mode et 
même de la facon de faire l'amour. 

Grâce au tango, on découvrit la «séné- 
galaise, la conque florentine et le va-et- 
vient liguriens (pour les détails, se 
reporter à l'explicatioon de Praît en fin 
de volume). 

Les thèmes principaux du tango: 

l'amour, la trahison et la mort. Présents 
dans la plupart des albums de Corto 
Maltese, ces thèmes prennent ici une 
ampleur particulière. Dans le Buenos 
Aires du début du siècle, qu'il retrouve 
après quinze ans d absence, Gorto 
cherche à retrouver la fille de Louise 
Braokszowyc, une femme assassinée 
et qui pourrait avoir été la maîtresse de 
Corto {le douté plane) -auquel cas 
cette fille pourrait être celle de Corto. 
Le tout dans un style on ne peut plus 
classique et sur fond de proxénètes, 
de police politique, de secte, de souve- 
nirs nostalgiques et de tango évidermn- 
ment. Ed.Casterman. 


tonton 

Depuis que Marcel Dassault est mort, 
sous la plume de Régis Franc, Tonton 
Marcel est devenu Tonton tout court, le 
président de tous les Français. Un pré- 
sident qui depuis quelque temps 
regarde de haut la cohabitation avec 
son prémier ministre-frère ennemi et 
surtout l'auto-déchirement de la maio- 
rité de droite. Tous les gags de 
R.Franc, dans ce premier recueil 
Cohabitation, sont inspirés par l'actua- 
lité qui est d'ailleurs une source assez 
inépuisable de gags. Que ce soit les 
bavures de Pasqua, l'éternel non- 
retour de Giscard, ou les coups fourrés 
de Barre. Tout le monde en prend plein 
la gueule, surtout Chirac, mais pas Ton- 
ton qui imperturbablement demeure au- 
dessus de la mêlée. Pourvu qu'il se 
représente, car nous perdrions là un 
héros de bande dessinée tout à fait 
savoureux. Vivement les élections. 
Ed.Casterman. 








avec l'automne, 


c'est... 














Comme les feuilles d’automne, 
pelle. Et il y en a comme d'habitude pour tous les goûts. 


les albums tom 


1bent à la 














philo-pirate 

Multipliant décidément toutes les atta- 
ques possibles et imaginables contre 

tous les systèmes, Francis Masse est 
un drôle de personnage. Très rebutant 
de par son graphisme fouillé et de par 
le lettrage de ses phylactères encore 
plus fouillés (fouillis?}, il mérite cepen- 
dant que le lecteur s'attarde à décryp- 
ter ses cases, car elles révèlent un 
humour très fin' et surtout très absurde. 
Poursuivant ses réflexions philosophi- 
ques entamées dans Les Deux du Bal- 
con, Masse plonge à présent dans La 
Mare aux Pirates. Des pirates bien 
particuliers dont le passe-temps favori 
est de deviser sur les finances mondia- 
les, le sida, la fécondation in vitro, ou 
encore sur la guerre des étoiles. Quel 
monde absurde vivons-nous?!l 
Ed.Casterman. 


angoisses 

Tant qu'on est dans les bateaux, 
embrayons sur une histoire de 
bateaux... Celle de Cori le Moussail- 
lon & embarqué dans L'expédition mau- 
dite. Dessinée par Bob de Moor, cette 
série connut le jour en 19511! Après 
plus de vingt ans, Bob de Moor la 
reprend (en 77) et livre aujourd'hui le 
quatrième tome de ces aventures d'un 


autre siècle, avec un dessin un peu 


hors du temps lui aussi mais qui au fil 
des pages séduit le lecieur de par son 
classicisme parfois un peu nalf mais qui 
a fait ses preuvés. 

Cette fois, Cori est entraîné dans le 
Grand Nord. Et l'équipage dont il fait 
partie refera par hasard le même che- 
min qu'a emprunté quelques années 
plus tôt un navire persuadé d'atteindre 
la Chine en passant par la Scandinavie 
et la Russie. Un chemin qui réserve 
bien dés surprises. Mélant avec art 
paysages nordiques (les 3 premières 
planches valent à elles seules le 
détour) et rebondissements fantasti- 
ques (avec force monstres et autres 
apparitions), Bob de Moor prouve ici 
qu'il tient K& forme. Et la grande cette 
fois...Edité par Casterman, cet album 
existe également en version luxe, 
numérotée et illustrée (2.800 F}. 





Moment 


tel père, 
tel fils 


Restons dans la famille avec le fils De 
Moor, Johan de son prénom. Artisan 
de la reprise des Quick et Flupke, 
après quelques courts récits parus 
dans diverses revues à tirage restreint, 
Johan de Mocor s'est allié à Stephen 
Desberg (scénarios pour e.a. Tif et 
Tondu, 421,...} pour créer Gaspard 
de la Nuit, une série prometteuse dont 
le premier tome s'intitule De l’autre 
côté du masque. Débutant avec des 
dessins très Quick et Flupke et donc 
très hergéens, l'album va très vite tom- 
ber dans le fantastique moyenâgeux 
aux références multiples. 

Dérobant un masque chez un voisin, 
Gervais va ainsi dérober sans le savoir 
Gaspard de la Nuit réduit à l'état de 
masque par un maître masquéreur 
habitant dans un autre univers. Un uni- 
vers auquel on n'accède que via un 


cercle lumineux, sorte de sas entre là 


réalité et le rêve. À condition que celui- 
ci ne se transforme pas en 
cauchemar. (Ed.Casterman). 








djazze ! 


En Belgique parce que ce second 
Belga Jazz Festival se déroulera à la 
fos À BrEReE, Gand, Bruges, Anvers, 
Heist, Neerpeit, Courtrai, La Louvière, 
Liège, Tournai, Louvain-la-Neuve, Ver- 
viers et Florenville, avec une incartade 
au Luxembourg. Excusez du peu. 

Les plus gros événements de cette 
année? Cab Calloway and the Cotton 
Club Revue évidemment le 5 novem- 
bre au Cirque Royal (il n'est plus venu 
en Belgique depuis 1936 et il a 
aujourd'hui 80 ans!), Sonny Roillins le 
27 oct. à Liège, ou encore Mike et 
Randy Brecker à L-L-N le 29 octobre. 
Tous les concerts ne pouvant être 
repris ci-dessous, voici quelques sug- 
gestions pour ce mois-ci. La suite en 
novembre. 

En ouverture le 14, Paolo Conté au 
Cirque Royal, cet avocat-crooner qui 
pratique un nostalazz des plus raffinés, 
et George Adams/Don Pullen Quartet 
à Bruges. Déjà présent l'an dernier, ce 
groupe présentera une véritable ency- 
clopédie du jazz de ces vingt dernières 
années. 

Le Chico Hamilton Quartet ensuite, 
après 10 ans d'absence, à Anvers les 





Trente jours, cent concerts ,et cinq 
cents musiciens, le jazz sera roi en 
Belgique du 14 octobre au 14 novem- 


bre. 


14 et 15 et à Bruxelles les 16 et 17. 
Un peu de musique brésilienne aussi 
avec Gilberto Gill 15 à l'A.B.} dont 
on se rappelle le triomphal concert l'an 
dernier sur la Grand-Place ou cet été 
au Sfinks Festival. 


Le 17, David Murray et son trio, un 
musicien récompensé l'an dernier par 
le titre de plus inventif musicien de jazz 
moderne de l'année Miles Davis bien 
sûr, l'homme de tous les coups, 
l'empereur du jazz, mais cette fois à 
Anvers -il est venu quatre fois de suite 
à Bruxelles- le 16. 

Ensuite, le 18 à Bruxelles, le 20 à 
Liège et le 21 à Anvers, Astor Piaz- 
zolla et son tango passionné pour ban- 
donéon et orchestre. Dans un autre 
registre, blues et gospel, Archie 
Shepp en duo avec le pianiste Horace 
Parlan au Brussels Jazz Club le 21 
dans un répertoire que l'on prévoit plus 
classique qu'à l'habitude. 

Autre événement : The Leaders le 22 
à l’Ancienne Belgique. Sous cette éti- 
quette mégalomane se cachent ni plus 
ni moins que Lester Bowie, Arthur 
Blythe, Chico Fréeman, Kirk Lightsey 
et Don Moye, soit tout le gratin de 


l'avant-garde new-vorkaise réuni en un 
seul groupe. 

Autres têtes d'affiche d'ici ls 30 octo- 
bre: en vrac: Billy Cobham le 25 au 
Théâtre 140 (un des chefs de file du 
iazz-rock), Oscar Peterson et Joe 
Pass aux Beaux-Arts le 26 (pour les 
amateurs de jazz classique), le fabu- 
leux saxophoniste Sanny Rollins le 27 
au Conservatoire de Liège, le trompet- 
tiste Arturo Sandoval accompagné de 
six musiciens cubains lé 29 au Brus- 
sels Jazz Club et enfin les groupes des 
frères Mike et Randy Becker au Jean 
Vilar à Louvain-la-Neuve le 29 égale- 
ment (de fameux «souffleurs» qui ont 
accompagné des gens aussi divers 
que Chick Corea, Bruce Springsteen, 
Charlie Mingus Gu encore Dire Straits. 


Du beau monde donc et surtout 
l'embarras du choix. Seule ombre au 
tableau, ce festival se faisant sans 
aucun denier public, les Hlaces seront 
relativement chères selon les événe- 
ments et les endroits. Mais comme 
cela n'arrive qu'uné fois par an... 
Renseignements complémentaires: 
02/512.59.86. 


+ Marc Vanhellemont | 


ALTERNATIVE LIBERTAIRE % ASBL 22 MARS - N° 93 - OCTOBRE 87 - PAGE 14 


exit gil 

En mars 85, les éditions Dupuis déci- 
dérent enfin de rendre hommage à 
Maurice Tilieux (1922-1978) en réédi- 
tant tous les albums de Gil Jourdan 
sous la forme de 6 gros volumes car- 
tonnés. Cette collection plus qu'inté- 
ressante se termine ce mois avec donc 
le sixième volume un peu particulier, 
car en fait il présente trois facettes de 
l'œuvre de Tillieux. Le titre ést significa- 
tif: Trois détectives; on présentera 
donc les trois detectives qui virent le 
jour sous la plume de Tillieux, Gil Jour- 
dan, Marc Jaguar et Félix sont ainsi 
réunis une première et derniére fois: 
Les trois taches pour le premièr, Con- 
trebande et Le lac de l'homme mort 
pour le deuxième, et L'affaire des 
bijoux pour le dernier. L'alignement de 
ces quatre titres permet d'ailleurs de 
reléver quelques similitudes entres les 
trois personnages, que ce soit au 
niveau graphique, des personnages 
secondaires ou du caractère même 
des héros. Et aussi de constater que 
pour les trois personnages, Tillieux fit 
preuve du mème humour calemboures- 
que. Un talent que le lecteur peut 
retrouver dans la série des albums 
Félix réédités selon le mème principe 
par les éditions Dupuis. 


Î 
soda 
Autre série qui débute, celle des Soda, 
un flic new-yorkais bien particulier, ima- 
giné par Philippe Tome (Spirou et Fan- 
tasio) et dessiné par Luc Wearnant. Pre- 
mier volume: Un ange trépasse. 


Depuis huit ans qu'il fait le métier de 
fc, Soda n'a osé le dire à sa mére. 
Aussi chaque soir, juste avant d'aller 
souper chez elle (lui-même habite-quel- 
ques étages plus haut), il se déguise en 
prêtre. Mais c'est en tant que flic 
cependant qu'il va réquisitionner un 
corbillard pour poursuivre une voiture 
de flic...dérobée par une belle 
espionne. Mais si l'espionne en ques- 
tion se révèle être plutôt redresseuse 
“2 torts et de à De ess per 
douce personne Serehel à prouver 
qu'un médecin de sa connaissance tra- 
fique des organes humains -ceux de 
ses patients-, l'intrigue devient même 
intéressante. Et non dénuée d'humour. 
Pendant juvénile des Aventures en 
jaune {point de vue dessins et humour) 
de Yann et Conrad, Soda 5e boit en 
une fois. Cul sec. Ed.Dupuis. 


puzzle 

Autres horizons à présent avec le que- 
trième album de la série des Bruce 
J.Hawker, signée AP Duchâteau et 
William Vance. Pour ceux qui l'ignorent, 
Vance, c'est Bruno Brazil, XI, 
Howard Flynn, Ringo, Ramiro…. soit 
un talent grand public mais aussi des 
dessins impeccables auxquels it n'y à 
rien à redire. Il est à noter que les 
décors de ce type de sérles devien- 
nent de mieux en mieux foutus et sem- 
blent bénéficier d'une attention particu- 
lière. Ce qui n'est une mauvaise chose, 
sauf si, comme dans ce cas, l'intrigue 
ne vole pas très haut. || s’agit en effet 
pour Bruce Hawker, marin de la flotte 
anglaise, de récupérer une armé 
secrète démontée et dissimulée dans 
plusieurs caisses, sur une île au large 
de l'Espagne. Et ce à l'aide d'une 
superbe agent(e) de liaison, et contre 
l'armée espagnole et les brigands 
locaux. 


: LIT RSR, PR 

ba’be ‘ouge 

Autres marins mais pirates ceux-là, 
Barbe-Rouge et son fils Eric. Et Baba, 
et Triple-Pattes. Créées par Hubinon et 
Charlier, les aventures de Barbe- 
Rouge seront reprises successivement 
par Lorg/ijé, Pellerin et tout récem- 


ABONNEZ-VOUS 





ment Christian Gaby. Mais Jean-Michel 
Charlier est toujours là. Ce qui fait que 
ce vingt-troisième album, La Cité de la 
Mort, est construit comme les précé- 
dents. Selon les mêmes bonnes vieilles 
recettes. Le dessin par contre a fort 
évolué ou a même rétrogradé puisqu'il 
semble que le dessin de Gaty ait été 
inspiré par les premiers albums de 
Barbe-Rouge. Et semble donc plus 
grossier et loin de l'image que l'on a 
gardée des albums d'il y a dix ans (la 
série a débuté en 61!). 

Tant pis, il ne reste plus donc à Gaty 
qu'à convaincre les jeunes lecteurs... 
Ed.Novedi. 


en vrac 
Autre vétéran de la bande dessinée: 
Michel Vaillant. Né en 59, il connaît 
aujourd'hui Sa quarante-neuvième 
aventure: Catégorie Poids Lourds. Là 
aussi les mêmes vieilles recettes: voi- 
tures, dérapages, bons et méchants, 
courses victorieuses. Cette fois au 
valant de semi-remorques et pour le 
compte de l'oncle Vaillant. The same 
old song..….(Jean Graton Editeur). 


Autre série qui continue aujourd'hui 
après 23 ans d'existence, Les 4 As, 
dessinée par François Craenhals et 
scénarisée par Georges Chaulet. Cette 
série médiocre qui dévalorise là créa- 
teur de Chevalier Ardent connaît ici son 
24ème album, Les 4 As et le secret 
de la montagne. Toujours les mêmes 
personnages et toujours les mêmes 
aventures rocambolesques teintées 
d'humour assez lourd. On n'a malheu- 
reusement plus 12 ans... Casterman. 


Dix-huitième reliure pour (A Suivre) 
in°102 à 107), ce magezine avec 
«l'aventure pour cibles et qui 
aujourd'hui continue à fournir mensuel- 
lement les séries les plus intéressan- 
tes: Tardi, Schuiten, Rosinski, 
Rochette, Franc. Pour collection- 
neurs. 


En juin et juillét, il n'y eut pas de rubri- 
qué BD dans Alternative Libertaire. 
Mais les albums continuaient à sortir. 
En voici quelques-uns très brièvement: 
+ Le Roi Rodonnal, un éxcellent album 
de Makyo aux décors fantasmagori- 
ques et pour les jeunes adolescents; 

« Le Banquet des Loups, 4ème album 
de Serge Morand, signé Sansahujas et 
Duchâteau. Paru dans Circus: 

+ Le puits nubien, troisième album de 
la série Arno par Juillard et Jacques 
Martin (scénario). Où les deux auteurs 
prouvent une fois de plus leur talent de 
conteurs; 

+ Alise et les Argonautes, tome 1: La 
nuit du Président. Un album surpre- 
nant signé Font et Cothias: 

+ Monsieur Cauchamar par Benn 
d'après Siniac. Une très belle recon- 
version de l'auteur de Mic Mac Adam, 
un très bon polar qui, fait nouveau, con- 
naît trois fins. Au lecteur de choisir la 
meilleure. À liré en priorité; 

+ Sydney Bruce, par Carin et Rivière. 
Tome 1: L’indien bleu. Sombre affaire 
dont on n'a pas fini de parler; 

+ Hector le Castor-L’aventure du fer 
blanc, par Lex et Aubrun, une tranche 
d'humour pour les petits; 

+ Clel!…. Aurait-on volé l'amiral noir: 
premier volume des aventures du chien 
Pythagore et un titre parmi les pee 
longs de l'histoire de la BD 
R.Reding, le créateur d'Eric Ca EC 
Jari, la section À... Bien dans la lignée 
de l'auteur et pour les moins de 12 
ans. 


Enfin, faute de place, quelques ouvra- 
ges parus ce mois-ci seront présentés 
lé mois prochain: Avec Alix(Groens- 
teen), Francis Falko (De la 
Fuente/Novedi), Requiem blanc 
(Rochette/Legrand), Le trésor des 
Imbalas (Bacilero/Mescola), La nuit 
des frelons (Marc-Renier} .et quelques 
autres. En octobre, Thorgal fête ses 
dix ans. Ce sera l'occasion pour nous 
d'un entrétien avec ses créateurs. 


«+ Marc Vanhellemont 





alternative libertaire a rencontré lolita, membre de 
l'équipe de l'émission hebdomadaire de radio air libre. 





Alternative Libertaire: Depuis trois ans, tu par- 
ticipes (presque) tous les dimanches soir à 
l'émission Passe Muraille de Radio Air Libre. 


Pourrais-tu nous expliquer, en quelques mots, 
la démarche de cette émission à destination | 


des détenus des deux prisons bruxelloises, 
Saint-Gilles et Forest. 

Lolita: L'émission Passe Muraille existe depuis 
plus de 6 ans. La démarche en est simple, don- 
ner la parole aux détenus, pour des messages 
d'amour et d'amitié, mais aussi pour relayer vers 
l'extérieur leurs revendications concernant leurs 
conditions de vie et de détention. Passe Muraille 
veut introduire des yeux en prison, pour que la 
société civile sache un peu mieux ce qui S'y 
passe. En gros, l'émission se compose à 50% de 
lettres lues au micro, une petite centaine de let- 
tres qui nous sont envoyées chaque semaine par 
des détenus. À 30%, par des coups de télé- 
phone des familles et amis que nous branchons 
directement sur antenne. Et à 20% par des visi- 
tes en studio d'anciens détenus libérés et d'amis. 
Ajoutez-y des informations et des commentaires 
émanant de l'équipe, ainsi que de la musique 
demandée par les détenus eux-mêmes et vous 
avez la recette de l'émission. Parallèlement à ce 
côté «émission amitiés/disques demandés», 
l'équipe de Passe Muraille se place aux côtés 


des détenus lorsque ceux-ci mènent une action | 


de revendication. Nous ne sommes pas neutres. 
Prenons-en deux exemples, les cafards et le 
Sida. Pour notre Noël 1984, un détenu nous 
avait envoyé un cafard, exemple vivant de l'état 
de propreté qui règne dans les prisons. Après en 
avoir parlé sur antenne, ce sont plusieurs centai- 
nes de cafards qui nous ont été envoyé sous 
envéloppe des deux prisons bruxelloises. C'était 
vraiment dégueulasse. En janvier 1985, nous 


nous sommes rendus en délégation au ministère | 


de la Justice pour remettre l8 colis cadeau des 
détenus à Jean Gol: 300 cafards étiquettés avec 
leur nurnéro de cellule. Par cette action symboli- 
que et spectaculaire, nous avons voulu relayer 
vers l'opinion publique les revendications des 
détenus, non seulement en ce qui concerne 
l'hygiène et la propreté, mais aussi les relations 
avec les matons, et plus généralement les condi- 
tions de vie. Autre exemple, le Sida. En 1986, 
après la mort, pour cause de Sida, de Kamal, sa 
famille décidait de déposer plainte pour non- 
assistance à personne en danger. Après une 
visite, son frère l'avait vu dans un état de délabre- 
ment total: il ne tenait même plus debout, il avait 
incroyablement maigri… Le frère de Kamal s'était 
alors adressé au directeur afin que Kamal reçoive 
les soins nécessaires et soit transféré d'urgence 
dans un hôpital. Trois jours après, || apprenait que 
Karmnal était mort pendant son transfert à l'hôpital. 


Le frère de Kamal est venu parler de cette affaire | 
le dimanche suivant à l'émission, et nous en | 
avons profité pour: démarrer une information | 
sérieuse sur le Sida et sur les risques de contami- | 


nation. Nous organisons une conférence de 
presse pour alerter l'opinion publique sur l'affaire 
«Kamak et plus généralement sur les risques 
encourus en prison du fait du non-traitement du 
problème du Sida. Dans les jours qui suivent, des 
détenus de Forest montent sur les toits en exi- 
geant qu'un information complète soit faite sur le 


sujet, que des tests soient mis à la disposition | 


des populations à risques (toxicos, homos,.…). Et 
dans les semaines qui suivent, poussé par les 
événements, le ministre de la Justice prend enfin 
les mesures exigées depuis longtemps par les 
détenus: l'accès aux tests pour les populations à 
risque, la possibilité de consulter un médecin de 
l'extérieur (ce qui n'était pas le cas avant pour les 
condamnés), l'information distribuée à tous les 
détenus à leur entrée en prison. Cet exemple 
montrent bien comment les Choses se passent. 
D'abord, grâce à un détenu ou à un de ses pro- 


ches, nous décelons le problème, nous en fai- | 


sons la plus large publicité pour alerter l'opinion 
publique, et l'action conjuguée de l'extérieur et 
de Fintérieur parvient à faire évoluer la situation. 
Bien sûr, quand je parle comme cela, tout cela a 
l'air simple et facile. Dans la réalité, c'est autre 
chose. Chaque fois que la situation s'échauffe un 
peu, la répression entre en action. D'abord, par la 
censure des lettres qui nous sont envoyées des 
prisons, cela nous coupe de nos sources d'infor- 
mation, cela vide l'émission de son contenu. 
Nous avons également subi des pressions poli- 
cières, notament par le biais de perquisitions au 
studio de Radio Air Libre, mais aussi aux domici- 
les de certains animateurs avec évidemment le 
prétexte en or: recherche de stupéfiants. Enfin, 
du côté des matons, certains esprits bien inten- 
tionnés ont cru malin de faire circuler une pétition 
demandant l'interdiction pure et simple de l'érnis- 
sion. À Forest, cette pétition n'a été signée par 
aucun des matons, peut-être par peur des réac- 











Après les mutineries qui secouèrent les prisons 
au début de ce mois de septembre, l'union 
sacrée s’est faite entre le ministère de la Jus- 


tice. 


l’administration pénitentiaire, 


matons, et la presse de droite pour crier ensem- 
ble au complot et dénoncer le rôle quasi insur- 
rectionnel qu’aurait joué une simple émission 
de radio libre. Alternative Libertaire vous aide à 
y voir plus clair et donne la parole à une des pro- 
tagonistes. Nous poursuivrons le mois prochain 
en publiant des lettres envoyées directement 


des prisons. 


tions des détenus. Par contre, à Saint-Gilles, 
c'est l'inverse qui s'est passé, tous les matons 
ont signé, par peur de l'autorité, de la direction, 
car refuser de signer, c'était, pour elle, se situer 
aux côtés des «fouteurs de merde» de Passe 
Muraille. 


AL: Justement, en revenant aux événements 
qui se déroulés dans les prisons au début de 
ce mois de septembre, et en parlant des 


matons, il y a eu cette fameuse Carte Blanche 


de l’un d’entre-eux dans Le Soir qui, après 
vous avoir félicités pour votre rôle «émission 


amitié/disques demandés», traitait Passe 
Muraille «d’officine insurrectionnelle hebdo- 


madaire»… Que réponds-tu à ce maton… 


Lolita: Je lui répondrais simplement en parlant de 1 





ABONNEZ-VOUS: 600 FRS L’AN AU COMPTE 001-0536851-32! 


JE PROTESTE/ 








€ 


la réalité, et non de ses phantasmes. En parlant 
de ce que Passe Muraille a réellement fait pen- 
dant ces événements. D'abord, nous avons 
appris comme tout le monde par la radio ou par 
des familles qui nous téléphonaient, que les déte- 
nus de la prison de Forest était en train de se 
mutiner. Comme le studio ne se trouve pas très 
loin des prisons, nous nous rendons sur place 
sans voir grand chose, tout le quartier est bouclé 
par des masses de flics qui plaisantent sur le 
thème «il ne se passe rien de grave, les détenus 
sont à la récréation, cela va se terminer 
bientôt...». Nous étions dimanche soir, et nous 
décidons tout de suite de faire une émission spé- 
ciale le lundi à 18h00, pour faire le point. Nous 
savions que des familles allaient visiter leurs pro- 
Ches incarcérés dès le lendemain matin et nous 


intervieu 


certains | 


asse muraille im107. 








voulions rassembler leurs témoignages pour don- 
ner aux détenus une vue là plus globale possible 
sur ce qui s'était passé la veille. Arrive lundi soir. 
Au moment de commencer l'émission spéciale, 
nous apprenons que du côté de la prison de 
Saint-Gilles, cela commence aussi à s'agiter: des 
camionnettes de police et des ambulances ont 
été aperçues devant les portes. Tout à coup, le 
téléphone sonne, et nous avons la surprise de 
nous trouver en ligne avec un des détenu de la 
prison de Saint-Gilles qui nous raconte, en direct 
sur antenne, le début de la mutinerie et les rai- 


_ sons ét revendications de l'action. Prenant cons- 


cience de la possibilité pour les détenus de télé- 
phoner à l'extérieur, nous donnons, directement 
sur antenne, les numéros de téléphone des diffé- 
rents journaux, radios et télévisions. Notre objec- 
tif, comme à l'accoutumé, est de faire connaître à 
l'opinion publique l'exacte situation. C'est ainsi 
que vous entendrez à la RTBF, que vous lirez 
dans vos journaux habituels, et c'est une pre- 
mière, les détenus exprimer directement eux- 
mêmes, le pourquoi de leurs révoltes. En plus de 
ce relais vers l'extérieur, vers l'opinion, nous 
avons également réalisé une communication 
dans l'autre sens, vers les détenus. Pendant tous 
les événements, des journalistes se trouvaient au 
pied de la prison, interviewant des «personnali- 
tésr (comme le bourgmestre de Saint-Gilles par 
exemple), leur demandant leur opinion sur la 
mutinerie. C'était important pour nous de passer 
ce genre d'interviews sur antenne, parce que 
cela permettait aux détenus, barricadés à l'inté- 
rieur et complètement coupés du monde exté- 
rieur, de se rendre compte de l'impact de leur 
action. Il n'y avait pas que les gendarmes qui 
s'intéressaient à leur mouvement. pour l'écra- 
ser. D'autres personnes «portaient», d'une cer- 
taine manière, leurs revendications à l'extérieur, 
permettant d'amplifier les questions qu'ils 
posaient. 

Le lendemain mardi, nous voulons remettre ça 
avec une nouvelle émission spéciale, toujours le 
même topo: donner la parole aux familles pour 
qu'elles témoignent de ce que leurs proches 
incarcérés leur ont dit à la visite. On prévoit éga- 
lement des témoignages d'avocats ayant rencon- 
tré leurs clients après les événements... Mais le 
hic, c'est qu'en face, du côté des forces de 
l'ordre, ils commencent à connaître la musique. 
Nous ne pourrons pas donner écho à ces témoi- 
gnages, simplement parce que l'administration 
pénitentiaire à décider de Supprimer purement et 
simplement, en arguant de la situation de des- 
truction de la prison, toutes les visites, tant des 
familles que des avocats. Cette suppression des 
visites ne sera levée que deux jours plus tard 
pour désamorcer le rassemblement prévu par les 
familles devant la prison. C'est à nouveau le 
black-out et l'univers du secret. Les yeux de 
Passe Muraille sont aveugles, si ce n'est quel- 
ques témoignages de secouristes de la Croix- 
Rouge qui nous parlent des locaux comme d'un 
Champ de bataille dévasté par un cyclone doublé 
d'une irruption volcanique. 


AL: I! faut dire que les détenus de Saint-Gilles 
avalent dès le début de la mutinerie mis le feu 
aux locaux, cassé un maximum de mobilier et 
détruit leur matelas. À l'extérieur, on ne com- 
prend pas toujours le pourquoi de toutes ces 
destructions. 

Lolita: C'est sans doute, qu'à l'extérieur, pour 
celui qui a la chance de n'avoir jamais été en pri- 
son, on ne se rend pas compte de l'état de déla- 





Ils ne Se rendent pas 
encore compte qu'il ne 
faut pas de complot 
pour que cela pète dans 
les taules, le seul mot 
de passe qui a tout 
déclenché étant, et à 
suffisance, les condi- 
tions dégueulasses dans 
lesquelles on laisse 
pourrir des prévenus 
considérés par la loi 
(mais si, mais Si...) 


| comme innocents... 


ALTERNATIVE LIBERTAIRE x ASBL 22 MARS - N° 93 - OCTOBRE 87 - PAGE 15 


réponse à monsieur gol 


Je crois que les communiqués 


donnés au cours de ce mois par | 


M. Jean Gol au sujet des pri- 


sons appellent à une mise au 
point: 

Après les événements qui ont marqué la vie 
carcérale en divers points du pays, nul ne 
peut encore prétendre qu'il n'y a pas de 
mécontentements justifiés, principalement 
en ce qui concerne les normes d'hygiène au 
sujet de cellules prévues pour un seul 
homme, il y a un siècle, et où il est inaccepta- 
ble de vouloir y confiner de nos jours, sans 
modifications, deux ou trois hommes. Ceci 
sans parler des risques de propagation 
notamment du SIDA. 

Pour ceux qui n'ont jamais (tant mieux pour 
eux) été pensionnaires d'une de ces prisons, 
précisons que ces deux ou trois êtres 
humains doivent partager un seau en plasti- 
que pour la vidange de leur eaux de toilette, 
eaux de vaisselle, urines. A la prison de 
Forest, ils doivent méme s'en servir pour 


leurs matières fécales. À la prison de Saint- | 


Gilles, pour ces dernières il y a un récipient 
appellé <W.C. chimique» mais qui n'est pas 
utilisé suivant les indications du constructeur 
et qui est vidé une fois par semaine! (ce dit 
<W.C. chimique» existant aussi à Forest uni- 
quement à l'aile À). 

Après les émeutes, vous avez prétendu que 
si les détenus ne pouvaient plus prendre de 
douches, ni se maintenir propres, c'était tout 
simplement dû au fait qu'ils avaient brisé les 
sanitaires. Rien de plus faux! Les douches 
fonctionnent et non jarnais été détruites. 
Seules la porte des douches de l'aile C aurait 
été endommagée pour libérer les détenus 
qui utilisaient ces douches au moment où 
l'émeute a éclaté : il a fallu casser le système 
de fermeture parce que le surveillant s'était 
emui avec la petite clé Yale. Quant aux sani- 
taires, nous serions intéressés de savoir où i 
y en a à la disposition des détenus !?7 Sauf à 
l'aile À, mais celle-ci n'a pas été touchée par 
les émeutiers. 

Trouvez-vous, aussi, normal que des êtres 
humains doivent, en grand nombre, dormir 
sur des paillasses disposées à rmême le sol 
en pierre et ce souvent pendant de nom- 
breux mois? Savez-vous qu'en entrant nous 
recevons deux couvertures, que nous res- 
tions 1 mois ou 1 an, certains d'entre-nous 
sont peut-être malades ou porteurs d'infec- 
tions, de vermine (il n'y & pas que des gens 
propres qui entrent en prison). et quand 


nous sortirons, nos couvertures iront direc- | 
tement rejoindre le stock pour être redistri- | 
buées aux suivants sans aucun nettoyage ou | 
désinfection! Ne parlons pas de certaines | 
paillasses sur lesquelles on hésiterait à lais- 


ser coucher un chien. 


Vous n'avez jamais voulu savoir l'existence | 


de ces problèmes ou les avez négligés, 
parce que dans votre esprit, un détenu n'est 
plus qu'un numéro qui n'a pas le droit de cité. 
Quand les gens qui subissaient ces situa- 
tions ont commencé à faire parler d'eux, 
vous avez admis qu'un tout petit problème, 
se limitant exceptionnellement aux deux pri- 
sons de Bruxelles, pouvait exister, mais était 
injustement gonflé par les éternels mécon- 
tents. 

Vous avez la mémoire courte, monsieur Gol. 
Rappelez-vous, c'est vous-même qui avez 





convoqué la pressée pour présenter les nou- 
velles cellules de Louvain destinées aux hoo- 
ligans britanniques afin d'apaiser les esprits 
en Angjieterre et de prouver toute l'humanité 
de la justice belge. Quand es émeutes écla- 
tent, vous rejetez la faute sur les media qui 
n'ont fait que rendre publiques ce que vous 
avez choisi de leur montrer. Vous minimisez 
en prétendant que les journalistes ont exa- 
géré en parlant de studios, de «xx *%>», de 
Hilton. Vous avez raison... s'il faut comparer 
les prisons aux palaces des grandes chaînes 
internationales, les cellules de Louvain ne 
pourraient peut-être s'octroyer qu'une # et 
assez péniblement. Mais comparées aux 
standards de Saint-Gilles ou de Forest. ce 
ne sont pas <k À ko mais ck k km de 
luxe qu'elles méritent sans discussion! C'est 
toute la différence entre ce que devraient 
être des cellules normales et les poubelles 
dans lesquelles on nous parque. 

Pourquoi vous étes-vous opposé à ce que la 
presse visite les prisons de Saint-Gilles et 
deForest quand ont été émises de violentes 


critiques à leur sujet. c'eût été pourtant une” 


manière bien simple de mettre fin à la polémi- 
que. L'opinion publique aurait su, enfin, si 
oui ou non il y avait matière à réclamer et si 
les doléances des détenus étaient vraiment 
injustifiées comme vous le prétendez. Empé- 
cher l'opinion publique de juger du fonde- 
ment des griefs avancés ne peut s'appeler 
«diriger la Nation de manière démocratique». 
Répondre au public que la tâche de contrôle 
de la situation de décrépitude de ces lieux et 
de leur fonctionnement "insalubre ne peut 
être confiée qu'à M. De Ridder, Directeur 
Général des Prisons ou à M. Lefèvre, Ins- 
pecteur Général des Prisons, est un refus, 
non dissimulé, de vouloir faire toute la 
lumière souhaitable. Car il est évident que 
ces messieurs, responsables de par leurs 
fonctions de la tenue et de la salubrité des 
prisons, ne vont pas soudainement critiquer 
leur propre gestion. 


Le rôle premier de la presse est d'informer le 
plus justement possible l'opinion publique ! 
En lui reprochant de l'avoir fait au sujet de 
Louvain, alors que vous l'aviez conviée (ne 
l'oublions pas), que régrettez-vous, sinon 
qu'elle n'ai pas été suffisament à double face 
et manipulatrice? À votre image! Prétendre 
aux Anglais et aux Belges des choses diamné- 
tralement opposées pour calmer les esprits 
des deux côtés? 
Soyons clairs, Monsieur Gol: le refus 
d'accorder à la presse un droit, même 
exceptionnel dé visiterà Saint Gilles et à 
Forest, en cette circonstance, est une des 
marques propres aux régimes forts ou totail- 
taires. Mais ceci prouve aussi que vous 
saviez pertinemment bien qu’il y a beau- 
coup à cacher et votre refus de visite n'en 
est que l’aveu publique. 
Lorsque vous évoquez des ralsons de sécu- 
rité, pour excuser votre refus, il n'en est que 
plus hypocrite.. à moins que vous ne son- 
giez, en disant cela, à la sécurité de votre 
siège au ministère que les articles et pho- 
tos de presse mettraient sûrement en péril!! 
Ce n'est donc pas la presse, ni les détenus 
qui sont responsables de ce qui s'est passé, 
Monsieur Gol, mais uniquement vous par 
votre désintéressement d'abord, par vos 
mensonges et vos manigances ensuite. La 
désinformation est parfois à double tran- 
chant. 

Un des nurnéros de Saint Gilles 







































































brement et de crasse qui y règne. Quand les 
détenus détruisent leurs matelas, c'est tout sim- 
plement, parce que c'est le seul moyen pour eux 
d'enfin en avoir d'autres, un peu moins crasseux. 
Poussés dans une situation extrême, ils ne peu- 
vent qu'utiliser des moyens extrêmes pour 
essayer de s'en sortir. Ainsi, pareillement, quand 
ils mettent le feu à la prison de Saint-Gilles, c'est 
dans le secret espoir qu'elle sera détruite, et que 
cela obligera enfin les autorités à élever de nou- 
veaux bâtiments. Et les faits semblent leur don- 


ner raison, puisqu'aux dernières nouvelles, il | 
semble que le Conseil des Ministres a décidé, | 
peu après les mutineries de septembre, d'utiliser | 


sur deux ans le budget des dix prochaines 
années, budget prévu pour la rénovation et l'amé- 
nagement des bâtiments. C'est peut-être regret- 
table, mais c'est une des leçons de septembre, la 
destruction du matériel pourri et des locaux insa- 
lubres semble le seul moyen efficace pour faire, 
enfin, bouger les autorités politiques. 


AL: C’est peut-être le seuil moyen efficace, 
mais c’est humainement incroyablement dur 
d'entamer une mutinerie an prison. Aucun 
détenu ne peut espérer s’en tirer sans un 
solide tabassage… quand ce n’est pas plus 
grave. On a parlé d’un mort et de plusieurs 
dizaines de blessés. Deux semaines après les 
mutineries, Passe Muraille at-elle des infor- 
mations complémentaires. 


Lolita: Parlons d'abord du détenu cembodgien qui 
est mort peu après la mutinerie. || souffrait 
d'asthme, son seul «crime» étant d'être en séjour 
illégal. Pendant la charge, les gendarmes ont 
abondamment utilisé des gaz lacrymogènes, ce 
qui n'est pas. vraiment indiqué pour ce type de 
maladie, Evacué parmi les premiers blessés, il a 
été ramené en cellule dès le lendemain soir. La 
nuit qui a suivi, il n'a cessé de se plaindre à son 
voisin de cellule du fait qu'il ne parvenait plus à 
respirer. Maigré des appels répétés aux qgar- 
diens, personne n'est intervenu. Et ce n’est que 
plusieurs heures plus tard que la Croix-Rouge, 
enfin appelée sur les lieux, n'a eu d'autre inter- 
vention que de constater son décès. Immédia- 
temment, l'administration pénitentiaire pare de 
«mort naturelles. Ce n'est que lors du rassermnble- 
ment des familles, le jeudi suivant, que la ques- 
tion dela causalité entre l'utilisation dés gaz et le 
décès a été posée à la presse. Depuis, il semble- 
rait qu'une enquête soit en route. On verra bien 
les résultats, en tout cas Passe Muraille ne man- 
quera pas d'y être attentif. En ce qui concerne 
les biessés, d'après les témoignages des familles 
revenant de la visite, il Semble bién que TOUS les 
détenus (sauf ceux de l'aile À qui n'a pas bougé) 
aient été tabassés, qu'ils aient participés ou non à 
l'émeute. Et quand je dis tabassés, cela n'a rien à 
voir. avec ce qui se passe parfois dans une mani- 
festation de rue. Ce sont des machoires cas- 
sées, des bras cassés. Imaginez les scènes de 
ratonnades qui ont.eu lieu dans ces murs, à l'abri 
de tout témoignage journalistique. et puis de 
toute façon, «ce ne sont que.des taulards»... La 
violence des flics s'explique aussi, peut-être, par 
le fait qu'ils ont dû s’y reprendre à deux fois pour 
investir la prison de Saint-Gilles. Ils ont compris 
qu'à cette occasion, ils sont passés à un cheveu 
d'une véritable catastrophe, pour eux. Cette 
panique de perdre tout contrôle de.la situation 
explique sans doute la brutalité de la 
répression. elle ne l'excuse certainement pas. 
Sans parler des relations pour le moins bizarres 
qui existaient entre les policiers communauxet 
les gendarmes, les deuxièmes mettant systéma- 
tiquement à l'écart les premiers, ne les trouvant 
pas. assez «efficaces». 


AL: Une fois la situation reprise en main, et de 
quelle façon, il a bien fallu revivre dans ce qui 
restalt des locaux. Comment s’est passé 
cette reprise”? 


Lolita: Entre la matraque et la carotte. La matra- 
que d'abord, avec la présence permanente et en 
masse de la gendarmerie au sein de la prison: 
devant les cellules, dans les couloirs, accompa- 
gnant . jusqu'aux distributions de nourriture. 
Jusqu'aux visites, où derrière chaque cabine, il y 
avait un gendarme. Dans ce climat d'écrasement 
par la force, les détenus se sont retrouvés 
jusqu'a cinq ou six dans des cellules prévues 
pour une personne, avec unseul matelas et l'obli- 
gation de choisir entre dormir par terre (quand il 


| n'y restait pas d'eau) et se relayer par tournante 


pour dormir. Les conditions déja dégueulasses 
avant se sont encore aggravées, et Cela a duré 


pendant les six jours qui suivirent l'émeute: pas 
de'vétements de rechange, pas d'eau, tous les | 
effets personnels retirés, quand ils n'avaient pas | 
tout simplement été volés soit par les flics pen- ! 


dent la mutinerie, soit par d'autres détenus. Du 
côté de la carotte, ce sont d'abord des libérations 
en plus grand nombre que de normal, des dos- 


- Siérs clos plus rapidement, une légèrs améliora- 


tion de la nourriture... L'annonce de l'attribution 
de nouveaux crédits pour la rénovation, celle de 
la construction d'uné nouvelle prison dans la ban- 
lieue bruxelloise, ainsi que l'accélération de 
l'étude de projets de lois tel celui sur le détention 
préventive et sur les peines de remplacement. 
Tout se passe comme si, avant frôlé la catastro- 
phe de peu, on se mettait du côté des autorités à 
prendre enfin au sérieux ce que Passe Muraille 
(avec beaucoup d’autres: le CADIP, la Ligue des 
Droits de l'Homme...) ne cessent de dénoncer 
depuis des années. Avec les détenus, les autori- 
tés, tout en faisant étalage (plus qu'il n'en faut) de 
leurs forces brutales semblent essayer de les 
apaiser en leur donnant un peu mieux à bouffer … 
et en vidant les cellules de leur trop plein. 


AL: Est-ce que pendant ou après les mutine- 
ries, les détenus vous ont fait parvenir un 
cahier de revendications précis ou celles-ci 
demeurent-elles relativement diffuses.… 








Lolita: Non, nous n'avons pas connaissance à ce 
jour d'un cahier de revendications précis, si ce 
n'est que ces revendications sont toujours les 
mêmes depuis des années. Ce sont toujours les 
mêmes problèmes non réglés qui reviennent à la 
surface à chaque mouvement. D'abord, et en 
premier, les conditions d'hygiène: la surpopula- 
tion des cellules, l'obligation de se servir à plu- 
sieurs d'un seau vidé (parfois même pas rincé) 
une fois seulement toutes les 24h00, l'obligation 
de se démérder avec une cruche d'eau (tiède) 
par jour avec le choix ëntre se laver ou laver ses 
vétements, le renouvellement trop rare (parfois 
tous les 15 jours) dés draps et des sous- 
vêtements... Ensuite, la qualité (c'est presque un 
jeu de mot} de la nourriture. Nous avons plusieurs 
fois à Passe Muraille relayé des lettres qui par- 
laient de nourriture avariée, pourrie, grignotée 
par les rats (ça n'est pas du cinémal).. Sans par- 
ler des relations, souvent difficiles avec les gar- 
diens: les brimades, les réflexions racistes en 
pagaille, le fait d'être traité en permanence 
comme un merde, où moins encore. 


AL: A l’instar des révoltes des années 70, on 
n’a pas ou peu entendu de revendications 
tenant de la libre organisation des détenus, en 
syndicat par exemple. Une association auto- 
nome qui puisse négocier directement, en 
représentant les détenus, face aux autorités. 
N'a-t-on pas fait là un pas en arrière dans la 
cpAgEense de groupe de la population carcé- 
rale.… 

Lolita: Il faut bien dire que dès qu'un détenu, 
aujourd'hui, émet la moindre revendication, il est 
tout de suite sujet à des représailles: on le 
change d’aile ou carrément de prison, on lui sup- 
prime son boulot, on essaye de l'isoler des 
autres détenus... Cela ne facilite pas (c'est le 
moins que l'on puisse dire) les possibilités de 
construire une association stable et durable au 
sein des prisons. Le plus urgent maintenant, et 
c'est ce à quoi s'attache le collectif Passe 
Muraille, c'est d'étudier à fond les règlements 
internes des prisons afin que tous les détenus 
sachent les droits que ceux-ci leur donnent et 
que trop souvent ils ignorent. Prenons un exem- 
ple: trop souvent, suite à l'une ou l'autre anicro- 
che, un détenu se voit privé de visite, de courrier 
ou de cantine. Cela n'est absolument pas auto- 
risé par le règlement qui prévoit que, dans le cas 
précis de la visite, celle-ci ne peut être suppri- 
mée que quand la «faute» a été commise directe- 
ment à la visite. Aujourd'hui, trop souvent, le 
détenu accepte ces punitions sans broncher 
alors qu'elles sont illégales aux yeux dudit règle- 
ment. Nous en sommes encore à la préhistoire au 
niveau des prisons. Pas encore à imaginer une 
association, mais plutôt à mettre en œuvre les 
conditions qui pourraient amener à la naissance 
de celle-ci: d'abord connaître ses droits, tous ses 
droits, et surtout à les utiliser. Nous devons créer 
un rapport de force qui rende possible l'utilisation 
sans peur de ces droits. C'est à cela que s'atta- 
chera Passe Muraille dans les prochains mois. 


AL: Pour terminer, on pourrait peut-être évo- 
quer la dernière trouvaille de nos Dupont- 
Dupond de la BSR, qui après mouites 
réflexions nous sortent la thèse du «complot» 
pour expliquer les mutineries de septembre... 
Lolita: Mais oui, mais c'est bien sûr! || y a quel- 
ques jours, Michel Cheval et moi-même avons 
été convoqués à la BSR (ce qui nous change des 
locaux de la PJ) pour y être interrogés sur un 
mystérieux «mot de passer que nous aurions 
donné à l'antenne de Passe Muraille et qui aurait 
(quelle blague) d'un coup de baguette magique 
(ou maléfique) déclenché tous les événements. 
En ce qui concerne ce fameux mot de passe, il 
s'agirait d'un morceau musical, «Sors tes griffes» 
du groupe Trust, que nous passons régulière- 
ment depuis le début de l'émission. C'est bien 
dans la lignée de tout ce qui a précédé. Ils ne se 
rendent pas encore compte qu'il ne faut pas de 
complot pour que cela pète dans les taules, le 
seul mot de passe qui a tout déclenché étant, et 
à suffisance, les conditions dégueulasses dans 
lesquelles on laisse pourrir des prévenus consi- 
dérés par la loi (mais si, mais si...) comme inno- 
cents jusqu'au rendu du jugement de leur pro- 
cès. Comme on l'a vu plus haut, pour des déte- 
nus, se mutiner, c'est à coup sûr être certain d'en 
prendre plein la gueule. Alors, même si Passe 
Muraille dansait sur sa tête pour forcer des évé- 
nements, sachez que les détenus nous enver- 
raient gentiment promener, comme lil l'ont déja 
fait d’ailleurs. C'est ce qui donne également toute 
leur force aux mutineries qui sé sont déroulées 
au début de ce mois de septembre: les révoltes 
de la dignité. 





Propos recueillis par Babar 
le 29 septembre 1987 


un son 
différent 


Étoile 
air libre 
fm 107.6 


ALTERNATIVE LIBERTAIRE *%k ASBL 22MARS - N° 93 - OCTOBRE 87 - PAGE 16 


Au sommaire 
de la revue Virages: 
Spécial 
LIBERATION 


Nous y reviendrons 
en novembre, 
d'ici là bonne lecture 
CUT TRUIET I ER 
18 rue de la Sablonnière 
1000 Bruxelles 
LP PATATE 





Comme dirait l’autre, la présence 
d'un mouvement sacial ne 5e 
laisse pas percevoir par Îles 
déclarations des acteurs réels ou 
supposés. Les appels à la consti- 
tution d’un mouvement social 
pourralent bien masquer le vide 
du projet ou l'inconsistance 
d’une lutte qui ne sait pas dési- 
gner ses adversaires. {[nversé- 
ment, des pratiques qui ne 
s’autoproclament pas «alternati- 
ves» pourraient bien se révéler 
porteuses de ruptures et de 
changements. 


Pour le sociologue français Alain Tou- 
raine, le nouvel acteur social (celui de 
la société post-industrielle émergente) 
peut être défini comme pluriel: mouve- 
ments féministes, écologistes, régiona- 
listes, associations de consormmateurs 
et d'usagers des équipements collec- 
tifs (transport, santé...), groupements 
de promotion des minorités ethniques 
et sexuelles. soit au total un ensemble 
aux frontières encore floues orienté 
vers ce que l'on peut appeler «la 
défense et la promotion de la qualité de 
la vie», Ce nouvel acteur est encore un 
acteur virtuel, un quasi acteur éclaté en 
de multiples «groupes» ne se vivant 
généralement pas comme partie pre- 
nante d'un nouveau mouvement social. 
Réflexion stimulante lorsqu'elles permet 
de donner un caractère historique à 
des rencontres comme celle du 23 mai 
derniër à Bruxelles, vers la tenue des 
Etats Généraux du Mouvement 
Associatif/Alternatif. 

Pour. Touraine, un mouvement social 
mérite son nom à partir du moment où 
les groupes concrets qui le composent 
peuvent, verbalement et dans les faits, 
répondre aux trois questions suivantes. 
Qui sommes-nous ? Principe d'identité 
qui doit être dégagé de l'analyse et non 
être le résultat d'une comptabilité pour 
laquellé on raclerait les fonds de tiroirs 
de la contestation et. du “refus. 
L'analyse marxiste a ceci de fort qu'elle 
définit le prolétariat comme acteur 
social, non à partir de ses conditions 
matérielles de vie (changeantes selon 
les lieux et selon les époques), ni à par- 
tr de l'énumération de catégories pro- 
fessionnellés particulières; mais à partir 
de la position occupée dans un procès 
de travail qui est aussi un rapport de 
force. 

Qui est l'adversaire ? Principe d'oppo- 
sition. Pour qu'un mouvement social 
soit effectif, il faut qu'il puisse désigner 
son adversaire en. termes strictement 
sociaux. Pas comme les premières 
révoltes ouvrières qui attribuaient à la 
machine les vices du patronat (d'autres 
en veulent aujourd'hui aux 
ordinateurs...), ni comme un mouve- 
ment strictement (contre-)culturel qui 
noie les responsabilités et les acteurs 
en conflit dans la condamnation .géné- 
rale du «système» ou de la «civilisation 
industrielle et.occidentale». 

Quel est le projet ? Principe. de tota- 


alternative 
libertaire 
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pour être présents dans ce 
avant le 20 du mois 


écrivez-nous 


tte rubrique 








cour 








à propos'de la première rencontre verstla tenue-des états généraux du mouvement associatif/alternatif… 


un lieu de repli ou un avant- 
poste de la société de demain. 


lité. Quel est l'enjeu commun aux 
acteurs en conflit? Ainsi, l'industrialisa- 
tion a représenté un profil d'avenir, un 
modèle sociétal général exprimé sous 
forme utopique tant par le monde de 
l'entreprise que par celui du travail. N'y 
a eu coexistence à un moment donné 
de deux projets différents de société 
prétendant chacun à l'exclusivité. Avec 
comme enjeu de la lutte le contrôle des 
moyens de production. 

Le 23 mai dernier, ces trois questions 
ont été clairement posées par les inter- 
venants eux-mêmes. C'est à la clarté 
des réponses fournies que l'on peut 
juger de l’état de conscience et de réa- 
lité d'un mouvement social encore vir- 
tuel à ce stade-ci. 

Qui sommes-nous ? Au delà des for- 
mes particulières d'organisation, 
d'expression et d'action, y a-t-il des 
dénominateurs communs aux diverses 
associations ? Les pratiques alternati- 
ves, c'est qui, c'est quoi? Partagent- 
elles des valeurs communes? Au vu 
des premiers signataires de l'appel, 
surtout actifs dans des domaines 
comme la communication, la formation 
permanente, la santé, la défense des 
minorités, ne peut-on dire que «l'alter- 
natives a quitté le monde du travail et 
de l'industrie pour investir les espaces 
culturels ethors travail? La consomma- 
tion (au sens le plus large: d'équipe- 
ments collectifs, d'éducation, cultu- 
relle..….) deviendrait ainsi davantage que 
la production le lieu où s'amorce le con- 
flit. Est-ce que la prophétie tourai- 
nienne trouve ainsi un début d'accom- 
plissement? «La formation de classes 
sociales et d'une action de classe a 
plus de chances de se produire dans 
les secteurs où la contradiction 
équipements-consommaäteurs et où 
l'opacité créée par la technocratie se 
manifestent le plus directement», c'est- 
à-dire au cœur des grands ensembles 
organisés de production et de déci- 
sion, ainsi que dans les lieux où la con- 
frontation. technocrates/consomma- 
teurs est directe (santé, éducation, 
organisation de l'espace..). La lutte 
contre le profit cède le pas à une lutte 
pour le contrôle de l'information et, par 
delà, pour le contrôle du changement 
par une mise en cause des processus 
décisionnels {in «La société post- 
industrielle: anciennes et nouvelles 
classes sociales). 

Ne voit-on pas dès lors apparaître à la 
pointe du combat les individus frontière 
entre le technocrate et le consomma- 
teur, ceux dont l'autonomie professio- 
nelle.est en conflit. latent avec les 
valeurs de rationalité des organisations, 
particulièrement lorsque leur travail 
vise la capacité de production de 
l'homme (enseignement, santé). Selon 
Touraine, cette élite d'opposition doit 
former l'avant-garde du nouveau mou- 
vement revendicatif, mobiliser les 
usagers/consommateurs,. les commu- 
nautés menacées dans leur mode de 
vie et leur environnement, les travail- 
leurs âgés ou «déclassés». 


quel principe ? 
Toujours est-il qu'à l'heure actuelle, il 
est plus facile d'identifier le public du 
nouveau mouvement social par son 
projet que par son état où son statut. 
Ou alors, il nous faut trouver une nour- 
velle typologie pour suppléer celle qui a 
été exclusivement pensée en fonction 
de l’entreprise capitaliste. Quel est le 
principe qui définit d'encore hypothéti- 
ques «nouvelles classes sociales» et 
donne ainsi sa raison d'être à un mou- 
vement social qui n'est plus, ou plus 
seulement, le mouvement ouvrier? 

il faut aussi répondre au défi, où 
l'anonymat est devenu'une condition 
de communication (avec en‘contrepar- 





tie un système de reconnaissance 
basé sur le show et le ldok). Quelle 
action collective dans une société en 
partie détérritorialisée? Dans une 
société industrielle typique, le dévelop- 
pement des alternatives s'appuie sur la 
proximité physique des ouvriers (par 
exemple: le rôle de l'usine pour le 
développement d'une conscience soli- 
daire). Dans une société où les diffé- 
rentes catégories sociales ne sont plus 
tant liées à un espace spécifique; où se 
multiplient les mass-médias ét où se 
valorise une individualisation des choix, 
l'émergence d'alternatives collectives 
devra se faire à travers des groupes 
concrets qui ne partagent pas en per- 
manence le mème espace et qui, de ce 
fait, peuvent avoir une visibilité sociale 
moindre. Les groupes de contestation 
sont de moins en moins eprimaires», 
d'où une nouvelle définition des modali- 
tés de l'action collective. 


Qui est l'ennemi? Posée explicite- 
ment, cette question a suscité des 
réponses les plus diverses: Je capita- 
lisme, les banques, l'état, les mutina- 
tlonales, la Société Industrielle, l'impé- 
r'alisme, més propres schémas cultu- 
rels dont il s'agit.de me libérer. C'est à 
ce niveau que s'exprime lé désarroi 
d'une volonté rnilitante qui ne sait iden- 
tifier des adversaires concrets et ne 
peut donc que difficilement se lancer 
dans une action de longue haleine. Se 
pose à nouveau la question de la visua- 
lisation. des positions antagoniques 
dans une société caractérisée par la 
multiplicité des rôles et des apparte- 
nuances des individus 


le projet 


Les intervenants du 23 mai vont volon- 
tier parler de leurs expériences particu- 
lières, de leurs objectifs. Ils vont affir- 
mer que l'alternative globale n'est que 
la résultante de multiples alternatives 
locales, concrètes, à partir des domai- 
nes sur lesquels chacun a prise: le tra- 
vail, la consommation, l'habitat, l'éduca- 
tion. L'utopie sera affirmée comme une 
réunification des contraires: pour un 
socialisme non-bureaucratique, pour 
l'autonomie dans la solidarité, pour une 
production sans pollution. De la diffi- 
culté aussi pour des groupes alternatifs 
qui se définissent quasi exclusivement 
en termes d'eautrements, de «mieux», 
dé «plus», de définir un projet global qui 
puisse prétendre à laglobalité.. 


autogestion 


Tranchant avec cette diversité, l'unani- 
mité va se faire sur thème de l'autoges- 
tion ou de la «gestion collectivex. Avec 
une ambiguïté non levée : l'autogestion 
comme mode de fonctionnement 
interne ou comme revendication face 
aux différents pouvoirs? Les deux bien 
sûr! D'un point de vue théorique, 
l'autogestion apparaît comme centrale 
en cela qu'elle assume à la fois le con- 
flit de la société industrielle (celui de la 
propriété des moyens de production) 
etle conflit décrit par Touraine comme 
celui de. la.société post-industrielle 
(celui des rapports d'autorité et de la 
maîtrisé du éhangement). Contrôle de 
sa production et partage de l'informa- 
tion. La pratique autogestionnaire (ou 
de gestion collective) renvoie aussi au 
thème de l'aliénation comprise comme 
non-maiîtrise des finalités de la produc- 
tion. 


Alors, le mouvement associatif/alter- 
natif? Une armée de soldats aux unifor- 
mes hétéroclites, à la cause mal définie 
et face à un ennémi insaisissable? La 
campagne promet en tout cas d'être 
longue. Il faut bien commencer par 
creuser les tranchées, n'est-ce pas? À 





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moins que ce ne soit déja le tombeau 
d'une troupe en débandade. 


marx ou touraine ? 


Parallèlement à la difficulté de formuler 
le projet et d'identifier l'adversaire, on 
peut constater une référence forte aux 
thèmes marxistes et prolétariens: «lutte 
de classes, capital, bourgeoisie...» Au 
niveau du lexique employé, émergeait 
l'image souvent décrite comme appar- 
tenant au 19* siècle de «deux classes 
fondamentales aux intérêts contradic- 
toires». Mise en relation avec le carac- 
tère pluriel et la position sociale des 
intervenants (qui à une ou deux excep- 
tions près n'appartenaient nullement au 
monde de l'entreprise industrielle), 
cette représentation à contre temps 
illustre la difficulté d'élaborer une nou- 
velle théorie de l'action contestatrice à 
une époque qui, à bien des égards, est 
plus proche que jamais du «capitalisme 
sauvage». La lutte des classes est loin 
d'être derrière nous. L'âge d'or de la 
société industrielle, si. On ne peut 
pourtant déja parler d'une société post- 
industrielle, d'où la difficulté d'imaginer 
un nouveau système de référence. De 
ce point de vue, les pratiques patrone- 
les actuelles, et plus généralement le 
néo-libéralisme, ne trouvent-elles pas 
leur vigueur dans l'exploitation de cette 
ambiguïté, justifiant l'archaïsme par la 
modernité, la régression par la muta- 
tion. Le néo-libéralisme: une idéologie 
de repli. 

Dans le débat, 23 mai. En contraste 
avec les interventions tätonnantes qui 
l'ont précédé, un ouvrier de Seraing 
réaffirme la centralité et l'actualité de la 
lutte dans l'entreprise, celle qui oppose 
l'ouvrier à son patron. Les fleurs et les 
petits oiseaux, c'est bien joli, mais 
l'usine. Frisson dans le public, appro- 
bation générale, gratitude. Comme l'a 
dit le monsieur de Seraing. 

Pourtant, le nouveau mouvement 
social, s'il a l'ambition de jouer ce rôle, 
peut-il se satisfaire des outils concep- 
tuels élaborés au 19° siècle durant 
l'industrialisation? Si ta lutte pour le 
contrôle des moyens de production 
est, ou reste centrale, pourquoi se 
fourvoyer dans ces chemins de tra- 
verse que sont alors la contre-culture, 
le féminisme, l'écologie. 


lieu de repli? 


Si ces groupes prétendent être partie 


prenante d'un nouveau mouvement 
social, it leur faut définir leur identité, 
leur projet et leurs adversaires propres. 
Sinon, la scène associative/alternative 
risque fort de. n'être que le lieu où se 
gère l'écart entre l'utopie et la réalité 
fuyante, un endroit où la radicalité choi- 
sie rejoint la marginalité subie. Le dis- 
cours sur l'autogestion, loin d'être une 
force de changement, serait alors une 
compensation mythique à l'exclusion 
de toute participation effective. La cha- 
leur des relations immédiates au sein 
de groupes confidentiels l'emporterait 
sur la volonté et la capacité de modifier 
les rapports sociaux. L'idéclogie du 
refus l'emporterait sur le projet. 


ambiguïté. 

Dans une société duale, les alternati- 
ves deviennent plus nécessaires que 
jamais. Elles sont aussi plus ambigües 
(parce qu'avant des significations diffé- 
rentes pour ceux qui y participent). 
Lieu de repli ou lieu de projet? Michel 
Voisin, dans une étude sur les commur- 
nautés en Belgique francophone souli- 
gne la transaction muette qui s'accom- 
plit entre le prophète (lé fondateur his- 
torique, l& thérapeute...] et ses disci- 
ples” (les membres du groupe, les 
patients..). Du sens (celui que fournit 
le prophète) contre la légitimité (celle 
de disposer d'un public). L'alternative 
acquiert une nouvelle signification dans 
une société duale où elle ne peut se 
suffire de a différence, mais doit aussi 
faire la preuve de son excellence (maf- 
frise des. exigences implicites à partir 
desquelles l'alternative sera reconnue 
comme telle et pas comme un «n'im- 
porte quoix. 

«Reconnu autre»: dans une société qui 
exclut et oublie, le premier terme 
devient au moins aussi problématique 
que le deuxième. Est-ce là le sens de 
cette volonté partagée par un nombre 
croissant d'associations (reposant sur 
le bénévolat) de se professionaliser 
pour.«rester dans le coup» et être cré- 
dible (cfr par exemple l'actuel débat sur 
l'introduction du marketing dans les 
Magasins du Monde OXFAM). Entre le 
décrochage et l'aliénation, le chemin 
est étroit. 


et Si... 

Et si la vocation première des associa- 
tions était d'associer? Si loin d'être une 
faiblesse, cette densité humaine était la 
raison d'être même de nombreux grou- 
pes altérnatifs dans une société 
décharnée, structure destructurante? 
Et si le désir unanime de gestion collec- 
tive était aussi un désir d'être ensem- 
ble? Littéralément, de faire du social. 
Un social plein, qui n'implique plus des 
individus schizophrènes, ni des indivi- 
dus à tiroirs, des individus ayant à choi- 
sir le code adéquat pour communiquer. 
La revanche du village sur la mégalo- 
pole industrielle. Alors, peut-être, on 
aurait tort de s'interroger sur les condi- 
tions d'effectivité d'un mouvement 
social, sur celles qui permettraient de 
muer.un village sympathique en ville 
efficace. La scène associative/alter- 
native n'est-elle pas avant tout la chair 
sur les os, un tissu de relations, un 
réseau, la vie même faîte de poignées 
de mains et de solidarité? Ne voit-on 
pas déja, la foule se faire plus nom- 
breuse au pied des tours bientôt ren- 
dues caduques du World Trade Cen- 
ter, y installant $es tentes en cercle et 
allumant un feu, tandis que des gosses 
font voler en éclat les vitres opaques 

de l'indifférence? 
+ Abraham Franssen 
4 rue des Blancs-Chevaux 
1348 Louvain-La-Neuve 
Tél.: 010/45.27.93 









tiative pour 






















nière à 1000 Bruxelles. 







nous le 17 octobre. 


associatiflalternatif, 





[1 # 3 3 

une foire et trois forums... 
Dans la foulée de la première rencontre du 23 mai 87, le Collectif d’ini- 
| la tenue des Etats généraux du Mouvement 
Associatif/Alternatif appelle à un grand rassembiement pour le prin- 
temps 88, la foire aux alternatives. Le temps d’une fête se tiendront des 
forums ouverts au public, mais surtout, se sera l’occasion pour les alter- 
natifs de mettre en vitrine leurs réalisations et leurs ambitions, leurs 
revendications et leurs interrogations. 

D'ici-là, le Collectif vous invite à des forums mensuels qui devraient per- 
mettre d'approfondir les acquis du 23 mai. Des réunions à thème: le 17 
octobre sur la communication et les médias alternatifs, le 14 novembre 
sur l'éducation, et le 12 décembre sur les combats démocratiques. 
D’autres débats sont d’orss et déja prévus pour Fannée 1988: les pro- 
ductions alternatives, les exclusions, la coopération au développement, 
les expressions artistiques alternatives... Tous ces débats se déroule- 
ront donc le Samedi après-midi, à 14h30, au 18 de {a rue de la Sablon- 


Samedi 17 octobre: la communication et les médias alternatifs! 

Chacun développe une multitude de moyens pour informer, pour s'informer, 
partager ou confronter des idées, se faire entendre, promouvoir son action, 
sensibiliser l'opinion publique, coordonner un projet. La panoplie de ces 
outils indispensables aux associations est multiple: contacts personnels, 
journaux, affiches, revues, affiches, communiqués de presse, émissions de 
radio libre : (v,-Vidéo, interventions théâtrales, expositions, conférences, réu- 
nions, feuilles de liaison... Nous sommes tous tentés d'utiliser l'un plus que 
l'autre, mais quels en sont l'efficacité, les enjeux, les dangers, les coûts. 
Des expériences originales sont vivantes, partout. Venez en discuter avec 


Collectif d'initiative pour la tenue des Etats généraux du Mouvement 
66 rue d’Espagne à 1060 Bruxelles. 



























































Tél.: 
02/537.49.58 












lire et écrire 

À Bruxelles, beaucoup d'aduites ne savent 
pas -ou pas suffisamment lire et écrire. Si 
vous connaissez des personnes dans cette 
situation, il est fort important de les informer 
de l'existence de cours d'alphabétisation, 
accessibles à tous, organisés gratuitement, 
en journée et/ou en soirée, de façon délo- 
calisée pour faciliter l'accès géographique 
et culturel. Par ailleurs, il manque encore 
des formateurs bénévoles prêts à donner 
des cours d'alphabétisation. Renseigne- 
ments: Coordination Lire et Ecrire Tél.: 
02/523.20.35. 


rase campagne 

À côté de la sgrande presse», les périodi- 
ques régionaux ét locaux constituent une 
richesse certaine et une source d'informa- 
tions imbattable. C'est là que l'on découvre 
ce que dédaignent les quotidiens et hebdo- 
madaires nationaux. Et ces publications 
sont, la plupart du tenps, l'œuvre de béné- 
voles animés d'un ardent désir de faire con- 
neître ce qui leur tient à cœur. «Rase cem- 
pagnes nous est arrivé à la fin du printemps. 
Le Centre de Coopération cultureile Régio- 
nal, de Beaumont, {(CIRAC] nous l'annonce 
trimestriel. Son format est résolument origi- 
nal. Son objectif: faire. campagne pour 
l'action cuturelle en milieu rural. C'est d'ail- 
leurs le but poursuivi depuis toujours et 
avec vaillance par le CIRAC. Une revue de 
presse touffue épinglant une série d'articles 
concernant la Wallonig des campagnes. Et 
le «journal d'un colloque» intitulé «Quel ave- 
nir culturel pour le Rural’. Rase campe- 
gne, 4 rus M. Tonglet à 6570 Beaumont. 
Tél. 071/58.92.05. 


ils sont du prl 

Sept arrestations dans ce qu'il est convenu 
d'appeler l'affaire Bauloye, du nom de cet 
homme d'affaires de Limal impliqué dans 
une éscroquerie de plusieurs centaines de 
millions. Sans doute, l'enquête n'est-elle 
pas terminée, mais soulignons que deux 
attachés de cabinet du ministre de la 
Défense nationale de Donnéa, les sieurs 
Gillard et Bruyr ont été arrêtés. Cela pue 
l'escroquerie, la corruption, l'établissement 
et l'utilisation de faux, le détournement de 
documents secrets de la défense nationale, 
la distribution de pots de vin. Gillard et Bruyr 
son des cadres importants du PAL (le parti 
de Monsieur Gol) et de quelques-uns de 
ses rouages. ll semble que sont entrés en 
jeux des société bidons qui recueillent des 
fonds pour financer le PRL. Nous ätten- 
drons pour voir. Déjà il y à quelques mois, 


des personnalités de premier plan du PRL | 
et du PVV avaient été impliqué dans la ban- | 
aqueroute de la société anversoise Kirs- 


chen. Faut-il dire que nous ne sommes pas 
étonnés du tout, pas plus que nous n'avons 
été étonnés de la condamnation il y a quel- 
ques mois pour fraudes fiscales de l'ancien 
ministre PSC Paul Van den Boynants…. 
PCUP Info, BP 194, 1060 Bruxeliés. 








ALTERNATIVE LIBERTAIRE % ASBL 22 MARS - 


DELSIN : COÛT 


pour être présents dans cette rubrique 
à, 











ce n’est pas tous les jours 
joyeux d’être gay... 





Je voudrais te parler de choses et 
d’autres, faire passer quelque 
chose comme l’on dit. Je com- 
mence. 

Nous étions, nous sommes 
encore, plusieurs à vouloir. 

Dire des mots 

comme d’autres 

posent des bombes 

Poser des actes 

comme d’autres 

posent tout court. 

C'était le temps, pas encore révolu, où 
Bernard Henri Lévy écrivait n'importe 
quoi. Où la Belgique se confiait de nou- 
veau aux mMmatraqueurs et où nous- 
mêmes étions fières de nos masturba- 
tions littéraires. Nous aimions autant la 
frime que la rime. 

Moi, je voulais écrire des choses univer- 
selles et pathétiques du genre: ceux qui 
ont la foi, que ce soit en Dieu, en la 
science, en leur destin ou en quoi que 
ce soit d'autre, ceux-là sont heureux, 
car à toutes leurs questions, il existe 
une réponse toute faite. Le cas 


| échéant, leur foi a tôt fait de leur en 


fabriquer une. Mais tous ceux qui 
comme moi n'ont même pas foi en eux- 
mêmes, ceux-là sont éternellement aux 
prises avec la misère de l'esprit et le 
doute de l'Etre. 

Le plus étrange(r) d'entre nous était un 
vieil adolescent qui toutes les nuïts, écri- 
vait une page qu'il intitutait: le Noir et le 
Blanc comme les deux nuances de la 
Transparence. Les désilusions et 
l'alcool lui donnaient l'air éternellement 
fatiqué et mélancolique. Un soir, où 
comme à son habitude, il était triste, il 


ni dieu ni maître... 

Au-delà de cette limite. Alternative Liber- 
taire exprime-til une opinion propre? 
Défend-t-il un courant de pensée original? À 
priori, on pourrait croire qu'ÂL procède par 
suggestions, qu'il se veut au-dessus de la 
mèlée, un cérrefour d'opinions libertaires. 


| Pourtant, il faut choisir les articles: certai- 


nes options sont privilégiées, parfois les 
sujéts sont traités avec réticence, avertis- 
sements et commentaires -superflus?- 
(sympathisants CCC, partisans des missi- 
les). Quels sont les limites d'AL, voire ses 
interdits ? On n'en sait rien en définitive, car 
entre les citations/posters et les 
articies/avertissements, il y a uné série 
d'extraits de presse et d'articles présentés 
de manière beaucoup plus molle. li n'y a 
plus d'idées? Faites-vous une opinion 
d'après vos expériences personnelles! … 
Le social prend le relais. Or, les gens qui 
s'expriment dans AL ne sont pas unique- 
ment ceux qui réjéttéent la société de la 
façon la plus implacable et la part person- 
nelle de l'article ou du récit sauthentique» 
est autoconfisquée par les médiateurs 
(l'assistant social, l'écolo apprenti politicien, 
l'enseignant...) qu'ils sont par ailleurs. Bref, 


| on fait du social. .… nini peau de chagrin. 


AL n'est donc ni ouvertement engagé, ni 
brutalement transparent. Au départ, ce qui 
m'intéressait, c'était le mot libertaire: la gan- 
grène du pouvoir (Ni Dieu Ni Maître). À l'arri- 
vée, ÀL semble chercher des justifications 
scientifiques (voir l'article d'A. Jacquard) 
comme un petit journal nazillon. A. (lettre 
non-signés). 


donner mon avis. 

Donner mon avis sur AL, je l'ai déja fait il y a 
quelques mois. Je ne vals donc pas me 
répéter. Autour de moi, on apprécie plutôt 
bien Alternative Libertaire, qui ést consi- 
déré comme un journal qui aborde vraiment 
à fond les problèmes les plus importants. 
Certains anars liégecis n'ont pas accepté 
favorablement le numéro qui a précédé les 
dernières élections législatives. Si je me 
souviens bien, vous aviez ouvert le débat 
en donnant la parolé à plusieurs opinions : 
pourquoi je ne voterai pas, pourquoi je vote 
écolo, pourquoi je vote socialiste. Le parti 
Ecolo à Liège nous a beaucoup déçus: 
coupure entre les militants écologistes de la 
base (non-affiliés au parti) et les «élus» qui 
ont maintenant un egros Cou», mainmise sur 
l'information, compromissions pas très clai- 


| res. Ce qui m'a le plus choqué, c'est leur 


pisser sur le portrait de Jean-Paul ||. Et 





écrivit sur Un bout de papier qu'il me ten- 


“Les eaux du souvenir 

ont coulé sur mon âme 

et y ont creusé 

les sions de la mélancolie 

et les érosions de l'amertume» 

Ensuite, il me parla de Jean Cocteau et 
de Jean Marais comme d'xétranges Ara- 
gon et Elsa conjugués au masculin». Ce 
fut la dernière soirée où je vis cet 
étrange et lugubre ami. Peu après il se 
fâcha et ne voulut plus me revoir parce 
que je m'étais lié à une quinquagénaire 
qu'il m'avait présentée afin qu'elle m'ini- 
tie à Sartre et à d'autres nécessités. 
Vers ceïe époque, j'ai rencontré aussi 
un jeune idéaliste qui après avoir lu Tête 
de Turc me dit: on se prend à penser 
que Baader, Meinhoff et les autres 
avaient peut-être raison de leur péter là 
gueule à tous ces requins. 

Mais non, à la réflexion, c'est plus pro- 
fond que cela. 1! faut faire plus que... Le 
jeu est truqué, ce sont les idées qu'il 
faut changer. Alors, pourquoi ne pas 
tout foutre en l'air? Ne pas leur mettre le 
nez dans leur merde? Que tout ce qu'ils 
croient dominer, diriger, avilir leur 
explose à la gueule!!! Puis il me regarda, 
l'air stupide. Je ne savais si j'allais rire ou 
pleurer. || conclut en disant :D'aileurs 
c'est le genre de type (G. Waliraff} qu'ils 
finissent un jour par descendre ou par 
détruire d'une façon où d'une autre. 
Je voulais prendre ls métro tous les 


jours et y inscrire des graffitis comme 


celui-ci: Pendant que la société s'enca- 


dre de cadres bien pavés et de matra- 


ques bien aïguisées nous cherchons la 
couleur du soleil. Et moi, j'ai vu des gens 


choix de favoriser l'électoralisme, les réali- 
sations concrètes passan 

second plan. Je sais bien que «parti politi- 
que» signifie par conséquent «démagogie», 
<hypocrisie»s, «soif ét abus de pouvoir, 
«compromissions?r, mais jé suis sidérée de 
constater à quelle vitesse un parti tout neuf, 
plein de belles idées, est tombé dans le 
pannéäu! Mais, revenons à Alternative 
Libertaire, j'estime qus le 22Mars a au 
moins deux mérites pour lesquels j'ai envie 
de vous féliciter et de vous remercier. Celui 
d'exister : ce n'est pas facile de faire vivre et 
de développer une telle iniative pendant tant 
d'années, 10 ans déjà. Et surtout, surtout, 
de publier un journal anar. C'est très impor- 
tant pour les anars isolés, comme nous 
actuellement et c'est une information effi- 
cace auprès du public en général. Carole 
Westerbeek, 65 rue D. Saimé, 4000 Liège. 


visiteuse de prison 

L'essentiel de votre dernier AL est l'affiche 
centrale «je crois que la solidarité...» et 
«Plus haut que toutes les vertus, je place 
cetté forme d'amour qu'on appelle le par- 
don...» devraient avoir une place primor- 
diale dans chaque parution. Elle est la 
synthèse de l'idéologie chrétienne qui n'a 
rien avoir avec le catholicisme. J'apprécie 
vivement le sens de cette responsabilité 
individuelle, du micro dans l'ensemble 
macro. Donnez-y uné très large place. Je 
suis mal placée pour émettre des critiques 
ou des suggestions. Je suis depuis des 
années visiteuse de prison et je vis le drame 
du manque affectif formidable, lé manque 
de formation morale fraternellé ét de par- 
don. Le manque du cœur à cœur. Je sou- 
haite que vos orientations soisnt aussi diri- 
gées vers l'amour du couple, responsable 
et protégeant l'enfant, avec la conscience 
d'en faire un être libre et responsable, et 
surtout sachant aimer sous toutes ses for- 
mes. (nom ef adresse connus de la rédac- 
tion) 


ni dieu, ni maître (bis) 

J'aimerais faire une remarque sur la lettre du 
compagnon Nicolas Semaille, parue dans 
AL n°92. Je suis d'accord qu'être anar, 
c'est ètre contre l'Eglisé : ni Dieu. Mais c'est 
aussi: ni Maître. Alors, je trouve que sé 
baser sur, et citer, Bakounine et Proudhon, 
c'est déja sombrer dans le dogmatisme. Ça, 
c'est bon pour les marxistes. De plus, quel 
est le véritable anar qui a lu Bakounine? 
Aucun. Un anar n'est pas un communiste, 





N° 93 - OCTOBRE 87 - PAGE 18 





cela m'a fait chaud au cœur. Je voulais 
être pacifiste et déclarer qu'il est facile 
de serrer les poings, d'ouvrir la gueule 
et de crier. Mais qu'il est difficile d'avan- 
cer doucement, les mains tendues, 
ouvertes, et de chanter. Que c'est là 
toute la différence entre le héros et le 
martyr. Entre le bourreau et la victime, 
entre le guerrier et le saint. 

Je ne sais plus qui a dit à propos de je 
ne sais plus quel livre qu'il fallait être PD 
pour mettre tant d'homosexuels dans un 
roman. Partant de là, je me demande si 
Dieu ne l'est pas lui aussi pour en avoir 
tant mis sur la terre. 

Je ne me plains pas même si ce n'est 
pas tous les jours joyeux d'être gay. 
Mais l’est-il plus d'être hétéro et «nor- 
mal»? 

Et le vice versa dans... la vertu. 

C'est sans rire, ni passion, que je dis 
que je ne crois pas en Dieu et que 
même s'il existait, je ne pourrai pas le 
vénérer. 

Je sais: je ne suis qu'un imposteur du 
style, qu'un usurpateur de l'écriture. 
Mon talent n'est pas un don. || n'est que 
le plagiat, plus ou moins conscient, de 
tout ce que j'ai lu, de tout ce que j'ai vu. 
Je revendique d'être un rejeton de la 
Nature et d'aimer la cité des hommes. 
Tous les jours , et depuis peu, je tisse 
un ventre autour de moi. Je m'enfostus. 
Des livres, des amis, des musiques sont 
les pierres d'ivoire de ma fatale tour con- 
tre laquelle, je n'ai ni l'envie, ni la force 
de lutter. 

Et bientôt le loyer à payer. 

Que voulez-vous cher Monsieur, c'est la 


vis | | 
+ Saïd Mouchkil 
Louvain-la-Neuve 


compagnon. || ne passe pas son temps à se 
bourrer le crâne avec une ou plusieurs 
œuvreis) d'un écrivain quel qu'il soit, il 
s'auto-éduque. Mais je n'ai rien contre le fait 
que des articles émanant des milieux chré- 
tiens soient passés dans AL. Pourtant, jé ne 
suis pas pour les «calotins» et ne le suis 
pas. Etre anar, c'est penser et fairé cé que 
l'on veut, c'est aussi accepter que les 
autresfassent et pensent comme ils l£ veu- 
tent. Alors, si des gens croient en Dieu, 
c'est leur droit. Et, si AL passe des trucs 
chrétiens, c'est son droit. Tout comme le 
compagnon Nicolas Semaille a lé droit de 
critiquer les Chrétiens. J'aimerais demander 
à AL s'il serait possible de passer plus d'arti- 
cles sur les prisons et/ou des lettres éma- 
nant de détenus cherchant des correspon- 
dants. Daniel Vérmeulen, 6/02 rue du 
Laboratoire, 6000 Charleroi 


libertaire bcbg ? 
Bon, ävant tout, je n'aime pas critiquer pour 
faire du vent, mais puisque vous le désirez, 
je vais bonc blablater, positivement, je 
l'espère. C'est bien beau les luttes et mou- 
vements pour les immigrés, contre l'apar- 
theid, pour l'avortement, les querelles de 
popottes chez lés écolos, les nouveaux 
mouvements machins et les pétitions pour 
truc, les homos libérés, les prisonniers 
incarcérés, les droits de l'homme et 
Amnesty International... tous ces articles, 
toutes ces lignées correctément alignées à 
gauche, juste un peu dans la marge, mais 
prenant attention à ne pas y tomber. Bien 
entendu, de tels problèmes doivent être 
abordés, mais dé là à en remplir tout votre 
(notre?) journal. Je sais qu'AL est le jour- 
nal de ses lecteurs, qu'il reflète la liberté 
d'expression comme aucun autre en Beilgi- 
que, qu'un tel journal est indispensable. 
Mais depuis quelques mois vous avéz tén- 
dance à verser dans le style intellectuel pro- 
gressiste qui enfonce des portes ouvertes, 
dans le genre attristé par les problèmes 
{(MEDIATISES) du monde mais ne remettant 
que rarement le véritable fond des choses 
en question... Vous lé savez ça, vous le 
vivez ce tournant, vous le voulez...? Certai- 
nement pas pour acquérir plus de lecteurs 
(me trompe-je...]. Est-ce cela la maturité 
professionnelle? Déja revenu de l'Utopie? 
Changer notre vie maintenant en oubliant le 
côté «évolutions des choses? Où sont 
passés révolte et contestation, irrespect et 
satire, articles de fond sur le fond des cho- 
ses? Où est passé l'anarchie dont vous 





Jean-Louis Bruyère 
expose ses toiles 
jusqu’au 18 octobre 87 
à la Galerie 2016 
5 av. G. Macau 1050 Bxl 





vous réclamez? À-t-alle disparu avec le plus 
en plus minuscule dibértairs+ de la couver- 
ture du journal? Peur de choper la scanda- 
lite aigue comme avec {es fameux numéro 
lors de la visite du Pape en Belgique? Est- 
ce là, la nouvelle voie des libertaires..…. la 
réforme bcbg? La main dans la main avec la 
gauche fourbe et hypocrite? L'humanisme 
cacaprout ça fait gerber, non? Maintenant, 
les suggestions. Avant tout, je souhaiterais 
qu'il y ait de nouveau plus d'articles mor- 
dant contre le système en général, contre 
ses abus, ses scandales, son fonctionne- 
ment, et pourquoi pas un peu de théorie. Il 
faudrait parter de la politique belge et inter- 
nationale, des mouvements de libération. 
Des articles sur ceux et celles qui font bou- 
ger les choses. Une rubrique sur la musique 
{en plus dé la BD qui est très bien faîte) 
engagée et alternative, Des articles de 
satire, de dérision. l'anarchie, c'est aussi 
cela. Des textes sur les peuples qui sont 
encoré plus ou moins libres (nomades, 
arborigènes...) ou du moins plus ou moins 
en dehors de la société de consommation. 
Continuez à nous faire de bonnes affiches. 
Bravo pour les pages d'Article 31. Elan 
entendu, c'est beaucoup demander, mais 
ce ne sont que des suggestions. 
Merci de m'avoir lu. Roland Duchesne 


plus d’articles de fond... 
Plus d'articles de fond sur la société de 
{con)sommation, les rouages des feuille- 
tons américains, les jeunes marginaux, la 
drogue, le sida, les homosexuels, les fem- 
mes seules, l8s vieux... J'ai beaucoup 
aimé les articles récents sur le fast-food, les 
nouveaux pauvres, les prisons, le terro- 
risme.…. Pourquoi ne pas consacrer uné par- 
tie de la revue à la contestation de tous les 
pouvoirs, surtout lorsqu'on approche des 
campagnes débiles pour les élections com- 
muhales? D. Martens. Liège. 


afrique du sud: un dirigeant 
syndical menacé de mort... 
MOSES MAYEKISO est le secrétaire géné- 
ral du Syndicat National des Travailleurs du 
Métal (NUMSA) et un des principaux diri- 
geants de la confédération syndicale 
COSATU. Agé de 38 ans, il a été licencié 
en 1979 de l'usine automobile Toyota pour 
cause d'activités syndicales. Depuis lors, il 
a été arrêté à plusieurs reprises pour les 
mêmes raisons, mais relâché chaque fois 
faute de preuves. Depuis le 14 juin 1986, il 
est, à nouveau, détenu en prison avec qua- 
tre de ses camarades, dans des circonstan- 
ces épouvantables: cellules individuelles 
sans fenêtres, isolement complet, interdic- 
tion des visites, lumière artificielle 24h00 
sur 24, brutalités répétées... Plusieurs fols 
reporté, son procès doit s'ouvrir le 19 octo- 
bre prochain et durer plusieurs mois. Moses 
Mayekiso est accusé de «haute trahison, 
Subversion et séditions pour avoir organisé 
des tournéés d'information et de récoîte 
d'argent pour le syndicat. En tant que prési- 
dent du Comité d'Action d'Alexandra (une 
des plus grande cité-dortoirs pour ouvriérs 
noirs), il est accusé aussi d'avoir pris part à 
des manifestations organisées pour dénon- 
cer les attaques fréquentes de là police 
contre les enterrements de militants noirs. 
Si ces accusations sont retenues, il risque 
d'être condamné à mort et pendu. La 
répression contre les militants syndicaux 
est un fait banal et quotidien en Afrique du 
Sud, mais c'est la première fois que le 
régime de l'apartheid s'en prend à un diri- 
geant syndical aussi connu et aussi popu- 
laire. Après les intérventions répétées de la 
police et des milices patronales contre les 
mineurs en grève (.. 10 morisl}), ce procès 
constitue uné nouvelle indication du durois- 
sement de l'attitude du gouvernement 
Botha envers le mouvement syndical. Une 
campagne de solidarité internationale à été 
lancée avec le soutien de syndicalistes ét 
parlementaires de plusieurs pays afin 
d'obtenir la libération de Moses Mayekiso et 
de ses camarades. Pour plus de renssigne- 
ments et pour obtenir la pétition rédigée à 
cette occasion, adressez-vous aux Amis 
de Moses Mayekiso, cio Jean Pelletier, 9 
rue Marexhe à 4400 Herstal. 








14° épisode 


Chiquet Mawet s’est embarquée, avec son jules 
(le Bill) et ses copains dans la lutte anti-nucléaire 
en fondant la première association belge, l'APR+- 
B. Tout en élevant son bambin, elle multiplie les 
tracts et conférences-débats qui doivent, espère- 
t-elle, faire prendre conscience à la population 
des dangers de l'atome, fussent-t-ils civils. Les 
foules cependant ne sont guère au rendez-vous. 
Nous la retrouvons coïncée lors d'une manifes- 
tation européenne, à la frontière franco-belge... 
A quelques mètres les CRS bloquent tout pas- 
se vers le pays de la Déclaration des Droits de 
"Homme... 





bons baisers, 
fleurs et crs 


On peut s'étonner aujourd'hui des mystérieuses 


dimensions qui tendaient la toile de notre univers | 
de telle sorte que nous ayons pu jouer à la vie | 
avec une confiance aussi enfantine. Face au bar- 
rage de CRS, avec dans le dos, la bonhommie | 


planquée des gendarmes belges qui nous 
auraient mmatraqués tous pareil s'ils en avaient 
reçu l'ordre, nous persistions à ignorer la vérita- 
ble nature de l'increvable Léviathan et nous nous 
ébattions dans les gags et les amours internatio- 
nales, nouées à la va-vite entre deux télégram- 
mes à Giscard et son Ministre de l'Intérieur. Le 
reste, heureux reste, encombré d'enfants sales, 
bronzés et fatigués, l'avenir quoi, avait bien le 
temps de nous attendre, souriant et maternel, on 
arrivait, à pied, géniaux, innocemment débiles. 


Le Bill, ficelé sur son dromadaire, reconnaissait le 
bled de l'cæil infaillible du quide des sables. Il se 
surpassa pour trouver à loger et à nourrir la cara- 
vane bloquée et exténuée, rien d'étonnant à ce 
qu'il füt devenu en quelques jours l'universelle 
coqueluche de la troupe, as-tu vu Michel, où est 
Michel, say it to Michel. 


Michel, c'est ainsi que les nouveaux venus 
s'adressent au BILL et pour l'archéolague préoc- 
cupé de problèmes de datation, cette dénomine- 
tion indique avec certitude une relation post- 
clopienne. Le post-clopien demeure pour moi, 
j'aime à le préciser, l'étranger, l'escapade touris- 
tique, le rnirage brûlant, les Finistères brumeux, 
dès qu'autour de moi les gens donnent au Bill du 
Michel lona comme le bras, je me sens en transit 
et réduite à l'observation silencieuse de rites aux- 
quels je n’entrave rien. Alors, de deux choses 
l'une, ou les Etrangers renoncent à leur statut et 
entrent dans la grande famille pour qui un Bill est 
un Bill, ou ils persistent dans l'exotisme et ne pas- 
sent pas la barre. En gros. À Watrelos, on n'avait 
quère le temps pour les initiations, je vivais donc 
à l'écart, avec des jumelles mentales, quel repos, 
au grand concernement succédait les congés 
payés, ave nonobstant, de ci de là, une légère 
nausée, nous ne le savions pas encore, mais des 
profondeurs du divin mystère (de la vie), Noël 
avait démarré. 


militante, je flottais dans le sillage desquels i y 
avait le plus à se marrer: le groupe d'homos, 
encarnavalés jusqu'aux moustaches ét qui ne 
cessaient de faire du temps qui passe un specta- 
cle perlé et bondissant. lis étaient malheureuse- 
ment difficilement approchables, avec ce que je 
n'ai jamais compris chez les homos mâles, un 
hostile mépris pour les femmes, comme si devant 
la dérobade de leur corps, nous devenions de 
redoutables cannibales, qu'est-ce que les hom- 
mes imaginent, ça fait un bien fou de tomber de 
temps en temps sur un congénère qui ne Sup- 
pute pas immédiatement quoi faire avec nos fes- 
ses au lieu d'écouter ce qu'on leur dit,? si Dieu 
avait été pratique, les femmes auraient dû parler 
avec leur cul, au moins, la situation aurait été 
claire. 


Les enfants partägeaient mon attirance pour eux, 
ils étaient en général plus jouettes que les 
parents et moins nerveux. Et puis, avec leur 
déguisement, on cavalait en pleine reconstitution 
historique, moi en arrière-garde pour ne pas trop 
lès effaroucher, mais en garde suffisamment rap- 
prochée pour ne pas perdre une miette de leurs 
aimables conneries. 

Malgré la bonne humeur, nos visages se tiraient. 
À glander le long des barrières Nadar en atten- 
dant que Giscard lève l'embargo, on attrappait 
soif et les jambes lourdes. Les villageois s'émour- 
valent de nos cernes et surtout de ceux des 
enfants, de temps en temps, on avait droit à un 
casier de limonades ou de bières et les sacros- 
Saints contacts informatifs se nouaient sans 
même qu'on ait essayé: -Et c'est pourquoi votre 
truc et d'où y viennent ces gens-là, y partent 
anglais, non? C'était un plaisir de laisser tomber, 
négligeant Nouvelle-Zeelande, Canada ou USA, 
du coup le nucléaire faisait boum sur la place et 
après que les caméras de la télé se soient tirées, 
les gens se hâtaient vers les chaumières, des 
fois qu'ils auraient été dans le poste avec les mar- 
cheurs. 


- on Ss'assemble, les mecs, annonça le chef pédé 
à sa bande, j'avais qu'à les suivre pour savoir où 
ça allait discuter … 

L'assemblée, vautrée sur les sacs à dos, à dis- 
tance raisonnable des CRS et du bistrot, décida 
qu'une délégation occuperait en permanence la 
route au niveau du poste frontière. L'horaire des 
relèves fut soigneusement établi, que ce ne soit 





notre feuilleton: chiquet mawet se raconte 
ou leS mémoires d'une militante antinucléaire… 3 


re Ci: ÿ TS anis 


En vous proposant, en feuilleton, le récit autobiographique de Chiquet 
Mawet, Alternative décide de faire d’une pierre deux coups. D’abord, le 
plaisir de renouer avec la vieille tradition populaire du feuilleton qui fait 
battre les cœurs. Ensuite, rafraîchir les souvenirs de ceux qui auraient 
oublié qu’il y a presque 15 ans, personne en Belgique ne savait ce 
qu'était une centrale nucléaire. Alors qu'aujourd'hui, rendons grâce 
aux écolos, ils sont rares ceux qui pensent encore que le mot «pollu- 
tion» s’emploie toujours avec l’adjectif «nocturne». 

C’est une histoire à la première personne du singulier. mais aussi sou- 
vent au pluriel. Une histoire d’amour, et de politique. Une histoire dont 
on serait heureux qu’elle ne soit que belge, mais qui est hélas univer- 
selle, comme la connerie. Ce feuilleton paraîtra sous forme de livre en 
fin de publication dans Alternative Libertaire. Dès à présent réservez-le 
en versant 400 francs au compte 001-1632181-38 des Editions 22Mars. 





| den viager pin fui | 


Parmi ceux qui allaient être de garde la nuit, les 





pas toujours les mêmes, surtout avec le temps. Il 
pleuvait un coup sur deux. Entre, les femmes tor- 
daient les vêtements et les couvertures et les fai- 
saient sècher dans les abris-bus. Nous sentions 
tous le mouillé, c'est pas bon pour le moral. 


- Il faudrait quelque chose, une diversion, répan- 
dirent les esprits responsables, ceux qui vour- 
draient toujours que ça marche, avec tout ce 
qu'on s'est déjà fait suer jusqu'ici. 





plus raisonnables se planquaient pour un somme, 
les autres se réfugiaient dans les bistrots aux 
nouvelles. Des nouvelles, il n'y en avait guère, 
Giscard dinait, la télé allait nous passer, les gen- 
darmes nous exhortaient au calme : 

- Nous, on n'a rien à voir avec les Français. C'est 
pas parce que vous avez les cheveux longs que. 
On sait rien, mais ça peut pas durer. Le ciel tira 
enfin les rideaux ét Sous un édredon de plumes 










d'oie crevé, les pulls et les cheveux se mirent à 
sécher. Dès que la lumière revient, l'âme se 
reprend à batifoler, les bistrots se vidèrent et la 
foule rappliqua au poste frontière. 


- Il faudrait quelque chose, mais quoi, persistaient 
les natures anxieuses. On tournait en rond, 
autour de nous, les enfants piétinaient, comme 
seuls ils savent le faire, la morve au nez, maman, 
je m'ennuie. Un beau petit Anglais aux yeux 
réveurs ramenait à sa mère un énorme bouquet 
de myosotis et de boutons d'or. Ce fut la pomme 
de Newton: une jeune Française, toute en 
vapeurs mauves et cascades blondes se mit à 


| trépigner : 
| - Eh, tout le monde cueille des fleurs. On fait des 


bouquets et on va les déposer aux pieds des 


| CRS! 


Un attroupement instantané salua ce coup de 
génie populaire. 

- On leur donne, pourquoi pas, frétilla une autre, 
ce sont des hommes comme les autres! Dans les 
parages, revenu de tout, croisait Le Parisien, tou- 
jours en verve de fortes conclusions. S'il n'avait 
tenu à le dire lui-même, tout lé monde aurait pu lui 
souffler qu'on se les prendrait sur la gueule avec 
la matraque en prime. 

De ces prises de position initiales naquirent deux 
écoles, difficiles à concilier: les partisans de la 
provocation pure et simple, on défile monuments 
aux morts et puis, les déconnez pas, si nous ne 
sortons pas de la logique de l'agressivité, rien ne 
changera jamais et comment construire un 
monde nouveau sur les victimes d'un si méchant 
sarçcasme, la messe recommençait, les pédés se 
tiraient, les enfants à leurs bottes et moi derrière. 


- Bon-bon, essayérent de nous clamer les pro- 


| moteurs de l'idée, tant qu'à glander, autant faire 
| la fête, rangeons-nous deux par deux et chaque 
| couple ira déposer ses fleurs dans l'esprit qu'il 


veut. La tolérance l'ermporta, mais le noyau des 
meneurs exigea de tous les conspirateurs qu'ils 
œuvrent dans la plus totale clandestinité et ne 
divulguent à personne le fin fond de l'affaire. 
Mine de rien, c'était assez coton d'aller trouver 
les autres, qui n'étaient pas dans le secret, avec 
des ordres sybillins -dis, Machin, tu cuellles dis- 
crètement des fleurs, puis tu viens te ranger là 
devant sans s'expliquer sur les finalités et pers- 
pectives d'actions, rnais la marche était compo- 
sée de militants exemplaires, qui avait déjà appris 
que les indics sont partout, surtout là où on les 
attend le moins. Is s'exécutèrent de souriante 
grâce, sans poser de questions à nos clins 
d'yeux entendus. Evidemment, cinquante per- 
sonnes qui se répandent dans les prés et se met- 
tent à jouer les Chaperons rouges, ça tire l'œil, 
les CRS bronchaient sous le harnois et les 
autochtones branlaient du chef. 


Les cueilleurs étaient tous gagnés par une fièvre 
esthétique de Geisha, mais c'était les homos et 
de loin, qui étaient les plus doués. Ils compo- 
saient des chefs d'œuvre de graminées émer- 
geant de flaques bleue et or sur friselis mauves, à 
vous couper le souffle, de vraies petites femmes 
ricanaient les hétéros, avec la légèreté qu'on 
devine. 

Sans trop se faire remarquer, ceux qui étaient en 
ordre de bouquet venaient docilement se ranger 
selon les injonctions secrètement distillées par 
les orgas, et bientôt, un corso inoubliablement 
fleuri s'étira de la ligne CRS au bistrot. 

Quand nous fûmes tous rangés et immobiles, un 
silence tendu s'abattit sur la frontière. Quoique 
nous nous soyons efforcés de cacher nos bou- 
quets derrière nous, nos attitudes coupables et 
nos appels au calme inquiétaient de plus en plus 
visiblement les CRS. Oh, ils n'auraient fait de 
nous qu'une bouchée, mais nos fous rires 
ouvraient sous leurs bottes un précipice sans 
fond. Habitués aux injures et aux jets de pierre, 
ils devaient s'attendre à une diabolique machina- 
tion waterproof et incassable à la matraque. Fixes 
jusque-là, leurs yeux se mirent à rouler dans les 
orbites de gauche à droite afin de saisir tout mou- 
vement séditieux qu'ils allaient avoir, c'était évi- 
dent, 4 mater avec une férocité d'un nouveau 
genre puisque le reste ne marcherait pas. Man- 
que de pot pour eux, nous étions du côté belge 
de la rue et, comme nous l'avons appris à cette 
occasion, il est interdit à des forces étrangères 
en uniforme de fouler le territoire national à des 
fins de répression. On sait bien que l'internatio- 
nale des flics opèrent depuis beau temps dans 
l'espace européen, mais pas en habit, le bleu 
CRS ne peut se salir qu'en France, Sinon on se 
trouve carrément devant un casus belli. 

On imagine l'affreuse situation: d'où nous étions, 
nous pouvions voir frissonner leurs épaulettes, ils 
n'en pouvaient plus de devoir refouler l'envie de 





ABONNEZ-VOUS: 600 FRS L’AN AU COMPTE 001-0536851-32! 


ALTERNATIVE LIBERTAIRE *x ASBL 22MARS - N° 93 - OCTOBRES7 - PAGE 19 


cogner et de faucher une fois pour toutes cette 
tendre moisson de chevelures ensoleillées. 


Le silence qui s'était établi se contracta soudain 
et une toute jeune fille, blonde et hâlée, dans une 
de ces longues robes vaporeuses, qui dans ces 
années-là masquaient le doux balancement des 
Corps féminins s'avança comme une gravure au 
devant de la rangée de molosses en armes. Elle 
tenait ses fleurs devant elle, comme une statue 
dans une église et quand dans un bruissement 
d'ailes, elle arriva à la hauteur du flic le plus 
médian, elle lui tendit le bouquet d'un geste si 
prévisible, si conforme à sa silhouette, à la cou- 
leur du ciel, à ses vingt ans et à notre innocence, 
que le flic, surpris dans un for intérieur vieux de 
deux mille ans, leva les mains à Son tour et le lui 
prit avec un bégayement de remerciement. 


Une bordée d'acclamations émues et de rires 
chaleureux salua cet échange que nous ressenti- 
mes comme l'impossible étreinte de la gazelle et 
du tigre. La vapeur de sourire qui s'était déposée 
sur quelques lèvres policières se dissipa aussi- 
tôt: ils n'avaient pas fait peur, donc ils avaient l'air 
con, l'insupportable offense quand on sait que si 
on est là, jambes écartées et visières abaissées, 
c'est bien sûr qu'on en est waiment un. Les 
fleurs narquoises du couple tombéèrent à leurs 
pieds et le mal-foutu, qui avait dérogé aux lois du 
genre en les serrant sur son cœur, rougit violem- 
ment et jeta son bouquet à terre. Ainsi, l'amer 
rivage, balayé par nos gracieux sortilèges ne 
s'émut plus, ni de nos révérences, ni de nos sou- 
rires, ni de nos grimaces, seules fronçérent quel- 
ques paires de sourcils quand un héros de notre 
bord, après avoir déposé son offrande sur les 
godssses d'un redoutable, alla l'y reprendre avec 
un reniflement écœuré pour la déposer dans les 
bras d'un spectateur du cru. 


Insensiblement, les homos se rapprochalent de la 
scène. |ls papotaient entre eux et redressaient 
de temps à autre leurs compositions florales d'un 
doigt connaisseur. Au centre de leur groupe, 
dominait comme d'habitude un effrayant Tartare, 
aux longues tresses de jais, aux moustaches plus 
longues encore, qui dépiaçait avec une lente 
cruauté un corps athlétique vêtu d'un tuniqué 
dorée. C'était le genre à ne jamais avoir dû subir 
le moindre sourire équivoque et sur son passage, 
la petite classe s'attelait bien Sagement à quelque 
urgence, ne retrouvant un peu de vie que 
lorsqu'il daïignait Sourire, ce qu'il faisait souvent, 
en vérité, mais les gens sont aveugles quand on 
leur retire leurs barreaux. 

lls allaient là, apparemment indifférents à ce qui 
se passait, quand tout à coup, comme un brouil- 
lard de poissons pilotes, ils se sont détachés du 
cortège et dans une explosion de rires et de 
petits cris, ils ont largué leur fleurs tout le long de 
la rangée de flics. Immobile, le grand pédé mon- 
gol, attendait légèrement en retrait. Quand ses 
copains ont reflué, il s'est ébranlé, un coquelicot 
entre les doigts, il a fondu sur le flic le plus hai- 
neux et d'un geste de suzerain l'a étreint impi- 
toyabiement avant de lui coller un de ces mons- 
trueux patins que même dans les films pornos, ils 
hésitent. 


Nous étions tous sous le choc. Comme disaient 
les plus convenables, il y en a toujours qui exagè- 
rent et c'est comme ça qu'on 4 des ennuis. Il n'y 
avait qu'à viser les gueules, côté France, pour 
comprendre ce que c'est la haine, mais nous, on 
riait, on riait, on riait tellement qu'on s'est choppé 
une dalle pas possible, le Bill appelait à la bouffe, 
ça tombait bien, on a tout planté là, les flics entre 
eux et en face, les volontaires pour le premier 
quart, les jeunes sont insouciants. 

Après avoir brouté, picolé, fait tous nos tours, on 
s'est cherché une niche pour la nuit, tous les 
chats sont gris, les CRS aussi. En passant par les 
jardins, ils ont franchi la ligne interdite et violé 
notre territoire pour tabasser férocemment les 
marcheurs de garde et surtout, ah, surtout, le 
pied, les enfants, tout fiers d'être restés avec 
leurs parents pour cet héroïque escient. lls ont 
traîné Christopher, le beau petit Anglais, par ses 
longs cheveux acajou, ils l'ont traîné sur au moins 
dix mètres avant de le lâcher au père qui battait 
l'air à l'aveuglette, sous son arcade sourcillière 
fendue, ils ont tanné les dormeurs, pris au piège 
dans leur sac de couchage, tanné les filles qui se 
sauvaient en cachant leurs seins nus, tanné les 
chiens, tanné les chats, tanné les rats. Et puis, ils 
sont retournés sous leur grand drapeau bleu- 
blanc-rouge, reprendre la pose face aux gauchis- 
tes venus du brouillard. 


Quand nous sommes accourus, réveillés par les 
hurlements, il n'y avait plus qu'à panser les bles- 
sès et bercer les sanglots des enfants. La guerre 
entre la France et la Belgique n’a cependant pas 
eu lieu, le casus belli n'avait pas eu la télé comme 
témoin. Le lendemain, le Bill ét moi, nous devions 
rentrer à Bruxelles. L'intendance était assurée et 
les Anars, de Courtrai, cette fois veillaient. Les 
marcheurs ont attendu plusieurs jours à la fron- 
tière et le gouvernement français n'a pas levé 
l'interdiction. Pour finir, ils sont passés clandesti- 
nement et un par un, ça n'intéressait plus per- 
sonné et quand ils se sont retrouvés à Paris pour 
la remise solennelle et à qui voulait bien la rece- 
voir d'une pétition comminatoire, la Télé a haussé 
les épaules. 


Une fois de plus et comme toujours, le Progrès 
triomphait, c'est terrifiant, vous pouvez vous en 
convaincre, jamais, il n'arrête sa majestueuse 
glissade au néant et quand il ralentit, c'est pour 
mieux bondir, toutes les digues virent tremplin, 
ceux qui lui résistent font cortège, quoi que nous 


tentions, l’araignée reprend inéluctablement la | 


position que lui prescrit l'instinct, dût-elle en 
périr. Savoir et ne rien pouvoir, c'est l'enfer, on 
se demande où les cathos on la tête pour perdre 
du temps à s'en tricoter Un imaginaire, y a qu'à 
laisser aller. 


excuser dans «La Gueule ouverte», la belle jambe 
qu'il nous faisait là. 

À la radio, Colette Guédeney se vautrait à n'en 
plus finir dans des clichés qui auraient fait mourir 
de rire une vache, mais certainement pas G. Wie- 
lemans, tout en confiture côté manche et crapur- 
lerie hautaine côté nous. Walter et moi, nous 
avions déjà eu l'occasion d'en tâter une fois, au 
cours d'un de ces débats à la loyauté différée, 
vous posez vos questions et objections, l’enre- 
gistrement est souris aux débateurs profession- 
nels du nucléaire ou de n'importe qu'elle entre- 
prise profitable en ce bas monde, et puis après, 
on vous arrange un beau petit montage des famil- 
les, mais voyons, Médéme, vous avez posé vos 
questions, ils z'y répondent c'est normal. 


Le vertige me prenait en écoutant ce sucre filer 
caramel. Je me suis sauvée dans l'atelier du Bill, 



















le phalus rayonnant 

La marche anti-nucléaire avait été une belle 
fiesta. Une de plus. Exténuante à organiser, exci- 
tante à vivre, éprouvante à rater. Une fatigue 
oubliée s'empara de moi dans les jours qui Suivi- 
rent. Je ne Comprenais pas, je ne calculais plus, 
tout allait de travers. Pressé et peu aimable, le 
gynéco de Brugmann m'assura que j'étais 
enceinte de deux mois. 

- Qu'est-ce que je fais, pensais-je, mais c'était du 
tout cuit, peut-on manger l'enfant dont on aime le 
père, tant d'énergie dépensée méritait un avenir. 
Les sourcils du Bill grimpaient au plafond. C'était 
de l'étonnement. Un enfant, ça ne l’effrayait pas, 
quand il était petit, il avait toujours rêvé d'avoir 
plein d'enfants, mais pas de femme, tu vois, bon, 





j'étais là, on n'allait pas me jeter, mais quand il 


était petit, il s'était toujours vu avec plein 
d'enfants, tu vois, et pas de femme, c'est appa- 
remment ce qui le déconcertait le plus, la femme 
en plus de l'enfant, ou le contraire, allez savoir. 
La foudre s'abattait Sur mon buisson de mythes, il 
se pouvait que je sois de trop en cette occu- 
rence, un soupçon m'effleura, peut-être bobonne 
roulait-elle aux orties, peut-être eût-il mieux valu 
que pas, peut-être sera-t-il trop tard quand ça 
sera. Peut-être, mais en attendant de savoir, 
nous étions d'accord qu'il fallait déménager. La 
ville, pour les môûmes, c'est tout ce qu'il y a de 
contraire. Quand nous avions emménagé à Lae- 
ken, à deux pas des Altesses, nous avions 
amarré au bord d'un immense terrain vague peu- 
plé d'arbres, de mares, de grues et de canards. 
Pénétré de ses responsabiltiés de faisant- 
fonction, le Bill avait systématiquement initié Bo- 
boss au grimpage dans les arbres et à la cons- 
truction de cabanes super-camoufiées, les 
enfants du coin n'ayant apparemment qu'une 
idée, celle de tout démolir. 

I n'y à moyen de vivre en altitude hachélème qu'à 
la condition d'avoir une assurance-aventure in the 
pocket, le nucléaire pour les grands, le terrain 
vague pour les petits, chauffage central st tout à 
l'égoût pour tout le monde. Evidemment, avec un 
peu de jugeotte, n'importe qui devine que la mer- 
veilleuse forêt vierge qui borde l'impeccable 


cimetry immobilier -bpelouses de prestige, bac à 
sable et crottes de chien- ne tient sur ses grands | 


troncs que par la grâce d'un sursis publicitaire et 
que sitôt bourré le dernier apparte du dernier 
bloc, les pelleteuses-bétonnantes vont bombar- 
der tout ça presto bien propre, n'importe qui, 
mais pas nos têtes folles, nous folâtrions dans les 
verts paturages des amours enfantines sans 
nous poser la moindre question et puis, crac, un 
beau matin, la frénésie bull rattaqua. Non, nous 


n'allions pas aligner les mômes dans lenfer | 


urbain, l’allait falloir s’arracher, trouver une île et 


s'enraciner là où la vie avait encore la couleur des | 


saisons. 


Là-dessus, le Bill sursauta, parce que c'était 
l'heure d'une émission pour et contre qu'animait 
parfois un journaliste sympa et pas trop frileux 
question de mettre en question. Moi, j'en avais 
ma. claque. Je ne voulais plus rien entendre, je 
voulais la paix et la verdure pour ce petit corni- 
chon inconnu qui avait décidé de faire son nid 
Sans Savoir si c'était bien l'endroit et le moment. 
Mais prévenu par le Von qu'on allait passer ce 
matin-là une interview de Colette Guedeney et 
Gérard Mendel, à l'occasion de la sortie de leur 
livre <Ll’angoisse atomique et les centrales 
nucléaires», le Bill, en alérte, ne voulait à aucun 
prix se laisser distraire par l'évocation de sa 
future: paternité. 

À l'heure dite, la radio explosa et je me mis à hur- 
ler. Non, je ne voulais plus savoir, si ces deux-là 
avaient la gueule du titre qu'ils s'étaient trouvé, 
on était parti pour une séance de psychiatrisation 
façon soviet et les anti-nucléaires, en plus d'être 
de la graine de terroriste allsient passer dange- 
reux dingues, je n'en pouvais plus, j'allais faire 
une fausse-couche, hi-fi! Surpris le Bill me consi- 
déra en silence, puis s'en fut chez le voisin de 
gauche, celui dont on gardait parfois les enfants, 


écouter son émission au calme. Pour moi ça ne | 


changerait rien. De le savoir à l'écoute, c'était 
exactement comme si les deux connards avaient 
vaticiné au bord de mes tympans, j'était folle, je 
voyais le Bill prendre des notes, sautiller de rage, 
du reste deux minutes après m'avoir quittée, voilà 
qu'il Se repointait, quand la vie est trop dure, faut 
toujours qu'il me prenne à témoin, je n'avais 
aucune idée, une conasse pareille, j'aurais plus 
jamais l'occasion, en plus, c'était pas le journa- 
liste Sympa, c'était Wielemans, un festival, en 
plus, il allait y avoir un débat contradictoire, ce 
soir, est-ce que je me rendais compte, un débat 
contradictoire sans nous, il courait leur télépho- 
ner à ces caves (on n'avait pas le téléphone), il 
allait exiger la participation, qu'ils acceptent ou 
non, on irait! 


Hurler ne servait à rien, je me mis à pleurer, à | 


sangloter, à inonder la table, les tracts en gesta- 
tion, les corrections en attente, lui ne comprenait 
pas, jamais il ne m'avait vue comme ça, mais 
écoute, s'acharnait-il à me convaincre, écoute tu 
vas voir et pour me consoler sans doute, il alluma 
le petit transistor. Je fus immédiatement submer- 
gée par la prétention pédante de Colette Guéde- 
ney, psychanaliste dont je n'aurais eu à fendre le 
sillage Si elle ne s'était bien opportunément 
offerte à démontrer comment sa science de 
l'âme pouvait réduire la poussée anti-nucléaire à 
ses axes véritables. Maintenant, on la passait 
partout où la fée électricité estimait utile de 
défendre ses actions uranium. Comment Mendel 
s'était laissé piéger dans cette histoire, lui qui 
n'avait jusque-là que d'honorables états de ser- 
vice (La révolte contre le père, Pour décoloniser 
l'enfant, Théorie de la plus-value de pouvoir, etc), 
il s'en expliqua par la suite et alla jusqu'à s'en 


ALTERNATIVE LIBERTAIRE * ASBL 22 MARS - N° 93 - OCTOBRE 87 - PAGE 20 





où nous dormions d'habitude et je me suis 
enfouie la tête sous l’oreiller. 
Au téléphone Chantal istace assura le Bill que 
bien sûr, l'APRI était invitée, qu'elle avait recomn- 
mandé expressément que nous soyons préve- 
nus à temps, c'était vraiment incroyable que ce 
ne fût déjà chose faite, soyez là à 1 9h30 au plus 
tard, c'était OK, on y allait, Chiquet. 


Ce qui avait été fait pour que nous soyons préve- 
nus avait dûù toucher vraiment peu de monde, 
parce que personne Place Flagey n'avait l'air dé 
savoir qui nous étions. On a dû exploiter les va- 
et-vient et les distractions du personnel de garde 
pour parvenir finalement presqu'à l'heure dans le 
studio où allait Se dérouler l'émission. Le regard 
de Gearginou m'a transpercée sans me remattre, 
l'accueil dur-dur, surtout quand il règne une cha: 
leur étouffante et qu'un monde fou se presse à 
vos pieds. Nous avons rapidement identifié sous 
leurs cheveux abondants les trotzkards pen- 
sants, puis autour d'eux, les zozos de fin du | 
monde, les syndicalistes et le beau monde inter- 
com. De l'autre côté d'une ligne invisible, Colette 
Guédeney, la quarantaine écrasante, froufroutait 
au milieu des huiles et dés salamalecs. Elle était 
seule en piste, ça devait la combler. 


Un trouble désolé gagna ce qu'il me restait de 
conscience sauve. Je savais qu'il me fallait réta- 
mer cette suffisante gonzesse, que je désa- 
morce l'accusation dont 5e servent volontiers les 






L'ANGOISSE ATOMIQUE 
L QUELQUES INTERVIEWS INDIVIDUELLES 


À a question : « Qu'est pour vous l'énergie atomique? » voics 
quelles furent Les réponses recueillies en 1971-1972 : 


— Un éludiant en mathématiques, 17 ans, Perts : 

« L'énergie nucléaire? C'est une nouvelle forme d'énergie ». Et 
Hiroshima? — + Bien sûr, c'est la bombe atomique ; elle a un ça- 
ractére spécial on raison de sa puissance d'explosion ». 

— Ln éfudiant en sociologie, $£ ans, Paris : 

e C'est grave. » 

Confusion des srainles. 


— Une étudiante en droil (20 année), 19 ans, Paris : 
# L'énergie atomique Ÿ Je n'en pense rien, je ne sais pas. » 
fnhiôilion intellectuelle, ; 


— Un éludiant en médecine, 19 ans, Bordeaux : 
2 L'énorgie atomique? Ce n'est sûrement pas la bombe ».. 
Dérégation. 


— Une jeune fille espagnole, employée de maisan, 19 ans (originaire 
de Galicie, depuis 3 ans en France. Queslion posée en espagnol} : 

c Je nc sais pas ce que c'est » — Et In bombe ?.« J'ai dejà entendu 
parler, mais je ne sais pas a. 

.— À la Guadeloupe, beaucoup d'autochtones font des réponses 
#imilaires, à ceci prés que beauconp n'en ont même jamais entendu 
parier, ni de l’un ni de l'autre (apporté par un ethnolaguc). 

— Une menœuvre, (5 ans environ, Parts : 
2 Pour moi,-c'est l'apacalypse, il n'y aura pas d'An 20001 x 
Échec des défenses, el argaisse. 


.— Un agriculteur, 55 ansenviron, SudOuest de la France (fervent 
de télévision) : 

« C'est pour Le bien, comme pour le mal s. 

Ambivalence. 

— Un ouurier-muçon, 30 ans, Sud-Oues! de ln France, région 
sémi-rurale : 

« Ohf vous sives, c'est lallaire des gens qui ont fail des études, 
ét des gouvernements. Nous, pourvu qu'on vive à l'aise et sans 
trop de soucis, c'est l'essentiel! +. < Bien sûr, il y s lx bombe ».. 
Attitude régrestinc. 


— Un peintre en béliments, palren de son entreprise, marié à une 
insfffuirice, ét Rabrlart une petite ville de propince française : 

Pour lui, a l'énergie atomique est l'énergie universelle. Bien sûr, 
Îy a ou Hiroshima, maïs la bombe on peut Loujours ns pas la licher, 
elle ne part pas toute soute » (C'est le seul qui fit cette constatation) 
11 à confiance dans l'intelligence et la sagesse humaine. 1] a l'im- 
pression de vivre une époque exésptionnelle, de voir s'ouvrir le 
monde de la connaissance. « C'est ce qui donne à Ja vie son véritable 
SCns +. 

— Un sénateur alsacien: 

_« Ce n'est pas que je pense à la terreur de l'an 100, mais. » 
Tentalive de dénégarian, el échec. 


— Un fonctionnaire de Préfecture, 60 ans enviran, Paris (avec 
une certaine satisfaction) : 

“ Après tout, on l'a bien mérité, à trop vouloir... et ce n'est pas 
Finil On a toujours dit qué lorsque le Sphinx aura livré son secrel, 
lé monde périraitl.. » 

Atitente de cuinabtlité intense. 


— Cf camrmerçant droguisie, 30 à 40 ans, Paris : 
« Le jeu en vaut-1llla chandclle =? 
Xoë d'esprit inconscient, en tant que retour d'un fantasme refoulé. 


— Une femme médecin, pédiaire, 37 ans, Paris : 

Devant un dessin tout en traits courbes, d'allure dynamique, 
ele s'écria : « C'est obsctnc » Réponse de l'artiste : « Mais c'est 
l'énergie l « 

— Un psychanutiyslte : : 

« Depuis qu'il a êté question d'énergie atomique, j'ai pris des 
nolès avec un crayon rouge, cœ qui m'est inhabituéll = 
Attitude défensive. 


— Un deuxième psychanalyste : 

* Pourquoi mc demandez-vous cela? Wotre question doît re- 
couvrir quelque probléme pecsontell., » 
Altitude défensise. 


— Une troisiènrs psychanalyste : 

Se montra étonnée de mon intérék pour ce sujet, mais conclut : 
« Ce doit être votre tentative personnelle pour maitriser vos imagos! 
Défense par ralionalisaltion. 

— Une assistante sociale d'entreprise : 

« Je ne sais pas ce que c'est, ét je ne veux pas le sisoir ». 
Afilude phobique, 

— Un enseignant en sciemces paliliques : 

1 Ça peut être utile, Mais Ü y a aussi la Bombe. s 
Confusion des craintes. 


— Dans des milieux trés divers, In réponse la plus souvent en- 
Lenduc cost : « Moi, je n'y comprends rien {inhibition intellectuell), 
$s ne m'intéresse pas (attitude phobique), on mc dépasse, s … a Vous 
devez parier de la bombe » (confusion des craintes). 

— Enfin ou cours d'un diner amical (où se trouvaient des mé 
decins, une biologiste, un philosophe et des psychanalystes), À un 
moment, un des convives s'enquil de savoir si je travaillais toujours 
chez les « atomistes ». À partir de Jà. c ton changea et devint grave. 
On discuta de In vie eL de la mort. Four la biologiste, ln distinction 
entre lo vie et la mort posait question. 

Les médecins senstatalent, chet leurs malndes, une sorte de tabou 
de la mort, Puis l'un d'eux raconta — avec humour — une histoire 
où un patient avait ouvert unc porte €£ vu son épouse en tenue 
Kgére| 

On parla du suicide, du désir de guérir... et de l'instinct de mort, 

Le philosophe décinra « qu'il était serein en face de la mort. » 
Pour lui, l'êté decnier il était sur une plage à Royan» ec soir, il 
était mort à l'homme de Royan. » 

Ici sont apparus, dés que « l'atome » a ébé évoqué, les thèmes de 
mort ct de scëne primitive (l'histoire du médecin). 











totalitarismes de notre temps -il sont fous 
puisqu'ils contestent- je savais que malgré la ter- 
rible trouille du micro, j'allais sans doute y arriver, 
de ma place, merci, mais ce que jé savais aussi 
avec certitude, c'est que ce n'était pas bon pour 
moi, que j'allais me faire du mal, au moins si ça 
avait pu servir à quelque chose, mais où a-t-on 
jamais vu que les victoires de l'esprit triomphent 
de la bêtise ? 

Nous nous sommes assis à bonne distance de 
l'adversaire en cherchant des amis dans la foule, 
mais nous étions seuls de notre race, noîrs char- 
bon parmi toutes ces âmes amidonnées bleu-ciel. 
Progressivement, l'agitation a tendu vers son 
point de chute, Wielemans s'est levé et a expli- 
qué les règles du jeu: Guédeney en tête résume- 
rait Son analyse, ensuite, nous étions autorisés à 
poser nos questions, en maintenant bien les 
écarts, et pas plus dé deux minutes chacun, 
nous vivions en démocratie. Guédeney a repris 
son topo du matin sans ÿ changer un iota: le 
nucléaire avait mal commencé par le champignon 
de triste mémoire, ça avait laissé d'incurables 
lésions dans l'inconscient collectif, il ne fallait 
d'autre part pas oublier que c'était une histoire 
d'atomes, c'est-à-dire en gros de truc si petits 
qu'on ne les voyait même pas et on avait qu'à se 
pencher sur le folklore et la tradition pour com- 
prendre à quel point le minuscule atterre les sim- 
ples, gnômes malfaisants, nains difformes, 
homoncules diaboliques et puis, surtout, hé-hé, 
surtout, lé champignon, à quoi ressemble-t-il, 
réfléchissez bien, ça crève les veux, plus 
symbole phallique que ca, tu es carrément dans 
le cochon. Symbole phallique, symbole de puis- 
sance mâle donc, or or, nous étions en pleine 
crise de civilisation, la révolte des fils contre les 
pères hein, Mendel, la génération des Oedipes 
parricides de 68, le refus nucléaire n'était en fait 
que la révolte d'héritiers immatures d'une civilisa- 
tion éblouissante, ah, mais, comprenans-les, 
c'est bien difficile d'être les enfants de parents 
géniaux à ce point. Le parterre se rengorgeait 
d'aise. Wielemans frétillait de plaisir. C'était vrai- 
ment trop con. Dans un monde normal, l'alarme 
aurait sonné et le plateau aurait dû être évacué. 
Au lieu de ça, posée toute droite sur son plissé 
soleil, la dame n'en finissait plus d'être indulgente 
à nos folies, quoique vous pensiez ou disiez 
devant un psychanalisté, vous devez être soigné. 


Quand la salle a reçu la parole, je dégoulinais. Si 
je m'étais écoutée, j'aurais foncé dans l'énumérs- 
tion d'arguments dont l’enfilade aurait à coup sûr 
étourdi tout le monde, aussi ne me suis-je pas 
écoutée et je n'ai pas non plus écouté les fiévreu- 
ses suggestions du Bill. Nous avons laissé 
s'accumuler les questions révérentieuses et ano- 
dines sans bouger. Guédeney rayonnait. Rita 
Hayworth n'était pas sa cousine. Les syndicalis- 
tes ont gravement introduit les grands problèmes 
économiques du temps, en corrélation avec le 
nucléaire, les gauchistes avaient de quoi leur 
rétorquer judicieusement, mais ce n'est pas ça 
qui compte nous nous écartions du sujet. Le 
regard de Wielemans nous effleurait sans nous 
voir, les copains à l'écoute devaient se demander 
ce qui nous était arrivé. 

Comme il y avait un creux, Wielemans a cherché 
un toutou quémandeur dans les derniers rangs. 
J'ai levé la main, il a passé outre, un monsieur fort 
bien mis l'a levée aussi pour signaler que la dame, 
là, avait quelque chose à dire, il n'a pas entendu, 
alors, je me suis levée et avec les intonations 
d'une poissarde, j'ai réclamé le micro. Contraire- 
ment à ce qu'on pourrait croire, ce n’est pas vrai 
que j'ai tous les culots, ma nature est plutôt con- 
templative et bon public, l'hostilité ambiante et la 
technologie en câbles me désarçonnent et me 
font perdre la moitié de mes moyens, faut que je 
me drébouille avec le reste et ce n'est pas 
donné. 

Au bord de mon regard, juste en dessous, à gau- 
che, les lunettes du Bill glissaient lentement vers 
le bout de son nez. Colette Guédeney attendait 
ma question avec un Sourire maternel, nous 
étions entre sœurs, l'aînée et la petite débile. Je 
lui ai donc fait remarquer qu'elle exerçait un 
métier périleux qui consistait à analyser des 
psychismes étrangers au moyen du sien propre, 
ce dont elle a convenu avec une hâte approba- 
trice désarmante, comme elle était contente, on 
revenait sur son terrain, j'avais eu le ping, ellé 
allait smasher le pong, ça risquait de durer un 
môment, j'ai donc repris mon propos un octave 
plus haut: elle nè pouvait sérieusement envisager 
pour les anti-nucléaires un diagnostic sans avoir 
subi elle-même une analyse et j'en avais une à lui 
proposer, là, tout de suite: si on admettait le 
schéma de la révolte des fils contre les déten- 
teurs du pouvoir phallo-nucléaire, ne devait-on 
pas envisager la possibilité, qu'elle, Colette Gué- 
deney, en défendant le nucléaire cherchait à 
s'identifier à eux, à s'approprier le rayonnant 
phallus et à résoudre ainsi son complexe de cas- 
tration ? 

Wielemans n'était pas content, il était carrément 
suffoqué par mon insolence et n'arrivait plus à 
fermer la bouche que la surprise lui avait ouverte. 
Je voyais bien qu'il se préparait à me couper le 
sifflet, mais les applaudissements et les rires ren- 
daient la manœuvre difficile. Quant à Colette 
Guédeney, il ne m'a jamais été loisible de mesu- 
rer mieux à quel point les règles sociales nous 
prolongent la vie, s'il n'y avait eu entre nous des 
milliers d'années de polissage civilisateur, elle 
m'aurait tuée et je préfère ignorer comment. 

Le regard que me lança le Bill, quand je me rassis 
m'alla droit au cœur. Mieux que d’avoir défait un 
adversaire à la noix, je l'avais séduit, lui, en se 
dépéchant un peu, on finirait la Soirée au cinéma. 


a suivre... 


ABONNEZ-VOUS 





En allant au pain ce 
matin, j’ai shooté dans 
un beau marron tout 
brillant. Il a roulé sur le 
trottoir en pente, très 
vite hors de ma vue. 
Ah maïs, ça ne va pas ? 
J’ai pourtant. 





Si, ça va bien. Mais ils sont ainsi les 
jours de la vieillesse, il y en a où on 
redevient une gamine. Et d’autres. 
D’autres où l’âge tout à coup pèse 
lourdement sur le corps et sur l'esprit, 
où la glace reflète un visage flétri, où 
les reins sont douloureux et traîtres les 
genoux. C’est alors aussi que révient 
si intense le souvenir de ceux qui 
étaient plus âgés, et dont l'absence 


| l'ennui survient quand 
meurt la flamme. Pouchkine. 


aujourd’hui me serre la gorge. Je ne | 


les savais pas indispensables à ma vie. 

Le temps, Mirabelle, qui te semble 
si chichement compté dans tes jours 
de jeunesse, ce temps après lequel tu 
cours et qui te manque pour réaliser 
tes désirs, tu en auras un jour à ne 
plus savoir qu’en faire. «Prendre un 
bain chaud en lisant un polar ou faire 
des puzzles à cinq mille pièces» bien 
sûr, et t’offrir d’autres plaisirs 
encore. Et ça, crois-moi, c’est un très 
bon côté de la vieillesse: nous avons 
beaucoup de temps. Réjouis-toi donc 
d’être vieille! Tu trouveras même le 


moyen de donner de ton temps à 


d’autres. 

La vieillesse, c’est bien souvent un 
regard en arrière, voyez les vieux que 
les médias interrogent. Mais c’est 
aussi, chaque jour, une comparaison 
avec aujourd’hui. Nous avions alors 
des envies très fortes, des espoirs de 
toute espèce, des désirs brûlants. Une 
paire de chaussures neuves ou un pan- 
talon long, une bicyclette, un tout 
premier voyage jusqu’à Paris — une 
lettre d'amour, un baiser! — c’était 


précédé de longues attentes et de rêves | 


exquis. 

Je vous plains parfois parce que 
vous avez presque tout, sauf ce qui 
sera bientôt inaccessible, l’eau claire, 
la route tranquille pour marcher, la 
nature vierge. Que vous reste-t-il à 
souhaiter? Que pouvez-vous atten- 
dre, le cœur tremblant ? 

Une partie des vieilles années se 
passent ainsi à repenser aux jeunes 
années. Etait-ce moi, était-ce une 
autre, qui faisait la grande lessive à la 
main une fois par mois dans la vieille 
buanderie? Les matins d'hiver, qui 
donc dégelait les tuyaux avant d’ou- 
vrir l’arrivée d’eau, qui faisait du feu 
sous la chaudière, sortait le linge du 
trempage pour le faire bouillir ? Nous 
devions être deux femmes. En fin de 








«Le père était alcoolique, alors 
on nous a placés, les uns après les 
autres. À quatorze ans, j'étais 
dans une ferme du Jorat, dans la 
cuisine il y avait une lampe à 
pétrole suspendue à la hotte du 
potager. Je tenais mon livre 
d'école d’une main, et de l’autre 
je remuais la soupe des cochons. 
À dix-sept ans, le fils du patron il 
m'a fréquentée, on allait dans les 
framboisiers faire l’amour. Après 
on cueillait les framboises, on 
allait les vendre à l’épicerie du vil- 
lage. Comme ça on a pu acheter le 
berceau. » 



















Le temps que Mirabelle voudrait 
élastique, le temps passe lente- 
ment pour Petitolga, naine et 
infirme. De la télévision elle dit: 
« Ça aide à faire passer le temps ». 
Que peut-il bien avoir en réserve 
pour Petitolga, le ternps, pour 
qu’elle ait besoin qu’il passe ? Où 
donc est-elle pressée d’arriver ? Et 
ne serait-ce pas plutôt que «ça 
aide à faire passer l’ennui ? » 





journée, rompues, les joues en feu, les 
tabliers trempés, on essorait à la main 
sur l’herbe. Et gare à celle qui faisait 
un nœud en tordant le drap, elle avait 
sûrement un polichinelle dans le ven- 


| tre! Il nous restait toujours assez de 


ABONNEZ-VOUS: 600 FRS L’AN AU COMPTE 001-0536851-32! 


force pour rire, 
La mémoire, comme le reste, ne 
baisse que peu à peu. Les premières 


alertes sont mises sur le compte du 


hasard, mais le hasard se répète! Un 
noms propres Se met- 





RRTITTELS 


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SSTINES RSR SIRET 


LES 


RSS 


x: 


4 


En. Cu n \RR  - 
KR EEK 
SSSS 


cation se dérobe — et où donc ai-je 
mis mes lunettes ? 

Là, ce qui me vexe, c’est mon com- 
pagnon plus âgé que moi. Il se rap- 
pelle les gens, les situations, les histoi- 
res et les écrits que j’ai oubliés. Je lis 
trois fois plus vite que lui — et 
j'oublie ce que j’ai lu. Il est lent — et 
il se souvient, le brigand ! C’est enra- 
geant ! 

Nous vieillissons à deux, patients 
canassons tirant parfois à hue et à 
dia, parfois trottinant au pas. Nous 


pensons rarement au jour où l’un de | 


nous viendra à manquer, et nous n’en 


parlons jamais. Vous pensez souvent | 


à la mort, vous ? Pas nous. 

On dirait qu’une sensibilité nou- 
velle, plus aiguë, se développe à 
mesure que les ans passent. Les peti- 
tes joies deviennent de grands bon- 
heurs, la vue d’un oiseau barbotant 
dans une vasque, un arbre en dentelle 
dans la brume, le regard confiant 
d’un bébé, C’est le pain quotidien de 
l’âme, dont elle se régale sans se las- 


| 














ser. Mais elle connaît aussi les festins ! 
Musique, poésie, images, et la ren- 
contre de pensées fraternelles. Plus 
vite qu'avant les larmes montent aux 
yeux, il suffit d’un beau film, d’une 
lettre qui a traversé le temps et 
l’espace. 

La sensiblité — ou la longue expé- 
rience — développent aussi un juge- 
ment plus nuancé. C’est comme si 
j'avais fait le tour de toutes choses, 
les vices et les vertus et les recoins des 
âmes humaines n’ont aujourd’hui 
guère de secrets. Il n’y a plus de gran- 
des surprises, passé septante ans. 

Il y a par contre une dimension 
nouvelle, une sorte de profondeur, 
L’amitié s'’approfondit, et l'amitié 
c’est le plus grand bonheur (ou 
l’amour, c’est à la fois l’un et l’autre). 
A septante ans, c’est le soleil au 
coœur quand les regards se croisent, 
quand les sourires se répondent, 





pl "* 
QUOTE 
ME 


ILE CLR 
à! | sl- 


CZ 


PE À | 


reuse. La pensée va vers les autres, 
morts ou vivants, avec tendresse. 
L’âge alors s’efface. 

Je n’aime pas beaucoup François 


Mauriac, mais il a écrit une très belle | 
phrase que je voudrais faire mienne: | 


«Le jour où vous ne brûlerez plus 
d’amour, beaucoup d’autres mour- 
ront de froid.» C’est beau, non? et 
c’est vrai. 

La pitié, vous connaissez ? C’est un 
sentiment très doux et très proche de 
l’amitié, un sentiment qui donne au 
Le grand-père Emile a 88 ans et 
une femme avec une artériosclé- 
rose avancée. Je reste auprès 
d’elle quand il s’en va à la Coop. 
Elle sort sur le blacon pour le sui- 
vre du regard comme une jeune 
fiancée ; elle m’informe : «Il va au 
village, ferrer le cheval.» Lui, 
c’est un sage. Quand je prends 
congé, le soir, il me fixe de ses 
gros yeux bruns : «C’est ça, dit-il 


savez-vous ? » 


tranche de vie 
eptante ans! 








en souriant, qu’on appelle la VIE, | 


ALTERNATIVE LIBERTAIRE x ASBL 22 MARS - N° 93 - OCTOBRE 87 - PAGE 21 








cœur son intelligence. Je crains que 
vous, les jeunes, vous vous refusiez à 
éprouver de la pitié, sous prétexte 
qu’elle humilie celui qui en est l’objet. 
Mais non, elle vous aiderait à com- 
prendre les vieux, et à vous sentir à 
l'aise devant eux. 

Comme vous êtes embarrassés, cer- 
tains d’entre vous, devant les vieux ! 
Vous cherchez à les éviter, à abréger 
un entretien qui vous pèse, vous vous 


| dérobez. Leur lenteur vous irrite, ils 
| n’ont rien à dire qui vous intéresse. Ils 


se plaignent du monde qui les entou- 


| re, et le leur est devenu tout étriqué, 


c’est vrai. C’est vrai aussi que vous 
leur faites un peu peur, avec votre 
rapidité, votre langage moderne, 
votre mangue d’égards. Mais c’est 
dommage, et surtout pour vous. 
Dans ma ville, on voit une ou deux 
vieilles «folles» en chapeaux fleuris, 


| affublées de longues robes et de 
quand la poignée de main est chaleu- | 


bijoux de pacotille, le cheveu teint 
mais rare, la joue fardée. L'âge les a 
libérées des contraintes de leur jeu- 
nesse. Elles passent comme des reines, 
toisant le monde et toutes voiles 
dehors. Leurs petites sœurs en frin- 
gues rétro feront peut-être, l’âge 
venu, la route en sens inverse. 

Si je n'avais pas rencontré, il y a 
trente ans, la pensée anarchiste, je 
n'aurais jamais osé briser les lois du 
conformisme bourgeois qui m’empri- 
sonnaient. Comment vieillir en igno- 
rant les idées libertaires, je ne peux 
me le figurer. Comment vivre ces der- 
nières années aux côtés d’un compa- 
gnon qui ne les partagerait pas, c’est 
tout aussi inimaginable. Autant 
n’avoir pour ami qu’un pot de fleurs ! 

Il reste à accorder la vie quoti- 
dienne avec les idées, le mieux possi- 
ble. Là, être vieux n’est pas un obsta- 
cle, au contraire. Car je n’ai pas 
grand’chose à perdre. Une réputa- 
tion, à quoi pourrait-elle encore ser- 
vir? un emploi? la retraite est assu- 
rée! l'affection de la famille, des 
amis ? si elle a tenu jusqu'ici... Donc, 
il faut oser. Oser paraître ouverte- 
ment révoltée contre tout ce qui limite 
notre liberté; car je ne serai libre que 
quand les autres le seront, Bakounine 
dixit. Débusquer le pouvoir partout 
où il se cache, et dénoncer ses injusti- 
ces, ses mensonges, sa crapulerie.. 

Arrêtez-moi! La pensée anarchiste 
est mieux exprimée dans des écrits 
autrement plus profonds et plus intel- 
ligents que mes réflexions. J'en par- 
lais pour vous dire que les années 
n’empêchent pas le combat, ne Île 
ralentissent pas nécessairement. De 
nombreux vieux camarades, hommes 
et femmes, l’ont poursuivi jusqu’à la 
fin. Faisons donc encore ce bout de 
route ensemble, si vous voulez bien. 

Marie-Christine Mikhaïlo 
P.S. Vous m'aviez demandé un arti- 
cle personnel, et je ne vous ai pas 
parlé de ma vie sexuelle ! Tant pis, ça 
tombe mal, ce soir j'ai un peu de 
migraine. 





latine, ce qu'il a fait de politiquement utile en 
Europe et surtout à quoi il a renoncé pour la lutte”? 
Questions judicieuses et qui permettent à l'auteur 
d'interroger le lecteur sur le rôle du militantisme 
et sur les luttes de libération. Jusqu'à quél point 
le fait de discuter ou d'écrire peut servir une 
cause? C'est aussi l'éternel débat sur le rôle 
social de l'artiste. Hédoniste inutile ou meneur de 
foules ? 

Le chapitre suivant se déroule dans lés marais. 
Tapirs, rats géants; chauve-souris et anaconda, 
Bergrmman semble traverser une rivière infernale 
avec le bestiaire qui S'y rattache, Bergan y ren- 
contre le Diable {que l'on a déjà croisé à tous les 
chapitres). 1! s'ensuit un long monologue sur 
l'engagement politique, sur la sincérité du militant 
et sur la futilité de certains symboles et de certai- 
nes prises de position. Bergman est au bout du 


rouleau, il est allé à l'extrême limite de son averr- | 


ture, il est décapité par un Indien qui l'observait 
depuis un bout de temps. 
retrouver à Venise avec son producteur qui lui 
annonce le succès de l'opération commerciale 
mais aussi pour lui faire remarquer que grâce à 
lui, chacun replonge dans l'aventure quotidienne 
mais que surtout dans l'euphorie générale, le 
chaos s'est installé, un chaos savarnment 
orchestré par le Diable. Le Diable qui décidément 
depuis le début est le seul maître du jeu. 


jour de colère 


Le second épisode des aventures de Giuseppe 
Bergman se déroule en Afrique noire et est 
encore plus complexe que le précédent volume. 
Intitulé initialement Un auteur en quête de six 
personnages, Jour de Colèrs est moins engagé 
politiquement que HP et Giuseppe Bergman et 
joue plus sur le côté BD de l'histoire. Toute la ten- 
sion dramatique que pourrait contenir le récit de 
Manara est complètement démontée par une 
mise en valeur des mécanismes, des découpa- 
ges, des lois qui gèrent la réalisation d'une bande 
dessinée. Les personnages par exemple se 
dépêchent de terminer ce qu'ils ont à faire (ce qui 
est indiqué dans le scénario) parce qu'il ne leur 
reste que trente cases à remplir avant d'arriver à 
la fin du chapitre. Deux personnes, M. Bo et Mile 
Ambrogio, veillent à l'application stricte du scé- 
nario. Manara lui-même intervient plusieurs fois 
dans le déroulement de l'action en téléphonant 
par exemple à un de ses acteurs. Les «héros» ne 
sont pas libres, car s'ils n'en font qu'à leur tête, 
«tout se terminera en eau de boudin. 
Loulou, l'héroïne féminine du récit n'est d'ailleurs 
là que pour ajouter une note sexuelle au récit. Et 
elle peut S'écarter du scénario original, pour 
autant qu'elle écarte bien les jambes à ce 
moment-là. Et quand on n'aura plus besoin d'elle, 
elle sera retirée du récit. 
L'imbroglio est encore pire qu'avant et se place 
sur deux plans. | s'agit dans un premier temps 
d'apporter en Ethiopie un Sac contenant les plans 
d'une nouvelle sorte de centrale solaire et dans 
un Second temps de récupérer une enfant Masaï 
enlevée par un groupe punk. Le tout agrémenté 
de non-sens et d'invraisemblances notoires. On y 
perdrait son latin. L'important pour Manara était 


pour ensuite se | 








l’aventure manara: suite de la page 24 





Tous les dessins de cette pee en sons Milo Manara, une exclusivité © Editions ÉRQUEE 
: = . _ = 


PREUPE it Re 
DENT & D li 1 Rs < : 


Ecoute, écoute 
les rires 
a: l’intérieur ! 


dans ce Îlvre de s'interroger sur les mécanismes 
du récit lui-même. Seule véritable allusion politi- 
que, l'intervention d’un rastaman (non prévu dans 
le scénario) qui se lance dans une incompréhen- 
sible litanie à l'adresse de Bergman. Longue 
revendication de l'Afrique noire afin que l'homme 
blanc expie les péchés de son Histoire. À l'aide 
d'un langage extrémement hermétique, Manara 
affirme le malaise du Blanc en Afrique, la culpabi- 
lité qui l'accable ou qui devrait l'accabler. Les 
deux dernières pages comportent quelques répli- 
ques pas piquées des vers et qui surtout ne man- 
quent pas d'humour. HP par exemplé, explique à 
Bergman qu'il n'aime pas la fin de ses histoires, 
Bergman encore se plaint des essais graphiques 
de l'auteur et enfin, une souris accompagnant un 
troupeau d'éléphants et à qui Bergman demande 
où ils vont, cette souris répond: «Où on va? 
J'sais pas. mais qu'est-ce qu'on fait comme 
bruit alors!» Fin de citation. 


orient mystique 

Dernier volet enfin des aventures de Bergman, 
ou plutôt début du dernier volet de ces aventures 
qui devraient reprendre tres prochainement, 
Rêver, peut-être. Début car seules 70 pages au 


format restreint (plus ou moins 20x20cm) sont | 


parues dans la revue Corto et furent offertes aux 
lecteurs de ladite revue en février dernier sous 
forme de cahier séparé. 


DÈS QUE dE Suis CHEZ 
MOI, JE ME JETTE DANS 


L'AVENTURE ! 











Changé physiquement -il à l'air rajeuni et plus 
mince-, Bergman doit ici accompagner une 
équipe de cinéastes chargés de retrouver une 
autre équipe de tournage mystérieusement dis- 
parue au Tibet, futur cadre d'essai d'un nouveau 
type de bombe. Aidée dans ses recherches par 
les bandes vidéo tournées par l'équipe disparue 
{bandes que l'on ne peut visionner que sur le lieu 
où elles ont ét tournées, et ce par dieu sait quel 
mystère), l'équipe dans ces 70 premières pages 
est actuellement en Turquie et s'apprête à 
gagner le Pakistan. Lorsque le bateau sur lequel 
elle est, est abandonné par l'équipage et explose 
quelques minutes plus tard. 

Ce voyage, Manara l'a vraiment fait, aux frais de 
Casterman, et le commente dans Corto. «Nous 
ne voulions pas nous trouver face à face avec 
l'Orient la tête basse, en néophytes paumés qui 
n'ont jamais affronté les grands thèmes de l'exis- 
tence, comme si l'Occident ne savait exprimer 
que matérialisme et esprit de consommation, 
comme si, en contrepartie de «leur» spiritualité 
antique et omnisciente, nous ne pouvions propo- 
ser que technologie bruyante et polluante (...}, 
nous cherchions à renouer des liens avec nos 
ancêtres médiévaux» (..) «Difficile de se sous- 
traire à la fascination qu'exercent sur nous ces 
hommes du passé, capables de regarder la vie 
bien en face, de la vivre jusqu'au boutz… Voilà 
donc Manara plongé dans la grande aventure, un 


Manara qui livre ici une histoire plus traditionnelle. | 
Plus de scénario pré-écrit, plus de maître d'aven- | 


ture, seulement un voyage, cohérent, ordonné, 


répondant à la grande tradition de l'aventure exo- | 


tique. Un vrai changement quoi. 


+ Marc Vanhellemont 
{avec la complicité de Pierluigi Caterino) 


nom manara 
prénom milo 





Milo, abréviation de Maurilio, trahit | 
l’origine italienne du petit bambin 


qui naît le 12 septembre 1945 à 
Luson, près de la frontière autri- 
chienne. Etudiant en architecture 
à Venise, militant maoïste, peintre 
raté, Manara vient à la bande des- 
sinée en 69 (ah, quelle époque...) 
comme d’autres deviennent fonc- 
tionnaires ou militaires. pour 
manger. 

ll collabore ainsi au premier numéro de Genius, 
un petit pocket pour adultes, dans la plus grande 
tradition de la littérature de gare, à savoir le cul. 
Tout petit déjà donc. 

Dans le même format et dans le même genre, il 
dessine alors une série érotico-amoureuse qui 
relate les prouesses sexuelles de Jolanda de 
Almavira, pirate de son état (71-73). Après un 
passage à Terror (7 1}, Manara collabore à Tele- 
rompo où en outre il dessinera une adaptation du 
Decamerone (74) et un volume de Cosmine 
(74). La participation de Manara à ces séries est 
uniquement graphique, les scénarii étant dûs à 
d'illustres penseurs anonymes. 

Dans le courant de 1974, Manara va passer de la 
presse pour adultes à la presse pour jeunes et 
anime quelques séries dans Corriere dei 
Ragazzi, la revue pour jeunes la plus importante 
d'Italie. La reconversion se fait bien. À partir de 
ce moment-là, notre homme va multiplier les col- 
laborations sans toutefois rencontrer la consé- 
cration, En 75, sur invitation du Parti Socialiste 
italien, il dessine Un fascio di bombe, un récit 
relatant un des premiers attentats de l'histoire 
politique italienne (celui de la Banca dell'Agricul- 
tura de 69 à Milan}, et surtout commence dans 


N° 93 - OCTOBRE 87 - PAGE 22 





Alter Linus (janvier 76), Lo Scimmiotto traduit 
en français par Le singe et publié par Dargaud en 
1980. Sur scénario de Silverio Pisu rencontré à 
Telerompo, Manara propose une parabole sur 
Mao et sur la constitution de la République Popu- 

laire de Chine. 

Mis à part quelques collaborations à des pockets 
pour adultes (EP Risate}, quelques séries médio- 
cres (Chris Lean), une collaboration à L'Histoire 
de France en bandes dessinées (Larousse), 
celle d'Italie et celle des Chinois, Manara dessine 
avec Castelli L'homme des neiges, enième ver- 
sion de la légende du Yéti, et commence en 
France dans (A Suivre}: HP et Giuseppe Berg- 
man (78), la bande qui allait enfin lui valoir la 
reconnaissance du public. Du moins à l'étranger, 
car d'une part, l'album ne paraîtra en italie que 
deux ans plus tard et d'autre part les ltaliens y 
demeurent indifférents. La suite est plus ou 
moins connue du grand public. Jour de Colère 
(83), Trompeuse apparence (84) un recueil dé 
courts récits, Quatre Doigts, l’homme de 
papier (82), un western hot; et plus récemment 
Le Déclic (84), Le parfum de l’Invisible (86) et 
Un été indien (87). Le sexe, source d'inspiration 
première, est de retour à tous les coins de 
pages. Qualifié par certains de «pornographe 
bourgeois», Manara s'impose toutefois de plus 
en plus comme un artiste international et avec 
Liberatore, Mattotti, Cadelo ou encore Giardino, 

représente l'un des ‘auteurs par qui la BD italienne 
se renouvéle. Et la suite des aventures de Giu- 
seppe Bergman marquera sans conteste une 
étape dans l'évolution de l'auteur. La réponse 
dans quelques mois... a 


alternative 


libertaire 
enfin 

vendu en 
librairie! 


Depuis le mois de juin 1987, votre men- 
suel favori est enfin vendu en librairie. 
En tout cas, et nous espérons qu'il ne 
s'agit là que d'un début, dans quel- 
ques bonnes librairies de l’aggloméra- 
on bruxelloise. Parrallèlement à 

l'imprimerie et à l'édition, le collectif 
de l'asbl 22 Mars a voulu, en créant ce 
service de diffusion, pouvoir offrir, tant 
aux lecteurs d'Alternative, qu'à ceux 
d'autres revues et journaux de la 
presse alternative (Virages, MRAX-Info, 
Points Critiques...) la possibilité de se 
procurer ces titres, sans étre forcés de 
passer obligatoirement par l’abonne- 
ment postal. Parmi les premières librai- 
ries qui nous ont accueillis: la FNAC 
City2, la librairie de Rome, Presse 
2000, Tropismes, La Borgne Agace, La 
Commune, Le Centre International. 
Nous lançons un appel CRIER EERILe ETS 
res que nous n'aurions pu encore con- 
tactés et qui sont intéressés à nous dif- 
fuser pour qu'ils téléphonent à Marc au 
02/736.27.76 afin qu'il puisse leur ren- 
dre visite. Nous publierons dans notre 
prochain numéro la liste complète des 
bonnes librairies qui vendent Alterna- 
tive Libertaire. Merci. 


Louis Sala-Molins, universitaire et 
auteur du livre «Le code noir, ou le 
calvaire de Canaan» (1) en fait le 
procès tout en resituant ce code 
raciste dans son contexte histori- 
que, le Siècle des Lumières, des 
philosophes et des théologiens. 


Radio-Libertaire: Etalt-ce la première fois qu’on 
codifiait l'esclavage ? 

Louis Sala-Molins: Oui, c'était la première fois. La 
traite existait depuis longtemps. La traite est une 
vieille histoire, une très vieille histoire, je parte de la 
traite triangulaire entre l'Europe, l'Afrique et l'Amé- 
rique. Elle existe pratiquement depuis le début du 
XVIe siècle. Mais jusqu'à la fin du XVIF siècle, 
jusqu'à Louis XIV, il n'y a jamais eu de codification. 
ll n'y a jamais eu de légitimation juridique d'un état 
de fait, d'une pratique qui était considérée comme 
scandaleuse, abusive. 


Alors, pourquoi un code de Fesclavage ? 

La France, traditionnellement, culturellement et 
selon le code blanc est le pays des Francs. Un jeu 
de mots, qui a une incidence juridique très claire, 
prétend que l'esclave qui est asservi ailleurs se 
bère en touchant le sol français : le S0/ dés Francs 
affranchit l'esclave. Voilà que tout à coup, parce 
que les Antilles sont là et qu'i faut planter de la 
canne à sucre et toute sorte de choses, on va 
essayer de légitimer -maigré le code blanc- l'exis- 
tence d'un statut qui élait déjà complètement 
déconsidéré par l'intelligentsia… 

Les manuels d’histoire parlent du siècle de 
Louis XIV, de la révocation de l’Edit de Nantes, 
du siècle des lumières, mais pas du code noir. 
Pourquoi? 

Le code noir est une monstruosité juridique au 
sens fort du terme. Non pas parce que c'est 
monstrueux au sens banal, mais parce qu'il essaie 
de définir en bordure du code civil quelqu'un qui 
serait considéré comme né pouvant pas avair 
accès à celui-ci. C'est une telle aberration intellec- 
tuelle, une telle aberration juridique, dont les con- 
séquences théoriques et pratiques sont tellement 
énormes, que la France - qui adore contempler du 
matin au soir sa propre vertu, que l'étranger nous 
jalouse- n'accepte pas d'intégrer à ses valeurs 
nationales ce code. L'année 1685 est celle de la 
réforme de l'Edit de Nantes et celle de la publica- 
tion du code noir. || y a deux ans en 1985, chacun 
aura remarqué qu'en France les médias ont parlé 
et reparlé de l'Edit de Nantes. Il n'y a pas eu dans 
la presse française une ligne, pas une évocation 
du code noir? Pourquoi? Je pense que la France 
d'aujourd'hui n'est pas encore convaincue que les 
Noirs sont vraiment des hommes. 


En amont de la justification juridique, il y a une 
justification théologique, religieuse, qui expli- 
que la sous-titre du livre («le calvaire de 
Canaan»).. Pourquoi le calvaire de Canaan ? Il faut 
quand même se rappeler l'histoire et la plaisenterie 
que l'histoire des idées a joué au continent afri- 
cain. (Dans la Bib/e), après le déluge... i y avait 
Noë et les trois fils de Noë: Sem, Cham et Japhet. 
Noë piante une vigne. Le temps passe. il fait du 
vin et se saoule, Salon certains éxégèses, Cham 
voit son père ivre, rigole et avertit ses frères. 
D'autres plus sérieuses, disent qu'il voit son père 
saoul, qu'il le sodomise et va le raconter à ses frè- 
rés. Sem et Japhet trouvent cela vraiment «insorta- 


bles, qu'il ait ri ou qu'il se le soit tapé. Quand Noë | 


se réveille, is racontent ce que Cham lui a fait. 
Noë prend'une colère et décide de faire son testa- 
ment... il annonce la bénédiction de Jahvé (Dieul 
sur Sem et sur Japhet, et la malédiction de Jahvé 
sur Cham et son fils Canaañ: Sem Sera le chef 
d'un grand peuple, Japhet sera le chef d'un autre 
grand peuple et Cham et ses fils seront les escla- 
ves des fils de Sem et de Japhet. 

Nulle part dans la Bible on nous raconte que Cham 
est noir. Lorsque les éxégètes s'en mêleront, lors- 
que les pères de l'Eglise s'en méleront, lorsque le 
Moyen-Age s'en mêlera.. un amalgame sera fait 
pour essayer de savoir qui sont les sémites, qui 
sont les japhétites et par conséquent, par la 
méthode des «résidus», qui sont les chamites. Les 
japhétites, c'est nous... les sémites ce sont les 
juifs et les musulmans, et Cham c'est celui qui 
prend les territoires du Sud. Alors, ce sera qui? 
Puisque nous sommes à une époque où l'Afrique 
est encore inconnue comme continent. ce 
seront les Ethiopiens. Puisque Dieu ne fait jamais 
les choses à moitié, pour que chacun sache qui 
est Cham, qui est Japhet, qui doit être esclave et 
qui doit être libre, Dieu s'amuse à assombrir la 
peau des chamites. 


Le mot d'esclave apparaît dans la Bible, pour la 
première fois, après cette affaire-là. De la création 
d'Adam et d'Eve jusqu'à Noë, le mot d'esclave, le 
concept n'apparaît pas. Et notez que le mot 
d'esclave apparaît comme punition d'un péché. 
Les pères de l'Eglise, qui ne sont pas idiots et qui 
travaillent avec ce qu'ils ont sous la main, font tout 
de suite le rapprochement et disent que la liberté 
et la propriété sont créées directement par la divi- 
nité. Par contre, l'esclavage est une punition vou- 
lue par Dieu, lorsqu'il v a eu une perversion d'ordre 
naturel. 


Les historiens parlent généralement du code | 


noir comme un adoucissement apporté au trai- 
tement des esclaves. Certains articles de ce 
code le laissent penser en première lecture. 
Le code noir n’a-t-ll pas des aspects libéraux ? 
On peut imaginer des négriers blancs qui pren- 
nent un Noir en Afrique, deux, trois, un plein 
bateau. et qui les mettent au travail, qui les mas- 
sacrent, qui les flagellent, qui les coupent en 
morceaux; quand ils ne sont pas contents 
(d'eux), ils es perdent. Le lecteur peut espérer 
qu'une fois (lFesclavage) codifié, les Noirs voys- 
geront mieux, peut-être qu'on fera un tri plus 


ABONNEZ-VOUS: 600 FRS L’AN AU COMPTE 001-05 












la france, «de pays des droits 


de l'homme» (salut harlem) et... 











le code noir 


Combien d’Européens, condamnant à juste titre 
le système raciste de l’apartheid en Afrique du 
Sud, ignorent qu’au sein du vieux continent, la 
France a été le seul état à avoir codifié juridique- 
ment l’esclavage ? Promulgué par Louis XIV en 
1685, confirmé en 1724, le code noir (réglemen- 
tant la traite des Noirs aux Antilles et en Loui- 
siane) ne fut définitivement aboli qu’en 1848... 





humain à l'embarquement, que de l'autre côté les 
conditions de vie seront telles que l'officier du roi 
viendra demander des comptes au négrier ou au 
colon lorsque ceux-ci seront pris en flagrant délit 
de donner la bastonnade ou de tailler (fouetter en 
ouvrant les chairs..) 

(En fait), le code noir dira que lorsqu'on taille un 
esclave... 49 coups suffisent. On trouve des tex- 
tes, à l'époque du code noir, où l'on raconte que 
les colons taillent et retaillent pendant cinq jours 
de suite le même homme. On ne donnera pas 
300 coups d'un coup, mais on le bastonnera 
tous les jours de la semaine. On dira que le 
code noir est très agréable, très gentil, très brave 
puisqu'il met des barrières à l'absurde. 


Lorsqu'un Noir trouve que la plaisanterie a assez | 


duré et qu'il essaie de se barrer, le code libéral, 
ke code grandiose dit que la première fois qu'un 


marron (esclave en fuite) est retrouvé, il a les | 
oreilles coupées. La deuxième fois il a le jaret | 
coupé, et la troisième fois il est pendu. C'est libé- | 


ral! Le négrier avait-il intérêt à perdre son esclave 
la première fois que celui-ci se barrait? À mon 
avis, non! Mais il n'y a pas que mon avis, il y a les 
archives. 





Le Cods Moir hier, l'apartheid aujourd'hui... 





Le propriétaire des Noirs n'avait | 


jamais intérêt à casser son outil de travail. Il pré- 
fère bastonner son esclave plutôt que de devoir 
aller au marché pour en acheter un autre. 

L'officier du roi, qui impose la pendaison, est tel- 
lement mal reçu -durant la période du code- par 
les blancs esclavagistes qu'ils constituent une 
sorte de mutuelle entre eux. Ils versent tous les 
ans une somme par Noir qu'ils ont effectivement. 


Le jour où l'officier du roi vient dire: «Je suis 
désolé, mais votre Noir c'est la troisième fois qu'il | 
s'en va... alors je le pends», la caisse fonctionne | 
et le colon est dédommagé. Il ne manque rien au | 


système. 


Nous sommes à la veille du bicentenaire de la 


Révolution française. Montesquieu et Rous- 
seau vont être mis au pinacle à cette occasion. 
Pourtant ton livre montre que les philosophes 
du siècle des lumières acceptent le code noir: 
Rousseau parle de l’«ineffable esclavage». 

ll y a ici et là, de façon ponctuelle, des gens qui 
n'ont pas le prestige de Montesquieu ou de 
Rousseau, et je sortirai encore une fois les vieil 
les gloires hispaniques qui ont réglé d'un point de 
vue théorique l'affaire en disant: «C'est un brigan- 
dage colossale que de réduire en esclavage... 








parce que philosophiquement l'esclavage 
n'existe pas et qu'une sous-humanité n'existe 
pas». Las Casas, toujours lui, dit en 1530, donc 
200 ans avant que Montesquieu ne. fasse le 
beau: «il ne peut y avoir ét il n'y aura jamais de 
peuple qui ne puisse avoir sur lul-même l'execice 
des trois souverainetés: la souveraineté monasti- 
que, c'est-à-dire de quelqu'un sur soi-même, la 
souveraineté domestique, c'est-à-dire être maître 
chez soi, et la souveraineté politiques». 


Montesquieu avec L'Esprit des lois, Rousseau 
avec le Contrat social, en plein siècle des lumiè- 
res, ne sont même pas foutus de savoir ce qui a 
été produit théoriquement avant et se demandent 
tranquillement si le Noir est un orang-outang, s'il 
est déjà un homme, s'il va le devenir, etc. l'un et 
l'autre sont convaincus que les Noirs iront en 
s’hominifiant..… Mais, en attendant, ils les canton- 
nent dans la bestialité. Alors est-ce qu'ils savent? 
Oui, ils savent. J'ai lu ce que Rousseau écrit, 
quand il lui arrive de parler des Noirs. Montes- 
quieu de même. J'ai lu les bouquins que ces 
messieurs lisaient et j'ai découvert le code noir. 
C'est Labat, dans Le voyage du Chevalier des 
Marchais en Guinée, les voisines et à Cayenne 
(Paris, 1731), qui tout d'un coup écrit: «voici le 
code noir». |ls citent abondamment Labat, Du 
Tertre et d'autres. 


Montesquieu et Rousseau se préoccupent des 
rapports des Blancs avec leurs monarques 
blancs, ils ne pensent pas avoir à s'occuper des 
rapports des Noirs avec leurs négriers parce que 
tout simplement ceux-ci, (à leur avis), n'ont pas 
atteint l'étape d'hominification à partir de laquelle 
on parie d'existence. Donc une cécité totale des 
Lumières devant un système qui se solde par des 
centaines de milliers, des millions de morts par 
famine, par détresse, par noyade, par baston- 
made. L'intellingentsia française ne dit pas un 
mot! 

Un navire (de négriers) portait le nom de Jean- 
Jacques Rousseau. 

Oui il y en a eu un... c'est très curieux, du vivant 
de Jean-Jacques Rousseau. || appartenait à une 
compagnie régulière, était fait et construit pour le 
commerce triangulaire. Un autre, d'ailleurs, por- 
tait le nom de Contrat Social. Je pense, connais- 
sant un peu l'époque, qu'il est impensable qu'il ne 
l'ait pas su. Montesquieu écrit que l'esclavage 
n'est pas très joli en Europe, mais qu'ailleurs 
c'est merveilleux. Montesquieu va au-delà du 
code noir. Lorsqu'un Noir est eméchants, que la 
bastonnade et la taille ne suffisent pas, le code 
noir dit que c'est à l'officier du roi de le tuer. Le 
maitre fait ce qu'il veut, mais la décision de la 
mise à mort appartient à l'officier. Montesquieu, 
lui, écrit que si le maître doit tuer son esclave il 
faut qu'il y mette les formes pour que cela appa- 
raisse comme une sentence, plutôt que comme 
un geste d'humeur. Voilà Montesquieu! 


Montesquieu est Bordelais, Ÿ avait-il das liens 
économiques entre lui et le négoce bordelais ? 
Etant donné les avoirs de Montesquieu à Bor- 
deaux et la façon dont le commerce triangulaire a 
un incidence sur l'ensemble du commerce - 
certains historiens évaluent à un tiers des échan- 
ges commerciaux ceux qui sont liés à la traite des 
Noirs-, il est très difficile de considérer que Mon- 


tesquieu ait pu passer au travers. Ceci dit, je ne 


sais pas -si comme Raynal (2}- il avait effective- 
ment des actions sur un bateau et touchait des 
dividendes de façon directe. Raynal est un per- 
sonnage moins connu en France et pourtant la 
Révolution française l'appellera le «Père de la 
Nation». Raynal est de» défenseur français des 
Noirs. 


Raynal et Diderot ont des mots terribles contre la 
traite des Noirs et ils touchent des dividendes. 
Concordet écrit que le code noir est une loi horri- 
ble, une loi de fer et de sang qu'il faut jeter par 
dessus bord, que c'est une honte. Il faut libérer 
les esclaves. Très bien. alors il ajoute: étant 
donné l'état d'abrutissement dans lequel ils se 
trouvent, étant donné la façon dont ils sont cons, 
«nous en faisons portér la responsabilité aux maî- 
tres et non à eux-mémes»... «C'est en pleurant et 
en gémissant sur cette sorte d'injustice que nous 
demandons un moratoire de 70 ans». Vous vous 
rendez compte que ce que Concordet demande 
c'est un tiers de la durée effective de tout le code 
noir. «On leur apprendra à bêcher en chantants… 
c'est écrit! «On leur apprendra à chérir les 
Blancs, qui seront désormais leurs amis». 
* propos recualllis sur l'antenne 
de Radio-Libertaire-Paris 


(1} Luis Säla-Molins, Le code noir ou le calvaire de 
Canaan, Editions P.U.F. 

(2) Raynal, abbé Guillaume, (1713-1796), historien et 
philosophe qui s'élevait dans ses écrits contre le colo- 
nialisme et l'esclavage. 


ALTERNATIVE LIBERTAIRE x ASBL 22MARS - N° 93 - OCTOBRE 87 - PAGE 23 


giuseppe bergman 


ou l'aventure... 








Partie d'Amérique latine pour aboutir en Orient en 
passant par l'Afrique, la trilogie Bergman est 
avant tout une apologie de l'aventure, mais une 
aventure souvent remise en question et qui, 
décortiquée à l'extrême et banalisée, devient 
souvent enon-aventure». 


Un jour, à Londres, le peintre David Pascal frappa 
à la porte de Hugo Pratt en disant s'appeler Giu- 
seppe Bergman. Milo Manara a pris possession 
de ce pseudonyme pour en faire un personnage 
aussi ambigu et irréel que son histoire. Un per- 
sonnage qu'il décide d'envoyer tout d'abord en 
Amérique latine pour lui faire vivre l'aventure avec 
un grand À. H.P. et Giuseppe Bergman, quoi de 
plus banal et de plus mince comme titre, est le 
premier épisode de cette trilogie. 


Giuseppe Bergman est un drôle de personnage. 
Ressemblant étrangement à son créateur, il est 
et demeure tout au long de ses histoires un per- 
sonnage de bandes dessinées. Car Manara a 
décidé de rompre, il n'est pas le premier, avec la 
tradition du héros maître de son destin et des 
rebondissements de son histoire pour donner à 
son héros» un statut complètement dépendant 
de son auteur, pour en faire un pantin aux ordres 
et à la merci de l'auteur-démiurge. Car Giuseppe 
Bergman est dépendant à trois niveaux. Il dépend 
tout d'abord de son auteur, je ne reviendrai pas 
là-dessus, à qui il s'adresse d'ailleurs souvent en 
aparté. Ensuite, il est obligé de s'en remettre à 
chaque nouvelle péripétie à un <maître d'aventu- 
res», H.P. représentant, je n'apprendrai rien, 
Hugo Pratt. Un maître qui le suit de loin et qui tou- 
tefois deviendra de moins en moins présent au 
fur et à mesure de l'évolution de l'histoire, si his- 
toire il y a. Et enfin, Bergman dépend du produc- 
teur qui l'a convoqué un beau matin, -il était d'ail- 
leurs le seul à avoir répondu à Fannonce- pour 
l'envoyer où celui-ci le désirait avec une carte 
blanche en ce qui concerne les dépenses et en 
lui donnant pour seule recommandation de vivre 
une «aventure» qui serait dessinée (filmée ?) et 
qui devrait changer les idées de ses pauvres con- 
citoyens névrosés. Bergman vit donc une aven- 
ture sponsorisée de À à Z. On ne peut donc pas 
dire qu'i soit llbre de tout mouvement, puisque 
de ces mouvements justement dépend le succès 
commercial ou non de l'entreprise. 
Parallèlement à la lecture première de l'album, un 
album fort complexe d'ailleurs, peut se faire une 
lécture de l'histoire. L'aventure est-elle unique- 
ment une façon de sortir des contingences du 
quotidien ou faut-il que l'évasion soit constructive 
et qu'elle s'inscrivé dans une action politique? 
Jeune artiste maoïste dans les années "60-70, 
Manara doit avoir connu de très pres le dilemme 
entre le plaisir et l’action, entre l'art pour l'art et 
l'art pour l'autre. Avec Giuseppe Bergman, 
Manara semble se libérer d'un complexe: à tra- 
vêrs un personnage, il opère sa propre psycha- 
nalyse. Iln'est donc pas surprenant que Bergman 
se retrouve confronté à des événements politi- 
ques bien réels et proches de notre propre sensi- 
bilité. 

Que ce soit en Amérique latine ou dans les rues 
de Venise, Manara fait preuve d'une conscience 
politique solide, même si libérée de tout 
syndrome révolutionnaire. Derrière l'incapacité 
des personnages de coller aux événements qui 
les entourent, Manara semble vouloir signifier le 
pessimisme et le désenchantement de l'ancien 
militant. Avant on pouvait se battre pour redres- 
ser une situation inacceptable, aujourd'hui, on ne 
peut plus que témoigner. 


pourfendre 
les intellectualoides 


Une introduction non signée ouvre l'album HP et 
Giuseppe Bergman et plante le décor. 


«Voici pour l'auteur l'occasion de pourfendre les 
intellectualoïdes qui veulent la (l'aventure) rélé- 
quer dans le ghetto de la sous-culture, les tours- 
operators pour qui elle n'est qu'évasion, les 


réducteurs qui distinguent l'aventure de l'enga- | 


gement, les démagogues qui s'en servent pour 
faire avaler mythes et modèles en toc. Pour 
Manara, l'aventure est avant tout révolutionnaire, 
car elle est pour chacun le seul moyen de s'auto- 
déterminer. Elle refuse la soumission à l'événe- 
ment et permet de s'extraire du nivellement et de 
la planification du destin. Elle est pour lui 
synonyme d'absolue liberté». Et de continuer 
quelques lignes plus loin: «Mais il faut payer: que 
faire quand on s'aperçoit que l'Aventure n'est 
qu'aventures et mésaventures, impasses et faux- 
semblants, fouilis plus inextricable que la forêt 
amazonienne elle-même? Quand on emporte 
avec 301 ses limites, ses rages impuissantes, ses 
impossibilités de communiquer, et qu'on est bien 


À 
+ 


manara ! 




















Du Singe au Parfum de l’Invisible, Manara depuis 

resque vingt ans mélange les genres. Et passe de 
a parabole sur Mao à la pornographie bourgeoise 
sans sourciller. Mais de son œuvre, les aventures 
de Giuseppe Bergman sont les plus passionnantes. 





Tous les dessins de cette page sont signés Milo Manara, une exclusivité © Editions Casterman. 






NE VOUS EN 
PRÉOCCUPEZ PAS. 
L'EXPLOITATION COM- 
MERCIALE ET LA DIF- 
FUSION DE L’ AVEN- 
TURE NE REGAR- 
DENT QUE NOUS ! 
SACHEZ SEULEMENT 

QUE TOUT CE QUE 
VOUS FEREZ, 
TOUT CE Qui 
VOUS ARRIVERA, 

CE SERA LE 
MATÉRIEL SUR 

LEQUEL NOUS 
TRAVAILLERONS ! 




























SI C'EST GA 


L'AVENTURE ! 





COMMENT MON ROLE 
EST TERMINÉ ? MAÏS 
dE VAÏ$ VOUS LA FOL- 4 
TRE EN L'AiR TOUTE [PSS 
CETTE HISTOIRE À ii 
LA CON : cd 






















assez pitoyable d'anti-héros?»… 


] 
l'aventure commence 
Débutant à minuit juste dans sa cuisine, face à 
une femme dont la seule préoccupation est son 
mal de dents, l'aventure de Bergman commence. 
Et ira très vite et très fort. Décidant de Se rendre 
chez le producteur dont il est question plus haut, 
Bergman va se lancer à corps perdu dans l’aven- 
ture et va oublier les contingence sociales qui 
l’éntourent. 


Présenter ici le déroulement de l'action de ce 
premier volume relèverait de la folie et nécessite- 
rait quelques pages supplémentaires. ll est effec- 
tivement préférable de lire le livre en question. 
Toutefois, au risque de caricaturiser {et donc de 
simplifier), résumons l'action en disant que Berg- 
man se rend sur les rives de l'Orénoque (Amazo- 
nie), qu'il les remonte pour découvrir une tribu 
d'indigènes qui lui font goûter le yopo -une dro- 
gue particulièrement hallucinogène-, qu'il passe 
en Colombie pour tomber sur une bande de 
défoncés (super-défoncés même) à la recherche 
d'eux-mêmes, qu'il est hébergé par la guerilla 
locale, se retrouve avec une Hollandaise 
nymphomane sur le dos pour enfin se faire déca- 
piter par un jeune indigène juste avant de 
se.….réveiller dans un vaporetto vénitien où il 
retrouve HP qui ne lui dit pas si ce qu'il a vécu est 
un rêve ou une réalité. Difficile de résumer plus. 
ll est plus intéressant de quitter le domaine de 
l'intrigue pour se retrouver dans celui du dis- 
COUrS. 


étreoune pas être 

Première étape, le départ. «Je n'aurai plus à ven- 
dre ma tête, mes bras, mes jambes, pour pouvoir 
juste survivre» (...] «Ma vie n'appartient qu'à moi». 
Une profession de foi quine sera pas facile à réa- 
liser. Sur la route de Venise, Bergman tombe 
dans une manifestation et Se retrouve avec un flic 
et un manifestatnt cagoulé dans sa camionnette. 
Le Manara d'avant septante se manifeste, Ce 
sera une des dernières fois. Plus tard, sur la 
bateau qui l'emmène, Bergman est agressé par 
un petit barbu, ‘parfait prototype du petit soixante- 
huitard idéal qui lui tient un discours sur l'évasion, 
masque d'une réalité néfaste. Sur toute cette 
société de consommation qui ne vise qu'à faire 
oublier à l'ouvrier sa chaîne de montage et par là 
même la révolution. Exit 68. Tout au long des 
chapitres, HP fait des apparitions discrètes mais 
toujours percutantes et essaie d'apprendre à 
Bergman ce qu'est la véritable Aventure. «Essaie 
de la vivre et tu comprendras beaucoup de cho- 
sesr. Une phrase qui résume bien des choses. 
Sur la route de Macondo, Bergman tombera-alors 
sur deux groupes de personnages qui seront 
pour Mänara l'occasion de discourir sur l'engage- 
ment social des individus. Les premiers, ce sont 
les super-défoncés que l'on découvre au détour 
d'une colline, des junkies à la recherche d'eux- 
mêmes [encore les années 60) qui lui demandent 
si pour lui d'aventure est évasion ou cônnais- 
sance -ou plutôt- doit-elle nous faire oublier nos 
problème ou doit-elle suggérer une façon nour- 
velle de les affronter ’?:. Un peu plus loin, alors 
que ces questions résonnent encore dans la tête 
de Bergman, il est agressé par un guerillero qui, 
tout en le tabassant pour le faire parler, lui 
demande ce qu'il est venu faire en Amérique 





lire page 


22 











Ci 
es 


D 


ET 


tt 


RS 


Jean-Pierre Beauvais, Jacques Bidou, Claude Bourdet, Michel Cardoze, 
Jacques De Bonis, Rémy Galland, Pierre Ganz, Didier Gilles, 
Edouard Guibert, Bernard Langlois, Evelyne Le Garrec, Yves Loiseau, 
” Noël Monier, Michel Naudy, Raja Nasrallah, Gilles Perrault, 

Sampiero Sanguinetti, Gilles de Staal, Isabelle Stenghers, 
Claude-Marie Vadrot, Patrick Viveret. 








double constat que nous, 
journalistes professionnels, 
hommes et femmes 
engagés à gauche, 
issus de courants différents, porteurs de 
pratiques et d'expériences diverses, nous 
avons décidé de nous adresser à vous. 
Un constat d’abord : celui d’un manque, 
d'un vide, d'une carence. Au lendemain 
d'une expérience de cinq années où la 
gauche, unie d’abord, puis réduite au seul 
Parti socialiste, a exercé le pouvoir ; à la 
veille d'une élection présidentielle qui peut 
donner lieu demain à de nouvelles 
modifications importantes du paysage 
politique français ; dans l’interminable 
campagne électorale fentrée qui occupe le 
terrain de ce que l’on appelle la 
« cohabitation », nous ne distinguons plus 
rien, dans Île discours politique, qui soit 
porteur d'avenir. Crise des valeurs, crise des 
idées, manque évident d'un projet politique 
et social mobilisateur, d’un modèle de 
développement économique et culturel 
alternatif, absence de toute parole d’espoir, 
poids des dogmes et des archaïsmes… 

Face à ce vide politique, un mouvement 
social qui, lui ne se résigne pas : étudiants, 
lycéens, cheminots, instituteurs... les 
derniers mois ont montré que le consensus 
de la classe politique française ne reflétait 
en rien celui de la société civile. Fin du 
constat politique. 

Constat professionnel ensuite : les titres sont 
nombreux à la devanture des kiosques à 
Journaux ; certains ne manquent ni de 
charmes ni de qualité. Très rares sont ceux 
qui reflètent la situation que nous vivons. 
Là aussi, le consensus et les fausses 
évidences l’'emportent sur l’analyse en 
profondeur d’une société et d’un monde qui 
bougent. À de rares exceptions, la presse 
française nous semble céder trop facilement 





2. à partir d'un : = 7 \\ 
HT 








4 













oliris 





aux attraits d'un modernisme sans contenu, 
aux feux de la mode, à la dictature des 
sondages. Elle n'est plus suffisamment à 
l'écoute des hommes et des femmes de ce 
pays, qu elle ne rencontre plus qu'au détour 
des panels, des instituts, des audimètres et 
des minitels. Les citoyens n'ont plus 
vraiment la parole, confisquée par les 
professionnels de la parole. 
Un système en crise, qu'aucun parti 
politique ne semble capable de transformer 
radicalement. Une presse qui n’exprime plus 
que de loin en loin la réalité des aspirations, 
des rejets, des révoltes du peuple. De ce 
double constat, nous voulons faire un pari. 
Un pari que vous êtes très nombreux, des 
dizaines, des centaines de milliers peut-être, 
à ressentir comme nous ce double manque. 
Il ne nous appartient pas de combler le 
premier. Mais, journalistes, nous pouvons 
tenter de pallier le second. Nous voulons 
tenter, avec vous, l’aventure d’un nouveau 
journal, en rupture, dans sa démarche, ses 
choix rédactionnels, ses méthodes et le 
traitement de l'information. 

Nous avons retenu le projet d’un 
hebdomadaire. Pour le moment, nous 
sommes seuls : sans lobby, sans parti, sans 
banquier, sans mécène. Nous sommes seuls, 
mais nous parions que nous pouvons être 
très nombreux à nous rassembler sur ce 
projet. 

T'el est le sens de cet appel. Nous sommes 
des journalistes en quête, non d’un public, 
mais de partenaires, d’associés. Si vous le 
voulez, Politis verra le jour au début de 
l’année prochaine. 


Pour SOUTENIR 
Poliris. 


Notre hebdomadaire ne peur qu'être Le produir 
d'une volonté commune de ses furus Lecteurs, 
SANS EUX, SANS LEUR ENGAGEMENT, IL N'AURAÏT pas de 
SENS, 

Si L'aventure vous rente, vous pouvez 
CONTRIDUER dés À PRÉSENT AU LANCEMENT de 
« Poliris », en ReTOURNANT ce bulletin À 
l'adresse indiquée ci-dessous. Toutes Les aides 
MATÉRIELLES SERONT Les bienvenues. 


Elles furent 
longues, 
nombreuses et. 
houleuses, 
croyez-le, les 
réunions qui 
finalement 
nous 
amenéèrent à 
choisir Citoyen 
comme titre. 
Aussi imaginez 
notre 
désappointem- 
ent lorsque 
nous avons 
appris que la 
bannière était 
déjà portée par 
d'autres, très 
estimables, qui, 
simplement, 
avaient omis 
de s’en assurer _ 
l'exclusivité. 
N'étant pas de 
l'espèce 
procédurière, 
nous avons 
troqué ce 
Citoyen là pour 
notre Politis, ce 
PR LT 
veut dire la 
même chose, et | 
en francais, 

sonne bien à 

nos oreilles. 






























SE 









… ENFR 
UN JOURNAL 























Nom L.) L LA - + + + L 3 # E + + * " + + Li # Fe + Li Li # 
PRE NOM L3 Li s L = à C2 é + L} " + + L Li + + * = #- à + à 
A dr ESSE + 5 + |] é = = + 5 4 + + à» 6 S + 5 E + + + r à 


Poliris. 


7, bd Volraire. 75011 Paris 
Tél. : 43 57 71 04 


CES . « _ 
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Jourv. 


AIRE P LAISI 


Le fossé SE CREUSE 
ENTRE LA PAROLE MÉdiATIQuE 
ET CEllE Qui ÉMERGE du MOUVEMENT 
de LA SOCIÉTÉ 


ma droite Pauwels, 
à ma gauche 
Daniel, à mon cen- 
tre Kahn et un peu 
partout à la fois 
July ; qui dira que la presse en 
France porte l'uniforme ? Cotta, 
Ockrent, Sinclair et bientût 
Dorothée pour la Une ; Séguil- 
lon, Bourret, Duhamel (l'autre), 
Sabatier pour la Cinq ; ceux qui 
restent sur la Deux, quelques- 
uns pour la Trois, quelques 
autres pour la Six : qui dira que 
la télévision n'est pas diverse en 
ce pays ? 

Et pourtant, au delà de la 
guerre des stars où seuls meurent 
les principes, au delà du foison- 
nement des revues de presse où 
chacun veille à son créneau et 
campe devant sa meurtrière, un 
vide-se dessine. 

Il faut prendre garde aux 
mots, ils sont moins innocents 
qu'iln'y paraît mais, d'une cer- 
taine manière, n'est-ce pas de 
normalisation qu'il s'agit ? 

Pas de celle dont on nous 
entretient presque exclusivement 
et qui se fait sur fond de défilé 
de chars et de clôtures barbelées, 
mais de l'autre, dont on nous 
parle moins et qui, par d'autres 
moyens, tend aux même buts : le 
conformisme de la pensée et le 
désintérêt social. 

Cette normalisation-là rampe 
et s'insinue tant dans le sourire 
de Sabatier que dans les appels 
au renoncement qui se déclinent 
de droite et parfois de gauche. 

Pour autant la partie est loin 
d'être jouée ne serait-ce que par 
la distance qui s'accroît entre la 
parole médiatique et celle qui 





_ émerge du mouvement de la 


société, ne serait-ce que par 
l'existence et peut-être l'essor 


“d'une autre parole, d'autres 


paroles. 

C'est de celles-ci que Politis 
entend d abord être porteur. 

Pour ce faire, il faut résolu- 
ment faire du neuf. Personne n'a 
vraiment envie d'un Nouvel-Obs 
plus à gauche, d'un Révolution 
moins étroit ou d'un Evénement 
moins éclectique, mais des mil- 
liars se reconnaitront sans doute 








dans un hebdomadaire moderne 
parce que radical. 

Politis, autant dire Le 
Citoven veut rompre et 
renouer à la fois : ni la terre bru- 
lée, ni la copie conforme en 
somme. 


Renouer d'abord 


Sous les pressions conjuguées 
des lois du message publicitaire 
et du marché financier, le jour- 
nalisme s'étiole, se corrompt peu 
à peu et tend à délaisser deux de 
ses fonctions majeures : l'en- 
quête et la polémique. 


Le reportage, la révélation, la 
récit sont à la source même de ce 


métier et c'est d'abord en eux 
qu'il nous faut puiser. Ce sera 
une des tâches principales de 
Politis qui, chaque semaine. 
consacrera l'ouverture de son 
numéro à un ou deux grands 
reportages destinés à percer les 
secrets, Le Secret de systèmes 
opaques. 


Des continents de silence exis- 
tent, lointains ou proches. des 
terres vierges pour l'information 
puisqu'aujourd'hui dix mille 
cadavres basanés font une 
« brève » et qu'un chômeur qui 
vole à l'étalage donne une 
« puce ». Existent aussi dans le 
brouhaha médiatique tant de 
manières de tant parler pour ne 





rien dire, où si peu, que l'espace 
est largement ouvert pour Îles 
découvreurs qui souhaitent res- 
tituer et situer à la fois. 


Le reportage et la polémique. 
ou plutôt une manière critique 
d'aborder ce qui est donné 
comme indiscutable. 


Cela est vrai de la forme des 
journaux qui, sans le dire. ont 
adopté un mode de cloisonne- 
ment vertical de la réalité. 
D'abord la politique, après l'éco- 
nomie, l'étranger ensuite, Îles 
faits divers pour suivre et la cul- 
ture pour finir, ainsi de suite 
jusqu'à avoir brisé toute cohé- 
rence, toute tentative de saisir 
l'événement dans ses dimensions 


Pour oRGaNiser 

un débar public 

auToUR de Poliris 
TÉléphonez au (1) 43 57 71 04 


plurielles. Qui. à ce propos. peut 
dire que le mouvement étudiant 
de l'hiver dernier était plus poli- 
tique que social, plus économi- 
que que culturel ? Et pourtant il 
est une manière de classer, d'or- 
donner qui répond par avance à 
cette question. À 

Nous voulons au contraire 
pouvoir saisir un fait dans la plu- 
ralité de ses aspects et le traiter 
pour ce qu'il mérite : là une 
enquête, ici un billet, aîlleurs un 
dossier, Aucune hiérarchie, n'est 
neutre, mais celle-là prétendra 
discuter la règle du jeu tacite qui 


: veut que le dernier silence de M. 


Barre vaut toujours mieux que la 
nouvelle mise en scène de Vitez. 


Critique de la forme, critique 
du contenu également, dans les 
pages d'actualité où tout, par 
définition, sera passé au crible, 
le sondage-choc évidemment, le 
cas Waldheim bien sûr mais 
aussi le film de Rosi et la grève 
des éboueurs. Rien de tout cela 
n'étant vraiment l'un à l'autre 
indifférent. 


Renouer, disons-nous. renou- 
er avec une autre tradition en 
voie d'extinction, celle des 
grands textes. Pour avoir voulu 
se transformer en penseurs 
d'élite et, souvent pour avoir pillé 
la pensée des autres, une fraction 
de La profession s'est fait une spé- 
cialité du « digest idéologique ». 
Chacun son métier et si le nôtre 
n'est pas de s'interdire de réflé- 
chir il est aussi de publier régu- 
Hèrement ceux qui cherchent, 
qui tatonnent et parfois trouvent. 
C'est vrai dessciences humaines 
et des autres, c'est vrai de tou- 
tes créations. Philosophes, écri- 


TR 
POUR PLACER SON ARGENT A GAUCHE 


ERAIT-ce un hommage 

obligé qu'il nous fout 

rendre à l'économie 

libérale qui nous per- 
met aujourd'hui de lancer Poli- 
tis ? Disons plutôt que derrière 
cette idée trop en vogue d'« ac- 
tionnariat populaire » nous pré- 
férons mettre les termes désuets 
de solidarité, d'engagement, 
de communauté d'intérêt entre 
des journalistes et des lecteurs 
qui se retrouvent pour matéria- 
liser une vieille lubie : un journal 
libre ! 


Le temps. 
pour s’établir 


Quatre millions : une somme ! 
Elle nous est nécessaire pour 
assurer le lancement et l’équili- 
bre de Politis au cours des 
deux premières années. Elle 
nous permet d'atteindre en 
deux ans notre objectif : 
50 000 ventes hebdomadaires 
au prix de 20 F le numéro. Üne 
équipe réduite : trente salariés ; 
un budget et des salaires raison- 
nables ; un projet ambitieux 
porté par une équipe qualifiée 
et motivée. 


Le lancement de Politis ne 
sera pos un coup de poker 
financier ni une opération poli- 
tique d'opportunité. Nous 


savons que pour beaucoup 
d'entre vous ce nouvel hebdo- 
madaire peut répondre à une 
attente. Mais nous savons aussi 
qu'un titre met du temps à s'éta- 
blir. Que des mois s'écouleront 
avant qu'il ne devienne cet 
obiet, familier comme peut l'être 
un journal, indispensable pour 
êlre informé, pour comprendre, 
débattre et dialoguer. Et nous 
savons aussi que l'équipe 
rédactionnelle devra trouver ses 
marques et son rythme. Après 
combien de critiques, de décep- 
tion et d'enthousiasmes 
parviendra-t-elle à adapter son 
savoir faire et son expérience à 
ce qui n'est encore aujourd'hui 
qu'une idée ? 

Quatre millions donc |! Pour 
réussir et pour durer. Une 
somme importante qui ne pourra 
être autre chose que le produit 
de lo contribution des milliers de 
ceux qui accepteront d'être soli- 
dairement propriétaires de 
Politis. 


HN _ e + LE. s 
Sociétés gigognes 


Parlons technique : une pre- 
mière société des fondateurs du 
nouvel hebdomadaire a été 
créée. C'est une SARL (Société 
à responsabilité limitée}. Elle est 
composée de la plupart des 
signataires de l'appel qui figure 


en première page. Chacun 
d'entre nous a contribué à la 
formation du capital pour envi- 
rons 10 OO0 F. Son but est de 
mener à bien la première phase 
de l'opération : élaborer le con- 
cept et la maquette, organiser 
la souscription publique, dépo- 
ser le titre. 


Une deuxième société, celle 
ui éditera Politis est en cours 
e création. Il s'agit d'une 

société anonyme au capital de 
4 000 000 F, pour laquelle 
nous demanderons votre parti- 
cipation. Elle sera constituée 
lorsque, après autorisation de la 
commission des opérations en 
Bourse (COB}, nous pourrons 
lancer publiquement l'appel à 
l'épargne. Le prix des actions 
sera de 500 F. Un projet de 
notice d'information destinée 
aux futurs actionnaires a été 
déposé devant la COB, et nous 
attendons son visa pour entre- 
prendre la souscription. La 
somme de 4 000 000 francs 
devra être obligatoirement 
récoltée pour que la société soit 
créée. Dans le cas contraire, 
tous les souscripteurs seront 
remboursés. Echéances prévisi- 
ble : ouverture de la souscrip- 
tion le premier septembre 1987. 
Diffusion d'un numéro « zéro » 
au premier octobre. Tenue 
d'une assemblée générale 





constitutive et sortie du numéro 
un de Politis au début de l'an- 
née 1988. 


Une aventure 


La société d'édition est une 
société anonyme à directoire et 
conseil de surveillance. Peu pra- 
tiquée en france, cette formule 
nous a paru plus collective et 
plus démocratique : un conseil 
de surveillance de cinq à douze 
membres est élu par l’assem- 
blée générale des actionnaires. 
Le conseil désigne et contrôle un 
exécutif de trois à cinq salariés 
qui constituent la direction effec- 
tive de l'entreprise. 

Le chemin est encore long. Les 
questions juridiques et financiè- 
res sont aussi subtiles et com- 
plexes que l'élaboration d'un 
concept rédactionnel, d'une 
maquette, ou le choix d'un titre. 
Nous vous proposons une 
aventure. Conseillés par les 
meilleurs spéciolistes, nous 
ferons tout pour que le respect 
des formes, la rigueur et la 
transparence de la gestion 
soient une garantie pour tous 
ceux qui, COMME nous, ressen- 
tent chaque semaine comme 
une absence devant leur kios- 
que. 


Rémy Galland 


vains, historiens, peintres, physi- 
ciens et poètes seront à Politis 
chez eux. 


Rompre, 
IL FaudrA rompre 
AUSSI. 


Rompre d'abord avec une 
conception du lecteur. Convié à 
donner son argent, il est invité à 
donner son avis dans un ghetto 
généralement baptisé « Cour- 
rier » où s'équilibrent, comme 
ailleurs, les « pour », les « con- 
tre » et les « sans opinion ». Du 
lecteur-client, maltraité comme 
tel, nous souhaitons passer au 
lecteur-citoyen d'abord considéré 
comme porteur d'expériences et 
d'idées et qui, à ce titre, doit 
accéder au journal dans des for- 
mes d'expression comparables à 
celles dont les journalistes 5'as- 
surent d'habitude l'exclusivité. 
Un lieu d'échange, de débat, de 
confrontation deviendra l'espace 
libre dans lequel lecteurs et jaur- 
nalistes seront aux prises. 


Rompre, ensuite, avec une 
conception du monde qui nous 
fait apprécier son mouvement à 
travers des lunettes troubles 
parce qu'hexagonales. Oui, ce 
monde bouge et souvent là où on 
a perdu l'habitude de regarder, 
il bouge parfois sans nous ce qui 
est grand dommage. Une percep- 
tion faussée par une vision colo- 
uiale de la planète, par la mor- 
gue des anciens dominants, par 
l'étroitesse de points de vue seu- 
lement fondés sur l'intérêt à 
court terme et la gestion bouti- 
quière de la Nation nous inter- 
dit non seulement une juste 
appréhension de ce monde-là 
mais encore un abord critique de 
réalités plus proches. Deux 
rubriques auront pour fonction 
de mettre cette vision en ques- 
tion : l’une, où il sera largement 
fait appel aux productions de la 
presse internationale, l'autre, où 
l'on tentera de saisir les phéno- 
mènes dans leurs dimensions 
globales. 


Rerrouver 
Le sryle 


À l'évidence un tel hebdoma- 
daire ne peut exister sans uili- 
ser et privilégier l'iconographie : 
le dessin qui aura une place 
importante dans le journal et sur 
la conception duquel une équipe 
animée par Siné travaille déjà : 
et la photographie pour laquelle 
nous souhaitons une expression 
autonome el, en tous cas, débar- 
russée des contraintes de l'illus- 
tration redondante. 


Ajoutons, ce qui n'est pas rien, 
qu'il y a une sorte d'urgence à 
enrayer la dégradation de l'écri- 
ture journalistique qui tend à 
devenir un sous-produit du lan- 
gage de marketing et à promou- 
voir une, des écritures qui doi- 
vent sortir le journaliste de l'or- 
dre mineur et vulgaire de l'ex- 
pression. Le style, pour long- 
temps encore souhaitons-le, c'est 
l'homme. 


Voilà, en peu de mots, ce que 
nous avons en tête, ce que nous 
avons envie de créer, ce qui est 
à même de nous donner, simple- 
ment, du plaisir sans lequel rien 
d'important ne se fait, sans 
lequel on ne peut espérer en 
donner. 

Michel Naudy 











"EST un petit car- 
ton jaune barré de 
tricolore qui traine 
au fond de mes po- 


ches depuis tout juste vingt 
ans. Un bail. 
numéro — 235601 — qui 
témoigne que je ne suis plus 
vraiment tout neuf dans la 
profession. Ma première 
carte de presse, avec son 
premier timbre, vous pensez 
si je m'en souviens : quand 
je l'ai sortie de l'enveloppe, 


Avec un 


le roi n'était pas mon cousin. J'étais « journaliste pro- 
fessionnel dans les conditions déterminées par la loi ». et 


je n'aurais laissé personne dire que ce n'était pas le plus 
beau métier du monde. J'ignorais encore que la presse 
était aussi une industrie, soumise comme les autres aux 
lois du marché ; et les journalistes des salariés pouvant 
être promus. mutés, marginalisés ou virés au gré des 


humeurs patronales. Ou même vendus, avec meubles et 
rotatives, au fil des restructurations-concentrations. Je 
croyais qu'un journaliste n'avait de comptes à rendre 
qu à sa conscience, et ses lecteurs. 

Vingt ans après, je n'ai plus de ces naïvetés. Je sais 
d'expérience combien ce métier peut briser les enthou- 
siasmes, émousser les talents, raboter les caractères ; et 
que, pour faire carrière, souplesse d'échine vaut mieux 
que plume acérée. J'en ai croisé des arrivistes. des favots. 
des bidonneurs. J'en ai vécu des coups fourrés, des 
embuscades, et ces complots de petits Iznogoud de rédac- 
tion qui rêvent d'être khalife à la place du khalife. Du 





quoi révons-nous ? 
À un journal. Il est 
peut-être encore 
temps. 

Nous rêvons parce que 
nous avons soif. Les monta- 
wnes de papier qui déferlent 
sur nous nétanchent pas 
cette soif. Trop de cahiers 
spéciaux sur la forme, les impôts. les salaires des cadres. 
la migraine et le mal au dos ! Trop de complaisance à 
ce qui passe pour le nouveau ! Trop de corruption enfin. 
Et les journaux nous tombent des mains. 

J'ai appris mon métier avec un vieux maître qui 
disait : « l'information ça n'existe pas, il n'y a que 
l'analyse » c'était une boutade dont l'énigme me pour- 
suit depuis près de vingt années. J'ai fini par me don- 
ner une explication : il ny a pas d'information sans 
qu elle soit écrite. Et qu'elle soit écrite signifie que les 
mille données qui la constituent sont livrées en même 
temps que le fait sacro-saint. Cela s'appelle mise en pers- 
vective, dégager les contradictions qui assurent le mou- 


1: OCTOBRE 1987 : POLITIS N° O. 


PAYER POUR VOIR 


Par 
Michel Cardoze 


moins se battaient-ils davantage pour le prestige et le 
pouvoir que pour l'argent : on n arrête pas le progrès, 
et nous savons aujourd hui que journaliste est un métier 
qui permet aussi de faire fortune. Merci à la télé des mar- 
chands de soupe. 

J'ai aussi fréquenté des gens biens, des gens propres, 
qui continuent de faire leur boulot : tenter de compren- 
dre et d'expliquer un monde complexe, en sachant pren- 
dre le risque de déplaire aux princes et aux puissants. 
Voire des risques tout court, pour leur vie ou leur liberté : 
Kauffmann. Normandin, on ne vous oublie pas. 

L'équipe réunie autour de ce projet d'hebdomadaire 
est composée de gens ayant en commun leurs convic- 
tions, et la passion de ce métier. Professionnels, certes, 
et estimant n avoir pas à recevoir de leçon de professio- 
nalisme. Militants aussi, c'est-à-dire engagés et soucieux 
de contribuer à renverser le désordre établi. Mais non 
partisans, j insiste : nous récusons les dogmes et les égli- 
ses, et professons que seule la vérité est révolutionnaire. 
Par principe et inclination, nous aimerions désespérer 
Neuilly plutôt que Billancourt ; mais ne comptez pas 
sur nous, quand M. Chirac dit qu'il fait beau, pour affir- 
mer qu'il pleut, les jours de grand soleil. 

Notre engagement enfin n'est pas morosité, et nous 
tenons le militant triste pour un triste militant. Cette 
aventure où nous nous engageons est aussi un plaisir par- 
tagé — celui de travailler, d'imaginer, de rire, d'espé- 
rer et de trembler ensemble. | 

Matricule numéro 23567, je repars, comme en 14, la 
fleur au stylo. La reine Christine n'est pas ma cousine. 
Je viens de recevoir ma carte de presse. J'ai vingt ans. 
et ne laisserai personne dire... 

Vous êtes partants ? 


vèment d’un fait à un autre, 
qu il soit accidentel ou non : 
le fameux « type qui mord 
un chien » ou le non moins 
fameux « train qui arrive à 
l'heure », ont tous deux une 
histoire. C'est elle qu'il faut 
raconter, simon « l'informa- 
tion » n'existe pas. 

C'est de ce journal-là dont j'ai envie, comme lecteur, 
comme journaliste. La matière, elle, ne manque pas : 
ce vieux pays où tout se déglingue accouche en même 
temps d'un tas de comportements, de rapports humains 
et sociaux, de désirs et d'aliénations, de paysages nou- 
veaux. Quant à l'Europe et au monde, parlons-en, ils 
ne $e réduisent ni aux poignées de mains de chef d'Etat, 
ni aux chiffres de l'économisme triomphant. 

Le rêve d'un journal ne suffit pas à lui donner exis- 
tence. Îl est peut-être encore temps, disais-je tout à 
l'heure. Peut-être, parce que je n en sais rien avant que 
nous ayons essayé tous ensemble. 

Il s’agit de payer pour voir. 


L. 


PÉASete - GSraal 


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