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Full text of "Les San Gallo: architectes, peintres, sculpteurs, médailleurs, xve et xvie ..."

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LES 

SAN GALLO 

ARCHITECTES 
PEINTRES, SCULPTEURS, MÉDAILLEUSS 

XV' ET XVI' SIÈCLES 

PAU 

GUSTAVE CLAUSSE 

ARGBITBCTE 

Membre de l'Académie des Beeni-Arts de Florence 



TOME PBEHIER 
aiULIANO BT ANTONIO (L'Ancien) 



PARIS 

E B N K s T LEROUX. EDITEUR 



RUE BONAFAUTB, 



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APERÇU GÉNÉRAL 



SUR LES 



ORIGINES 



RENAISSANCE EN ITALIE 



Avant d'entreprendre une histoire de la Renais- 
sance des arts en Italie, aux xv^ et xvi* siècles, cette 
histoire fût-elle réduite à l'analyse des œuvres de quel- 
ques artistes ayant contribué à illustrer cette époque, 
il est nécessaire de rechercher les origines de cette 
merveilleuse floraison, et de se rendre un compte 
bien exact des causes lointaines qui l'on fait germer. 

Pour atteindre ce but, nous allons remonter peut- 
être un peu haut, dans l'histoire de la Grèce. 

ÉPOQUE GRECQUE 

Il y a environ trois mille ans parut sur les côtes de 
la mer Egée une race d'hommes très belle et très intel- 
ligente, qui entendait la vie d'une manière toute par- 
ticulière. Ces hommes créèrent la cité, réunion de 



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citoyens libres, servis par des esclaves, et dont les 
seules occupations étaient les affaires publiques et la 
guerre. La cité, multipliée sur le sol de la Grèce, 
s'étendit bientôt au dehors; les rives de la mer Noire, 
de l'Asie Mineure et toutes les eûtes de la Méditer- 
ranée, de Cyrène à Marseille, virent s'en créer des 
milliers, toutes organisées d'après les lois qui avaient 
régi leurs aînées. Le citoyen est obligé d'être soldat, 
car les cités sont souvent ennemies, et, généralement, 
une cité vaincue est une cité détruite; de plus, il est 
politique, car les cités sont jalouses, et chacun doit 
chercher le meilleur moyen d'augmenter l'influence de 
sa patrie. De ces perpétuelles discussions sur les traités, 
la constitution et les lois, se dégagea promptement une 
subtilité dans l'esprit qui n'apparaît aussi vive chez 
aucun autre peuple; et, des exercices perpétuels aux- 
quels leur condition de guerriers, les forçait à se livrer, 
sortirent des corps vigoureux, bien faits, élégants, où 
la beauté, la force, la souplesse étaient non seulement 
comptées comme vertus, mais considérées, quand elles 
atteignaient à la perfection, comme un des caractères 
de la divinité. 

De cette conception naquit la statuaire, dont les 
premières manifestations apparaissent vers l'an 650 
avant notre ère, avec Miléas de Chio, le plus ancien 
sculpteur de statue en marbre. Les vainqueurs aux 
jeux ont droit à une statue; les dieux, êtres semblables 
aux hommes mais plus parfaits, doivent être repré- 



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ÉPOQUE GRECQUE. 



sentes avec toutes leurs perfections, c'est affaire à 
l'artiste à en chercher la formule. Or cette éducation 
artistique ne s'est pas faite en un jour; pendant trois 
ou quatre cents ans elle s'est développée, s'épurant 
toujours en vue d'atteindre à la beauté idéale ainsi 
qu'à la plus grande noblesse de la pose, car il y avait 
une science des attitudes qui s'appelait orchestrique. 
La statuaire est donc l'art fondamental de la Grèce. Elle 
a servi à représenter ses dieux et ses héros; le plus 
illustre des vieux poètes lyriques de l'antiquité, Pin- 
dare, n'a guère fait que chanter les courses de chars et 
célébrer les athlètes, et autour de Delphes, dans les 
cent petits temples qui gardaient les trésors des cités, 
tout un peuple de marbre, d'or, d'argent et d'airain 
était rangé en groupes irréguliers. 

Les Grecs cultivaient aussi la musique, mais chez 
eux cet art était entièrement lié à la poésie. La mu- 
sique était contemporaine des temps héroïques; Apol- 
lon portait sa lyre comme symbole de sa puissance; le 
chœur des muses entremêlait ses chants aux attitudes 
de la danse lyrique. La poésie récitée était une incan- 
tation accompagnée du son des instruments, et la ci- 
thare, qui n'avait que quatre cordes, en eut bientôt sept 
lorsque l'iambe, le distique, la strophe vinrent s'ajouter 
à l'hexamètre primitif. A la musique était jointe la pan- 
tomime : on a retrouvé les noms de nombreuses danses 
grecques, et nous lisons dans Aristophane que « les 
jeunes gens d'un même quartier, lorsqu'ils allaient chez 



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le maître de cithare, marchaient ensemble dans les rues 
pieds nus et en bon ordre, quand môme la neige serait 
tombée comme la farine d'un tamis; là ils s'asseyaient, 
sans croiser les jambes, et on leur enseignait l'hymne à 
Pallas ». Tout jeune homme bien élevé devait savoir 
danser et chanter. Dans les banquets, dans les fêtes, 
il y avait toujours des déclamations mimées; Polycrate 
à Samos entretenait les deux poètes : Ibicos et Ana- 
créon, pour composer des vers et écrire la musique qui 
devait les accompagner; c'est ainsi que feront plus tard 
les princes de la Renaissance. Tous les poètes lyriques 
étaient maîtres de chœur. Il y avait un conservatoire 
appelé le chorégeion qui était situé auprès du temple 
d'Apollon; Sapho dirigeait une de ces écoles. Mais il 
ne faut pas confondre cette Sapho, prêtresse de Vénus, 
née à Lesbos, élevée dans le temple, composant ses 
hymnes pour le cbœur des jeunes filles qu'elle sou- 
tenait des sons de sa lyre, avec l'autre Sapho, née à 
Erisos, qui fut l'amante de Phaon. Celte dernière Sapho 
n'était qu'une courtisane, et cependant le culte de 
Vénus et de la beauté était tellement répandu en Grèce 
qu'on élevait des statues môme à une courtisane, 
pourvu qu'elle fût belle. 

Du reste, les courtisanes formaient une portion 
importante de la société polie des Athéniens; autour 
d'elles se groupaient les philosophes, les poètes et 
môme les magistrats. Elle fut aussi courtisane et poète 
cette Corinne de Thèbes qui, à peine vêtue, la tête 



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ÉPOQUE GRECQUE. 



ornée de baadeaux, paraissait dans les fêtes solen- 
nelles des jeux olympiens, et, par cinij fois, triompha 
de Pindare. 

Le chœur était donc une des grandes manifesta- 
tions artistiques de la Grèce. La frise du Parthénon a 
pour motif le plus beau des chœurs, le défilé des Pana- 
thénées; l'architecture et la sculpture devaient faire 
passer aux générations les plus lointaines la représen- 
tation de ces spectacles patriotiques. 



Par quels degrés ce peuple étonnant a-t-il passé 
pour arriver à la perfection en architecture? Pour s'en 
rendre compte il faut examiner la configuration du 
pays, car c'est la structure même de la contrée qui a 
laissé sur l'intelligence de la race l'empreinte dont 
sont marquées ses œuvres. En Grèce, rien d'énorme, 
rien de gigantesque, les choses extérieures n'ont point 
de dimensions exagérées, accablantes. Tout y est 
moyen, mesuré, aisément perceptible, les montagnes 
de Corinthe, de l'Attique et du Péloponèse n'ont pas 
2000 mètres de hauteur, il faut aller tout au Nord pour 
trouver un sommet plus élevé, mais c'est l'Olympe, le 
séjour des dieux. Les fleuves ne sont guère que des 
torrents, et, de tous côtés, on voit îa mer, sorte de lac 
bleu ou irisé taché par la silhouette indécise d'îles 
nombreuses. Des rocs saillants affleurent le sol et 
s'élèvent en" découpant le ciel de leurs durs profils. 



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L'éclat de ia lumière est telle que la différence entre 
ie soleil et l'ombre est violente et dessine franchement 
tous les contours. Aussi, la nature n'incline le peuple 
grec que vers des formes nettes, des conceptions 
bien arrêtées. L'exiguïté de l'État, qui souvent n'est 
qu'une ville avec un bout de plage, influe sur l'esprit 
des citoyens; ils voient et conçoivent des choses petites 
ou limitées. Dans toute la Grèce il n'y a pas deux 
temples grands comme la Madeleine'. 

La maison du citoyen était en général composée de 
quelques petites pièces et d'une cour entourée d'un 
portique; les murs, blanchis à la chaux, étaient encore 
au temps de Périclès dépourvus de toute ornementa- 
tion peinte : pour décorer cet intérieur modeste, le 
Grec suspendait ses armes en trophées; les meubles 
étaient rares; quelques beaux vases faisaient tout son 
luxe. La vie du citoyen se passait au grand jour, dans 
le stade, au gymnase, sur la place publique, et c'est 
là qu'il trouvait les exèdres, les théâtres et les porti- 
ques richement ornés et remplis de statues. 

Le vêtement était réduit autant que faire se peut, 
la beauté du corps prenant toujours une large place 

1 . Vilruve, dans la préface du Livre II, cite les temples de Diane, 
à Ephèse; d'Apollon, à Hilet; de Jupiter Olympien, à Athènes; de 
Cérès et Proserpioe, & Eleusis, comme les quatre temples pro- 
clamés les modèles, parce que leur parfaite exécutiou et leur belle 
invention leur méritèrent d'âtre admirés même par l'assemblée des 
dieux. Le temple de Gérés avait 65 métrés de long sur S5 mètres de 
ïàTge et 20 mètres de hauteur. 



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ÉPOQUE GRECQUE. 



dans l'admiration des Grecs: i'homme ne portait qu'une 
tunique courte, sans manches; la femme, une longue 
chemise descendant jusqu'aux pieds, se doublant à la 
hauteur des épaules, pour retomber jusqu'à la ceinture ; 
avec cela, une grande pièce d'étoffe chaude dont on se 
drapait en hiver. En un tour de main tous ces vête- 
ments tombaient au gymnase, au stade, et même dans 
les danses solennelles, car c'est ainsi qu'ils sont repré- 
sentés nus dans les belles processions : « C'est le 
propre des Grecs, dit Pline, de ne rien voiler. » 

Le temple, l'expression la plus élevée et la plus 
complète de leur architecture, n'est pas, en général, un 
lieu d'assemblée, c'est la demeure d'un dieu, mais ces 
dieux étaient en telle quantité que le sol de la Grèce 
en a été couvert. Rien n'y est compliqué : c'est, en 
général un rectangle bordé par un péristyle de colonnes, 
et trois ou quatre formes géométriques en font tous les 
frais en se répétant toujours ; mais elles ont entre elles 
un lien commun qui leur donne une valeur relative. 
Ce lien, ce rapport est le module architectural, qui, 
d'après le diamètre d'une colonne, en détermine la 
hauteur, l'importance du chapiteau, de la base, la dis- 
tance de l'entre-colonnement, toute l'économie de l'édi- 
fice, l'ordre tout entier. Plus tard, les constructeurs 
ont modifié la rectitude des formes mathématiques; ils 
ont renflé la colonne par une courbe savante, ils ont 
bombé toutes les lignes horizontales et incliné vers le 
centre toutes les lignes verticales; ils se sont, comme 



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viii ORIGINES. 

dans les Propylées, écartés de la parfaite symétrie sans 
nuire à l'effet d'ensemble, sans amoindrir la valeur des 
masses, ils ont orné les façades de superbes sculptures, 
de peintures merveilleuses, atteignant ainsi l'extrême 
richesse unie à l'extrême sobriété. Cette création archi- 
tecturale, dans laquelle tout est dirigé par la parfaite 
raison, est faite pour durer par elle-même : presque 
tous les temples grecs seraient encore entiers si la bru- 
talité de l'homme n'était venue les détruire; c'est l'ex- 
plosion d'un magasin de poudre qui a coupé en deux 
le Parthénon, tandis que les temples de Peestum sont 
encore debout après vingt-trois siècles. L'édifice grec 
se dresse ainsi qu'un beau corps d'athlète, en qui la 
vigueur s'accorde avec la finesse. Sa parure est mer- 
veilleuse : ce sont les boucliers d'or, les acrotères, les 
têtes de lion; les murs sont revêtus des colorations 
vives du vermillon, du bleu, de l'ocre, du vert, tous 
tons vifs mais francs qui jouent bien dans la lumière; 
puis viennent les bas-reliefs de la frise, les métopes, les 
statues des frontons. Â l'intérieur les richesses de la 
cella ne comptent que des sculptures de marbre, d'ivoire 
et d'or'. Les temples étaient parfois isolés sur quelque 
montagne, auprès de quelque bois sacré, mais souvent 
aussi ils étaient groupés ensemble, soit pour servir 

1. Le temple de Jupiler, à £gi ne, était en marbre; toutes les par- 
tics en étaient colorées et la surface plane des frontons était teintée 
de bien, de façon que les belles figures qui en faisaient l'ornement 
se détachaient comme sur le fond du ciel. 



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ÉPOQUE GRECQUE. 



de cortège à une divinité d'un ordre supérieur, soit 
par mesure de prudence, pour se donner un mutuel 
appui en cas de danger. 

Nous l'avons dit, l'état de guerre était presque un 
état permanent entre toutes ces cités jalouses. Aussi, 
les Grecs choisirent-ils, le plus souvent, l'enceinte de 
leurs citadelles pour élever leurs plus beaux monu- 
ments. L'Acropole, forteresse nécessaire à la défense 
de la cité, construite sur le point le plus élevé et le 
plus inaccessible, entourée de murs fortiûés, était bien 
le lieu le mieux indiqué pour mettre ses richesses 
eo sûreté ; c'était là que l'on conservait les trésors 
de la ville dans les temples dédiés aux divinités pro- 
tectrices. C'est ainsi qu'à Athènes, l'Acropole renfermait 
les Propylées, le petit temple de la Victoire aptère, les 
temples d'Erechthée, de Minerve Poliade, la chapelle 
de Pandros, qui tous faisaient cortège au fameux et 
magnifique Parthénon. 



Mais il est une époque où l'art et le génie de la 
Grèce se sont élevés à leur apogée, où toutes les cir- 
constances se sont concentrées pour réunir autour d'un 
homme toutes les forces vives de l'intelligence humaine ; 
à cette époque, la philosophie, la poésie, la sculpture, 
la peinture, l'architecture, tout ce que l'esprit cultive 
comme étant la représentation la plus haute de ses 
plus belles facultés, s'est trouvé porté à son suprême 



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degré de développement. Cette époque a poussé de si 
profondes racines dans le monde que, depuis, c'est à 
elle qu'il faut rapporter tous les travaux de la pensée : 
elle en est le moule, la base, la forme originelle, et 
chaque fois que, dans la suite des siècles, après les 
ruines, les révolutions ou les affaissements des sociétés 
il a fallu les reconstituer, c'est aux sources de cette 
glorieuse époque que l'on est venu puiser de nouvelles 
doctrines et de nouvelles lois. Le siècle de Périclès a 
été pour le monde en général et surtout pour les arts 
un moment de lumière si intense, d'éclat si vif, qu'il 
ne 3*est jamais renouvelé depuis. 

La renaissance, aussi bien au siècle d'Auguste qu'au 
XVI* siècle, n'a été que la réapparition, le renouvelle- 
ment, l'imitation nécessaire de ce que le siècle de 
Périclès avait inventé, et ce que l'on est convenu de 
nommer « la Renaissance » en Italie a vu se repro- 
duire toutes les formules artistiques, littéraires et phi- 
losophiques dont l'antiquité avait été le berceau. Si, 
à son tour, elle a emporté le monde dans un nouveau 
sillage, c'est au souffle de la grande époque grecque 
qu'elle le doit. 

Il est donc nécessaire d'entrer dans quelques détails 
sur cette époque merveilleuse et sur certaines des per- 
sonnalités qui l'ont illustrée; on croirait, en les rappe- 
lant, revivre une des plus belles pages de l'histoire de 
Jules II et de Léon X. 

Après la défaite de Xerxès, toutes les villes de la 



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ÉPOQUE GRECQUE. 



Grèce semblent prendre une face nouvelle, les vieilles 
coutumes antiques, pleines de simplicité et de naïveté, 
sont abandonnées pendant cinquante ans; partout, la 
prospérité et le luxe semblent s'accroître. Mais c'est 
surtout à Atbènes et dans l'Attique que ce mouvement 
se produit avec le plus d'intensité. Les Athéniens, 
ligués avec les autres villes de la Grèce pour la défense 
commune, avaient fourni les galères, les chevaux et 
les soldats, en compensation ils avaient reçu de leurs 
alliés de grosses sommes d'argent. Après la guerre, 
lorsqu'ils eurent abondamment pourvu leur ville de 
moyens de défense, ils songèrent à son embellissement 
sous l'inspiration de Périclès, désireux d'occuper ainsi 
tout un peuple devenu oisif et, par cela même, tur- 
bulent. On vota la construction d'un monument dont 
les dépenses seraient couvertes par le Trésor public 
pourque chaque citoyen pût prétendre y avoir contribué. 

L'Acropole se couvrit alors d'édifices de toute sorte. 
Phidias avait l'intendance générale, la haute direction 
de cet immense chantier; sous ses ordres travaillaient 
Callistrate et Ictinus. Ne semble-t-il pas voir Jules 11 
confiant à Michel-Ange un rôle également prépondé- 
rant sur toutes les œuvres d'art qui furent créées sous 
son règne. 

Phidias, né vers la soixante-dixième olympiade, ce 
qui correspond à l'année 497 avant J.-C, était proba- 
blement Athénien, mais cela n'est pas certain. Élève 
d'Hippias, il se départit bientôt de la forme archaïque 



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adoptée par son maître pour interpréter la nature d'une 
façon moins conventionnelle, plus idéale, plus naturelle, 
mais toujours au profit de la suprême beauté. Ses pre- 
mières œuvres, presque toutes officielles, étaient colos- 
sales; telle était la Minerve prolectrice, et surtout 
cette Minerve placée au cap Sunium, que les naviga- 
teurs saluaient de loin en passant; un de ses plus 
beaux ouvrages fut l'offrande consacrée par les Athé- 
niens au temple de Delphes, ex-voto composé de treize 
statues d'airain. 

Quand Périclès prit le gouvernement d'Athènes, 
Phidias était dans la toute-puissance de son talent; sa 
renommée était grande au milieu de l'école qu'il avait 
tant fait progresser, mais il avait déjà cinquante ans : 
il s'est représenté lui-même sous les traits d'un vieil- 
lard chauve dans un des bas-reliefs d'une porte du 
Parthénon. 

Dans l'atelier de Phidias, assise au pied d'un des 
chefs-d'œuvre créés par l'artiste, on voyait une jeune 
femme qui lui servait de modèle ; on la nommait 
Aspasie. Née à Milet, en lonie, jamais aucun poète 
n'avait décrit une beauté plus parfaite. Les filles de 
rionie avaient des perfections de ligues et de traits 
bien supérieures aux autres femmes de la Grèce, 
aussi, presque toutes les courtisanes d'Athènes étaient 
Ioniennes. Comme la plupart des jeunes filles, Aspasîe 
se consacra d'abord à la danse entrelacée, à la mu- 
sique et à la poésie; elle était naturellement élégante, 



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ÉPOQUE GRECQUE. 



et, don plus merveilleux, à l'âge de dix-sept ans elle 
prononça un discours admirable en l'honneur des Athé- 
niens morts à Léchée. 

Phidias, amoureux de son modèle, n'avait pas, 
comme Pygmalion, à implorer les dieux pour lui donner 
la vie, Âspasie était là qui animait par elle-même cha- 
cun de ses ouvrages. Mais Phidias ne fut pas assez puis- 
sant, malgré tout son génie, pour captiver et retenir la 
belle Grecque, elle s'éprit d'un violent amour pour le 
beau Périclès, le premier citoyen, le chef du gouver- 
nement d'Athènes. 

Après avoir édifié sa haute fortune sur le pouvoir 
du peuple qu'il avait su relever, Périclès avait néan- 
moins conservé les formes élégantes et tes coutumes 
de raristocratie à laquelle sa famille appartenait : il 
parlait toujours dans le plus beau langage, ses vête- 
ments étaient riches, ses robes étaient faites de fine 
laine aux couleurs éclatantes, sa chevelure, soignée et 
parfumée, était ceinte de bandelettes d'or. Il multiplait 
les fêtes, sachant caresser la foule par tout ce qui pou- 
vait plaire à ses yeux, aussi prodiguait-il dans les 
temples l'or, l'ivoire et les statues. Aspasie, par ses 
fortes études, son esprit sérieux, dominait souvent Pé- 
riclès et lui inspirait cet amour du faste et de la repré- 
sentation ; elle l'admirait lorsque, sur la place publique, 
il haranguait les Athéniens; quelquefois elle paraissait 
à ses côtés dans la tribune; souvent elle t'accompagnait 
aux arènes, aux jeux publics, caressant ainsi le goût 



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inné du peuple grec pour les arts et les belles-lettres. 
Athènes était devenue la somptueuse capitale de la 
Grèce entière, brillante par les plaisirs, par l'esprit, 
la littérature, la poésie, par la beauté de ses monu- 
ments, et tous, aux pieds de la courtisane si belle dont 
la présence et l'esprit les enchantaient, poètes, philo- 
sophes, artistes, politiques, se réunissaient pour dépo- 
ser leur tribut d'admiration et la saluer du nom divin 
de Vénus. 

Le théâtre représentait avec éclat une autre mani- 
festation de la pensée. Dans la vie du peuple grec, 
le théâtre était une véritable institution, et cVst la 
seule que les Italiens de la Renaissance ne soient 
pas parvenus à reconstituer, du moins dès l'origine. 
En Grèce, les poésies, les chants des mystères, les 
comédies, les tragédies avaient pour but de célébrer 
les souvenirs de la patrie, de rappeler l'apparition des 
dieux, les entreprises des héros. Informe à sa naissance, 
le théâtre prit, au temps de Périclès, un caractère 
marqué d'élégance et de dignité. Ce fut d'abord 
Eschyle, né à. Eleusis, soldat à Marathon et h Salamine, 
qui, plus tard, retiré dans sa ville natale, fit, le pre- 
mier, représenter sur un théâtre un véritable drame; 
et c'était un terrible dramaturge que cet ancien sol- 
dat, car, à la représentation des Euménides, plusieurs 
femmes saisies de terreur accouchèrent. Euripide 
s'était voué aux jeux et au culte de Cérès ; deux fois 
couronné dans les fêtes données en l'honneur de la 



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EPOQUE GRECQUE. 



déesse, il composa ses tragédies pour la célébration 
des mystères qui tous se rattachaient à l'histoire et 
aux traditions de la Grèce; il fit Méfiée, Hercule, Iphi- 
^^Mi'e, toutes pièces qu'on pourrait croire l'œuvre d'un 
pontife, tant elles respirent le sentiment religieux. 

La coutume voulait qu'à chaque victoire remportée 
par les Athéniens des jeux fussent célébrés. Ce fut au 
milieu des luttes, des danses, des hymnes et des choeurs 
de musique, que Sophocle, beau jeune homme, à peine 
âgé de vingt-cinq ans, remporta le prix avec une simple 
pastorale, intitulée Typioline. Plus tard, if donna à ses 
tragédies un caractère grave, historique, presque sacré, 
où Gérés, Vénus, Junon, Diane, apparaissaient mêlées 
aux souvenirs des temps héroïques, comme dans Aga- 
memnon ou Thésée; mais il s'y glissait toujours, au 
milieu des joueurs de flûte, des danses de courtisanes 
et des sacrifices de prêtresses, un reflet des mœurs 
galantes des Athéniens. Aristophane est un railleur des 
habitudes et des coutumes religieuses de son époque, 
cependant, malgré sa hardiesse, il n'ose toucher d'une 
main trop dure aux cérémonies des mystères ; ses 
poésies récitées dans les fêtes de Bacchus parlent avec 
un certain ménagement des prêtresses de Vénus. 

Toutes ces tragédies, comédies et autres pièces 
de toute sorte étaient représentées à Athènes sur de 
nombreuses scènes. Périclès, toujours désireux de 
plaire à son peuple enthousiaste, avait fait construire 
plusieurs théâtres par l'architecte Anaxagoras qu'il ne 



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faut pas confondre avec le philosophe du même nom. 
Athènes était ainsi devenue le véritable centre de la 
Grèce. Pérîclès avait réalisé son ambitieuse pensée 
d'en faire la première des cités. La foule y accourait 
de tous côtés : d'Asie, de Perse, d'Assyrie on venait 
s'initier aux mystères, assister aux jeux^ suivre les 
processions sacrées, et, non seulement la ville devint 
belle par seà édiûces, mais puissante par ses richesses, 
influente par son génie, recherchée et charmante par 
ses délices. Enfin, ce pouvoir immense qu'il sut con- 
quérir et garder, Périclès le dut à son éloquence, tou- 
jours la force dominante dans la démocratie : la Grèce 
était artiste, et ceux qui savaient parler à son imagi- 
nation étaient certains d'être toujours applaudis. 



La succession de Périclès échut à Alcibiade. 

Jeune homme d'une beauté remarquable, car il fallait 
avant tout être beau pour exercer quelque puissance à 
Athènes, élevé et instruit par Socrale, Alcibiade, que 
Périclès appelait souvent auprès de lui, possédait à un 
haut degré la seconde des conditions nécessaires pour 
gouverner : il était d'une admirable éloquence. Conti- 
nuateur des vues politiques de Périclès, comme lui, il 
employa une grande partie de son pouvoir à protéger 
les artistes et les philosophes. 

Mais les idées déposées par Socrate dans celte 
antique civilisation avaient pris un tel développement 



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ÉPOQUE GRECQUE. 



qu'elles amenèrent à grands pas la décadence de cette 
Grèce heureuse jusqu'alors, enthousiaste, puissante 
par ses illusions même tant qu'elle n'eut que ses poètes. 
L'édifice élevé sur le vieux sol s'écroula bientôt pour ne 
laisser que la désillusion et l'anéantissement. 

Platon, avec ses théories nuageuses sur l'âme de 
l'univers et ses rêveries étranges sur la politique, con- 
tinua l'œuvre commencée par Socrate. Avec Aristote, 
le plus savant de tous, le prince des philosophes, on 
embrasse l'universalité des sciences. Né vers l'an 384 
avant J.-C, disciple de Platon, dont il suivit les 
leçons pendant vingt ans, Aristote revient à Athènes 
après avoir fait l'éducation d'Alexandre, fonde le Lycée, 
et ses disciples prennent le nom de péripatéticiens, 
du mot grec mpiirctTo;, qui veut dire promenade. C'est 
bien le génie le plus vaste de l'antiquité, il a embrassé 
toutes les sciences connues de son temps; ses écrits, 
espèce d'encyclopédie universelle, jouirent pendant 
bien longtemps d'une autorité absolue, car ils eurent 
une énorme influence sur te développement des idées 
et des sciences au Moyen âge. Après sa mort, Théo- 
phraste (le divin parleur) rassembla tous ses manu- 
scrits et les confia à son disciple Nélée de Scepsis, qui 
les cacha si bien que pendant deux siècles personne 
ne sut ce qu'ils étaient devenus. Retrouvés par Apel- 
licon et déposés avec ceux de Théophraste dans la 
Bibliothèque à Athènes, ils furent transportés à Rome 
par Sylla. 



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L'énumération serait longue si nous voulions 
transcrire le nom de tous les philosophes, qui sous 
Périclès, Alcibiade et Alexandre, ont créé, inventé, 
développé les idées de Socrate, idées grandes et fortes 
au début, mais qui, dénaturées par la parole des rhé- 
teurs et la plume des sophistes, ont entraîné la Grèce 
dans un état de dissolution et d'énervement politique 
tel, qu'elle se trouva sans forces pour résister au 
maître qui voulait la dominer. 



Phidias n'existait plus, mais il avait laissé après 
lui une école, et, parmi ses élèves, il en est un dans 
lequel se concentra le génie de la Grèce. Praxitèle 
naquit sous le règne d'Alexandre et consacra son talent 
à idéaliser l'amour. Comme auprès de Phidias se trou- 
vait Aspasie, Praxitèle prenait pour modèle la belle 
courtisane Phryné, à laquelle il s'était attaché. Non 
seulement Phryné domina le cœur de l'artiste, mais 
elle exerça un pouvoir souverain sur son génie en 
s'enthousiasmant de ses chefs-d'œuvre. Elle obtint de 
lui le Cnpidon aux ailes d'or, qu'elle donna à sa ville 
deThepsie, ei\e Sai y re poursuivant une nymphe éperdue, 
qu'elle laissa à Athènes. Que dire de la Vénus de 
Cnt/de? Pline écrit : « De toutes les extrémités de la 
terre on naviguait vers Cnyde pour y admirer la statue 
d'ivoire et d'or; » en môme temps il nous apprend 
que le Cupidon fut apporté à Rome sous Caligula et 



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ÉPOQUE GRECQUE. ' 



placé sous le porlique d'Octavie, et que le Mercure de 
marbre vint orner le palais de Néron. Praxitèle scul- 
pta deux fois Phryné sans voiles, statues de bronze 
doré destinées au temple de Delphes; sa merveilleuse 
Vénus sortant des flots fut déposée par Auguste dans le 
temple de César, à Rome. Toutes les figures gracieuses 
de roiympe prirent une apparence humaine sous le 
ciseau de Praxitèle, mais il ne fut jamais tenté de repro- 
duire les personnifications de la force et de la puissance 
telles qu'Hercule ou Jupiter. 

La peinture grecque ne put se transmettre avec la 
même durée que la sculpture; tous ses travaux ont 
été détruits; on ne connaît le talent d'Apeltes que 
par le récit de ses contemporains : son chef-d'œuvre 
était, paraît-il, un tableau représentant les Mystères 
de Cérès. Apelles était le peintre par excellence des 
grâces; la véritable beauté lui paraissait la perfection 
dans l'art, aussi aimait-il à représenter ses person- 
nages sans voiles; les belles filles d'Athènes et de 
Gorinthe lui servaient de modèles. Parmi celles-ci il 
en choisit une à laquelle il s'attacha par un amour 
ardent. Lais, la belle prêtresse de Vénus à Gorinthe, 
était cependant difficile à fixer, elle mettait ses faveurs 
au prix le plus élevé et ne se faisait pas faute de ruiner 
ses adorateurs; c'est ainsi qu'elle arriva à se constituer 
une immense fortune, dont elle fit, semble-t-il, un 
noble usage, car, lorsque Pausanias visita Gorinthe, il 
y trouva le tombeau de Laïs élevé par ses concitoyens 



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XX ORIGINES. 

à la mémoire de la courtisane, la bienfaitrice de leur 
cité. 

A côté d'Apelles, il faut citer Protogène, son émule, 
avec lequel i) partagea la palme dans un mémorable 
concours, et Pausias, son contemporain, comme lui 
disciple de Pamphile, dont Pausanias retrouva encore 
quelques œuvres, entre autres celles qui décoraient la 
rotonde de marbre située auprès du temple d'Esculape, 
à Épidaure : elles représentaient, d'un côté, Cupidon 
tenant en main une lyre, son arc et ses flèches sont 
tombés à ses pieds; de l'autre, V Ivrognerie buvant dans 
une bouteille de verre; et combien d'autres ne faudrait- 
il pas citer pour rappeler l'innombrable quantité de 
tableaux qui décoraient tes temples et les monuments 
de la Grèce. 



Athènes représente à nos yeux le point le plus bril- 
lant, celui vers lequel nos regards se tournent avec le 
plus de complaisance lorsque nous voulons faire appel 
aux souvenirs artistiques de la Grèce, mais il ne faut 
pas oublier que bien d'autres villes ont pris part à cette 
glorieuse manifestation. 

Et d'abord Corinthe, la ville la plus voisine 
d'Athènes, destinée de bonne heure à la richesse par sa 
situation sur l'isthme, Corinthe, qui devint l'entrepôt 
des marchandises de l'Italie et de l'Asie, pouvait-elle 
rester indifl'érente au mouvement des arts? 



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ÉPOQUE GRECQUE. 



Les Corinthiens, devenus riches de bonne heure, 
ne songèrent qu'à s'entourer des délicates jouissances 
que procurent les arts : le luxe, la mollesse, l'oisiveté 
intelligente et épicurienne, la corruption même, et elle 
fut grande à Corinthe, s'allient très bien avec l'amour 
du beau. 

Les arts manuels, industriels, comme on les nomme 
aujourd'hui, y étaient en grand honneur, on modelait 
l'argile et le bronze avec une extrême élégance; la 
peinture et la sculpture avaient de nombreux adeptes, 
mais, bien que Callimaque, l'architecte inventeur du 
chapiteau corinthien, soit né à Corinthe, cette ville 
appelait à elle les talents plutôt qu'elle ne savait leur 
donner naissance. La plupart des divinités avaient leurs 
temples à Corinthe, construits presque tous sur 
l'Agora ; c'était le Panthéon, les temples de Mercure, 
de la Fortune, de Diane, et plus tard, celui d'Octavie, 
qui attendit à Corinthe le retour d'Antoine. Au milieu 
de la place se dressait Minerve entourée des Muses; 
Jupiter avait trois statues, et Bacchus deux. Ces der- 
nières étaient en bois, Pausanias dit les avoir vues : 
elles étaient entièrement dorées, k l'exception du 
visage qui était peint en vermillon, caractère d'un art 
éminemment archaïque. Ces deux vieilles idoles avaient 
été préservées de la destruction par un pieux senti- 
ment de la part des Corinthiens, mais surtout parce 
que la rapacité des soldats romains s'était exercée sur 
des œuvres d'une valeur plus certaine. 



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Corinthe était protégée par une forteresse, l'Acro- 
pole ou Acrocorinthe, située sur une éminence voi- 
sine, et, chose bien caractéristique, le sommet de la 
montagne était occupé par le temple de Vénus. Toutes 
les richesses de Corinthe furent pillées ou en partie 
détruites par le consul Mummius en l'année 145 avant 
J.-C. ; Jules-César envoya une colonie d'affranchis qui 
relevèrent les ruines et assurèrent encore à la ville une 
existence calme et prospère de près de trois siècles. 



Sicyone, autre ville voisine d'Athènes, a joué un rôle 
peu important dans l'histoire politique de la Grèce, 
cependant Sicyone brilla d'un vif éclat par son amour 
pour les arts, par le succès avec lequel elle les cultiva 
et par le nombre des artistes célèbres auxquels elle 
donna naissance. Il s'était formé à Sicyone deux écoles 
d'art; la plus ancienne, comme toujours, fut l'école de 
sculpture; l'école de peinture ne fut créée que beau- 
coup plus tard. 

Vers le vi^ siècle, deux artistes, Dispanus et Scyllîo, 
arrivèrent de Crète se fixer sur le continent; les pre- 
miers ils avaient travaillé le marbre. Sicyone et Argos 
se disputèrent leurs statues, mais ils s'installèrent dans 
la première des deux villes, et bientôt de nombreux 
élèves vinrent se grouper autour d'eux. De tous ces 
artistes, sculpteurs ou architectes, Aristoclès, le plus 
célèbre, fit pour Olympie un magnifique groupe repré- 



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ÉPOOUE GRECQUE. 



sentant Hercule combattant une Amazone à cheval. 
Même pendant les temps les plus troublés de son his- 
toire, les arts ne cessèrent jamais d'être enseignés et 
cultivés à Sicyone; Lysippe, le sculpteur préféré 
d'Alexandre, était originaire de Sicyone. Cette petite 
ville située à l'extrémité du Péloponèse, auprès 
d'Athènes et de Corinthe, se trouvait être le point 
de fusion de l'esprit solide des Doriens avec la liberté 
et la grâce des Ioniens. 



Argos était aussi un foyer artistique très intense. 
Polyclète, le plus illustre de ses sculpteurs, peut, avec 
Phidias, personnifier le génie grec tout entier. De nom- 
breux élèves se formèrent sous ce maître, qui cherchait 
à idéaliser la nature, a représenter l'homme non pas 
comme il est mais comme il devrait être. Lysippe, au 
contraire, enseignait qu'il fallait reproduire la nature en 
toute vérité en s'attachant à lui donner le plus de grâces 
et de perfections possible; ces deux écoles se parta- 
geaient Argos. 



Que dire d'Olympie, le véritable musée de la Grèce, 
le point où tous les peuples apportaient non seule- 
ment leurs plus belles œuvres d'art, en offrande au 
redoutable maître de l'Olympe, mais où tous les artistes 
luttaient en exposant les statues des vainqueurs, les 



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|K)ètes eo récitant leurs vers, les orateurs en pronon- 
çaDt leurs discours? La pensée de Lycurgue en fondant 
les jeux olympiques était toute politique, il cherchait 
à procurer aux peuples de la Grèce un moment de 
trêve à leurs dissensions sans cesse renouvelées, une 
occasion de se réunir, de se mieux connaître, de s'esti- 
mer et d'éviter ainsi les haines et les discordes. Il ne 
se doutait pas que le but ainsi poursuivi était une chi- 
mère, mais qu'il en atteindrait un autre auquel il 
n'avait pas songé : on luttait à Olympie pour la gloire 
et l'immortalité, et Thémistocle couronné déclarait 
que ce jour était le plus beau de sa vie. Olympie était 
une ville de temples, de statues, d'autels, entourée de 
murs; c'était le grand sanctuaire national de la Grèce; 
on y trouvait les temples de Jupiter, de Junon, de 
(lérès, de Cybèle et de Vénus. Les Romains conti- 
nuèrent à faire célébrer les jeux olympiques, les encou- 
ragèrent par leur présence, et Néron, ce parfait acteur 
en tout genre, ne dédaigna pas de descendre dans le 
stade pour y disputer la victoire. Les temples d'Olympie 
furent honorés jusqu'à l'avènement du christianisme 
comme religion d'État; alors, les autels furent ren- 
versés et le merveilleux Jupiter de Phidias vint orner 
une des places de Constantinople. 

Sparte enfin, malgré Taustérilé de ses lois, occupe 
une place très honorable dans le grand mouvement 
artistique qui entraînait la Grèce. Elle eut de bonne 
heure ses poètes; ses danses guerrières furent imitées 



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ÉPOQUE GRECQUE. 



chez les autres peuples; la musique y était en hon- 
neur; l'architecture, toute dorienne, y produisait des 
œuvres grandes et originales; la sculpture y fit école; 
seule la peinture manque à ce concert, elle était 
prohibée comme un art inutile et trop somptueux. 
Sparte était la capitale des Doriens, et l'art avait 
revêtu chez ce peuple un caractère de grandeur incon- 
testable, dû en grande partie à la protection de l'État 
çt à la discipline que lui imposaient les lois. Apollon 
était la grande divinité dorienne ; la lyre, son principal 
attribut, dit assez combien la musique était honorée 
par des hommes qui marchaient à l'ennemi au son des 
flûtes faisant entendre le vieil air national, et dont le 
général, Agésilas, vainqueur de l'Asie, prenait place, 
au retour, dans les chœurs pour chanter l'hymne sacré. 
Comme la musique, la danse était un des c6tés 
sérieux de l'éducation, et la pyrrkigue, la danse 
nationale, simulant un combat, était propre à former 
des guerriers. Sparte n'était pas, comme Athènes ou 
Corinthe, une ville remplie de chefs-d'œuvre, mais, si 
les demeures de citoyens étaient modestes, les places 
publiques étaient bordées de superbes monuments : 
temples, portiques, palais, gymnases, sans oublier les 
tombeaux élevés de tous côtés aux rois et aux grands 
hommes, et ces édifices étaient décorés de sculptures 
reproduisant les images des dieux, des héros et des 
sages. La passion de la guerre n'avait donc pas étouffé 
chez ce peuple le goût des belles choses. 



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Comme on le voit, nulle ville n'était étrangère à 
ce grand mouvement du génie grec cherchant à 
atteindre l'idéal du beau dans toutes les manifestations 
de l'art et de la pensée, aussi la gloire doit-elle en 
rejaillir sur la Grèce tout entière. Néanmoins c'est 
Athènes qui fixe généralement les regards, parce que, 
héroïque autant que Sparte, elle connut à la fois la 
grandeur de l'esprit dorien et la grâce de l'esprit 
ionien; on parlait les deux langues sur le théâtre à 
Athènes, et les deux ordres d'architecture venaient 
s'y juxtaposer. 

Athènes était donc incontestablement le centre, le 
foyer de toute lumière; ses artistes, ses poètes produi- 
saient des chefs-d'œuvre, et ses courtisapes exerçaient 
un ascendant indiscutable sur toutes les choses de 
l'esprit, même sur les grandes affaires de l'État. Telle 
était la puissance de la ville de Périclès et d'Aspasie, 
qu'Alexandre était toujours préoccupé de ce que pen- 
saient de lui les Athéniens. Jamais, en effet, population 
plus intelligente, plus ardente, ne s'était trouvée ras- 
semblée en face de tant de belles œuvres. Le beau 
était répandu partout et l'amour venait s'y mêler 
avec une folle ardeur. L'éloquence, la philosophie 
étaient enseignées sous les portiques, chez les citoyens, 
chez les courtisanes même, de telle sorte que lorsque 
les Romains, après être entrés dans Athènes et 
Corinthe par la force brutale, en rapportèrent la civi- 
lisation, Horace pouvait avec vérité écrire à Auguste : 



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ÉPOQUE ROMAINE. 



« La Grèce, subjuguée, subjugua à son tour son fier 
vainqueur et apporta les arts en Italie. » 

ÉPOQUE ROMAINE 

Il s'était trouvé parmi les colonies de la Grèce une 
cité plus forte que les autres, plus énergique, plus 
patiente, plus habile qui, au bout de sept cents ans 
d'efforts, est parvenue non seulement à les dominer 
toutes, mais à étendre sa puissance sur ta mère patrie 
elle-même et sur le bassin de la Méditerranée tout 
entier. Rome a attiré à elle tout ce qui pouvait servir 
au triomphe de ses généraux vainqueurs, dépouillant 
les palais et les villes pour en augmenter l'éclat. Le 
consul Lucius Mummius, après la conquête de l'Achaïe, 
remplit la ville d'objets d'art. Son triomphe, d'après 
Pline, fut orné de tableaux et de statues qu'il fit 
déposer dans les temples et les autres édifices publics. 

Poètes, philosophes, artistes, richesses de tout 
genre et de toute espèce, productions du génie humain 
sous toutes les formes quittèrent le sol de la Grèce 
pour venir faire de la ville de Rome la reine de toutes 
les cités. Cet accroissement de splendeur correspondait 
à une révolution politique de la plus haute importance. 
Le régime sous lequel la république romaine avait 
jusque-là prospéré et grandi engendra la domination 
militaire, les consuls devinrent des impérators, et ces 
derniers se changèrent bientôt en césars. Ainsi se 



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forma l'empire; vers la lin du premier siècle de 
notre ère, le monde, organisé sous une monarchie uni- 
verselle et régulière, parut enfin trouver l'.ordre et la 
paix. 

Tous les arts sont alors remis en honneur et culti- 
vés, même parmi les personnages les plus élevés de 
l'État; mais ce sont les artistes de la Grèce, architectes, 
sculpteurs et peintres, qui viennent les enseigner et 
former des écoles. 

Que rencontrait-on en fait de beaux-arts sur te sol 
de l'Italie avant l'époque d'Auguste? Quelques temples 
de petites dimensions, de nombreux tombeaux, une 
quantité très considérable de vases peints et beaucoup 
d'objets de bronze fondus avec habileté : tout cela con- 
stituait l'art étrusque. Art bien ancien, antérieur de 
beaucoup à la conquête romaine, art national, né sur 
le sol fécond de l'Étrurio, sur cette terre privilégiée 
entre toutes qui n'a jamais cessé de produire des 
artistes, mais art restreint, plutôt industriel que spé- 
culatif, et bien pauvre en un mol, si on le compare aux 
merveilleuses productions de la Grèce. Voulez-vous 
comparer l'architecture des deux pays, puisque cet art 
résume à lui seul tous les autres? Ce que l'on a appelé 
l'ordre toscan, cette conception architectonique que 
les Romains avaient adoptée après l'avoir rencontrée 
sur le pays môme, dénote une infériorité flagrante sur 
le vieil ordre dorien employé dès l'abord par les Grecs ; 
tous les édifices construits suivant ces principes étaient 



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lIlPOQUE ROMAINE. 



écrasés, les colonnes de pierre étaient surmontées 
d'architraves en bois et supportaient un fronton d'une 
hauteur extraordinaire, dont le tympan était en briques 
ou en bois; rien ne vient rappeler ici la belle et sobre 
harmonie d'un vieux temple grec. Cependant, cette 
architecture, si défectueuse qu'elle fût, les Romains, 
pendant bien longtemps, n'en connurent pas d'autre; 
les monuments élevés à Rome, même dans les derniers 
temps de la république, en sont un frappant témoi- 
gnage. Rome s'est approprié par la conquête les arts 
des autres peuples, mais, chose bien remarquable, 
jamais Rome n'a donné naissance à une école artis- 
tique. 

C'est à la suite de la conquête de la Grèce que les 
Romains élevèrent les premiers monuments un peu 
importants. Métellus le Macédonien fit construire à 
Rome le premier temple de marbre, et dans un portique 
célèbre furent placées les vingt-cinq statues équestres 
faites par Lysippe, d'après les ordres d'Alexandre, en 
l'honneur des soldats tués par les Perses au passage du 
Granique. Ce portique de Métellus renfermait dans son 
enceinte, d'après l'historien Velléius Paterculus, deux 
temples dédiés, l'un à Jupiter, l'autre à Junon, tous 
deux ornés de statues grecques très renommées ; les 
architectes et les sculpteurs employés par Métellus 
étaient du reste originaires de Lacédémone, ils se 
nommaient Sauros et Batrachos. Les restes de ce por- 
tique, dans lequel était comprise la Curia Pompeia, sont 



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encore visibles ; le sénat y tenait ses séances ; c'est là 
que César fut assassiné. Le théâtre de Pompée a été le 
premier monument de ce genre construit à Rome en 
pierre de taille. Les spoliations faites alors sur le terri- 
toire de la Grèce profitaient à l'État, à la chose pu- 
blique, on consacrait aux dieux les dépouilles des 
nations vaincues; ce désintéressement ne fut pas de 
longue durée. 

A partir du règne d'Auguste, l'influence des artistes 
grecs se fait sérieusement sentir. Tous les monuments 
construits k Rome ou en Italie sont élevés sur le 
modèle de ceux de la Grèce ; le Parthénon ou l'Odéon 
inspirent les nouveaux architectes; le temple de 
Jupiter et le Gapitole étaient littéralement copiés sur 
les monuments d'Athènes. 

Mais le goût des belles œuvres d'art, en se déve- 
loppant, entraîna le désir de se les approprier. Les 
généraux, devenus plus connaisseurs et en même 
temps moins scrupuleux, se firent, à côté de la part de 
l'État, une part toute particulière et peut-être la plus 
importante ; leurs villas, leurs palais regorgeaient de 
statues, de tableaux et de magnifiques tapisseries. 
Bientôt la rapacité du vainqueur, toujours aiguisée, ne 
connut plus de bornes, on recourut aux proscriptions; 
les préteurs spolièrent les provinces. Quelques honnêtes 
gens achetaient dans toute la Grèce et à tout prix. 
Cicéron se faisait envoyer par .4tticus les peintures et 
les statues qui devaient orner ses villas. Chacun vou- 



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ËPOQUE ROMAINE. 



lait posséder une collection, et, comme il était de bon 
ton autrefois à Athènes, se faire passer pour un ama- 
teur éclairé. Le type du collectionneur romain avec 
toute son avidité, son àpreté, c'est Verres, pillant la 
Sicile pour orner son palais. Salluste est un autre 
amateur distingué, fin connaisseur mais peu scrupu- 
leux; il avait réuni dans ses jardins une foule de mer- 
veilles, à en juger par ce que l'on y a découvert. A 
côté ou à ta suite de Verres et de Salluste, il faut pla- 
cer Asinius PoIIion, Lucullus et Agrippa. Toutes ces 
collections provenaient de l'étranger ; à Rome il n'y 
avait que des copistes et des restaurateurs. 

Un artiste italien est cependant venu illustrer cette 
époque. Marcus Vitruvius Pollio était né à Vérone. 
Soldat dans les armées de César, il s'était employé à 
construire les machines de guerre ; de retour à Rome 
il se fit architecte. Mais il doit sa célébrité moins 
encore aux monuments dont il contribua à doter la 
ville qu'à son fameux traité De Architectural dédié à 
Auguste. L'auteur y constate d'une façon nette et cer- 
taine l'état où étaient de son temps l'architecture et 
plusieurs sciences accessoires ; il y donne des règles 
lixes à suivre dans la conception et la construction des 
monuments; son livre deviendra le code des architectes 
de l'avenir, et l'on peut dire que, si les arts de la Grèce 
ont animé les artistes de la Renaissance du souffle 
générateur de leur esprit, Vitruve a été le véritable 
propagateur de leurs lois et de leurs doctrines, le 



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traducteur de leurs enseignements, rinitiateur de tous 
les architectes qui, au xv" siècle, se sont livrés avec 
ardeur à l'étude de Tantiquité. Au reste, Vitruve 
déclare dans sa préface qu'il a puisé ses principes non 
pas chez les auteurs romains, mais chez les auteurs 
grecs, dont il donne une liste nombreuse, lin Grec, 
nommé Diogène l'Athénien, avait été chargé de la 
décoration intérieure du Panthéon d'Agrippa. 

Après la bataille de Persée, Sylla déclara la Grèce 
province romaine ; mais cette réunion à peine accom- 
plie, l'influence de la Grèce se fit sentir sur Rome 
avec la même puissance qu'autrefois elle avait agi en 
Asie. Athènes avait conservé ses orateurs, ses acadé- 
miciens, ses philosophes, ses rhéteurs, et pas un 
des jeunes patriciens destinés aiîx affaires publiques 
ne manquait de faire le voyage d'Athènes et d'y 
séjourner quelques années pour y acquérir cette 
fleur d'atticisme si prisée au barreau de Rome. La 
langue grecque devint familière à Rome. Le plus 
essentiellement grec de tous les Romains fut Néron : 
grand artiste, esprit orné, joueur de flilte comme un 
initié d'Eleusis, tous les monuments qu'il fit construire 
étaient grecs, tous les arts qu'il cultiva étaient essen- 
tiellement grecs ; il paraissait sur la scène costumé 
en mime de Corinthe, la chevelure bouclée descen- 
dant sur les épaules comme celle du berger Paris, et 
son plus grand triomphe fut de concourir à Olympie 
aux applaudissements de toute la Grèce. Rome était 



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ÉPOQUE ROMAINE. 



inondée de Grecs maîtres de la mode et de l'esprit. 
Néron avait orné de statues et de peintures magnifi- 
ques les temples des dieux ainsi que le merveilleux 
palais qu'il s'était fait élever. Pline rapporte qu'on 
voyait de son temps une Vénus de Praxitèle dans 
le temple de la Félicité, une Cérès et une Flore dans 
les jardins de Servilius, une Fortune dans le Capi- 
tule. Partout où s'étendait la domination romaine 
s'élevèrent de beaux monuments dans le style grec 
comme la Maison carrée à Nîmes, le temple et le 
théâtre d'Arles, l'amphithéâtre de Vérone, etc. Bien 
que tous les arts se soient alors vigoureusement 
développés à Rome, nul artiste romain ne pouvait être 
comparé aux artistes grecs,; ils n'en avaient ni le génie 
ni la grâce. En poésie, Athènes exerçait le même 
prestige : Tibulle, Catulle, Properce, Ovide, étaient 
Grecs par la forme, la pensée et les images ; Horace, 
le philosophe épicurien, l'hôte des jardins de la villa 
de Mécène, était un véritable Grec. Le joueur de 
flûte du théâtre, le danseur admiré des matrones, 
étaient des Grecs aux formes et aux costumes athé- 
niens, comme on les voit encore sur les bas-reliefs. 
Les courtisanes célèbres, Lesbie, Thesbie, Éros, 
étaient toutes Grecques, souvenir des Aspasie et des 
Laïs, et les jeunes hommes allaient suspendre des 
fleurs aux portiques de leur villa. 

Que peut-on citer, pour achever le tableau, de 
plus étonnant que celte Pompéi retrouvée après dix- 



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sept siècles de mort? A l'époque des empereurs, la 
société romaine pouvait se diviser en trois groupes : 
les opposants au gouvernement, parmi lesquels domi- 
naient les stoïciens, continuateurs des traditions 
républicaines ; les satisfaits, comprenant les person- 
nages o^iciels, et tous ceux qui gravitaient autour de 
la cour; entre ces deux partis extrêmes se plaçaient 
les indifférents, cherchant surtout à conserver leur 
vie, leur indépendance, et à jouir, au fond de leurs 
retraites, des bienfaits de celte civilisation raffinée. 
Parmi ces derniers, les uns, comme Pline, remon- 
taient jusqu'au lac de Côme ; Tibulle et ses amis 
s'établissaient dans les vallées de la Toscane ; d'autres 
descendaient vers la Grande-Grèce, la Sicile et l'Afri- 
que; mais la plupart s'étaient arrêtés dans les environs 
de Naples, à Herculanum, à Pompéi, à Stable et à Sor- 
rente. Presque tous, ils avaient visité Athènes et 
s'étaient laissé séduire par cette philosophie indul- 
gente et douce des disciples d'Épicure. Rentrés en 
Italie, ils voulurent organiser leur vie d'après ces 
principes, et leur premier soin fut de se créer une 
demeure à l'imitation des maisons des Athéniens, 
remplie des souvenirs de la Grèce et embellie par les 
œuvres de ses artistes. Pompéi devint une ville grecque 
dans la plus large acception du mot. 

L'art grec s'était donc emparé dès l'époque d'Auguste 
du génie de l'Italie, et l'avait façonné sur son modèle 



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ËPOQUE ROMAINE. xxxv 

à la faveur de cette période de paix et de tranquillité 
qui suivit la conquête du monde et la création de 
l'empire. Les arts et les lettres n'ont jamais brillé d'un 
si vif éclat. Mais bientôt, l'ampleur que l'on voulut 
donner aux monuments, le besoin de faire grand, le 
faste, ta décoration luxueuse dont on les surchargea 
leur enlevèrent ce caractère de convenance exquise 
que les Grecs savaient leur donner pour ne leur con- 
server plus que la richesse et la magnificence. C'est 
là surtout le caractère distinctif de l'architecture 
romaine, où l'arcade permet, en allégeant le poids des 
murailles, d'élever la construction de plusieurs étages, 
où la voûte, avec toutes ses combinaisons, peut couvrir 
un espace considérable sans l'encombrer de points 
d'appui. Cette architecture prit tout son développe- 
ment dans la construction des palais, des amphi- 
théâtres et des thermes où s'étaient concentrés tout le 
luxe et la vie des Romains. L'influence salutaire de la 
Grèce aurait peut-être pu se perpétuer, au moins se 
faire sentir plus longtemps si un nouvel élément de 
corruption n'était venu se joindre à tous les autres 
pour transformer l'aspect de la ville de Rome. Avec 
l'apparition des mœurs et des coutumes de l'Asie, le 
tempérament, jusque-là si fortement trempé des 
Romains, fut complètement énervé. Dès lors, il n'y 
a plus d'art possible, s'il y a encore des artistes; le 
luxe devient effréné; ce ne sont que perpétuels spec- 
tacles au milieu desquels se déploient des processions 



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immenses, se changeant le soir en bacchanales et en 
saturnales. Héliogabale est le véritable représentant de 
cette civilisation orientale entraînant avec elle tous les 
vices. 

Néanmoins, sous les Antonins, les principes de l'art 
grec reprennent faveur; le Grec ApoUodore fut l'archi- 
tecte choisi par Trajan pour construire son Forum, son 
Odea, son Gymnase, tous monuments inspirés des 
beaux édifices d'Athènes. Après Trajan, Hadrien con- 
sacra son règne à visiter les provinces et les dota de 
nombreux travaux; Nîmes lui doit ses arènes et le 
pont du Gard ; à Rome, il élève le fameux mausolée 
dont il veut faire son tombeau. Ayant parcouru la 
Grèce en admirant et même en restaurant les anciens 
monuments, comme le prouve le délicieux arc de 
Thésée, il rassemble auprès de lui tous ses souvenirs 
de voyage et crée cette étonnante villa Hadriana dont 
nous admirons encore les ruines. Cependant, avec 
Septime-Sévère la décadence commence à s'accentuer, 
et, si l'arc de triomphe qu'il élève au Forum rappelle 
des victoires, il atteste également un pas déjà bien 
marqué dans cette triste voie. Caracalia nous a laissé 
ses Thermes, il a voulu étonner par leur grandeur et 
leur richesse, mais n'a plus trouvé de vrais artistes 
pour l'aider dans ce dessein, il a dû se servir d'ouvriers. 
A partir de l'avènement de Maximin, c'est-à-dire vers 
l'année 230, il s'exécute encore des travaux, mais, en 
Italie, il ne se crée plus d'œuvres d'art, l'influence 



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ÉPOQUE GRÉCO-BYZANTliNE. 



bienfaisante de la Grèce avait complètement disparu ; 
et cependant, la langue grecque avait encore un tel 
prestige que Marc-Aurèle s'en servait pour écrire ses 
Maximes et que l'empereur Julien écrivit en grec ses 
Plaidoyers en faveur du polythéisme. 

Nous tombons après dans une nuit profonde. 
^'Italie n'est plus que le tombeau de toutes les civi- 
lisations dont elle avait recueilli le tribut. Mais elle 
nous en conservera les trésors, et lorsque, sous 
l'influence renaissante de l'esprit, des lettres et des 
sciences, on parcourra ses campagnes et ses villes 
dévastées, on fouillera son sol ensanglanté par tant de 
massacres, alors on retrouvera les restes des monu- 
ments dont les Romains l'avaient abondamment cou- 
verte. Tous ces arcs de triomphe, ces thermes, ces 
palais, ces colonnes votives, ces panthéons, ces 
théâtres, ces temples superbes sortiront de terre, et 
leurs ruines attesteront encore une fois la grandeur de 
le Grèce et serviront à en perpétuer le souvenir. 

ÉPOQUE GRÉCO-BYZANTINE 

Lorsque Rome, théâtre de tant de persécutions, fut 
devenue un séjour insupportable à Constantin, chrétien 
et baptisé, il transféra le siège de son empiré à 
Byzance. Ce fut l'émigration de tout un peuple; l'Italie, 
privée de ses habitants, demeura livrée aux invasions 
barbares. La belle langue grecque était devenue la 



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langue officielle de la cour, et, pour orner sa nouvelle 
capitale, l'empereur faisait apporter d'Athènes ou de 
Corinthe quelques-uns des chefs-d'œuvre qui s'y trou- 
vaient encore. Le christianisme triomphait, mais il 
reposait sur des idées diamétralement opposées au 
polythéisme : la pudeur, la chasteté, l'abstinence 
devenaient des vertus particulières; aussi, la nudité 
païenne faisait place aux voiles et aux longs vête- 
ments. Les Grecs adoptèrent donc ces lois nouvelles, 
mais dans la représentation des saints, ils revêtirent 
leurs statues ou leurs peintures de robes de pourpre, 
de riches étoffes, de tuniques de lin aux couleurs vives 
et brillantes, entourèrent leurs tôtes de rayons éblouis- 
sants et employèrent la soie, la pourpre, l'ivoire et l'or 
comme une tradition de l'art des Athéniens. 

Pourtant ce serait.une erreur de croire que le poly- 
théisme disparut tout d'un coup de la Grèce ainsi que 
les arts qu'il avait inspirés. Jusqu'au règne de Théo- 
dose, Athènes continua à célébrer ses fêtes religieuses 
avec toute la pompe des anciens temps; dans tes cam- 
pagnes surtout, les coutumes se conservèrent avec 
les sacrifices naïfs, les fêtes, les danses sacrées autour 
des statues de Pan, de Flore et de Pomone. 

Après l'invasion d'Alaric à la tête de ses Wisigoths, 
vers 395, ceux des anciens monuments qui se trou- 
vèrent encore debout furent consacrés au nouveau 
culte et transformés en églises : Sainte-Sophie s'éleva 
sur les ruines et avec les débris d'un temple; les 



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ÉPOQUE GRÉCO-BYZANTINE. 



belles statues de Vénus et de Jupiter, œuvres du siècle 
de Périclës, changèrent de destination; à Constanti- 
Dople, on plaçait au milieu de la place publique les 
créations de Phidias et de Praxitèle; et, l'hippodrome 
s'enrichit de chai's de bronze, de .chevaux de marbre 
et de groupes de porphyre. Malgré ces actes d'autorité, 
malgré la ditTusion de la nouvelle croyance, Athènes 
restait toujours païenne, par ses habitudes, par ses 
arts et par ses écoles; la renommée de sa philosophie 
n'avait pas encore disparu et vivait toujours brillante. 
Cette situation, acquise par tant de siècles d'une supré- 
matie incontestée, se perpétua encore à travers la civi- 
lisation nouvelle pendant bien longtemps, et marqua 
de sa forte empreinte les œuvres d'art ou> d'intelli- 
gence qui prirent naissance sous l'empire de la reli- 
gion du Christ : en faisant une Vierge, on pensait à 
Minerve; en représentant Dieu, le Créateur du monde, 
on rappelait les Jupiters d'autrefois. Anne Comnène, 
la petite-ûlle de l'empereur Alexis, parle d'Athènes 
dans son poème de VAlexiade avec autant de respect et 
d'admiration qu'on aurait pu le faire au temps de 
Périclès. 

La période byzantine des beaux-arts, malgré sa 
longue durée, n'a eu aucune influence sur l'immense 
développement des arts en Italie à l'époque de la 
Renaissance. Venise et Ravenne ont servi de tampons 
pour en arrêter l'expansion; la barbarie des Lombards 
et des Francs l'a empêchée de pénétrer plus avant par 



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le Nord. Bien que cette expansion se soit au contraire 
vigoureusement fait sentir au Midi, dans les provinces 
grecques de la Sicile et de l'Italie méridionale, bien 
que les traditions des arts byzantins aient été longtemps 
conservées dans quelques refuges privilégiés, tels que 
le monastère du Mont Cassin, tout ce qu'ils ont pro- 
duit n'a été qu'un reflet de ce qu'ils avaient créé dans 
la capitale de l'empire et les villes avoisinantes; nulle 
sève, en Italie, n'a été capable de leur faire donner 
une nouvelle floraison. L^architecture, le plus vivant, 
le plus pénétrant de tous les arts, apparaît, il est vrai, 
ilans sa forme byzantine sur de nombreux points de 
l'Italie, mais bien qu'elle se soit efforcée de prendre 
pied à Venise et à Pïse, bien qu'elle ait élevé dans 
maints endroits de très intéressants monuments, elle 
n'a pas poussé de fortes racines et n'a laissé aucune 
trace dans les œuvres de la Renaissance. 



Cependant, Constantinople va bientôt perdre, sous 
les efforts des Croisés et des Vénitiens, sa situation de 
capitale d'un grand empire ; et, chose digne de 
remarque, le déclin de cette puissance coïncide, à deux 
reprises différentes, avec le moment où l'influence 
grecque se fait le plus fortement sentir en Italie, mais 
c'est à la dispersion des littérateurs et des philosophes 
qu'elle est due, plutôt qu'à la diffusion des principes 
artistiques. 



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ÉPOQUE GRÊCO-BYZANTlNE. 



En l'année 1204, une armée de Croisés, composée 
de Normands, de Français et de Vénitiens, appelée par 
une révolution de palais, vint mettre !e siège devant 
Constantinople. La ville fut prise, incendiée, livrée au 
pillage, et les soldats à demi barbares dévastèrent 
églises, palais, édifices publics et maisons particulières; 
une innombrable quantité d'ouvrages d'art, statues, 
tableaux, marbres, obélisques, objets de luxe, amassés 
depuis neuf cents ans, des trésors non moins précieux 
en livres et en inscriptions disparurent pour toujours. 
L'historien Nicétas ajoute, à une longue énumération 
d'objets d'art détruits, que, « heureusement, les statues 
de marbre furent mieux respectées, car elles n'avaient 
aucune valeur aux yeux de ces barbares ». Les Véni- 
tiens, plus éclairés, emportèrent comme témoignages 
de leur victoire des statues, des chars de triomphe et 
ces célèbres chevaux de bronze qu'ils placèrent au 
fronton de leur sanctuaire dédié à saint Marc. Pendant 
les cinquante années qui suivirent la prise de Con- 
stantinople par les' Croisés, l'empire grec partagé entre 
les vainqueurs n'avait plus d'existence politique. 

Les Grecs reprirent Nicée, s'y établirent, et, 
retrempés par l'énergie de Théodore Lascaris et de 
Michel Paléologue, resserraient tous les jours le cercle 
autour de leur capitale. Bientôt, avec l'aide des Génois, 
ennemis acharnés des Vénitiens, ils chassent à leur tour 
les Latins et font rentrer Constantinople sous leur 
domination. Mais Gênes ne sut pas profiter de cet évé- 



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nement, et, il faut !e constater avec étonnement, ce 
peuple de marchands ne sut pas faire servir ses vic- 
toires au développement des sciences, des lettres ni 
des arts en Italie. Deux batailles navales perdues par 
les Génois rendirent peu après à Venise toute sa pré- 
pondérance. 

Ce ne sont plus alors de simples trafiquants qui 
viennent à Constantinople, mais tout ce que la Répu- 
blique possédait d'hommes supérieurs dans tous les 
genres s'empressèrent d'y accourir. La langue grecque 
devint familière à tous les Vénitiens. Étudiée d'abord 
comme langue officielle pour servir aux transactions, 
elle fut bientôt cultivée pour les besoins de la litté- 
rature ; des prêtres, des philosophes, des grammai- 
riens grecs vinrent professer à Venise ; Jaeopo, 
savant vénitien, fut à cette époque le premier traduc- 
teur des œuvres d'Aristote. Malgré cela, les Vénitiens 
furent peu touchés par les œuvres et les monuments 
d'art de la Grèce antique ; le courant artistique du 
vieux génie hellénique passa par une autre voie pour 
venir enflammer des intelligences bien autrement dis- 
posées à l'accueillir. C'est à Florence qu'il faut aller 
chercher le terrain propice où les germes une fois 
plantés se hâtent d'éclore et donnent de magnifiques 
résultats. 



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ÉPOQUE LATINO-GRECQUE. 



ÉPOQUE LATINO-GRECQUE 

La Renaissance italienne, rappelons-le ici, n'est qae 
le retour de l'esprit humain aux formes littéraires et 
artistiques de l'antiquité grecque, ainsi qu'à ses prin- 
cipes de philosophie. Mais il faut, dans cette révolution 
en arrière, tenir compte d'un facteur considérable, le 
plus important de tous, celui qui va donner k ce grand 
mouvement une telle impulsion vers un idéal nouveau, 
une telle expansion, que cette évolulion, tout entière 
dirigée vers les choses du passé, est obligée de marcher 
en avant et crée une ère nouvelle. 

Le christianisme, après avoir lutté pendant des 
siècles contre l'antique civilisation, était parvenu à la 
transformer complètement, à édifier une nouvelle 
société, à produire une nouvelle littérature, à donner 
aux arts une nouvelle formule. La religion du Christ, 
prompteilient accueillie à son apparition chez les 
pauvres et les malheureux, devint bientôt la consola- 
tion de tous les esprits élevés qui se rendaient compte 
des folies et du défaut d'équilibre de tout l'édifice 
social. Trois siècles environ après la naissance de Jésus, 
le christianisme est déclaré religion d'État, et le concile 
de Nicée en donne le symbole. Dès lors, il n'était plus 
besoin de ces temples dédiés à tant de divinités, les 
statues même des dieux devenaient inutiles; les temples 
furent abandonnés, les statues renversées; la jeune 



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société chrétienne devint, avant les barbares, l'au- 
teur de la destruction d'une foule considérable de mo- 
numents des arts ou de la littérature païenne. Ce fut 
une pression lente, permanente et terrible dans ses 
effets. Quelques grands esprits s'élevaient bien au- 
dessus du préjugé vulgaire et conciliaient la pratique 
de la religion nouvelle avec leur admiration pour Phi- 
dias et Praxitèle, Eschyle et Sophocle, Arislote et Pla- 
ton ; mais le concile de Carthage ayant formellement in- 
terdit la lecture des auteurs païens, les lettres grecques 
furent abandonnées, et cette belle langue devint bientôt 
inintelligible en Italie. Plus tard, la langue latine 
môme, la seule que l'on enseignât dans les écoles, se 
corrompit tellement au contact des idiomes des bar- 
bares qu'elle devint le privilège des seuls lettrés. 

Cependant la société chrétienne étendait de jour en 
jour son importance et son influence; de tous côtés 
s'étaient formés des établissements monastiques; les 
premiers, en Orient, suivirent la règle de saint Basile; 
en Occident, saint Benott, le chef incontesté de tous 
tes ordres religieux, entreprit de régénérer la grande 
loi du travail ainsi que l'étude des lettres abandonnée 
de tous. Les moines de Saint-Benoft ont copié les 
manuscrits et instruit la jeunesse. 

Les chrétiens, sous l'inspiration des idées nouvelles, 
avaient bien tout détruit, mais n'avaient encore rien 
créé; pour les besoins de leur culte, ils s'étaient em- 
paré des basiliques, édifices civils, et, pendant plu- 



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Epoque latino-grecque. 



sieurs siècles, ne cherchèrent pas d'autres modèles 
pour les églises qu'ils faisaient construire. Si quelques- 
unes s'étaient élevées pendant la domination lombarde, 
soit sous l'inlluence grecque de Ravenne ou bien au 
contact des Germains et des Francs, elles ne consa- 
crèrent aucun progrès réel. Il faut arriver au règne 
d'Othon V (936), fils de Mathilde, et poursuivre jusqu'à 
celui de Frédéric II, mort en 1250, pour constater 
quelques modifications importantes en architecture. 
Les autres arts n'existaient pas, la sculpture copiait 
grossièrement des sarcophages antiques, la peinture 
était représentée par quelques personnages, toujours les 
mêmes, reproduits d'après des types de convention. 



Nous voici arrivés à cette époque remarquable de 
l'histoire de l'Italie où le territoire se divise en petits 
États, où chaque État devient un corps politique se 
gouvernant par ses propres moyens. Toute domination 
étrangère a disparu, le pays a repris possession de lui- 
même, et c'est justement à cette même époque, vers 
la moitié du xut'' siècle, qu'apparaissent en Italie les 
premiers artistes vraiment dignes de ce nom : à Sienne 
le peintre Guido, à Florence Cimabue et Arnolfo di 
Cambio, Jean et Nicolas à Pise; dans les lettres et la 
philosophie, Dante, Giovanni Villani et Passavanti; 
c'est la Renaissance qui s'annonce; ce sont les premiers 
feux d'une aurore nouvelle. Mais, si quelques artistes 



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de génie, rejetant les errements du passé, se sont élan- 
cés à la conquête d'un nouveau royaume, ont imprimé 
à Tart une direction nouvelle, il faut reconnaître que 
les lettres et le langage eurent la plus grande part à 
cette irrésistible impulsion donnée aux esprits et aux 
intelligences. 

La civilisation grecque avait laissé des traces telle- 
ment profondes au cœur de l'empire romain que, long- 
temps après sa chute, l'Italie en conserva le souvenir. 
Les colonies de la Grande Grèce s'étaient toujours 
servi de leur langue originaire, et les villes de Naples, 
Salerne et AmalB, centres de commerce importants 
avecrOrient pendant les ix*,x®etxi" siècles, employaient 
la langue grecque pour opérer leurs transactions; le 
grec était la langue du pays, mais un grec transformé, 
corrompu, un véritable patois. Des rangs des moines 
de Saint-Basile, fort nombreux dans ces provinces, 
sortit un homme qui, pour compléter son instruction, 
alla étudier le grec classique à Gonstantinople. Ber- 
nard ou Barlaam sut gagner la confiance de l'empereur 
Andronic le Jeune, qui le chargea d'une mission au- 
près du pape alors à Avignon; Bernard rencontra à la 
cour pontificale Pétrarque et devint son professeur; 
mais son plus beau titre de gloire est d'avoir initié 
aux beautés de la langue grecque Léonce Pilate, que 
l'on peut regarder comme le premier fondateur des 
études grecques en Occident. 

Léonce Pilate, ayant fait à Padoue la connaissance 



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EPOQUE LATINO-GRECQUE. 



de Pétrarque, traduisit à sa demande les poésies d'Ho- 
mère en latin; Boccace, informé de ce fait, en fut telle- 
ment enthousiasmé que, sur ses ^instances, une chaire 
de grec fut créée en 1360, à l'Académie de Florence, 
en faveur du traducteur. Léonce Pilate ne professa à 
Florence que pendant trois ans. Cette bonne semence 
tombait sur un terrain bien mal préparé, car au milieu 
des guerres perpétuelles faites d'État & État, de ville à 
ville, de quartier à quartier, entre les factions ennemies, 
il restait peu de temps aux Italiens pour s'occuper 
d'art, de science, de philosophie ou de littérature. 
Pétrarque assure que, de son temps, il y avait à peine 
dix hommes en Italie qui eussent assez la connaissance 
de l'antiquité pour comprendre Homère, même traduit 
en latin. 

Vingt ans se passent entre la mort de Boccace et 
de Pétrarque, les deux zélés propagateurs de la langue 
grecque, et l'arrivée en Italie de Manuel Chrysoloros, 
élève du philosophe platonicien Gémiste Pléthon, 1393. 
Ambassadeur de l'empereur grec, il eut l'occasion 
de se rencontrer avec les hommes les plus éminents 
d'Italie, et leur promit de revenir pour enseigner la 
langue et la littérature grecques. Il revint en effet trois 
ans après, et reprit à Florence la chaire créée par 
i-éonce Pilate; mais Pléthon se déplaçait souvent, on le 
rencontre à la même époque à Milan, à Pavie ou à 
Rome; on lui doit cependant la première grammaire 
grecque parue en Occident. Palla Strozzi, un des plus 



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riches citoyens de Floreace, avait puissamment aidé 
Chrysoloros daos son œuvre de diffusion de la langue 
grecque en faisant venir un grand nombre de manu- 
scrits et en les faisant traduire en latin; exilé de Flo- 
rence par Cosme de Médicis, il se mit lui-même à 
l'œuvre et donna la traduction de plusieurs auteurs. 
De l'école de Chrysoloros sortit tout un essaim de 
jeunes hellénistes. Jean Aurispa peut être également 
compté parmi les plus ardents propagateurs, en Italie, 
de l'hellénisme sous toutes ses formes. Son successeur 
à l'Académie de Florence fut François Philelphe. Un 
autre illustre Grec, Théodore Gazza, chassé de Thessa- 
lonique par les Turcs, en 1430, vint, accompagné de 
plusieurs de ses compatriotes, mettre ses connaissances 
au service du pape Nicolas IV. 

Naples était un des grands foyers littéraires de 
l'Italie; Alphonse V d'Aragon, prince très instruit, 
attira à sa cour un grand nombre de savants et d'artistes. 
Quelques détails relatifs à l'arrivée à Naples de Lascaris 
et de ses compagnons, détails transmis par Thistorien 
Antoine de Palerme, donneront une idée de ce qu'était 
alors la cour de Naples et de la vie que menait 
Alphonse, ce roi chevalier, guerrier et savant : 

« L'escorte qui accompagnait les Grecs s'arrêta près 
d'un palais énorme et bizarre bâti par les Goths, les 
Normands et les Arabes, dont les avenues étaient bor- 
dées, pour tout ornement, de lourds canons en fer. 
Une garde espagnole veillait aux portes. Les Grecs 



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ÉPOQUE LATINO-GRECQUE. 



sont iQtroduits dans une vaste salle qui présentait aux 
regards la plus étrange variété : à la voûte, étaient sus- 
pendus des drapeaux déchirés, des armes, des éten- 
dards enlevés aux Mores de Tunis, aux Génois, aux 
Vénitiens, au milieu de ces trophées brillait uu bou- 
clier sur lequel était gravé un livre ouvert, devise par- 
lante que le roi avait adoptée ; sur une table de marbre 
on voyait quelques médailles antiques; dans une cas- 
sette d'ivoire, se trouvaient des instruments d'astro- 
nomie assez grossiers; près de là, étaient rangés des 
manuscrits couverts de lames d'or ou de bois odorant 
et fermés avec de fortes agrafes d'acier. Sur les mu- 
railles de la salle, des peintures représentaient des ba- 
tailles ainsi que les plus glorieux faits d'armes du 
règne, et, tout autour, se dressaient de belles statues 
grecques enlevés par le roi dans ses guerres. Au fond, 
Alphonse était assis, entouré de plusieurs des hommes 
célèbres qui faisaient alors la gloire scientifique et lit- 
téraire de l'Italie, Pozzio, Antoine de Païenne, ^néas 
Sylvius, et Laurent Valla son secrétaire; il tenait à la 
main une Vie d'Alexandre et s'entretenait de cette 
lecture avec ses doctes confidents. Son visage était 
singulièrement spirituel et guerrier, l'âge avait blanchi 
ses cheveux, mais sa taille haute et fière, ses yeux 
mobiles et pleins de feu lui donnaient encore toute la 
vivacité de la jeunesse. Il portait le court manteau et 
l'habit militaire espagnol. Quand les Grecs furent 
introduits auprès de ce roi, il leur dit : « Regardez 



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« autour de vous, vous verrez que vous n'êtes pas sur 
« une terre ennemie. » 

Un petit État suivit de près cette impulsion générale 
vers les études de l'antiquité, ce fut le marquisat, plus 
tard duché de Ferrare. Nicolas III (1393-1441) appela 
auprès de lui Jean Aurispa et Guarrini pour professer 
les lettres grecques à son Université. Lionel d'Esté con- 
tinua l'œuvre de son père; brillant élève de Guarrini, 
il contribua pour une part importante à donner à la lit- 
térature ancienne la grande impulsion qu'elle prit au 
IV* siècle. Borso d'Esté, après lui, fut un protecteur 
non moins éclairé des arts et des lettres. Enfin Her- 
cule l", fils légitime de Nicolas III, attira à sa cour les 
poètes, les artistes et les littérateurs les plus distin- 
gués. 

A l'égal de Ferrare, la ville de Mantoue encoura- 
geait les poètes et les littérateurs. Le marquis Jean 
François sut s'attacher l'illustre savant Victorien Ram- 
boldini de Feltro,né en 1379, mort en 1447. C'était un 
homme d'une rare érudition; il vint de Venise, où il 
dirigeait une école, pour entreprendre l'éducation des 
enfants du marquis. Louis III de Gonzague, l'ainé, joi- 
gnit à ses talents militaires le goût des lettres et des 
arts; sa sœur Cécile acquit une telle célébrité qu'on la 
classe parmi les personnes les plus instruites du 
XV" siècle. 

A Urbin régnait un autre élève de Victorien de Fel- 
tro : le duc Frédéric de Montefeltro (1418-1482) se 



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EPOQUE LATINO-GRECQUE. 



place également au rang des protecteurs éclairés des 
arts et des lettres. 

De tous cdtés,àMilan, à Venise, à Rimini,à Parme, 
partout enfin, c'était un réveil général, un entraînement 
universel que nul obstacle ne pouvait arrêter. L'art 
n'avait plus qu'une voie à suivre; il la parcourut en 
triomphateur. 

Dès le commencement du xni* siècle, avant Nicolas 
de Pise, il s'était produit dans la statuaire et l'archi- 
tecture UD certain retour d'admiration au profit des 
œuvres de l'antiquité, nous en avons le témoignage 
dans les encouragements donnés dans ce sens par 
l'empereur Frédéric II, et par les travaux dus aux 
marbriers romains. Vassalétus, le premier, et les Cos- 
mati après lui s'étaient inspirés des exemples pris 
dans Tantiquité grecque ou romaine'. 

Avec les premières années du xiv* siècle, on con- 
state une lacune; il faut attendre Jean de Pise et Àr- 
nolfo de Cambio pour trouver des maîtres ayant donné 
aux beaux-arts une forte impulsion. Toutefois, à cette 
époque, la voie n'est pas nettement tracée, Télément 
gothique, fortement représenté, vient faire obstacle 
aux progrès des inspirations classiques, elle com- 
porte, en statuaire, une tendance déjà bien marquée au 
naturalisme, et, en architecture, un accouplement des 

i . Voir les Marbrieri romaitu et le Mobilier pretbytéral, par Gustave 
Gladbsb, architecte. Paris, Leroux, 1897. 



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ordres antiques avec les voûtes ogivales qui lui enlève 
toute véritable originalité. La tentative de Nicolas de 
Pise était prématurée. Les Allemands, alors prépondé- 
rants en Italie, avaient amené leurs architectes, con- 
structeurs de sombres cathédrales; les moines cister- 
ciens bourguignons, très répandus sur toutes les 
parties de la péninsule, avaient créé des écoles d'art 
où l'on enseignait les principes appliqués en France, 
les convenances et Ja bonne appropriation de l'arc en 
tiers-point et de tous ses dérivés, sans trop s'inquiéter 
de l'emploi judicieux des matériaux dont on pouvait 
disposer. Ces influences diverses, mais fortement ap- 
puyées, avaient jeté le trouble dans les esprits ; il fallut 
près d'un sièle pour que le clair génie italien reprit sa 
marche vers son idéal naturel en rejetant de côté les 
obstacles que des étrangers avaient voulu lui imposer. 
Pendant ce temps les arts, autres que l'architec- 
ture, se développaient en s'inspirant surtout de l'étude 
de la nature et des élans d'une foi profondément chré- 
tienne, véritable et unique base de la civilisation. 
Cimabue est encore un Grec du bas-empire illuminé 
quelquefois par un rayon de jeunesse; mais Giotto, le 
rénovateur de la peinture, l'ami de Dante, n'a que 
bien rarement fait appel aux souvenirs de l'antiquité, 
l'idéalisme chrétien est le seul but vers lequel se 
dirigent toutes ses pensées; il est par excellence le 
peintre du cycle évangélique avec ses tristesses, ses 
douleurs et ses gloires. Un peu plus tard, Andréa Orca- 



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ÉPOQUE LATINO-GRECQUE. lui 

gna, avec son puissant et multiple génie, se manifeste 
par des œuvres où la hardiesse de la pensée se joint à 
la science de l'exécution. Mais en même temps appa- 
raissent Boccace et Pétrarque. 

On s'est demandé souvent lequel, de la littérature 
ou de Tart, avait précédé l'autre dans ce retour à 
l'antiquité. 11 ne faut pas en douter, ce sont les écri- 
vains, les poètes, les savants et les collectionneurs qui 
ont préparé la voie aux artistes. Tout artiste est le tra- 
ducteur, dans un certain langage, des idées et des 
préoccupations de son temps, et ce langage est d'autant 
plus élevé, d'autant plus expressif et noble, que ceux 
qui sont appelés à l'entendre exigent une plus grande 
perfection. Il est donc certain que s'il n'y avait eu 
personne pour guider les artistes, pour leur com- 
mander des ouvrages, s'ils ne s'étaient pas sentis 
dominés par une opinion publique, dirions<nous 
aujourd'hui, par une force intellectuelle qui les entraî- 
nait à la recherche de certaines vérités, de certaines 
formes qui autrefois avaient excité l'admiration des 
Grecs et des Romains, les efforts particuliers de 
quelques hommes, soit en sculpture, soit en archi- 
tecture, soit en peinture, n'auraient pas suffi pour 
ouvrir et frayer la nouvelle carrière. Ces artistes 
seraient restés des isolés. Voici une preuve bien 
curieuse de cette pression exercée sur les artistes. En 
1414, Taddeo di Bartolo, peintre de sujets religieux, 
est chargé par la Seigneurie de Sienne de décorer Je 



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vestibule de la chapelle du Palais public; que lui 
donne-t-on comme programme? De représenter, à 
côté du plan de Rome à l'époque des Césars, les 
effigies de Jupiter, de Mars, d'Apollon et de Pallas, 
tous dieux de la Grèce, accompagnées de celtes de 
César, de Pompée, de Cicéron, de Caton d'Utique, 
etc., enfin celle d'Aristote. C'était véritablement, 
pour un vestibule de chapelle, une affirmation peu 
ordinaire de civisme laïque. 

A Florence, les seuls trésors où Ton pouvait aller 
puiser les enseignements classiques étaient réduits, 
dans la ville même, à quelques sarcophages d'une 
assez basse époque, et dans le voisinage, à Fiesole, 
aux productions encore existantes de l'art étrusque 
accompagnées de monuments peu nombreux de la 
décadence romaine; trésors bien pauvres en les com- 
parant à ce que pouvaient montrer avec orgueil 
d'autres villes italiennes, telles que Pouzzoles, Ostie, 
Ancdne et Vérone. Mais les Florentins prisaient à un 
haut degré tout ce qui se rattachait à la grande époque 
grecque, et se trouvaient bien préparés, par les ensei- 
gnements des premiers humanistes, à recevoir, dès 
l'aurore du xv* siècle, l'impulsion qui devait placer 
leurs artistes sur le véritable terrain de recherches 
fécondes, dans cette Rome, merveilleux et inépuisable 
trésor cette fois de toutes les beautés antiques. Rrunel- 
leschi et Donatello vinrent à Rome, et Florence, grâce 
à l'abondante moisson qu'ils en rapportèrent, put se 



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ÉPOQUE LATINO-GRECQUE. 



lancer résolument dans la voie qui devait lui faire 
occuper la première place parmi les cités appelées à 
diriger le grand mouvement de la Renaissance artis- 
tique et littéraire en Italie. 



Loin de nous la pensée d'avoir refait l'histoire de 
la Renaissance des arts en Italie, sujet souvent traité, 
et quelquefois avec une ampleur, une autorité qui 
éloignent toute idée de le reprendre. Nous avons cru 
cependant nécessaire d'esquisser ici les causes de cette 
Renaissance, de remonter à ses origines fondamentales, 
d'aller rechercher ses véritables racines jusque dans 
les beaux temps de la Grèce et d'en suivre le dévelop- 
pement pour atteindre l'époque de sa première floraison. 

Si l'on veut bien comprendre le rôle que certaines 
personnalités ont joué sur celte grande scène, ce rôle 
fùt-il circonscrit à la production d'œuvres artistiques, 
il faut se pénétrer de l'esprit qui a engendré cette 
rénovation, et, par une analyse rapide des éléments 
divers dont elle se compose, en expliquer la portée et 
le sens. Alors, tout s'éclaircit : chaque pierre apportée 
à l'édifice prend son importance réelle suivant la place 
qu'elle occupe, suivant la fonction qu'elle est appelée 
à remplir, et, depuis les fondations jusqu'au couron- 
nement, on la voit concourir, comme un élément 
indispensable, à l'équilibre général. 



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TABLEAU GÉNÉALOGIQUE DE 



1" BRANCHE 



nBRRE !•'. 

mort 1469, 
ép. Lucrelta Tom&buoni. 



LADRÉNT II, 

le Magnirique, 

1448-1492, 

Ëp. Clarice Orsiai en 1469, 

(RSToIution Savonarole). 

Bannissement des Mjdicis 

(^odcrîDi). 



COSHE, 

1389-1464, 

Gonfalonier de la Rép., 

le PÈre de la Patrie. 



8TLTESTBE DE 1 

TËRI DE Hfi] 

JEU DE MË] 

ép. Picarda Ado 

né en 1360- mor 



PIERRE II. 

147MGU. 
rluissv de Florence en î*a*. 

I 

LiDRENT III, dur d'Urbin, 

1492-i&lS, 

uhefde la Itép. en niS. 

I. Mndeleinp île In Tour d'Auvergne. 



JDLIElf, 

1463-1478, 

assassiné, 

conjuration des Paul. 

I 

JOLES, 

fils naturel, 

légitimé par Léon X, 

1479-1534, 

pape CLfiHEHT TU 

(IS3M53V.. 



iEJlH, 
1479-1531, 
cardinal. 



ALEUNIIRE, 

Dis naturel, 
1519-1537, 
duc de Florence en 1531. 
ép. Marguerite d'Aulrirhe, 
fille nat. de Charies-Quint, 
assassiné par Laurenzino. 
ton pnrent. 



JULIEH, 

1478-ie». 

duc de Nemours, 

ép- Ph [liberté de Savoie, 

tante de François I", 

roi de France. 

HIPPOLTTE, 
Fils naturel, 

cardinal, 
mort en 1S33, 
empoisonné 
par Alexandre, 



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1 FAMILLE DES MÉDICIS 



LiDHENT I", 
13M-1440, 

fonctions militaires. 



2" BRANCHE 



-FItlllC( 



ûls naturel, 
Mtaire apostolique, 
tbuioiae de Prato. 



PIERRE-FttUCOtS, 

prieur de Florence, t*59, 

continue la banque, 

Lisse un patrimoine considârable. 

fpouse Laudamia Acciaioli. 

mort en Hli. 



tr 



BIAHCA, 

ép. Giulielmo 
de Paui. 



LAURENT, 
dit Popolano, 
M60-U03. 

l 
MERHE-FRAHQOIS, 

I 
LAOIIEHZIIIO, 

assassin d'Alexandre, 

mort en 15il, 

tue par son oncle Soderini, 

d'après les ordres 

de Cosme 1". 



Quatre SUes, 
a lune, LDCREZIA, 
p. François Cibo, 
irel du pape Innocent VIII. 



général de laRép., 
ép. Marie Salviatî. 

1 
COSHE I", 

grand-duc de Toscane, 1S37, 

uvcède à Alexandre assassiné, 

1B1B-1BT4. 

I 



JeVr FRAHÇOi's I", FERDISi^» 1-. 

Is naturel. grand-duc de Toscane, cardinal, 

15TMB8T grand-duc de Toscane. 

pËre de HARIE DE HfDICIS, ISW-ieOO. 




JEAN GASTON, 
1674-1737 
sans eoranls. 



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LES SAN GALLO 

XV ET XVI" SIÈCLES 

FLORENCE ET LES PREMIERS MÉDICIS 

Pour se rendre un compte exact de la valeur de 
certains hommes, poètes, littérateurs, historiens, il faut 
pénétrer leur caractère et se faire une idée bien nette 
des circonstances à travers lesquelles ces caractères 
se sont développés. S'agit-il d'artistes, un examen des 
causes environnantes est encore plus nécessaire, l'art 
étant, en Italie surtout, le reflet direct des tendances 
de toute époque et de toute société. Aussi, avant d'en- 
treprendre l'étude des œuvres et de la personnalité 
des différents membres de la célèbre famille dont le 
nom était Giamberti et le surnom San Gallo, est-il 
nécessaire de jeter un rapide coup d'œil sur l'état 
pohtique à la fin du xv* siècle, de la Toscane et de 
Florence, leur patrie, et de rappeler ce qu'était cette 
société italienne au milieu de laquelle ils ont vécu. 



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3 LES SAN GALLO. 

La République florentioe, comme un grand nombre 
de celles qui s'étaient fondées en Italie au moyen âge, 
rappelait plutôt, par sa constitution, les républiques 
de Tancienne Grèce que les municipes romains. Ck)mme 
elles aussi, elle ne tarda pas à devenir défiante, égoïste, 
mais énergique, jalouse de son indépendance, ardente, 
fîère et avide de renommée. Ce qui nous reste de 
l'architecture civile de cette époque donne bien l'indice 
de ces luttes perpétuelles du peuple ameuté contre les 
ambitieux qui pouvaient devenir des tyrans, ou des 
querelles des factions entre elles. Florence, comme 
toutes les villes de la Toscane, se hérisse de tours, de 
campaniles fortifiés, de demeures particulières qui 
sont des citadelles, et de palais publics qui sont les 
forteresses de la liberté. 

Florence était gouvernée par une démocratie, il 
est vrai, mais une démocratie restreinte, conférant à 
un petit nombre, avec le titre de citoyen, le droit de 
prendre part aux fonctions administratives. La noblesse, 
issue de désordres nombreux, propriétaire de terres, 
somme toute assez peu étendues, n'avait par elle-même 
aucune influence; aussi, ses membres étaient-ils obli- 
gés, en s'inscrivant dans une corporation d'art ou de 
métier, d'y prendre une part active, pour avoir droit 
de cité'. Au-dessous des citoyens, les artisans forment 

1. Les corporalions à Florence se divisaientenarlsmajt^urset en 
arts mineurs. Les sept Arts majeurs élaienl : les Juges et Notaires, 
les Drapiers, les Tisseurs de laine, les Changeurs ou Banquiers, les 



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FLORENCE ET LES PREHIEB3 HËDIGIS. 3 

le véritable peuple, les habitants de la campagne ne 
sont que des sujets. A la tète de PËtat se place la 
Seigneurie, composée du Gonfatonier, le premier 
magistrat, le porte-étendard, et des prieurs ou consuls 
des Arts majeurs; à cdté d'elle, un Grand Conseil et 
plusieurs autres de moindre importance sont chargés 
de veiller sur les diiTérentes parties de l'administration. 
La déftaace envers les citoyens élus k ces fonctions est 
extrême, sans cesse il faut en renouveler la liste tou- 
jours tirée au sort, et la brièveté de leur mandat, 
deux mots seulement quelquefois, est une précaution 
contre l'abus des influences. Avec de telles disposi- 
tions, l'ensemble des citoyens, c'est-à-dire le plus grand 
nombre, disposait à sa guise et au gré des événements 
du pouvoir souverain. Il ne s'agissait plus que de lui 
trouver un maître pour transformer cette démocratie 
mauvaise en une véritable tyrannie : Cosme de Médicis 
se chargea de le découvrir. 

COSME DE MÉDICIS (L'ANCIEN) 
1389*14e4 

Tout a été dit sur les premiers Médicis : Muratori, 
dans ses Anna/es, en a longuement parlé, et, à sa suite, 

Médecins, Apothicaires ou Droguistes, les Merciers et Fabricants Ùe 
soierie, les Fourreurs et Pelletiers. Les Arts mineurs étaient : les Mar- 
chands de drap au détail, les Bouchers, les Cordonniers, les Maçons 
et les Charpentiers, les Serruriers. Chacune de ces confréries avait 
un capitaine et un gonTalon. 



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i LKS SAN GALLO. 

se rangent tous les historiens de l'époque de la Renais- 
sance. Machiavel avec son Istoria Fiorenlina; Ammirato 
dans une autre Histoire Florentine ; Guichardin à 
propos des Guerres dltalie; Landino, De Laudibus 
Cosmi; Valori, In Vita Laur'entii Medici, et surtout 
Laurent de Médicis lui-même dans ses Ricordi, nous 
ont transmis des détails très précis sur tout ce qui 
touche aux membres de cette famille. Nous devons de 
plus une mention particulière aux ouvrages du Pogge 
et de Politien, écrivains dont la vie s'est passée dans 
l'intimité des Médicis. Parmi les auteurs modernes, 
nous citerons l'Anglais William Roscoê qui a donné au 
commencement du dix-neuvième siècle une histoire 
appréciée de la Vie de Laurent de Médicis; Charles 
Yriarte, Florence; Charles Blanc, Histoire de la Renais- 
sance en Italie; les belles études de M. de Reumont, 
et enfm M. Eug. Muntz qui, dans ses remarquables 
écrits relatifs à la Renaissance italienne : Les Précur- 
seurs, Histoire de l'Art, Les Arts à la cour des Papes^ 
pour ne rappeler que les plus importants, s'est montré 
un historien et un critique d'art éminent. Cependant 
nous devons tracer à notre tour un aperçu rapide des 
événements qui se sont passés à la fin du xv* siècle et 
au commencement du xvi*, événements auxquels les 
Médicis et les papes de cette époque ont pris une part 
si importante, qu'ils ont, surtout en ce qui touche aux 
arts, en grande partie dirigés, et auxquels ont été 
intimement mêlés tous les San Gallo. 



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COSME DE MÉDICIS (L'ANCIEN). 



Issu d^une famille très ancienne, dont les membres 
avaient à différentes époques occupé des charges im- 
portantes; disposant d'une fortune colossale gagnée et 
toujours engagée dans le commerce et dans la banque, 
Cosme de Médicis devint naturellement chpf de parti : 
le {"janvier 1435, à l'âge de 46 ans, il était élu gon- 
falonier. D'un sens rassis, fin, peu scrupuleux, habitué 
aux grandes affaires, bon administrateur de ses biens 
et de sa maison, ayant porté son commerce au comble 
de la prospérité, pouvant prêter au pape et à tous les 
souverains de l'Europe des sommes considérables, ca- 
pable d'anéantir d'un seul trait de plume le crédit de 
tous les négociants ou banquiers de Florence, Cosme 
était devenu fatalement le maître de ce peuple de mar- 
chands. Il était le plus riche, et l'argent régnait alors. 
Avec cela, peu soucieux des apparences, ennemi du 
luxe inutile, et sachant s'effacer pour ne pas exciter la 
jalousie. 

Tel était l'homme qui, pour appuyer son autorité, 
flattait par tous les moyens en son pouvoir le génie des 
Florentins. Or ce peuple avait depuis longtemps donné 
des marques de son amour et de son enthousiasme pour 
les belles productions artistiques : n'avait-il pas porté 
en triomphe des architectes, des peintres et des sculp- 
teurs, des statues, des bas-reliefs et des tableaux? Cosme 
voulut donc peupler la ville d'œuvres d'art et s'entourer 
d'artistes. Au reste, l'amour des arts remontait haut 
dans la famille des Médicis : son père Giovanni de' Bicci 



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A LES SAN GALLO. 

avait été en relation intime avec Masaccio, avec Zanobi 
Strozzi, l'élève de Giotto, avec Brunelleschi et avec 
Donatello; une forte éducation et une intelligence 
ouverte secondaient Cosme dans la voie qu'il avait 
résolu de suivre. Dès 14^12, sous l'impulsion des 
humanistes groupés autour de lui, il fait rechercher 
des manuscrits rares, et établit un commerce amicale- 
ment intime avec les savants et les artistes. Exilé à 
Venise, en i433, par Renaud d'Atbizi et son parti, il 
est accompagné dans sa retraite par plusieurs person- 
nages remarquables, entre autres par Michelozzo 
Michelozzi auquel il fait construire une bibliothèque et 
modeler un Christ pour la chapelle du couvent de 
San Giorgio qu'il habitait. Rappelé bientôt après par 
la faveur populaire, il revient prendre à Florence, au 
milieu des propagateurs attitrés du génie antique, la 
place distinguée qu'il avait précédemment occupée. 
Admirateur des œuvres de ces érudits, auditeur assidu 
de leurs leçons, il fonde bientôt la célèbre Académie 
platonicienne; l'Université de Florence prend sous son 
impulsion un grand essor; tous ceux qui se livrent à 
l'étude des arts trouvent en lui un guide sûr et un 
appui sérieux. 

C'est au commencement du xv* siècle, avec les pro- 
grès de l'humanisme, que s'est formée l'intelligence de 
l'art antique. Déjà, en 1403, Brunelleschi et Donatello 
viennent à Rome étudier et mesurer les anciens monu- 
ments; môme, leur ardeur est telle que les Romains, 



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GOSME DE MËDICIS (L'ANCIEN). 



étonnés de ce nouveau labeur, les désignent sous le 
nom de « chercheurs de trésors ». Cet exemple, fécond 
en si beaux résultats, sera bientôt suivi; nous verrons 
tous ceux qui veulent prétendre à un rang distingué, 
parmi les artistes de ce siècle, prendre les ruines de 
l'ancienne Rome pour champ de leurs premières études. 
D'autres voyagent, Cyriaque d'Ancône, Squarcione, le 
Pogge parcourent la Grèce, l'Allemagne, réunissant les 
premiers éléments de ces magnifiques collections et 
bibliothèques qui plus tard prendront un développement 
si important. 

A la fin du xiv* siècle, la physionomie de Florence 
était celle d'une cité de libre et riche bourgeoisie qui, 
au sortir de longues périodes de guerres intestines et 
de fléaux de toutes sortes, inaugure une ère de bril- 
lante prospérité. La ville se peuple et se renouvelle, 
le commerce prend un essor considérable, et de nom- 
breux travaux sont entrepris. C'est alors qu'Arnolfo, 
Giotto, les Gaddi, les Orcagna, Benci di Cione, con- 
struisent l'église de Santa Maria Reparata ou del 
Fiore, le Campanile, Or San-Michele, Santa Maria 
Novella, le Palais de la Seigneurie, le Bargello et les 
Loggia; les ponts sont rétablis, la ville prend un air 
de fête. Mais il fa(|l remarquer que tous ces édifices 
se rattachent par leta* style aux œuvres du passé, prin- 
cipalement à cette architecture dite gothique, venue du 
Nord et cherchant par de si grands mais de si vains 
efforts à s'implanter sur le sol de l'Italie. Tandis qu'avec 



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« LES SAN GALLO. 

Brunelleschi et Donateilo, son compagnon d'études, 
apparaît l'influence d'idées nouvelles germées sur les 
ruines de la Grèce et de la Rome antique. 

Cosme de Médicis a nettement étendu et fortifié ce 
mouvement de rénovation, accueillant artistes et 
savants avec une familiarité toute cordiale; il remet 
à Michelozzo Miclielozzi le soin de continuer l'œuvre 
de Brunelleschi à Santa Maria del Fiore; Lucca délia 
Robbia, Lippi, Mino ^da Fiesole, Benozzo Gozzoli sont 
en commerce d'intimité avec lui; son ardeur à con- 
struire est considérable, il fait terminer l'église de 
San Lorenzo, commencée aux frais de son père par 
Brunelleschi, et lui ajoute une remarquable sacristie; 
il construit avec Michelozzi son merveilleux palais. 
C'est à son affection pour le moine artiste Fra Ange- 
lico que sont dus, au moins en partie, la surélévation 
et l'agrandissement du couvent de Saint-Marc'; c'est à 
sa demande que Fra Giovanni, qui ne portait pas encore 

1. Le couvent de Saint-Marc, fondé au xiii» siècle, était occupé 
depuis cent (rente-cinq ans par les moines Sylvestrlns, lorsque le 
pape Eugène IV, fuyant Borne et réfugié à Florence, céda aux sollici- 
tations de la Seigneurie et de Cosme de Médicis, et ordonna que le 
couvent serait remis aux dominicains de Fiesole. Michelozzi fut chargé 
de reconstruire les bâtiments sur un nouveau plan en iiil, ce qui 
coûta 36 000 ducats d'or; 1 500 ducats furent affectés à la confection 
des livres de chcBur écrits en partie par Fra Benedetto, le frère de 
Fra Giovanni, et enluminés par Zanobi Slrozzi pour les figures, el 
par Filippo di Hatteo Torello pour les vignettes. Ces livres se 
trouvent aujourd'hui conservés dans l'ancienne bibliothèque du 
couvent. 



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COSHG DE HËDICIS (L'ANCIEN). 



le surnom d'Angclico, peignit pour le couvent des 
frères Serrites à Florence les huit tables, divisées en 
trente-cinq panneaux représentant la vie de Jésus, 
qui fermaient les armoires du trésor de la chapelle de 
l'Annunziata. En dehors de Florence, Assise, Cortone, 
Venise, Rome profitent du talent des architectes floren- 
tins; à Milan, Michelozzo agrandit le palais offert à 
Cosme par François Stbrza et sculpte de chaque côté 
de la porte des figures de femmes dont l'une porte les 
armoiries des Médicis avec la divise bizarre ; Semper 
droit, regardez-moi. 

L'époque artistique à laquelle Cosme a présidé 
porta les arts par un vigoureux élan, à une suprême 
hauteur. Entraînés par un tel courant, tous les mé- 
tiers, qui se rattachaient d'une façon quelconque aux 
beaux-arts, devaient nécessairement se développer 
et progresser en recueillant les fruits de cette haute 
direction ; tailleurs de pierre ou tailleurs de bois, au 
contact de telles intelligences, élargirent le cercle de 
leurs connaissances, s'appliquèrent à créer eux-mêmes 
des œuvres originales, et, d'artisans qu'ils étaient, 
devinrent artistes à leur tour. 

Cosme, le plus grand des Médicis, mourut à l'âge 
de soixante-quinze ans, le 1®' août 1464, estimé et 
honoré de tous; ses concitoyens lui avaient décerné 
pendant sa vie le titre de Père de la Patrie. Il est 
inhumé dans un caveau situé en avant du maltre-autet 
de l'église San Lorenzo; une simple pierre tombale 



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10 LES SAN GALLO. 

sculptée aux armes des Médicis en indique la place 
avec cette inscription en deux parties : 

COSIMVS MEDIGES 

HIC SITVS EST 

DECRETO PVBLICO 

PATER PATRIE 

VLXIT 

ANNOS LXXV 

HENSES III 

DIES X\X 

A ses côtés, dans le même caveau, repose Donatello, 
suivant le désir exprimé par l'artiste : « afin de ne pas 
être séparé de celui qu'il avait tant aimé ». Ténioi- 
gnage bien touchant de cette intime cordialité qui 
n'avait cessé d'exister, que la mort n'interrompait 
même pas, entre le chef de la République et l'un des 
plus illustres représentants des arts à cette époque. 

LAURENT I" ■ 

1392-1440 

Cosme avait un frère nommé Laurent qui, exilé 
comme lui en 1433, avait préféré s'effacer devant son 
aîné, lui laissant les honneurs, le grand rêle politique, 
et gardant pour lui ta direction des affaires commer- 
ciales de la maison de banque; sa modeste ambition 
avait été satisfaite par l'occupation de quelques charges 
militaires d'importance secondaire. Aussi, après sa 



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mort, survenue prématurémeot en 1440, le chef de la 
branche cadette des Médicis put-il laisser à son fils 
Pierre-François un patrimoine considérable, que ses 
descendants utilisèrent par la suite au grand bénéfice 
de l'illustration de leur famille. 



PIERRE I- 
I4ie-i47a< y '\ 

Cosrae, le Père de la Patrie, avait eu de son mariage 
avec la fille du comte Béni deux fils : Jean, le plus 
jeune, était mort quelques années avant son père, 
n'ayant pas eu d'enfants de son mariage avec Cornelia 
Alessandri et ne laissant qu'un fils naturel; Pierre, 
l'atné, demeurait donc seul pour recueillir l'héritage 
paternel. Cette succession comportait, outre des biens 
considérables et des richesses immenses largement 
accrues par une sage et intelligente administration, 
une somme énorme d'influence, une suprématie poli- 
tique, sociale, littéraire et artistique, qui, sans 
répondre à aucune charge ni à aucune dignité offi- 
cielle, faisait, de celui qui pouvait prétendre à cette 
situation, le principal citoyen de la République, le 
directeur des affaires de l'État, le Princeps, le prince, 
suivant l'expression de Machiavel. 

Pierre ne sut pas s'attirer au même degré que son 
père l'afTection de ses concitoyens: aussi, le grand 



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tS LES SAN GALLO. 

ascendant pris par les Médicis sur tous tes esprits 
aurait promptement décliné entre les mains du fils 
de Cosme^ s'il n'avait trouvé auprès de lui le tempé- 
rament hardi et entreprenant autant que sage et pon- 
déré, l'intelligence ouverte h tous les progrès, la 
nature éminemment sympathique et attrayante de son 
fils Laurent. Néanmoins, Pierre quoique médiocrement 
doué, d'un caractère faible, d'une santé toujours débile, 
ce qui l'avait fait surnommer ii Gottoso, le Goutteux, 
aimait les lettres et les arts. Filarete et Alberti furent 
ses principaux familiers; il commandait en 1459 des 
travaux à Benozzo Gozzoli, et celui-ci, dans ses curieuses 
lettres conservées aux Archives de Florence, l'appelle 
déjà « Votre Magnificence » tout en ajoutant quelques 
lignes plus loin « mon excellent ami », amico mio sin- 
golarissimo. Pierre distribuait également ses faveurs à 
Luea délia Robbia, à Filippo Lippi l'enfant gâté de 
tous les Médicis, et faisait restaurer de nombreuses 
églises par Michelozzi. Érudit et connaisseur, bon juge 
en matière d'art, sa villa de Careggi était ouverte à 
tous, et, malgré une certaine parcimonie qui lui a été 
souvent reprochée, savait, par ses libéralités, encou- 
rager les artistes. Son corps repose dans l'admirable 
sarcophage de porphyre entouré de bronze par Verroc- 
chio que l'on voit dans la petite sacristie de Saint- 
Laurent à Florence. 



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LAURENT H LE MAGNIFIQUE. 



LAURENT II LE MAGNIFIQUE 
1448-1492 

Lauréat de Médicis est l'expression la plus haute 
du génie de la Renaissance. Grandi auprès de son père 
dans te commerce intime des savants les plus remar- 
quables et des artistes les plus illustres, entouré des 
soins et de la tendresse de sa mère Lucrezia Torna- 
buoni, une des femmes les plus accomplies de ce 
siècle, il dénotait bientôt une maturité précoce; aussi, 
à peine adolescent, est-il initié aux affaires publiques. 
Envoyé à Pise, en 1465, pour recevoir, au nom de la 
République, Frédéric, second fils de Ferdinand roi de 
Naples, il vient l'année suivante à Rome présenter ses 
hommages et adresser des félicitations officielles au 
pape Paul U; de là, il passe à Bologne, puis à Ferrare, 
et arrive à Milan. Une autre fois, c'est vers Naples 
qu'il se dirige, ayant à remplir dans toutes ces occa- 
sions des missions politiques fort importantes dont il 
s'acquitte à la satisfaction générale. Florence donnait 
des fêtes, les tournois étaient en grand honneur, les 
fils de Pierre y figuraient; aussi les historiens du temps, 
ainsi que toute la bande des poètes à gage, ont-ils 
célébré le triomphe de Laurent et de son frère Julien 
dans une de ces circonstances. Sous l'impulsion du 
courant qui l'environne, Laurent devient poète lui- 



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li LES SAN GALLO. 

même et adresse une suite de sonnets à sa maîtresse 
Lucrezia Donati. Après son mariage avec Clarice 
Orsinî, il réserve sa plume pour des œuvres plus 
sérieuses. 

Pierre de Médicis était mort au mois de décembre 
1469, laissant à ses deux fils le gouvernement de la 
République. Cette transmission s'effectua naturellement, 
paisiblement, tant il semblait alors aux Florentins que 
le soin d'administrer leurs affaires et de veiller h leurs 
intérêts ne pouvait être placé en des mains plus 
sûres, plus capables et plus dévouées, tant ils avaient 
confiance dans l'habileté des descendants directs de 
celui qui avait amené TËtat à un si haut degré de 
prospérité. Laurent et Julien, étroitement unis par 
une affection sincère, partagèrent donc l'autorité tout 
en s'adonnant à la culture des lettres et des arts. La 
République était en paix et recevait avec toute la 
pompe imaginable la visite de Galeas Sforza, duc de 
Milan, et de sa femme Bona, sœur du duc de Savoie ; 
il y eut en cette circonstance un véritable concours 
entre tous les artistes réunis à Florence pour dresser 
des arcs de triomphe, construire des chars et peindre 
des bannières. 

Au milieu de cette tranquillité générale, le pape 
Paul II meurt, et François délia Rovere, supérieur des 
moines franciscains, lui succède sous le nom de 
Sixte IV. En tête de l'ambassade envoyée par les Flo- 
rentins pour le complimenter marche Laurent. Le 



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LAURENT II LE MAGNIFIQUE. 



nouveau pape l'accueille avec de grandes démonstra- 
tions d'amitié et nomme Jean Tornabuoni, oncle 
maternel des jeunes Médicis, au poste de trésorier du 
Saint-Siège, poste de confiance qui permit à ce fidèle 
parent d'acquérir une grande partie des collections 
réunies par Paul II au palais de Saint-Marc, et de les 
envoyer orner les palais et les villas des Médicis à 
Florence. 

A cette paix profonde succéda bientôt une guerre 
effroyable causée par l'ambition de Sixte IV. Voulant 
pourvoir ses neveux, d'autres disent ses enfants natu- 
rels, de domaines et de bénéfices importants, le pape 
fit attaquer les seigneurs voisius de Rome pour 
s'emparer de leurs villes et de leurs ch&teaux. Nicolo 
Vitelli réclame le secours des Florentins ; ceux-ci 
accourent, et aident si bien les défenseurs de Castel- 
lina que la ville put obtenir une capitulation honorable. 
Sixte en voulut mortellement à Laurent qui s'était op- 
posé à ses entreprises et avait refusé de reconnaître 
François Salviati récemment désigné pour l'archevêché 
de Pise. Violent, irascible, vindicatif envers tous ceux, 
petits et grands, qui ne se courbaient pas sous sa loi, le 
pape enlève d'abord à Tornabuoni la charge de tréso- 
rier pour la donner aux Pazzi, banquiers florentins 
habitant Rome, ancienne famille pouvant encore seule 
rivaliser de richesse et d'influence avec les Médicis. 
Mais sa haine n'est pas satisfaite, et nous le verrons 
bientôt ourdir une conspiration abominable dont il 



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16 I.ES SAN CA1.L0. 

confie l'exécution à son neveu favori, sous la direction 
des deux frères Pazzi, ses nouveaux serviteurs. 

Tout le monde connaît les détails de cette triste 
journée où Laurent et Julien de Médicis, agenouillés 
au pied de l'autel de la Reparata, le 26 avril 1478, 
furent attaqués au moment de l'élévation de l'hostie. 
Julien tué, Laurent blessé mais sauvé au prix de la 
vie de deux de ses amis, les deux Pazzi et l'archevêque 
Salviati pendus aux fenêtres du palais, les rues jonchées 
de cadavres, tel fut le résultat de la conspiration. La 
guerre suivit de près l'assassinat: le pape et le roi de 
Naples d'un côté, Florence, le Milanais et tous les 
petits États de l'autre, s'attaquèrent avec violence; 
l'Italie était en feu, et c'est pour rétablir la paix que 
Laurent entreprend ce mémorable voyage à Naples, 
pendant lequel, seul, en présence de son ennemi, il 
conquiert si bien l'affection du roi qu'il le détermine 
à abandonner le pape et à rappeler son armée. L'ap- 
parition des Turcs qui s'étaient emparés de la ville 
d'Otrante vint en aide à Laurent pour hâter l'accom- 
plissement de ses désirs. Cinq jours après la signature 
du traité de Vérone, Sixte IV expirait le 12 août 1484, 
et Giovanni Battista Cibo, Génois d'origine, lui succé- 
dait sous le nom d'Innocent VIII. Dès les premiers 
jours il s'établit entre Médicis et le pape une telle con- 
fiance qu'ils n'eurent bientôt plus de secrets l'un pour 
l'autre. 

A cette époque, Florence atteignait son plus haut 



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LAURENT II LE MAGNIFIQUE. 



degré de prospérité ; elle était le rendez-vous de tous 
les artistes, de tous les savants, non seulement de 
l'Italie mais des pays étrangers ; Laurent les réunissait 
autour de lui dans son magnifique palais de ta via 
Larga, dans ses villas de Poggio-Cajano et de Careggi. 
Juge éprouvé en matière de littérature et d'art, il était 
l'arbitre toujours consulté. Littérateur et poète de 
talent^ amateur passionné de toutes les productions 
artistiques, il avait des connaissances techniques en 
architecture, et ne craignait pas de concourir avec de 
véritables architectes en faisant un modèle pour 
l'achèvement de la façade du D6me de Florence. En 
1478, les fabriciens de Saint-Jacques de Pistoie le 
prient de décider entre les projets présentés pour ta 
construction de leur église; c'est à lui que s'adresse 
le duc de Calabre pour choisir un architecte capable 
de succéder à Giuliano da Majanu qui construisait un 
palais à Naples, et ce successeur fut Giuliano dà San 
Gallo ; il met le duc de Milan en rapport avec Léonard 
de Vinci, le cardinal CarafTa avec Filippo Lippi, et le 
roi de Portugal avec Andréa Sansovino ; puis, à Sigis- 
mond Malatesta, il recommande Piero délia Francesca 
pour diriger, après la mort de Léon-Baptiste Alberti, 
les travaux de l'église de Saint-François à Rimini. 
Enfin, et ceci n'est pas un mince témoignage du degré 
de confiance que les plus illustres citoyens mettaient 
en son savoir et dans la droiture de son jugement, 
par une clause spéciale de son testament, Philippe 



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18 LES SAN GALLO. 

Strozzi le charge de surveiller après sa mort les tra- 
vaux du palais qu'il avait commencé et dont ils avaient 
ensemble étudié et discuté les plans. 

L'entourage au milieu duquel vivait Laurent, l'édu- 
cation donnée par Donatello et Brunelleschi avaient 
fait de lui un partisan déterminé de l'architecture 
classique, il n'en admirait pas moins les belles pro- 
ductions toutes florentines d'hommes tels que Bene- 
detto da Majano et de Michelozzo. Aussi bon juge en 
sculpture et en peinture qu'en architecture, il com- 
mande de tous eûtes des travaux ou alloue des secours, 
protégeant les jeunes, toujours libéral, même avec 
excès. Ses merveilleuses collections étaient confiées à 
la garde du sculpteur Bertoldo, élève de Donatello; 
ses jardins étaient remplis de statues et de fragments 
d'architecture antique ; il aimait à y rencontrer Michel- 
Ange dessinant un beau modèle, et encourageait ses 
progrès. 

Ne dirait-on pas Périclès, promenant dans Athènes 
sa toute-puissance entourée de politiques, d'artistes 
et de philosophes, imprimant à son époque le grand 
caractère qui a fait sa gloire? Un lien secret devait 
unir ces deux vastes intelligences apparaissant à tant 
de siècles de distance dans des circonstances à peu 
près semblables et dans des milieux presque identiques. 

Il n'est pas besoin de s'étendre davantage sur le 
grand rôle joué par Laurent le Magnifique à l'époque 
de la Renaissance; ce que nous venons de dire suffit 



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LAURENT II LE MAGNIFIQUE. 



pour faire comprendre la situation prépondérante dont 
il jouissait à Florence et pour mesurer l'influence con- 
sidérable qu'il pouvait exercer sur la société italienne 
tout entière, sur son orientation philosophique et litté- 
raire, sur ses manifestations artistiques, sur les artistes 
en général, et particulièrement sur les architectes dont 
nous aurons à nous occuper. 

 peine arrivé au sommet de cette puissance, la 
mort surprit Laurent de Médicis dans la plénitude de 
la vie et dans la force de t'àge. Ce grand homme suc- 
combait, emporté par une maladie dont il était depuis 
longtemps afifecté, le 8 avril 1492, et rendait le dernier 
soupir entre les bras de ses amis, Politien et Pic de 
la Mirandole; sa femme, Clarice Orsini, était morte 
l'année précédente. 

Laurent laissait de nombreux enfants : Pierre, 
l'atné, l'élève de Politien, qui devait, pour le malheur 
de sa patrie, succéder à son père à la tête des affaires 
de la République; Jean, destiné dès son enfance aux 
charges ecclésiastiques; Julien, immortalisé par le 
tombeau que lui éleva Michel-Ânge; Maddalena, mariée 
à François Cibo fils naturel du cardinal devenu plus 
tard Innocent VIII ; Lucretia, femme de Giacopo Sal- 
viati; Contessina, unie à Pierre Ridolfi, et Louisa, la 
plus jeune, morte avant d'avoir pu épouser Jean de 
Médicis, son cousin issu de la branche cadette, qui 
avait demandé sa main. 

Les restes de Laurent le Magnifique, déposés 



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•0 LES SAN GALLO. 

d'abord au couvent de Saint-Marc, furent placés dans 
la tribune de l'aDcienne sacristie de la basilique de 
Saint-Laurent à Florence, à droite de l'autel, au-dessus 
de son frère Julien qui s'y trouvait depuis quatorze 
ans, et les deux cercueils restèrent ainsi provisoire- 
ment jusqu'en 1549; le duc Cosme l" les fit alors dé- 
poser par Vasari dans la chapelle voûtée, commencée 
par Michel-Ange pour recevoir le grand mausolée des 
Médicis commandé par Léon X'. 

PIERRE DE MÉDICIS ET SAVONAROLE 
1492-1498 

Malgré les soins assidus pris par Laurent dans le 
but de donner à son fils une éducation en rapport 
avec la haute mission à laquelle il était destiné, Pierre 
de Médicis se montra promplement incapable de la 
remplir. Au reste, les événements qui allaient entraîner 
sa perte se précipitaient avec une violence extrême. 

i, Lapini, dont la chronique prend fin en 1596, rapporte que le 
3 juin 1359 les corps de Laurent et de Julien furent enlevés de la 
sacristie de Saint-Laurent et transportés dans la chapelle funéraire, 
in uno caMonne grande di marmo. Ce texte fut contesté. En s'ap- 
puyanl sur le dire de Hondinelli, secrétaire de Ferdinand II, grand 
duc de Toscane de 1629 à 1670, on fut convaincu que les corps de Lau- 
rent et de Julien avaient été déposés dans le sarcophage de porphyre 
qu'André Verrocchio avait si merveilleusement enveloppé de bronze 
pour recevoir les corps de Jean et de Pierre de Médicis, fils de 
Cosme l'ancien. La question a été reprise : le S octobre 1895, une 



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PIERRE DE MÉDICIS ET SAVONAROLB. 21 

Charles VIII, envahissant l'Italie à la tête d'une armée 
française, arrivait aux portes de Florence, et Pierre, 
voulant à tout prix se concilier les bonnes grâces du 
monarque étranger, avait remis entre ses mains les 
principales forteresses de la République comme gage 
de sa fidélité. Désavoué par ses concitoyens à son retour 
& Florence, il fut obligé de s'enfuir ainsi que la plus 
grande partie des membres de sa famille, et n'échappa 
qu'avec peine à la fureur populaire. 

Savonarole devint le maître de Florence. C'était 
une révolution politique, ce fut également une révolu- 
tion dans le domaine des arts : l'œuvre de la Renais- 
sance, entachée de paganisme, proscrite en même 
temps que le nom de Médicis, fît place à la réaction 
religieuse qui tenta un retour aux principes idéalistes 
autrefois en faveur. 

^ Dans celte Florence où il y avait tant d'artistes, ce 
fut uiï exode général. Il s'en trouva cependant quelques- 
uns pour se grouper autour du réformateur : Sandro 
Botticelli, le Cronaca, Lorenzo di Credi et Michel-Ange 
lui-même, pour ne citer que les plus illustres, s'hono- 

commission Dommée par l'honorable M. Gaccelli, ministre de l'ins- 
traction publique et des Beaux-Arts, procéda à une scrupuleuse inves- 
ligation; le groupe de la Madone, les statues des saints Cosme et 
Damien qui se trouvaient placés sur le grand colTre de marbre 
dont avait parlé Lapini, furent déplacés et l'on retrouva les deux cer- 
cueils contenant encore les restes de Laurent et de Julien de Hédicis. 
(Voir la notice de M. Oerspacli. Hevue de l'Art chrétien, 1897, t. VIH, 
3* liv.) 



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33 LES SAN OALLO. 

rèrent d'avoir été les disciples du moine de Saint-Marc. 
Si les peintres et les sculpteurs trouvaient encore de 
fréquentes occasions d'employer leur talent sous ce 
règne de la simplicité évangélique, il n'en était pas de 
même des architectes; tout luxe étant supprimé, il ne 
se construisait plus de palais, les chantiers étaient 
déserts, les travaux abandonnés. Rome allait offrir un 
champ d'activité plus fertile aux maîtres florentins. 

Une faut pas rapporter le mouvement de ta Renais- 
sance, si marqué à Florence, à l'influence unique de 
la famille des Médicis, la plus riche et la plus puis- 
sante, il est vrai, mais non la seule dont la protection 
s'étendit sur les littérateurs et les artistes : Luca Pitti 
avait demandé les plans de son immense et somptueuse 
demeure k Rrunelleschi; le palais Bartolini avait été 
construit par Baccio d'Agnolo; Palla Strozzi et un autre 
membre de la famille Matteo di Simone avaient précédé 
dans la voie des constructions Philippe Strozzi, le fon- 
dateur du magnifique palais de la via Tornabuoni ; un 
gendre de Palla, Jean Ruccellai, fut le protecteur de 
Léon-Baptiste Alberti auquel il demanda les dessins de 
son palais et la façade de Santa Maria Novella. 

Bernard Ruccellai, fils de Jean, beau-frère de Lau- 
rent de Médicis, était lui-même un érudit; on lui doit 
un remarquable ouvrage sur la topographie de la ville 
de Rome avant l'arrivée de Charles VIII en Italie; 
x'est lui qui créa dans ses jardins « Orii OHcellai » 
une merveilleuse collection d'antiques et réforma 



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SUDERINI ET ALEXANDRE DE HÉDIGIS. 



Fancienne Académie platonicienne. Les Tornabuoni 
s'étaient adressés à Ghirlandajo pour peindre les admi- 
rables fresques de Santa Maria Novella; les Pazzî et les 
Gondi peuvent aussi prendre rang parmi les Mécènes 
de cette époque. Aussi, après ta chute des Médicis et 
la mort de Savonarole, ces familles opulentes trou- 
vèrent-elles un héritage à recueillir; elles en profi- 
tèrent dans une certaine mesure. 

SODERINI ET ALEXANDRE DE MÉDICIS 
1498-153? 

Pendant le gouvernement du Gonfalonier perpétuel 
Pierre Soderini, sorte de régime mixte que s'étaient 
donné les Florentins lassés de tant d'agitations sans 
cesse renouvelées, les artistes toscans en général ne 
cessèrent de produire. Non seulement l'État, mais les 
fabriques, les paroisses et les ordres religieux firent 
d'innombrables commandes; Sienne, Volterra, Orvieto, 
Arezzo, Gortone et tant d'autres petites localités de 
moindre importance rivalisèrent d'efforts pour enfanter 
des œuvres d'art, et chacun, à quelque branche de 
l'art qu'il appartînt, pouvait trouver à employer son 
talent. 

En 1512, les Médicis rentrent en scène. Dès l'année 
suivante, le cardinal Jean devient LéouX, et Julien, le 
troisième fils du Magnifique, est placé à la tète de la 



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U LES S\N GALLO. 

République. Jules de Médicis, devenu pape à son tour 
sous le nom de Clément Vil, pour ne pas laisser tomber 
l'autorité aux mains de la branche cadette de sa famille, 
confie ce poste à Alexandre, un enfant qui passait pour 
être le fils naturel de Laurent de Médicis ducd'Urbin, 
mais qui était plus probablement fils de Clément VII 
lui-même et dont il compte bien diriger les actions. 
Quoiqu'il en soit de cette naissance équivoque, ce der- 
nier rejeton de la race des grands Médicis sut encore 
faire exécuter des œuvres importantes et encourager les 
arts : fastueux, volontaire, énergique et cruel, sa nature 
cadrait bien avec celle de son préféré Benvenuto Cellini. 
Sa mort tragique fît passer le gouvernement de Flo- 
rence entre les mains d'un des descendants du premier 
Laurent, frère du grand Cosme, Père de la pairie. Un 
jeune Cosme, fils du célèbre condottieri Jean des 
Bandes-Noires, fut nommé duc de Florence en 1537, 
sous l'influence de Charles-Quint, le véritable maître 
de Florence et de l'Italie. Son mariage avec Marguerite 
d'Autriche, fille naturelle du puissant empereur, lui 
valut en 1569 le titre de premier Grand Duc de Tos- 
cane, avec la souveraineté absolue. 

ROME ET LES PAPES 

A L'ÉPOQUE DE LA RENAISSANCE 

Après la chute des premiers Médicis et leur exil de 
Florence, c'est à Borne qu'il faut aller chercher la 



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ROME ET LES PAPES. 25 

suite du grand développement des arts; la scène était 
plus vaste que partout ailleurs, les moyens infiniment 
plus considérables et les besoins bien autrement im- 
portants, car tout était à faire. 

Si les Médicis avaient nettement engagé le grand 
mouvement de la Renaissance, en groupant autour 
d'eux les artistes et les humanistes, les papes ne s'en 
étaient pas cependant tenus éloignés. 

A l'instigation de Martin V et d'Eugène IV, plu- 
sieurs écrivains célèbres vinrent faire des séjours à 
Rome : le Pogge, Aurispa, Cyriaque d'Ancône et 
d'autres adoptèrent pour sujet de leurs études Rome 
elle-même, ses ruines et l'état présent de ses édifices; 
Flavio Biondo dédie au pape Eugène IV, en 1447, sa 
Roma inslaîtrata, étude topographique ou restitution 
critique des édifices antiques, et, quelques années plus 
tard, sa Roma tj-ii/mphans. Mais, quels qu'aient été 
les mérites de Martin V et d'Eugène IV envers Rome 
monumentale, quelle qu'ait été l'ardeur de ces papes 
à réparer les désastres et à préparer des embellisse- 
ments devenus bien nécessaires, c'est assurément 
Nicolas V qui est le véritable représentant et la per- 
sonnification la plus complète de l'esprit de la Renais- 
sance sur le trdne pontifical. 



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LES SAN GALLO. 



NICOLAS V 
1447-1456 



Il faut se reporter aux documents renfermés pen- 
dant des siècles dans les archives du Vatican et publiés 
pour la première fois par M.Ë. Miintz, dans son savant 
ouvrage Les Arts à la cour des Papes, pour com- 
prendre l'élan extraordinaire que Nicolas V sut impri- 
ttier à toutes "les productions artistiques, mais princi- 
palement à l'architecture. It ne voulait rien moins que 
changer la face de Rome et refaire sur un plan nou- 
veau cette ville abandonnée depuis si longtemps aux 
plus fâcheux désordres'. Il mit Rome sans dessus 
dessous, dit Vasari : messa tiUta Roma sotto supra. Ce 
quUI a fait pendant les huit années de son pontificat est 
incroyable, et, ce qui l'est plus encore, c'est qu'au 
train dont il avait mené les choses, il aurait pu les 
terminer si son règne avait duré quatre ou cinq ans 
de plus. Nous n'entendons pas parler ici de la recon- 
struction de Saint-Pierre, ni de la construction du 
palais du Vatican et de l'enceinte des murailles du 
Borgo, mais nous pouvons rappeler la restauration des 
ponts et des ports, l'adduction des eaux Aqiia Vergtne, 
la construction du palais des Conservateurs au Capi- 
tole, ta réfection des aménagements intérieurs au châ- 

i. Eugène M(;ntz. Let Arts à la cour des Papes. Première partie. 
Martin V, t. ï", p. 71. 



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NICOLAS V. 97 

teau Saint-Ange, la restauration des églises de Saint- 
Etienne le Rond, de Saint-Théodore et des murs de la 
ville; La construction du palais de Sainte-Marie-Majeure, 
de la fontaine de Trevi et de beaucoup d'églises, de 
ponts, de forteresses dans les petites villes des envi- 
rons de Rome, principalement dans la marche d'An- 
cône, où Nicolas s'était réfugié pendant la peste qui 
avait suivi le jubilé de 1450. Ce pape ouvre l'ère nou- 
velle qui devait aboutir aux temps de Jules II et de 
Léon X; avec lui pénètre dans l'Église cet esprit de 
science et de philosophie moderne, d'art et de luxe 
qui va imprimer au siècle son véritable caractère. 

Nicolas V avait non seulement le goût des arts et 
de la magnificence, il avait encore, chose rare à cette 
époque, L'amour de l'antiquité. Non content d'avoir 
recueilli les savants et les lettrés qui fuyaient la Grèce 
et Byzance, de faire vivre de ses libéralités un nombre 
considérable d'humanistes, Gianozzo Manetti, Filelfe, 
le Pogge, Platina, Piccolomini, Lorenzo Valla, qui 
traduisaient les manuscrits grecs, il avait attiré auprès 
de lui de nombreux architectes, presque tous Florentins, 
Bernardo Rosellino, Ridolfo Fioravente, L.-B. Alberti; 
parmi les peintres, il faut noter Piero délia Francesca 
et surtout Fra Angelico, auquel il voulait confier, si 
l'on en croit Vasari, l'archevêché de Florence, et qui 
peignit au Vatican la chapelle du Saint-Sacrement, dé- 
truite par Paul III, et une autre chapelle dont on 
admire encore les magnifiques fresques. 



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28 LES SAN GALLO. 

Pour éviter que les matériaux nécessaires aux con- 
structions nouvelles ne fussent pris au détriment des 
monuments antiques encore existants, il promulgua 
la bulle célèbre, datée du 28 avril 1462, par laquelle 
il recommandait la bonne conservation et le respect 
des ruines dont Rome était alors couverte; recomman- 
dation peu observée par ses successeurs. 

CALIXTE III 
146S-14S8 

Celui auquel Nicolas V léguait l'achèvement de si 
grands et de si nombreux travaux fut Alphonse Borgia, 
Calixte III, le promoteur de la croisade contre les 
Turcs à laquelle il destinait toutes ses ressources, mais 
aussi l'ennemi juré des dépenses somptuaires. Les chan- 
tiers si actifs la veille devinrent subitement silencieux, 
et les artistes furent impitoyablement dispersés. 

PIE II 
1468-1464 

Pie II reprit l'œuvre de Nicolas V. Originaire de la 
Toscane, propagateur fécond des idées de la Renais- 
sance, humaniste lui-même, le cardinal Piccolomini 
devenu pape sut évincerles gens de lettres, les poètes ou 
les philosophes en général plus cupides que savants, et 



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appela auprès de lui les artistes les plus renommés de 
son pays. D'après ses ordres, Giacomo da Pietra Santa 
édifia la Loge de la Bénédiction ; mais Bernardo 
Rosellino fut son architecte préféré, et c'est avec lui 
qu'il conquit son principal titre de gloire artistique en 
transformant le bourg de Corsignano, où il était né, en 
une ville unique en son genre, tout entière occupée, 
à bien peu de chose près, par une superbe cathédrale 
flanquée de trois magnifiques palais; œuvre architec- 
turale de premier ordre à laquelle le pape donna, en 
souvenir de son nom, le nom de Pienza. Pie II mou- 
rait en même temps que Cosme de Médicis, au mois 
d'août 1464. 

PAUL II 
1464-1471 

Paul II, le Vénitien Pierre Barbo, neveu d'Eugène IV 
et cardinal de Saint-Marc, à qui l'on peut reprocher 
d'avoir persécuté Pomponius Leto, Platina et les autres 
membres de l'Académie du Quirinal, peut-être trop 
libéraux pour un gouvernement 'despotique, n'était 
cependant pas un ennemi des belles-lettres. Sa passion 
dominante était la magnificence. Il avait une prédilec- 
tion bien marquée pour les collections d'objets de 
haute curiosité et de gemmes, il dépensa des sommes 
considérables pour orner sa mitre aux trois couronnes 



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SO LES SAN GALLO. 

de diamants, de perles et d'émeraudes. Ce superbe 
pontife, car Paul II était grand et très bel homme, 
veilla avec une grande sollicitude à la conservation 
des monuments antiques; il reprit les travaux de la 
tribune de Saint-Pierre délaissés par son prédécesseur, 
et attacha son nom à la fondation de l'immense palais 
de Saint-Marc qu'il avait commencé en i447, sous le 
pontificat de Nicolas V. C'est à cette grandiose con- 
struction que travaillèrent, d'après les registres des 
comptes du Vatican, les Florentins Giacomo da Pietra 
Santa, pi^sesidens fabricse, Giovanni di Pietro et son frère 
Marco, Giuliano da Majano et Giuliano da San Gallo. 
On a pu reprocher à Paul II d'avoir enlevé au Colisée 
les blocs de marbre et de travertin nécessaires à l'édifi- 
cation de son palais; c'est un reproche cependant de 
peu de valeur, quand on songe que l'amphithéâtre fla- 
vien était alors considéré comme une carrière publique 
où il était permis à tout le monde de puiser. Un objet 
de prix, un livre rare était-il à vendre, Paul II ne 
reculait devant aucune dépense pour se l'approprier, 
engageait souvent alors une lutte acharnée avec les Mé- 
dicis, sans se douter que cfette collection, rassemblée 
à si grands frais dans les magnifiques salles de son 
palais, irait, après sa mort, embellir celui que Cosme 
avait fait édifier à Florence. 



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SIXTE IV 
1471<1484 

Sixte IV, TancieH général de l'ordre des Francis- 
cains, le professeur des Universités de Bologne, de 
Florence et de Pérouse, le Frère Francesco délia Ro- 
verg, se posa, dès son exaltation, en protecteur éminent 
des littérateurs et des artistes. En même temps qu'il 
faisait procéder à Rome à de grands travaux de voirie 
et d'édilité, il Faisait construire, par Giovanni de Doici, 
la chapelle Sîxline et créait la bibliothèque du Vatican, 
le Musée des antiques du Gapitole et le grand hôpital 
du Saint-Esprit. Violent jusqu'aux dernières limites 
de l'absolutisme, il veut être obéi sur l'heure ; pour 
arriver sûrement à l'accompiissement de ses désirs, it 
brise toute résistance, soit par le meurtre d'un Colonna, 
soit par la ruine du palais des délia Valle, soit en 
lançant les Pazzi à l'assassinat des Médicis, et tout cela, 
dans le but de donner des principautés aux membres 
de sa famille. 

Son règne, où il se fit de grandes et belles choses, 
fut un désastre pour les ruines romaines dont il enle- 
vait les matériaux à pleines mains; ceux du peut Saint- 
Sixte furent tirés du Colisée; le temple d'Hercule sur 
le Forum Boarium et l'arc de triomphe voisin du palais 
de Sciarra Colonna furent rasés; on ne sait combien 



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3S LES SAN GALLO. 

d'autres chefs-d'œuvre coûtèrent peut-être la construc- 
tion des bastions de la Porte du Peuple ' ! 

Ses architectes, tous en général assez médiocres, 
élevèrent, restaurèrent ou embellirent de nombreuses 
basiliques et transformèrent Rome en ouvrant de larges 
artères à travers ses dédales de rues et de maisons 
obscures. Les sculpteurs qu'il employa furent peu 
nombreux, mais parmi eux on compte Verrocchio et 
PoUaiuolo qui exécuta en 1493 le beau tombeau de 
bronze dans lequel Sixte fut enseveli*; l'école om- 
brienne tout entière, avec Pérugin à sa tète, se mit à 
sa disposition. 

Sixte IV fut un véritable Mécène, difficile à satis- 
faire, mais sachant faire produire. Ses neveux t'aidèrent 
dans cette tâche : c'est à Clémente Domenico délia 
Rovere que l'on doit le grand palais du Borgo-Vecchio 
construit par Meo del Caprina; Pierre Riario, mort à 
vingt-six ans, avait commencé le palais des Saints- 
Apôtres achevé par Julien délia Rovere, cardinal de 
Saint Pierre aux Liens, et Girolamo Riario, comte 
d'Imota, éleva un palais sur le Janicule. Ce fut un temps 
d'activité fébrile, les artistes suffisaient à grand'peine 
à cet immense labeur. 

1 . EuG. MCntz. /tome et la cour des Papes. 

2. Primitivement déposé daas le chœur de l'ancienne basilique, 
le tombeau de Sixte IV est placé aujourd'hui dans la chapelle du 
Saint-Sacrement à Saint-Pierre. 



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INNOCENT Vm. 



INNOCENT VIII 
1484-1493 



A peine ioslallé, Innocent VIII voulut mettre à 
profil la présence à Rome de tant d'architectes, de 
peintres et de sculpteurs. 11 fait immédiatement com- 
mencer la construction d'un vaste palais pontifical sur 
des fondations établies par Paul II, édifice considérable 
qui ne comprenait pas moins de cinq étages de fenêtres'; 
démoli en 1610 pour faire place à la nouvelle façade. 
On lui doit également la villa du Belvédère dans les 
jardins du Vatican; Antonio Pollaiuolo en donna les 
dessins, Jacopo da Pietra Santa en dirigea les travaux. 
Sous ce règne, les Florentins, établis à Rome en grand 
nombre, et désirant se créer un lieu spécial de réu- 
nion, eurent la pensée de faire construire une église 
dédiée à Saint-Jean leur patron; ce projet ne reçut 
alors qu'un commencement d'exécution et fut repris 
plus lard. Bramante, nouvellement arrivé à Rome, jetait 
les fondations de Timmense édifice désigné par la suite 
sous le nom de palais de la Chancellerie. 

Innocent consacra des sommes considérables à la 
restauration du Capitole, du château Saint-Ange, à la 
création de nombreuses chapelles dans les églises nou- 
vellement restaurées, fit élever la fontaine Trevi, et, 

t. CiAMPiNi. De mrris /Edificiis, pi. IX. 



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3* LES SAN GALLO. 

pendant ce temps, les travaux de la tribune de Saint- 
Pierre occupaient toujours un grand nombre d'ouvriers. 
Si l'on ajoute à cette courte nomenclature, qu'Innocent 
était grand amateur d'orfèvreries, de tapisseries et de 
belles étoffes, on comprendra aisément qu'une foule 
d'artistes, tant Florentins que Milanais, soient venus 
se fixer à Rome à cette époque. L'un de ceux qu'il 
avait le plus affectionné fut chargé de lui rendre les 
derniers hommages : Follaiuolo est l'auteur de ce 
superbe tombeau de bronze que l'on voit appliqué 
contre un des piliers de la basilique de Saint-Pierre, 
près de la chapelle du chœur. 

ALEXANDRE VI 
1492-1503 

Lorsque Alexandre VI monta sur le trône pontifical, 
il n'eut qu'à compléter l'œuvre de son prédécesseur et 
à ne pas entraver le magnifique essor qu^avaient pris 
les beaux-arts. Sans être comme Innocent VIII parti- 
san enthousiaste des grandes entreprises, il fut entraîné 
par les circonstances, et, malgré les guerres sans cesse 
renouvelées, malgré une ambition politique sans frein 
qui le lançait dans les plus dangereuses aventures, 
malgré les invasions et les révolutions dont il fut le 
témoin et quelquefois l'auteur, c'est à lui que l'on doit 
l'achèvement de la Loge de la Bénédiction, la première 
construction du corridor qui communiquait du palais 



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des Papes avec le château Saint-Ange pour en faire un 
lieu de refuge assuré en cas .de danger pressant, la 
mise en place du grand soffîte de Sainte-Marie Majeure, 
et la réfection de l'abside de Saint-Jean de Latran. 
Son règne est illustré par l'apparition de deux artistes 
appelés à marcher en tête de leur époque et à créer des 
écoles : en architecture, Bramante déjà vieux; en scul- 
pture, Michel Ange presque adolescent. 

Alexandre s'attacha surtout à mettre en état de 
défense les anciennes forteresses et à en construire de 
nouvelles. D'après ses ordres, les États de l'Église se 
hérissent d'innombrables citadelles; en même temps, 
le cardinal Julien délia Rovere, ennemi irréconciliable 
du Pape depuis leur rivalité à la succession d'Inno- 
cent VIII, faisait de sa résidence d'Ostie une place 
d'armes importante. 

PIE III 
1603 

Pie III, pontife, dont le règne éphémère ne dura 
qu'un mois, n'eut aucune influence sur ce qui se pas- 
sait à Rome. 

JULES II 
1503-1613 

Jules II, son successeur, ouvre une ère toute nou- 
velle. Son turbulent génie sait donner à ce qui l'envi- 



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36 LES SAN GALLO. 

ronne ou Tiotéresse une impuUion extraordinaire ; 
avec une énergie imdomptable pour mettre à exécution 
des projets grandioses, Jutes enfanta des merveilles. 
Confier à Bramante l'édification de Saint-Pierre, faire 
entreprendre à Michel-Ange l'œuvre colossale de son 
tombeau en même temps que la décoration de la cha- 
pelle Sixtine, faire peindre par Raphaël la Chambre de 
la Signature et la Chambre d'Héliodore, réunir dans 
son musée l'Apollon, le Laocoon et la Cléopâtre, tels 
sont les titres les plus importants de Jules II à la 
gloire artistique. 

Il est à peine croyable que les dix années de ce 
pontificat aient suffi à concevoir et à exécuter une 
telle masse de travaux : églises, palais, statues, fresques, 
apparaissent chaque jour, et, malgré cela, le pape 
commande ses armées, prend des villes d'assaut, 
dirige la politique générale de l'Italie dont il veut à 
toute force chasser les Français. Figure absolument 
héroïque, il incarne la Renaissance arrivé à son 
apogée et se montre digne de diriger ce brillant esca- 
dron que forment autour de son trône les plus célèbres 
littérateurs et les plus valeureux artistes. Toujours 
passionné, jamais satisfait, il leur impose un labeur 
immense qu'ils savent accomplir, bien que dépassant 
souvent leurs forces. 



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LEON X 
1613-1E21 

L'homme qui, dès son enfance, avait été préparé 
aux plus hautes dignités de l'Église, qui avait laissé 
passer les grands événements du pontificat de Jules II 
modestement retiré dans son palais ou voyageant à 
l'étranger, qui jamais n'avait donné lieu à aucune ja- 
lousie de la part des membres du Sacré-Collège, cet 
homme devait recueillir, à la mort du pape, le fruit de 
sa prudence, et bénéficier d'avoir eu pour père Lau- 
rent le Magnifique dont la gloire était encore présente 
au souvenir de tous. 

Comme souverain pontife, Léon X recevait de son 
prédécesseur un héritage bien embarrassé. Sans par- 
ler de cette terrible situation qui plaçait le Saint-Siège 
tantôt dans la dépendance du roi de France, tantôt 
dans celle de l'Empereur, Jules II laissait le trésor 
absolument épuisé et d'immenses travaux inachevés. 

Médicis accepta un tel état de choses, et, en vrai 
fils du Magnifique, inaugura son règne par un déploie- 
ment de luxe inouï ; sa cour fut la plus somptueuse 
de toute l'Italie ; les écrivains et les artistes y affinèrent 
en foule; l'Université pouvait compter cent professeurs, 
et le nombre des versificateurs célèbres était aussi 
considérable. Les cardinaux rivalisèrent entre eux de 



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38 LES SAN GALLO. 

niagaifîceace : Jules de Médicis, son cousin, construi- 
sait la Villa Madama, et son banquier Chigi édifiait la 
Farnésine. Afin de les surpasser tous, Léon X s'était 
réservé Raphaël. 

Pour parer à toutes ses prodigalités, le pape 
n'avait-il pas les trésors de la chrétienté tout entière, 
et, s'il parvenait à les épuiser, la vente des indulgences 
n'était-elle pas une source intarissable de richesse? 
Léon X, qui, en prudent politique, sut tenir l'équi- 
libre entre le roi et l'empereur était, dans toutes les 
questions ayant trait aux arts ou à la littérature, un 
véritable raffiné. Ce gros homme, myope, presque 
boi^e, versé dans les lettres grecques et latines, 
musicien consommé, savait distinguer et apprécier 
tçus les talents. S'il était nécessaire de rappeler des 
noms, on pourrait choisir parmi les plus célèbres: 
Bembo, Sadolet, Bibiena, l'Arioste, Machiavel, Casti- 
glione ; il reçut Léonard de Vinci au Vatican, fit 
décorer les Stances et les Loges par Raphaël qu'il 
employa comme architecte, ainsi que Bramante, Giu- 
liano et Antonio da San Gallo, Fra Giocondo, Peruzzi 
et Jacopo Sansovino ; mais il est à remarquer que, 
parmi tant d'hommes illustres, on ne rencontre pas 
un Romain. Léon X mourut à quarante-quatre ans, 
succombant sous le poids des maladies héréditaires. 



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CLEMENT Vil. 



ADRIEN VI 
1K21-1K23 

Pas plus que le pontificat éphémère de Pie Ili, 
celui d'Adrien VI n'eut d'influence sur le grand mou- 
vement artistique et littéraire de celte époque. Adrien 
était peut-être un bon prêtre, mais n'était pas un 
prince magnifique. Ancien précepteur de Charles-Quint, 
le pape Adrien était un homme très simple, très 
modeste, fuyant le bruit de la cour brillante réunie 
par ses prédécesseurs ; laissant se poursuivre des 
travaux commencés, tels que la reconstruction de 
Saint-Pierre, mais ne prenant aucun intérêt à toutes 
ces œuvres d'art étalées sous ses yeux. La fin de son 
règne fut accueillie avec d'autant plus de satisfaction 
par la bande considérable de lettrés et d'artistes 
vivant à Rome, que son successeur fut un Médicis, et 
que ce nom équivalait à leurs yeux aux mots de faste, 
de démonstrations extérieures, de haute direction, et 
surtout de prodigalité financière. 

CLÉMENT Vil 
1623-1634 

Clément VII, le nouveau pape, était ce fils naturel 
de Julien de Médicis que Laurent prit à sa charge, 



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40 LES SAN GALLO. 

après l'assassinat de son frère, et fit élever avec ses 
enfants. Instruit par les mêmes maîtres, il avait puisé 
dans cette éducation les mêmes goûts et les mêmes 
idées que Léon X. Jules, légitimé et devenu cardinal, 
ne démentit pas cette noble origine. Vivant à Rome 
dans la société des lettrés et des artistes, il se fît 
construire, pour les réunir, cette célèbre villa Madama, 
ruine bien mélancolique aujourd'hui, mais qui, dans 
les projets du cardinal, devait être une des merveilles 
de Rome; plus tard, soucieux de la gloire de sa famille, 
il commande à Michel-Ange la magnifique chapelle de 
marbre qui doit être annexée à la basilique de Saint- 
Laurent à Florence; créations magnitiques qui, malgré 
toutes ses faiblesses de caractère, malgré tous les dé- 
sastres survenus pendant son règne, suffisent pour clas- 
ser Clément VU parmi les mécènes de la Renais- 
sance. 

La prise et le pillage de Rome par les lansquenets 
du connétable de Bourbon devaient à tout jamais dis- 
perser la nombreuse colonie d'artistes réunie autour 
du Saint-Siège. Au reste, Clément VII, enfermé pen- 
dant deux mois dans le château Saint-Ange, réduit à 
un tel état de détresse qu'il était obligé de vendre ses 
joyaux, ne pouvait plus payer les poètes ni les pro- 
fesseurs à gages; aussi, les (afférentes écoles artistiques 
créées à Rome, abandonnées à elles-mêmes après la 
disparition de leurs chefs, vivaient-elles dans un état 
d'antagonisme qui engendra bientôt la stérilité. 



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CLÉMENT VII. 



Nous ne poursuivrons pas plus loin cette esquisse 
historique. Pendant toute la période que nous venons 
de parcourir, le nom de Médicis brille toujours d'un 
éclat surprenant. Soit à Florence, soit à Rome, il ne 
cesse de se montrer à la tête du progrès des sciences 
et des arts, et, pendant près d'un siècle, c'est lui qui 
dirige le grand mouvement de la Renaissance. 

A travers cet irrésistible courant, entraînant à sa 
suite tant d'hommes de génie, de savoir ou de talent, 
apparaît une famille d'architectes, obscurs artisans 
tout d'abord, artistes émérites par la suite. Elle s'élève 
en même temps que grandit la fortune des Médicis, 
atteint son plus haut degré de gloire à l'époque où 
Léon X et Clément VII occupent la chaise pontificale, 
et, chose remarquable, s'éteint dans le silence et la 
médiocrité au moment précis où la branche aînée des 
Médicis tombait elle-même épuisée. 

Ces artistes, toujours et partout fidèlement attachés 
k leurs protecteurs, modestes acolytes de ces grands 
Mécènes qui ont étonné le monde, mais possédant une 
haute valeur due à leurs propres mérites, portent un 
nom qu'ils ont su rendre illustre : ils s'appelaient Giam- 
berti ; leurs concitoyens les ont surnommés San Gallo '. 

1. L'influence du règne du pape Paul III Farnèse sur les événe- 
ments artistiques de son époque sera étudiée lorsque nous nous 
occuperons de l'œuvre d'Antonio da San Gallo le Jeune et de la vie 
des derniers Médicis. 



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Avant d'entreprendre l'histoire artistique des San 
Gallo, nous devons indiquer les auteurs auxquels nous 
nous sommes adressés le plus souvent et les sources 
auxquelles nous avons puisé. 

La famille des San Gallo a eu deux biographes : le 
plus ancien, le plus complet, malgré bien des lacunes 
et des inexactitudes, est Giorgio Vasari. Ses Vies des 
Peintres^ écrites vers 1550, auraient dû être d'autant 
plus exactes, au moins en ce qui regarde les San 
Gallo, qu'il était à cette époque lié d'amitié avec l'un 
deux, le sculpteur Francesco, et qu'il aurait pu 
recueillir de sa bouche des renseignements certains. 
Les erreurs relatives à la biographie de Giuliano et 
d'Antonio le vieux sont particulièrement nombreuses, 
les omissions fréquentes; de plus, les interpositions de 
dates rendent le texte difficile à mettre d'accord avec la 
succession normale et régulière des faits historiques 
auxquels nos artistes ont été mêlés. La dernière édition 
donnée à Florence par l'éditeur G.-C. Sansoni, 1878- 
1885, avec les notes et les commentaires de Gaetano 



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il LES SAN GALLO. 

Milanesi, peut rétablir en partie la vérité. L'autre bio- 
graphe de la famille est Camillo Ravioli. Dans ses 

Nolizie sut lavori di ArchitecUtra militare sugli scritti 
designi editi ed inediti dei nove da San Gallo, et sous 
un titre aussi pompeux. Ravioli ne donne aucun détail 
nouveau et se contente d'une classification chronolo- 
gique, indiquant de préférence les travaux de fortifica- 
tions auxquels les San Gallo ont été attachés comme 
ingénieurs militaires. 

11 faut donc, pour établir un bilan aussi exact que 
possible de l'œuvre de chacun des membres de cette 
famille, fouiller l'histoire artistique de ces époques et 
recueillir un à un les faits intéressants en vérifiant 
leur exactitude. Ce travail, qui eût été considérable, 
nous a été extrêmement facilité par les recherches 
de M. E. Mttntz. Dans son ffistoh-e générale des arts à 
répoqiie de la Renaissance, dans les Précurseurs de la 
Renaissance, le nom de San Gallo revient bien souvent, 
accompagnant la description d'un monument ou d'une 
statue, toujours môle à quelque fait artistique carac- 
térisant une personnalité. Nous avons abondamment 
puisé dans ces livres si pleins de renseignements exacts, 
et nous avons fait des emprunts non moins utiles à cet 
autre livre les Arts à la Cour des Papes, où le môme 
auteur nous montre, d'après des documents conservés 
aux Archives du Vatican, chaque artiste, pendant les 
pontificats des xv* et xvt* siècles, recevant le salaire 
afférent à un travail déterminé. En recueillant nous- 



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LES SAN GALLO. 45 

même à Florence et à Rome, dans les archives des 
paroisses et des particuliers, dans les bibliothèques 
ainsi que dans les riches collections des dessins de 
maîtres conservées principalement à la Galerie des 
Offices, tous tes documents qu'il nous a été permis 
de découvrir, l'erreur n'est plus possible, et nous pou- 
vons donner notre travail comme exact dans sa partie 
historique, aussi bien que dans sa partie biographique. 

Cependant, tout intéressant que soit ce côté de la 
question, il faut surtout, lorsqu'il s'agit d'artistes de la 
valeur des San Gallo, s'attacher plus spécialement au 
mérite artistique des œuvres qu'à une classification 
rigoureusement chronologique des faits. 

Les San Gallo ont concouru pour une large part, 
sinon à l'origine, au moins au développement du grand 
mouvement classique de la Renaissance; aussi, pour 
se faire une juste idée de l'importance de cette trans- 
formation, pour savoir dans quelles circonstances et 
par quelle voie elle aboutit à son suprême essor, nous 
a-t-il paru absolument nécessaire d'attribuer à chacun 
des membres de cette grande famille le rôle qu'il lui 
fut donné de jouer sur cette vaste scène, de recher- 
cher dans quel milieu ils ont évolué, et d'étudier avec 
soin leurs ouvrages pour en apprécier la valeur propre 
et déterminer la somme d'influence qu'ils ont pu exer- 
cer. Tel est le but que nous nous sommes efforcés 
d'atteindre. 



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Armolriea dM Su 



LES SAN GALLO 



lii5. Giuliano da San Gallo, fils de Franccsco Giambcrti, 
architecte, sculpteur, ingénieur. Mort en 1516. 

1455. Antonio da San Gallo (iV Vecchio), fils de Francesco 
Giamberti, architecte, ingénieur. Mort en 1531. 

1481. Bastiano dit Arislotile da San Gallo, fils de Maddalena 

Giamberti, peintre et architecte. Mort en 1551. 

1482. Giovanni Francesco da San Gallo, fiis de Maddalena 

Giamberti, architecte. Mort en 1530. 

148/. Antonio da San Gallo [il Giovane), fils de Sméralda 
Giamberti, épouse de Barlolomeo Coroliani, archi- 
tecte. Mort en 1546. 

It9i. Francesco da San Gallo (dit il Margotta), fils de Giu- 
liano da San Gallo, sculpteur et médaillcur. Mort en 
1576. 

1496. Giovanni Battista da San Gallo {il Gobbo), fils de Smé- 
ralda Giamberti, épouse de Bartolomco Coroliani, 
architecte. Mort en 1552. 



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LES SAN GALLO 



FHANCKSCO DI BARTOLO 

GIAMBERTl 

1406-1480 

En parcourant l'hislcipe artistique de 
ritalie, on constate qu'à différentes 
époques certaines familles, telles qu<^ 
celle des Cosmati au xm' siècle, celle 
des Gaddi au xiv'', pratiquaient le culte 
des beaux-arts comme un héritage 
Armor» qu© ïcs fils OU Ics nevBux se fai- 

a ifamiEf anbeni ggipnt u^g gloire de recueillîp et de 
transmettre à leur tour à leurs descendants; hérédité 
du reste parfaitement en rapport avec la constitution 
des corporations telle qu'elle était instituée au moyen 
ège, à Home et à Florence. Il ne faut donc pas s'éton- 
ner de rencontrer, à l'époque de la Renaissance, cette 
pratique familiale adoptée plus fréquemment parmi les 
nombreux artistes qui surgissent de tous côtés. Certes, 
elle a fait naître de merveilleux et bien divers talents, 
mais jamais elle n'a donné des résultats aussi extraor- 




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Sî LES SAN GALLO. 

dinaires qu'en groupant autour du même idéal une 
véritable pléiade d'hommes, tous issus de la même 
souche, et ayant occupé pendant près d'un siècle et 
demi, à côté des sommités en tous genres, une place 
importante dans le grand mouvement qui entraînait 
alors l'esprit humain vers les créations, depuis long- 
temps disparues, du génie de la Grèce et de Rome. 

Le nom patronymique de cette illustre famille était 
Giamberti. Originaire de Florence, où depuis long- 
temps ses membres étaient inscrits sur les listes des 
corporations, elle en comptait quelques-uns parmi les 
banquiers ou les marchands, riches ou probablement 
dans l'aisance, et d'autres parmi les simples artisans 
exerçant les modestes professions de menuisier, char- 
pentier, tailleur de pierre, potier ou maçon. 

L'historien Del Migliori, qui écrivait à la fin du 
xvH* siècle, rapporte que de son temps on voyait 
encore sur la place du Marché-Vieux l'écusson en 
pierre de la famille Giamberti placé là pour rappeler 
que les anciennes colonnades, détruites et reconstruites 
par Tasso en 1517, avaient appartenu primitivement à 
quelque membre de cette famille : Attcor oggi si vede in 
Mercato Vecckio larme in pietra de essi Giamberti res- 
tata per memoria di quei colonnati antichi loro disfatti. 

En consultant le tableau généalogique dressé par 
le savant annotateur de Yasari, Gaetano Mitanesi, on 
trouve qu'un certain Stefano Giamberti, né à Florence 
en 1303, lavatore in terra^ mouleur de terre ou potier, 



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FRANCESCO GlAMBERTl. 53 

avait eu, entre autres enfants, un fils Bartolo, né en 
1363, et marié à une Lisa dont le nom de famille n'a 
pas été retrouvé; de cette union naquit en 1405 un 
fils auquel on donna le nom de Francesco. 



Fraocesco Giamberti, était legnaiuolo, c'est-à-dire 
exerçait un métier assez complexe, où tout ce qui peut 
être Fait en travaillant le bois prend place tour à tour, 
charpente, menuiserie, fabrication des meubles, sculp- 
ture, mosaïque d'incrustations en bois de différentes 
couleurs, la tarsia, comme on l'appelait dans le nord 
de ritatie où ce genre de travail était fort en faveur. 
Francesco faisait tout cela et arrivait à l'époque de sa 
vingtième année prêter son concours à cette magni- 
fique efflorescence de l'art de bâtir dont Florence béné- 
ficiait grâce à rinfluence intelligente de ses magistrats, 
aux énormes fortunes acquises dans le commerce ou 
dans la banque par beaucoup de ses citoyens, et sur- 
tout, grâce au concours d'artistes tels que les Bru- 
nelleschi, les Albertî, les Michelozzi, et tant d'autres, 
de mérite moindre peut-être. 

Cosme de Médicis placé à la tète des affaires de 
son pays dirigeait ce grand mouvement. Simple de 
goût et d'habitudes, d'un abord facile aux humbles, il 
savait apprécier le mérite, môme dans les conditions 
les plus modestes. Dans quelle circonstance précise 



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U LES SAN GALLO. 

Giamberti se trouva-t-il, pour la première fois, en pré- 
sence de Cosme? Nous Tignorons. Mais it n'est pas 
difticile de se figurer le gonfalonier de la République 
parcourant les différents chantiers de construction 
alors en activité, remarquant un homme actif, intel- 
ligent, prêt à toutes les besognes et menant à bien la 
partie du travail dont il était chargé. Imaginez-vous 
cette scène de bienveillant accueil plusieurs fois renou- 
velée, et voici une connaissance faite; de là à un 
intérêt, à une protection môme, il n'y a pas loin, sur- 
tout si l'artisan est travailleur, habile, studieux, et 
fait de véritables efforts pour acquérir des connais- 
sances pouvant l'élever au niveau des artistes qu'il a 
l'occasion de rencontrer. Aussi, Vasari, qui n'avait 
connu Francesco Giamberti que par les derniers échos 
de sa réputation, sans avoir pu apprécier le point 
auquel il était arrivé à la fin de sa carrière, dit de lui 
qu'il était « assez bon architecte, fort employé par 
Cosme de Médicis' ». 

De quels travaux avait-il pu être chargé? La 
réponse est bien difficile à faire, et il est malaisé de 
déterminer avec exactitude l'œuvre, après tout fort 
secondaire, d'un artisan de mérite, il est vrai, mais 
noyée au milieu des grandes entreprises dont Florence 
bénéficiait à cette époque; aucun document ne vient 
donner d'indications précises à ce sujet. Cependant, 

1 . Vasari. Vie de Gmliano et d'Antonio da San Gallo. 



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FRANCESCO GIAHBERTl. 35 

deux circonstances peuvent nous permettre d'apprécier 
approximativement la valeur de cette œuvre ; l'amitié 
de Francione et la haute protection de Cosme. 

Bien que Francesco de Giovanni, surnommé il Fran- 
cione (le gros ou le grand François), soit loin de briller 
au premier rang parmi les architectes florentins 
du xv^ siècle, il faut lui reconnaître le mérite d'être 
parti d'une condition fort modeste et de s'être élevé 
peu à peu à une situation supérieure. 

Comme Francesco Giamberti son ami, il était leg- 
naittoU), mais, par son aptitude et ses efforts, il devient 
maestro di iegname (maître en tous les arts du bois), et 
c'est en cette qualité qu'il travaille à la cathédrale de 
Pise pour exécuter, avec Giuliano da Majano, les magni- 
fiques stalles du chœur en bois sculpté et incrusté. 
Après la mort de Majano, arrivée en H50, il met en 
place, en 1462, un superbe sopracelo, plafond en menui- 
serie avec rosaces et caissons sculptés et entaillés. 
Un peu plus tard, on le charge de tous les travaux de 
menuiserie nécessaires à l'installation du chœur de 
l'église de TAnnunziata à Florence'. 

De menuisier-sculpteur, Francione se fit entre- 
preneur de maçonnerie, et, en cette qualité, travailla 
aux fortifications de Sarzane, de Pietra-Santa et de 
Sarzanello. Mais s'il ne parvient pas à être grand 
architecte, il reste toujours le savant charpentier, 

t . Vabari. Ëdit. Sansoni. Vte de Giuliano da Majano, t. Il, p. i69. 



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66 LES SAN GALLO. 

riiabile marqueteur, le délicat ornemaniste, auquel on 
aura recours pour la décoration de la grande salle du 
palais de la Seigneurie. Capable d'exécuter de belles 
choses par lui-même, il peut également diriger l'éduca- 
tion de jeunes élèves et en faire des artistes, tels que 
Baccio d'Agnolo et Gluliaoo da San Gallo'. 

Du reste, pour bien se rendre compte de l'impor- 
tance prise alors à Florence par cet art du legnaitiolo, il 
faut rappeler que l'artisan, confectionnantdans sa petite 
boutique des fauteuils et des meubles, pouvait diriger 
en même temps des travaux considérables et se faire 
parmi les architectes une véritable réputation. On peut 
citer, au nombre de ceux qui, au commencement de 
Leur carrière, débutèrent par le modeste métier de 
charpentier-sculpteur, les noms illustres de Baccio 
Pontelli, de Giovanni de Doici, du Cronaca, de Giro- 
lamo délia Cecca, de Giuliano da Majano, ainsi que 
celui de son ueveu Benedetto, le sculpteur des su- 
perbes armoires de la sacristie de Santa Maria del 
Fiore. 

C'est là tout ce que l'on sait à peu près sur 
l'importance des travaux du Francione, mais ces ren- 
seignements, bien que fort incomplets, permettent de 
se faire une idée de l'existence artistique de Francesco 
Giamberti, son compagnon et son ami. Travaux confec- 
tionnés dans le petit atelier, dans la boutique, tels que 

1. Vasahi. Édil. Sansoni. Vie de Baccio d'Agnolo, t. V, p. 319. 



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FRANCESCO GIAMBERTI. 37 

meubles, boiseries sculptées et incrustées, armoires de 
sacristie, lambris et plafonds, le tout exécuté te plus 
souvent d'après les propres dessins de l'artiste, telle a 
dû être l'œuvre de Giambertî. La construction du 
magnifique palais de la via Larga fut, peut-être, une 
excellente occasion pour le legnaiuolo de déployer ses 
talents aux yeux de Gosme de Médicis et de s'en faire 
un protecteur. 

Francesco Giamberti avait confié au Francione 
l'éducation de son fils aine Giuliano; celui-ci sortit 
d'entre les mains du maître, non seulement bon 
menuisier, intartiateur adroit mais fort habile dessi- 
nateur. 

Des investigateurs émérites, tels que MM. Milanesi 
et Mûntz, n'ont rien pu découvrir de précis sur les 
travaux entrepris par Francesco Giamberti ; nous- 
même, après des recherches actives mais infructueuses 
dans les bibliothèques florentines et aux archives 
d'État, n'avons pas été plus heureux; il faut donc s'en 
tenir à la tradition rapportée par Vasari. Mais Fran- 
cesco Giamberti s'est assuré un titre de gloire impé- 
rissable en transmettant son nom à une nombreuse 
descendance d'artistes éminents; sa femme Andréa lui 
donna quatre enfants : un premier fils, Giuliano, né en 
1445; une fille Maddalena, née peu de temps après; 
un second fils, Antonio, né en 14o5, et une fille Sme- 
ralda, née l'année suivante, 1456. A la mort de Cosme 
de Médicis, Giuliano n'avait donc que dix-neuf ans. 



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58 LES SAN GALLO. 

vingt ans tout au plus, et son frère Antonio était à peine 
âgé de dix ans. 

La fortune de cette famille tint à une circonstance 
heureuse, car dès cette époque il s'était établi une tou- 
chante solidarité entre les Médicis et tes Giamberti. 
Pierre de Médicis avait pris soin de faire élever les fils 
de Francesco avec ses propres enfants, à peu près du 
même âge, créant ainsi, entre tous ces jeunes gens de 
conditions si différentes cependant, une intimité dont 
l'heureuse influence ne tarda pas à se faire sentir et se 
perpétua entre les membres de deux familles pendant 
plus d'un siècle. 



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GlULUNO DE FHANCESCO GUMBERTI 



GIULIANO DA SAN GALLO 



AHCHITKCTB 



Après la mort de Cosme de Médicîs, Giuliano, le 
fils aîné de Francesco Giamberti, avait vingt ans; le 
moment était arrivé pour lui de compléter son édu- 
cation artistique. Élevé dans l'amour de l'antiquité et 
l'admiration des monuments de Rome, Giuliano ne 
pouvait manquer d'inaugurer sa carrière d'artiste par 
le pèlerinage traditionnel sur les bords du Tibre. 
Fidèle aux exemples de seS devanciers, i! devait aller 
rechercher par lui-même les principes de la grande 
architecture et se les approprier en mesurant et en 
dessinant ces ruines romaines qui faisaient, depuis un 
demi-siècle, Tadmiration générale. 

L'avènement de Paul II au trône pontifical eut-elle 
une influence sur cette détermination? Il y a lieu de 



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60 LES SAN GALLO. 

le supposer, car, dès ce moment, les travaux commen- 
cés par le pape, en 1447, alors qu'il n'était encore que 
te cardinal Barbo, prirent une activité toute nouvelle. 
La construction du grand palais de V^enise, confiée dès 
l'origine à l'architecte florentin Giuliano da Majano, 
fut poussée avec une ardeur extraordinaire; le 16 juin 
1464, un contrat est passé avec une sorte d'entrepre- 
neur général, nommé Nuccio Rasi, ainsi qu'avec 
divers professionnels, et c'est à titre d'entrepreneur 
de maçonnerie, muraiore y chargé d'une certaine portion 
du travail, que nous voyons débuter le futur architecte 
Giuliano da San Gallo, sous le nom plus modeste de 
Magister Giulianus Francisci (Je Florentiœ. Tantôt tra- 
vaillant à la tâche pour élever des murailles, tantôt 
payé à la journée en qualité de scarpdlino, tailleur 
de pierre, il découpe les blocs de travertin et façonne 
des encadrements de fenêtres, des cheminées, des cor- 
niches, etc.'. Il existe dans les archives d'État du 
Vatican la trace de nombreux payements rémunérant 
soQ propre travail ou celui qu'il avait exécuté comme 
chef d'une escouade d'ouvriers placée sous ses 
ordres. 

Il est très probable que le jeune Giamberti n'avait 
pas été livré à lui-même et abandonné sans guide pour 
entreprendre ce voyage de Rome, si peu sûr à cette 
époque. En effet, des indications de payements faits par 
l'intendance papale à un Magister Francisco de Joannis 

1. E. MOntz. Les Arts à la cour despapes, t. Il, p. 83. 



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GIULIANO DA SAN GALLO. 61 

ou de Giovanni de Florence, avec les dates du 22 juil- 
let et du 27 septembre 1467, noms sous lesquels était 
connu le Francione, laissent supposer que le maître 
aurait accompagné son élève. Du reste, l'activité im- 
primée par Paul II aux grands travaux d'édilité et de 
restauration avait attiré à Rome de nombreux artistes 
étrangers; Florence, dans ce concours de bonnes vo- 
lontés, s'était particulièrement distinguée. La colonie 
florentine, composée de savants, de littérateurs et d'ar- 
tistes, formait alors dans Rome une petite société à 
part, habitant le même quartier, se réunissant souvent, 
et pestant toujours en relation intime avec la patrie 
commune ; Léon Raptiste Alberli séjourna à Rome sous 
le règne de Paul II, et Filarète y mourut en 1469. 

Paul II fit élever dans la première cour du Vatican 
trois étages de loges. Vasari attribue les dessins de 
cette construction à Giuliano da Majano; il est possible 
que 'les projets aient été établis par cet architecte, 
rien ne s'y oppose, mais il ne figure pas parmi ceux 
auxquels des payements ont été faits au moment de 
l'exécution des travaux, tandis qu'on trouve, dans les 
livres de comptes du Vatican, à la date du 20 août 1470, 
la trace d'une somme d'argent assez considérable remise 
à Magiitro Giuliano Francisci de Fhrentiœ et soms\ 
Il ne faudrait pas conclure de là que notre Giamberti 
ait été l'architecte du monument, mais qu'à un titre 
quelconque il avait contribué à sa construction en 

1. E. Mlntz. Les Ar(» à la cour des papes. Paul II, t. II, p. 40. 



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«8 LES SAN GALLO. 

exécutant une partie de la maçonnerie connue tâcheron 
à la tête de ses ouvriers. 

Giuliano prit-il une part active à l'édification de 
la tribune de Saint-Pierre? Gela est possible, très pro- 
bable même, car il. ne quitte Rome qu'après la mort 
du pape, à la fin de 1471, et arrive à Florence pour 
assister aux derniers moments de son protecteur Pierre 
de Médicis. 

Sept années s'écoulent, pendant lesquelles nous 
perdons la trace de notre jeune artiste. Reste-t-it à 
Rome pendant les premiers temps du règne de 
Sixte IV, occupé à quelque besogne obscure à défaut de 
travaux plus importants? Étudiait-il alors ces ruines 
romaines dont il a laissé de si beaux et si nombreux 
dessins? Âidait-il, à Florence, son père à tailler le bois 
des lambris ou à confectionner les meubles des palais 
et des sacristies? Il est impossible de le savoir. C'est 
comme ingénieur militaire que nous allons le retrouver, 
servant dans l'armée florentine derrière les murs de 
Castellina. 

DÉFENSE DE CASTELLINA 
Fin de 1478 

Sixte IV, dans son empressement à rechercher au 
profit de ses neveux des établissements importants, 
ne reculait devant aucun moyen pour se les procurer. 



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DÉFENSE DE CASTELLÏNA. 



Il envoya Julien délia Rovere, aidé du célèbre ingénieur 
siennois Francesco di Giorgio Martini, qui louait ses 
services au plus offrant, assiéger la ville de Castellina. 
A son approche, Vitelli, à qui appartenait la pleine 
possession de ce territoire implora le secours de Médi- 
cis' : lés Florentins accourent, Giuliano est avec eux, et 
voilà que le dessinateur de ruines, le scarpeilino, le 
muratore, fait si bien qu'il devient tout d'un coup ingé- 
nieur militaire expert et artilleur habile; son activité et 
ses avis aident puissamment à la défense de la ville et 
concourent à lui faire obtenir une capitulation hono- 
rable'. 

Ce brillant coup d'essai classe immédiatement le 
jeune artiste parmi tes plus habiles ingénieurs de son 
temps, et Elurent de Médicis, reconnaissant de tels 
mérites, aura souvent recours à lui pour mettre ses 
places menacées en état de résister aux armées du 
pape et du roi de Naples pendant la guerre violente 
qui suivit la conjuration des Pazzi. Vasari dit même que 
derrière les murailles de la ville de Colle, assiégée par 
le duc de Calabre, Giuliano se trouvait en compagnie 
du Francione et de Cecca. -Lorsque la République 
avait besoin de faire appel à ses citoyens, tous les 
artistes devenaient des soldats prêts au sacrifice de leur 
vie; le pauvre Cecca mourut tué d'un coup d'arbalète 
au siège de Piancaldoli en 1479. 

i. Le siège de Castellina fut commencé le 36 juin HT8 par les 
ducs de Calabre et d'Urbin. 



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64 LES SAN GALLO. 

FLORENCE 

ÉGLISE DES SEBVITES 

1480 et 1482 

La concorde semble revécue parmi les princes ita- 
liens, les artistes vont se remettre à l'œuvre, l'ingénieur 
militaire redevient le /ffjî'waiMo/od'autrefois.Mitanesi nous 
apprend que, vers 1480,GiuUanoetle Francione devenus 
collaborateurs font ensemble un modèle en bois pour 
l'achèvement de l'église des Servites et l'agrandissement 
de la chapelle de la Nunziata comme on disait alors 
à Florence. Bien que ces projets n'aient pas été mis à 
exécution, nous profiterons de cette circonstance pour 
dire quelques mots de cette église que plusieurs artistes 
de la famille des San Gallo ont contribué à embellir. 

Le marquis Louis Gonzague de Mantoue, général 
au service de la République florentine, sous le prin- 
cipat de Cosme de Médicis, voulant laisser à la ville de 
Florence une marque de sa reconnaissance, et surtout 
désirant suspendre, en manière de trophées auprès 
de la chapelle de la S. S- Annunziata, les armes et les 
dépouilles des ennemis vaincus, chargea Léon-Baptiste 
Alberti de construire une autre chapelle importante 
dans l'église des moines de l'ordre des Servites [Servi 
di Maria), qui, depuis le xin* siècle, étaient fixés à 
Florence ou ils étaient fort estimés. Gonzague alTecta à 



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cette construction un reliquat de solde de deux mille 
florins que les Florentins lui devaient encore. Il conve- 
nait d'utiliser les fondations déjà établies, par Michel- 
ozzo, mais laissées inachevées par Antonio Maneti; 
or ces substructions imposaient au nouvel architecte 
une forme circulaire. Alberti imagina un projet qui 
souleva d'abord une violente opposition; il voulait 
faire porter une coupole, d'un diamètre considérable 
{depuis l'achèvement de Santa-Maria del Fiore, la cou- 
pole paraissait indispensable à tout édifice religieux 
d'une certaine importance), sur un mur circulaire percé 
dans son pourtour de neuf grandes niches formant 
chapelles, et de relier sans transition cette rotonde au 
corps de l'église par une large ouverture prise dans 
toute la hauteur de la nef. Malgré les opposants, le 
plan d'Alberti fut adopté ; cette curieuse construction, 
bien que légèrement transformée, forme encore le 
grand chœur de l'église de l'Annonciation. 

Déjà en 1448, Pierre de Médicis, pendant la vie de 
son père, avait fait ériger, dans l'église primitive, une 
chapelle dite de la Nunziata, en raison d'un très ancien 
tableau qui s'y trouvait, représentant une Annonciation ; 
après la mort de Cosme, il eonfla les travaux d'achève- 
ment de cette riche chapelle à Michelozzo. Celui-ci 
fournit les dessins, mais affaibli par l'àge et ne pouvant 
suffire à tout ce qu'on exigeait de lui, les fit exécuter 
par Pagno di Lapo Partignani, sculpteur de Fiesole. Fra 
Angelieo, à la demande de Pierre, travailla à la restau- 



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«6 LES SAN GALLO. 

ration du tableau et peignit huit tables, divisées en 
trente-cinq compartiments représentant des scènes de 
la vie de Jésus, pour fermer les armoires de l'argen- 
terie de la chapelle '. 

Les travaux d'Alberti, commencés en 1470, étaient 
loin d'être achevés au moment de sa mort, en 1 472 ; ils 
turent continués par l'architecte Bettino, et c'est proba- 
blement pour les terminer que leFrancione etGiuliano 
avaient confectionné le modèle dont il est question. Les 
Frôres servîtes s'adressèrent encore au Francione, 
mais avec la collaboration de Giuliano da Majano, pour 
orner de belles boiseries sculptées et incrustées le 
chœur de leur nouvelle église, et demandèrent plus 
tard aux deux frères Giamberti, Giuliano et Antonio, 
de leur fournir un grand crucifix en bois. Les menui- 
series ont été détruites pour faire place à une somp- 
tueuse construction en marbre, mais le crucifix, placé 
dans la chapelle de la Madone, excite encore l'admira- 
tion générale. 

FLORENCE 

ÉGLISR DE LA TRINITÉ. CHAPELLE SASSETTl 
1482 

Nous allons maintenant voir le muratore de Paul II, 
le legnaiuolo, se transformer en véritable sculpteur. 

1- Ces panneaux sont actuellement conservés au Musée de l'Aca- 
démie des Beaux-Aris & Florence. 



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ÉGLISE DE LA TRINITÉ A PLOBENCE. CHAPELLE SA3SETT1 



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FLORENCE. 69 

Comme presque tous les artistes florentins d'alors, 
Giuliano savait appliquer son talent d'ornemaniste à 
fouiller le marbre aussi bien que le bois. 

L'église de la Santissima Trinita, construite à Flo- 
rence vers la fin du xi' siècle par les moines de Valom- 
breuse, avait été rebâtie et agrandie deux cents ans 
plus tard dans le style ogival, peut-être par Nicolas de 
Pise, mais rien n'est bien positif à cet égard. Cepen- 
dant, les dispositions intérieures sont si simples et d'un 
si bel effet, que Michel-Ange ne se lassait pas, paraft-il, 
de l'admirer. Peu visitée des étrangers, car sa lourde 
façade, ajoutée au xvii* siècle par Bernardo Buontalenti, 
fait redouter une déception, cette église offre un carac- 
tère original très particulier : les bas côtés et le tran- 
sept sont divisés en chapelles particulières apparte- 
nant à certaines familles qui, par un sentiment de 
piété tout naturel, et obéissant peut-être à certaines 
pensées de rivalité, se sont efforcées d'en enrichir la 
décoration. Grâce à ce patronat, ces chapelles, échap- 
pant à toute ingérence étrangère, ont pu conserver 
intactes les œuvres d'art dont les avaient ornées leurs 
possesseurs. C'est ainsi qu'à la chapelle Barloloni- 
Salimbeni, la curieuse Annonciation et les fresques 
remarquables de Lorenzo Monaco (1370-1425) sont 
encore protégées par une belle grille forgée du 
xv* siècle. 

Dans le transept, à droite du sanctuaire, une cha- 
pelle, dédiée dès l'origine à saint François d'Assise, 



yGo-ogle 



70 LES SAN GALLO. 

avait appartenu aux Fastelli o Pietrobooi; mais, par 
suite de l'extiDctioD de cette famille, elle fut coDcédée 
parles inoÎDes,eD 1480, à Fraocescodi Tomaso Sassetti, 
riche Florentin qui s'empressa de la faire splendide- 
ment décorer et d'y faire installer deux urnes funéraires, 
l'une pour lui-même, l'autre pour NeraCorsi, son épouse. 
Les peintures représentant aux quatre coins de la voûte 
les Sibylles, et, sur les surfaces droites, six épisodes 
de la vie de saint François, ont été exécutées, en 1485, 
par Domenico Ghirlandajo; les revêtements de marbre 
et les sarcophages furent commandés, en 1482, à Giu- 
liano Giamberti. 

Deux niches circulaires, prises dans l'épaisseur des 
murs latéraux et situées vis-à-vis l'une de l'autre, con- 
tiennent deux coffres de marbre noir arrondis à leurs 
extrémités, garnis d'un couvercle peu élevé, et déco- 
rés, sur la face vue, d'un panneau rectangulaire en 
relief rattaché par des rubans flottants à deux têtes de 
génisses ou bucrânes sculptées de chaque côté. Chaque 
niche est entourée d'une archivolte de marbre blanc 
sur laquelle des rinceaux, sculptés avec une extrême 
délicatesse, s'allongent, entourant des vases aux formes 
élancées, pour s'épanouir en fleurons; des médaillons, 
renfermant de petits sujets variés, interrompent symé- 
triquement cette décoration, et, au sommet, une clef, 
portant deux rosaces et une tête d'ange, couronne le 
motif. Le soubassement est formé de panneaux enca- 
drés par des bandes de palmettes répétées. 



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Rien de mieux approprié à sa destination que cette 
chapelle où la sobriété magistrale des urnes funéraires 
est tempérée par les délicatesses de leur entourage, 
où les tristesses de la mort semblent adoucies par le 
charme des souvenirs et des espérances. Quant à l'exé- 
cution, elle est bien un peu sèche, et l'on pourrait y 
reconnaître l'œuvre d'un ciseau encore inexpérimenté, 
si la correction et la finesse des détails ne plaidaient en 
faveur de l'artiste. 

OSTIE 

CITADELLE 
1483 

Ostie, l'ancienne cité fondée par Ancus Martius, 
véritable porte de Rome du côté de la mer pendant 
toute l'antiquité puisqu'elle commandait l'entrée du 
Tibre, avait une importance considérable; ses magasins 
étaient immenses, ses habitants nombreux, ses temples 
magnifiques. En présence des atterrissements du fleuve 
qui, peu à peu, avaient comblé l'ancien port, les 
empereurs Claude et Trajan en construisirent un nou- 
veau, mis en communication avec le Tibre par un 
canal navigable; dès lors, commença la lente agonie 
d'Ostie, et le Portus Trajanus, aujourd'hui Porto, se 
développa à partir de cette époque. L'ancienne Ostie 
n'existe plus; des fouilles entreprises depuis le début 



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73 LES SAN GALLO. 

du XIX* siècle remettent lentement au jour ses rues et 
ses monuments ensevelis sous les sables. 

Par suite de quelle nécessité le pape Grégoire IV 
fiit-il amené à fonder une nouvelle ville située à 
quelque distance de l'ancienne? Le Liber pontificalis 
et les notes ajoutées par le savant abbé Duchesne vont 
répondre amplement à cette question qui vient immé- 
diatement à l'esprit lorsqu'on visite la ville moderne 
d'Ostie : « Le Très Saint Père, rapporte le Liber ponti- 
ficalis, désirant soustraire les populations, que Dieu 
et le bienheureux Pierre apôtre avaient commises à ses 
soins, aux tribulations, aux déprédations, aux atroces 
désolations que leur infligeaient les Sarrasins, surtout 
aux habitants de Portuensis et d'Hostiensis, chercha 
au fond de son cœur ce qu'il y aurait de mieux à faire, 
et commença prudemment à vouloir délivrer la ville 
d'Ostiede ces terribles dangers. D'après les inspirations 
que le Dieu Tout-Puissant fit pénétrer dans son cœur, 
il résolut de reconstruire la ville même, a fundamentis, 
de fond en comble, et l'entoura de murs fortifiés et de 
défenses permettant aux habitants de repousser les 
barbares s'ils venaient à se présenter. Il voulait en outre 
qu'une fortification plus haute et plus puissante fût 
élevée non loin de la ville, pour empêcher les enne- 
mis d'en atteindre facilement les murs... Afin de per- 
pétuer la mémoire du pontife Grégoire et d'un fait de 
cette importance parmi le peuple romain et les autres 
nations, la nouvelle cité prit le nom de Grégorio- 



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polis'. » Au récit du Libet' pontificalis que nous 
avons un peu abrégé^ l'abbé Duchesne ajoute : « Dès 
les derniers temps de Charlemagne, les pirates sarra- 
sins d'Afrique infestaient déjà les îles de la mer Tyrrhé- 
nienne et le littoral romain. En 827, ils débarquaient 
en Sicile; en 831, ils étaient maîtres de Palerme d'où 
ils ne lardèrent pas à rayonner sur le continent, se 
mêlant aux querelles des princes lombards de Bénévent 
et de Saieme, et ravagèrent les côtes peu défendues 
contre leurs entreprises. A en juger par ta place que 
cet événement occupe dans la vie de Grégoire IV, la 
fondation de Grégoriopolis doit avoir eu lieu vers la fin 
de son pontificat, après la mort de l'empereur Louis 
(840) et la bataille de Pontanet (841). Les Romains 
commencèrent à comprendre que leurs protecteurs atti- 
trés n'étaient guère en état de les protéger efficacement. 
L'enceinte fort étroite, construite par Grégoire IV, a 
été souvent réparée, mais non détruite. C'est ce qu'on 
appelle actuellement Ostie, le nom de Grégoriopolis 
n'ayant pas, semble-t-il, survécu au fondateur. Là, se 
trouve au milieu de quelques masures un évêché rus- 
tique avec une petite chapelle dédiée à sainte Aurea 
qui marque l'emplacement du cimetière chrétien d'Ostie 
antique. » 

Nous voici parfaitement renseignés, la ville moderne 
d'Ostie, ville bien peu étendue il est vrai, occupe l'em- 

1. L'abbé Ducheshe. Liber Pontificalis. Vie de Grégoire IV (827- 
844), t. II. pp. 81-82, note explicalive, n" 17. 



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7* LES SAN GALLO. 

placement de l'ancien cimetière chrétien, car Ostie 
comptait de nombreux adeptes de la religion nouvelle; 
saint Augustin s'y embarqua pour l'Afrique, et sa mère, 
sainte Monique, y mourut en attendant son retour. 
Ostie devint le siège d'un important évêché et plusieurs 
de ses titulaires se sont fait un nom dans l'histoire 
ecclésiastique du moyen âge. 



LA CITADELLE d'oSTIE 

Conslrails psr ainliaaa da S«n GaUo. (Vue d'ensemble] 

Les choses demeurèrent en l'état où les avait établies 
Grégoire IV jusqu'à la fin du xv* siècle. Sous le pon- 
tificat de Paul II, le cardinal français Guillaume d'Es- 
touteville, le plus riche des prélats romains, créé 
évêque d'Ostie, avait doté sa ville épiscopale de mai- 
sons et de rues nouvelles et commencé la reconstruc- 
tion de la modeste cathédrale; mais sa mort, arrivée 



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en 1483, ne lui permit pas d'achever cet ouvrage. 
Julien délia Rovere, un des nombreux neveux du pape 
Sixte IV, succéda au cardinal comme titulaire de l'évêché 
d'Ostie; le pape confiait ainsi à l'un des siens un poste 
de grande importance, car toujours en guerre avec ses 
voisins, il lui fallait assurer la garde du Tibre et la 
protection de Rome du côté de la mer. Mais la vieille 
tour n'était plus en état de résister aux armes modernes. 
il fallait donc, pour que la protection fût efficace, con- 
struire une nouvelle citadelle. 

Comment le cardinal Julien avait-il pu apprécier les 
talents d'ingénieur de Giuliano? L'avait-il rencontré 
défendant les places que lui-même assiégeait, comme k 
Castellina, et avait-il pu apprécier son mérite? Ou bien, 
dans un de ces moments d'accalmie qui rapprochaient 
les ennemis de la veille, Rovere s'était-il adressé à 
Laurent de Médicis pour lui indiquer un ingénieur 
capable de diriger un travail important? L'on ne sait. 
Toujours est-il que le nouvel évêque d'Ostie appela 
auprès de lui Giuliano et que la proposition qu'il lui 
fit n'était pas pour déplaire à l'humeur aventureuse de 
notre artiste que rien ne retenait à Florence à cette 
époque. Giuliano vint donc s'établir à Ostie dans le 
courant de l'année 1483; fit commencer immédiatement 
les travaux et les dirigea avec assiduité pendant deux 
années. 

■ ïl estcertain que l'Italie peut revendiquer l'honneur 
d'avoir transformé vers la fin du xv' siècle tout le sys- 



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76 LES SAN GALLO. 

tëiïie de défense et de fortification des places; mais 
il est bien évident que cette transformation ne se fit 
pas par un changement brusque et radical. On a voulu 
attribuer à San Micheli, architecte et ingénieur du pape 
Clément VII, le mérite de cette remarquable rénova- 
tion de l'art militaire; tout en reconnaissant l'impor- 
tance des grands perfectionnements apportés par San 
Micheli dans l'art de l'ingénieur, il faut convenir que 
Giuliano da San Gallo, comme on l'appellera plus tard, 
fut un de ses prédécesseurs. Bien avant San Micheli, 
un architecte siennois, Francesco di Giorgio, principal 
ingénieur de Sixte IV en 1474, avait écrit un Traité de 
fortification et d'art militaire dans lequel Giuliano avait 
peut-être puisé sa science. L'étude des nouveaux sys- 
tèmes de défense, devant concorder avec les progrès de 
rartillerie, était nécessairement une préoccupation con- 
stante et des plus importantes pour les chefs d'États ita- 
liens, perpétuellement en guerre les uns contre les 
autres. Il fallut changer la disposition des boulevards, 
toujours ronds ou carrés avant cette époque; on ima- 
gina d'abord la forme triangulaire, plus tard remplacée 
par la forme pentagonale, toutes deux renforcées de 
bastions ou de tours au sommet des angles pour dé- 
fendre le front des parties droites des murailles. 

C'est à la période de transition qu'appartient la cita- 
delle d'Ostie. Le plan général représente la forme la 
plus anciennement adoptée : un triangle assez étendu 
avec un bastion circulaire à chaque extrémité; l'an- 



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cienne grosse tour, le Torrione^ entourée elle-môme 



FOHTERIiSSE D OBTIE 

'uiM par Giuliuno da San flullo. [La Tau. 



d'un nouveau bastion, devenue le sommet du triangle 
et le point capital de la défense, dépasse de toute sa 



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78 LES SAN GALLO. 

hauteur les autres ouvrages de la forteresse. Toutes ces 
murailles droites ou circulaires sont construites en 
briques, avec chaînes de pierre aux angles, et couronnées 
par une suite ininterrompue de mâchicoulis en encor- 
bellement qui supportent les créneaux derrière les- 
quels s'abritaient les défenseurs. Une cour intérieure, 
nécessairement triangulaire, dans laquelle est creusé ■ 
un puits, dessert les différentes parties de la forte- 
resse. 

Une inscription, tracée sur un grand tableau de 
marbre incrusté en belle place dans la maçonnerie de 
brique de la grosse tour, et surmontée des trois écus- 
sons des papes Sixte IV, Innocent VIII et Jules II peut 
se traduire ainsi : « Julien de Savone, cardinal d'Ostie, 
fit cette forteresse pour servir de refuge en cas de tem- 
pête, pour défendre la campagne, pour fortifier Ostie 
et pour garder l'embouchure du Tibre. Il la commença 
au temps de Sixte IV, Souverain Pontife, son oncle, 
l'acheva sous le règne d'Innocent VIII et la fit entourer 
par les eaux du fleuve. L'année du salut 1486; de la 
fondation d'Ostie 2115 et du règne d'Ancus Martius 
2129'. » 

Le plan de la forteresse d'Ostie, telle qu'elle existe 
encore aujourd'hui, tracé de la main même de Giuliano 
da San Gallo, est conservé à la Bibliothèque commu- 



1. Alberto Glglieimotti. Dissertazione sutla Rocca d'Ostia, dans 
les Atli deW Academta archeologica Romana, vol. XV, 1862. 



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nale de Sienne, et ce plan, en dehors de son mérite 
technique, vient apporter un argument irréfutable en 
faveur de la paternité jusqu'ici incontestée de notre 
architecte. U faut hautement la revendiquer, cette pa- 
ternité, car tout récemment, un des érudits rédacteurs 
du journal tArte, qui se pubhe à Rome, a cru pouvoir 
la lui enlever'. 

Il existe en effet à l'intérieur d'une poterne, qui 
semble ajoutée sur la face de la forteresse du côté de 
la ville, une porte en arcade, dont l'encadrement 
extérieur, construit en marbre rouge, est formé de deux 
pilastres surmontés de chapiteaux élégamment sculptés, 
supportant un entablement; dans la frise on lit l'in- 
scription : IVL SAVONENSIS EPISCOPVS GARD OSTIENSIS FUNDAVIT; 

et au-dessous, dans le listel qui entoure ce tableau, se 
trouve la signature en petits caractères : BACciO pontelli 
ARcaiTECTO. Cette inscription et cette signature n'impli- 
quent en rien que Giuliano n'ait pas été le véritable 
constructeur de la forteresse. 

Voyons ce qu'était à cette époque Baccio Pontelli, 
sur le compte duquel Vasari a donné du reste de si suc- 
cincts et si inexacts renseignements. Né à Florence en 
14y0, d'après les savantes recherches de Milanesi, 

1. Le Taccuino ou Album de la Bibliothpqve de Sienne contient 
SI dessins sur vélin inventoriés par M. E. Hl'^tz : Extraits des 
Mémoires de la Société des antiquaires, t. XLV, année 1885. — L'Arle, 
autrefois Arckimo Storico delVArti;, année 1898. Janvier et février. 
Tacc. l-ll. Articles signés E. Rocci. 



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80 LES SAN GALLO. 

Baccio Pontelii ou Pintelli, reçoit, comme son contem- 
porain Giuliano Giamberti, les leçons du Francione. 
Emmené par son maître à Pise vers 1471 , il est occupé 
avec ses camarades aux grands ouvrages de menuiserie 
et d^incru station que cet artiste avait entrepris dans le 
chœur de la cathédrale, et s'attache tellement à ce tra- 
vail qu'il s'installe dans la ville, et y loue une maison, 
le 10 novembre 1475, pour une période de trois ans; il 
prolonge même son séjour jusqu'en 1479, exerçant 
toujours le métier de legnaiuolo et l'art de Vintarsiatore. 
Vers cette époque, Pontelii se rend à Urbin pour exé- 
cuter des travaux du même genre. A la cour du duc 
Frédéric, il rencontre Francesco di Giorgio, et, sous sa 
direction, étudie les nouvelles méthodes de fortifica- 
tion. Après la mort du duc d'Urbin (1482), Baccio vient 
à Rome où Jean délia Rovere, gendre du duc, l'accré- 
dite auprès du pape; le 27 juillet 1483, un bref de 
Sixte IV le charge d'inspecter les travaux du port et de 
la citadelle de Civita-Vecchia commencés et poursuivis 
jusqu'en 1483 par Giovanni de Dolci, et dont Lorenzo 
di Pietro fut chargé après lui. En tout ceci, le rôle de 
Pontelii devait se borner à celui d'inspecteur expert, 
ut arcem ipsam nosiram videat et circumspiciat , 
d'après le texte du bref. Et ce sont là les seuls témoi- 
gnages authentiques qu'il ait été possible de recueillir 
sur les relations de Pontelii avec Sixte ïV. Rien de 

f . E. MCntz. Les Arts à la cour det papes, Sixte IV, vol. III, p. 73. 



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tout cela ne permet de supposer que Pontelli ait été 
employé d'une façon quelconque par le cardinal Julien 
délia Rovere. Cependant l'inscription de la porte et la , 
signature existent, nous l'avons constaté nous-mêmes. 
Continuons donc nos recherches ; nous arriverons peut- 
être à déterminer la part qu'il faut attribuer à Baccio 
Pontelli dans la construction de la Rocca d'Oslia. 

Dès l'année i48î), San Gallo avait quitté Ostie pour 
revenir à Florence. Peut-être tous les travaux n'étaient- 
il pas complètement achevés; en tout cas, ta partie 
importante de la forteresse devait être terminée; le 
cardinal Julien, avec son caractère absolu, et le besoin 
qu'il a toujours dénoté de voir ses désirs immédiate- 
ment et entièrement satisfaits, n'eût certes pas auto- 
risé la retraite de son ingénieur s'il en avait été autre- 
ment; la défense d'Ostie devait donc être complète. Or, 
ce n'est que deux années après, en 1487, que, pour 
la première fois, on trouve, dans les comptes du Vati- 
can, Baccio Pontelli décoré du titre de Familiaris 
et servas armorum sancti domini ttostri, et plus tard 
encore, de celui de Ingeniarius universalis arciumquœ 
in civitatibm Auximana et Exîma ac in terra Offida; 
œdificantur, avec un traitement de 2o ducats par mois'. 
Il construisait alors pour le compte d'Innocent VIII 
les citadelles d'Osimo, de Jesi et d'Offida; et, c'est à 



1. E. Mlntz. Les Arts A la cour des papes, Innocent VIII, p. il, 
Paris, Leroux, 1898. 



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Si LES SAN GALLO. _ 

cette même époque queliaccio PontelH, le conslructcur 
et le restaurateur de toutes les églises de Rome, vint 
à Ostio, terminer par une façade, toute florentine d'élé- 
gance dans la composition et de finesse dans les détails, 
la petite cathédrale laissée inachevée par le cardinal 
d'Estouteville. Tout s'explique clairement alors : la 
poterne a été rajoutée par Pontelli à la construction 
primitive, et il s'est plu à en embellir l'entrée par un 
encadrement orné et monumental. Inscrire son nom 
comme architecte, au-dessous de celui de Julien délia 
Rovere, bien qu'il ne fût encore que cardinal, rentrait 
dans les habitudes constantes de l'époque, et Pontelli, 
qui cherchait toutes les occasions de se faire valoir, 
n'a pas manqué de s'y conformer. 

Les fortifications que venait d'élever à grands frais 
le cardinal délia Rovere ne devaient pas, du reste, lui 
être d'une grande utilité: la citadelle lui fut enlevée, 
en 1494, par les troupes d'Alexandre VI, après un siège 
de moins d'un mois. Occupée ensuite par les soldats 
de Charles VIII, elle fut de nouveau assiégée et 
reprise , en i 497 , par Gonzal ve de Cordoue ; sans 
grands efforts de la part des Espagnols, paraît-il, car 
Guichardin, dans son Histoire des guerres d'Italie, a 
soin de noter « qu'à peine les batteries avaient été 
pointées, le gouverneur se rendit' ». La forteresse avait 
dû subir cependant quelques détériorations à la suite 

1. Ffl. Gi'icQARDiN. Histoire des Guerres d'/lalic, t. i", p. 272. 



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OSTIB. 83 

de ces deux sièges car le pape Alexandre VI prit 
soin de la faire réparer; un contrat général, passé le 
18 mars 1497 avec un architecte florentin nommé 
Pippo, associé à Perino de Caravage, donne le détail 
de tous les travaux à exécuter'. Le pape Paul III fit 
également faire des réparations importantes en 1561, 
comme l'indique une inscription gravée sur une table 
de marbre blanc incrustée dans la grande muraille qui 
fait face à la mer. C'est sans doute à cette restauration 
qu'il faut rattacher les travaux de marbrerie assez 
importants, chambranles et encadrements de portes, 
sur lesquels on lit : ivuus li(;vr. pp. ii. 

Les fortifications d'Ostie n'ont plus aujourd'hui 
qu'un intérêt historique. Depuis que Paul V a fait 
rouvrir le canal de Trajan qui forme le bras droit du 
Tibre, Porto a pris une rapide extension et l'impor- 
tance d'Ostie a été sans cesse en déclinant. Le Torrione, 
la Tour du Nord, domine bien toujours les murailles 
crénelées de la forteresse de Jules II, mais n'a plus 
d'autre destination que de renfermer la collection des 
fragments de sculptures et d'inscriptions trouvées dans 
les fouilles du voisinage. La mal'aria a fait la conquête 
du pays et en chasse tous les étés les rares habitants. 

Giuliano da San Gallo, auquel revient, d'une façon 
indiscutable, l'honneur d'avoir construit cette belle 
citadelle, savait donc, comme beaucoup d'architectes 

I. V.. Mr.iTK, /,« ArU-à la cour des pnpes. Alexandre VI, p. 221. 



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Si LES SAN GALLO. 

de son temps, réunir aux connaissances spéciales à son 
art la science nécessaire à l'ingénieur militaire. Mais, 
tout en lui reconnaissant ce grand mérite, c'est à 
l'architecte seul que nous voulons plus spécialement 
nous intéresser dorénavant, à l'artiste remarquable dont 
les œuvres encore existantes témoignent de la part 
importante qu'il prit au grand mouvement de la Renais- 
sance classique. 

PRATO 

ÉGLISE DE LA MADONNA DELLE CAIlCERl 
1486 

Après un séjour de deux années à Ostie, Giuliano 
revint à Florence et se trouva immédiatement chargé 
de la construction d'une église à laquelle il sut donner 
le caractère d'une création originale et l'importance 
d'une œuvre d'art de premier ordre. 

Vitruve avait été le grand initiateur de la généra- 
tion précédente; Brunelleschi, L.-R. Alberli, Rosellino, 
Michelozzo s'étaient emparés de son livre et en avaient 
fait le code de la belle architecture. Cet engouement 
était loin d'être passé, et leurs successeurs allaient 
toujours demander à l'architecte romain le secret des 
grandes conceptions qui avaient fait la gloire du siècle 
d'Auguste. Cependant, aucun architecte de la Renais- 
sance, tout en puisant les principes de son art dans ce 



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livre magique, n'en était arrivé à une imitation servile 
de ses indications ; chacun, et c'est là la gloire de ces 
artistes, a conservé, sous cette étiquette commune de 
classicisme, une valeur et une inspiration bien per- 
sonnelles. C'est ce dont nous allons nous rendre 
compte en étudiant avec quelques détails le premier 
monument édifié par Giuliano Giamberti, une des 
œuvres les plus pures au point de vue de la régularité 
des formes et de l'harmonie des proportions, la plus 
charmante en tous cas de celles qui ont été créées en 
Italie à la fin du xv" siècle. 

Cette église, située à Prato, et appelée la Madonna 
délie Carceri, a une histoire fort curieuse qui mérite 
d'être rapportée; c'est un exemple frappant de ce que 
devait être la genèse de bon nombre de fondations 
pieuses au moyen âge. 

D'après de fort anciennes chroniques, on avait con- 
struit à Prato, en 1236, dans un lieu dit Capo di Ponte, 
une sorte de prison pour y enfermer les débiteurs et 
les fous. Sur la façade de ce bâtiment était peinte, au- 
dessus d'une fenêtre, une image de la Vierge tenant 
l'Enfant Jésus dans ses bras avec, d'un côté, saint 
Etienne, protecteur de la ville de Prato, et de l'autre,, 
saint Léonard, patron des prisonniers. Au bout d'un 
siècle, cette prison étant devenue malsaine et trop 
étroite en raison de l'accroissement du nombre des 
habitants de la ville, on résolut d'en construire une 
nouvelle sur l'emplacement d'une maison ayant appar- 



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86 LES SAN OALLO. 

tenu à la famille des Oagomari, gibelins récemment 
expulsés. En 1337, les prisonniers furent donc transfé- 
rés dans le nouveau bâtiment, et l'ancien resta 
debout, désert et inhabité, inspirant aux habitants une 
telle horreur que personne n'osait en approcher. Le 
6 juillet 1484, un enfant se promenant à proximité de 
cette vieille construction, tourna par hasard les yeux 
vers l'image de la Vierge qui subsistait encore, et vit le 
personnage se mouvoir, faire des signes avec les yeux, 
et remuer tout le visage, comme s'il avait été vivant. 
L'enfant épouvanté s'enfuit et alla raconter à ses parents 
ce qu'il avait vu-; ceux-ci accoururent accompagnés d'un 
grand nombre de personnes, et reconnurent que ce 
qu'avait rapporté l'enfant était vrai. Cette nouvelle se 
répandit promptement dans la ville et dans les cam- 
pagnes; tout le monde voulut être témoin d'un fait 
aussi extraordinaire, les autorités civiles et religieuses 
furent convoquées, et il fut officiellement constaté que 
le fait était exact et constituait un véritable miracle. 

Le chroniqueur Luca Landucci raconte que l'on 
commença à Prato de grandes dévotions pour une 
Vierge Marie qui faisait des miracles comme celle de 
Bibbona, et que l'on ordonna une construction avec 
grande dépense'. De tous les côtés affluaient les 
offrandes et les aumônes, des pèlerinages étaient 
organisés pour aller voir le miracle, si bien, que les 

1. Luca Landucci. Diario Fioreniino dal i-150 al i5i6. 



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représentants de la commune de Prato firent faire des 
démarches à Rome pour obtenir la permission d'ériger 
une chapelle dans laquelle serait conservée i'imafj;e 






PLAS DE l'ÉRLISE DE LA MADONNA DELLE CARCERl 
A Pralo. 

sacrée. Sixte IV étant mort sur ces entrefaites, Inno- 
cent VIII, le 3 octobre 148o, accorda l'autorisation 
demandée. Alors commence une série interminable de 



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«8 LES SAN GALLO. 

discussions ayant pour objectif de rechercher la façon 
la plus convenable de mettre ce projet à exécution. 
Comme les offrandes arrivaient toujours en abondance, 
et qu'il fallait se hâter, le 20 avril 1485 on convoque 
dans une assemblée générale tous ceux qui avaient 
droit d'intervenir. L'invitation portait que ; « l'on 
devait tirer parti de la muraille sur laquelle était 
peinte Notre-Dame delle Carceri, et choisir entre plu- 
sieurs projets et modèles ' » . On décide de donner plein 
pouvoir au prévôt de l'église de Prato, Charles de Médi- 
cis, fils naturel de Cosme l'ancien, et aux opérai, fabri- 
ciens, pourvu que dans leur détermination ils respec- 
tent la voûte des prisons et le mur sur lequel était 
peinte la Vierge. Malgré ce vœu formellement exprimé, 
les délégués ne tiennent pas compte de cette restriction, 
et cela soulève de violentes résistances dans le conseil 
général. Faute de s'entendre, on prend le parti d'appeler 
l'architecte Giuliano da Majano, alors en grande répu- 
tation, et d'adopter les projets et dessins qu'il présen- 
terait. Les premiers travaux de déblayement sont en 
effet immédiatement commencés, mais les dessins de 
l'architecte ne peuvent satisfaire tout le monde, il se 
forme une violente opposition, le conseil des Otlo Si- 
gnori fait suspendre les travaux, et l'on dépêche quatre 
ambassadeurs à Florence, auprès de Laurent de Mé- 

1. Manuscrit de la Ronciomana de Prato, Miraeoli e grazie delta 
gloriosa Madré Vergine Maria delle Carceri di Prato, l'anno 
i484. 



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dicis,pour le prier d'intervenir*. Laurent vint deux fois 
à Prato, considéra quelle pouvait être la position la 
plus convenable pour l'église, examina les divers pro- 
jets qui avaient été présentés et invita les fabriciens à 
venir à Florence délibérer sur le meilleur parti à 
prendre. Le résultat de cette délibération fut de remettre 
complètement entre tes mains de Laurent le choix du 
projet à exécuter et la désignation de l'architecte qui 
en serait chargé. Laurent choisit le modèle présenté 
par Giuliano Giamberti et voulut que la direction des 
travaux lui fût immédiatement confiée. 

Ces braves bourgeois de Prato qui reçoivent du 
ciel, c'est bien le cas de le dire, une forte somme 
d'argent, veulent en faire quelque chose, mais ne 
savent pas bien quoi; ils s'érigent en assemblée géné- 
rale, nomment des commissions, mais trouvent toujours 
moyen de faire de l'opposition, jusqu'à ce qu'ils se 
soient décidés à prendre l'avis d'un seul et à s'en 
remettre à son autorité. On reconnaît bien ici, quoique 
dans un ordre de faits de bien moindre importance, 
la voie suivie par toutes les républiques italiennes 
pour arriver à se donner un maître : témoignage 
de méfiance et d'impuissance que nous aurons encore 
l'occasion de constater autre part. 

i. Bistretlo di memorîe délia Chiesa di S. Maria délie Carceri. 
— Florence, 1774. —Aucun autre document ne parle d'une première 
interveDlion de Giuliano da Majano dans les travaux de Pralo : dans le 
Ristretto il aura peut-être été contondu avec San Gallo, les deux ar- 
chitectes s'appelant tous deux Giuliano. 



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90 LES SAN GALLO. 

Giuliano vient donc à Prato, en octobre 1485, et, 
le 4 de ce mois, signe un contrat dans Thôpital de la 
Miséricorde en présence de Girolamo di Lorenzo Cenni, 
recteur de l'hôpital de la Miséricorde, de Braccio di 
Leonardo Bracci, recteur de Ffaûpital del Dolce, tous 
deux membres de la fabrique de la nouvelle église, 
de Magino di Sale Bàlducci, de Nicolo di Andréa 
Luschini et de Stefano di Silvestro Calvi, notables 
habitants de la ville'. Le 18 du même mois d'octobre, 
on posait la première pierre, et, le 10 mai i486, on 
élevait les murs au-dessus des fondations*. Cette date 
certaine, antérieure de six années à la mort de Laurent 
de Médicis, nous donne le facile plaisir de relever une 
des nombreuses erreurs commises par Vasari. lors- 
qu'il écrit que : « Giutîano vint à Prato pour diriger 
les travaux de cette église après la mort de Laurent le 
Magnifîque\ » 

Depuis la construction des basiliques conslanti- 
niennes, les églises, en Italie, avaient toujours repré- 
senté, en plan, l'image d'une croix latine, c'est-à-dire 
d'une croix dont les bras d'inégale longueur forment 
une nef, un transept s' étendant transversalement de 

i. Ce contrat est conservé dans VArchivio deW Opéra qui se trouve 
au Ceppi di Prato, section du FatrîmoDio Ecclesiaslico. — Reproduit 
par GaetanoHii,a:iesi : Il Buottarroti diBenvenuto Gasparoni. Série m, 
vol. 11, quaderno x, p. 338. 

2. Calendario Prnlese 18J7, par Fëbdinasdo Boldansi, chanoine de 
Pralo, évéque de Volterra, archevilque de Sienne. 

3. Vasari. Vies de Giuliano et Anionio da San Gallo. 



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chaque côté de la nef, et une abside. Ces dispositions 
furent abandonnées vers le commencement du 
XV* siècle, pour les remplacer par le plan en croix 
grecque, avec quatre bras courts et d'égale longueur 
surmontés d'une coupole centrale portée sur les angles 
saillants intérieurs. L'émigration en Italie des savants 
et des artistes de la Grèce n'avait pas été étrangère à 
l'adoption de cette disposition très fréquemment em- 
ployée dans les anciennes églises de Constantinople, 
d'Athènes et des provinces byzantines. Cela devint une 
mode, un engouement général, et Bramante lui-même, 
dans son projet de reconstruclion de Saint-Pierre de 
Rome, n'avait pas hésité à substituer la forme de la croix 
grecque à celle de la croix latine. 

Il n'est donc pas surprenant que Giuliano ait choisi 
pour son église cette disposition nouvelle et qu'il ait 
été approuvé par Laurent de Médicis. 

Le plan de la Madonna délie Carceri reproduit 
l'image de la croix grecque dans toute sa simplicité, on 
peut même ajouter dans toute sa naïveté. Il se com- 
pose en effet de quatre corps de bâtiments diamétrale- 
ment opposés tes uns aux autres, venant se souder sur 
une partie centrale; trois des bras de la croix forment, 
à l'extérieur, des corps de construction, dégagés sur 
leurs côtés, tandis que le quatrième est rattaché par sa 
face postérieure au mur de l'ancienne prison où sont 
maintenant installées la sacristie et l'habitation du des- 
servant. Les angles rentrants ainsi formés détruisent 



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93 LES SAN GALLO. 

bien un peu Tassiette du monument et nuisent à son 
unité, mais il est évident que l'architecte s'est surtout 
préoccupé de la disposition nette et franche qu'il obte- 
nait h l'intérieur, sans porter suHîsamment son atten- 
tion sur l'aspect extérieur qui devait en résulter, 

S'inspirant de ce qui avait été fait au Baptistère de 
Florence ou à Téglise de San Miniato, et plus récem- 
ment, en 1470, par L.-B. Alberti à la façade de Santa- 
Maria Novella, Giuliano revêtit les faces extérieures 
des murs d'un placage de marbre blanc rehaussé de 
bandes de marbre vert de Prato. Au-dessus d'un socle 
général, s'élèvent, sur chacune des faces principales des 
bras de la croix, deux ordres de pilastres superposés, 
accouplés aux angles; l'ordre inférieur est dorique, 
l'ordre supérieur est ionique; un entablement complet, 
avec architrave, frise et corniche, surmonte le premier 
ordre et contourne tout l'édifice; la corniche du second 
ordre est architravée et relevée en fronton sur les 
façades; dans les axes s'ouvrent, au premier étage, 
des fenêtres encadrées de chambranles avec corniche, 
et, au rez-de-chaussée, des portes surmontées d'un 
attique à fronton. Dominant l'espace central formé par 
l'intersection des quatre pavillons, apparaît un attique 
carré supportant lui-même un tambour circulaire, percé 
de douze fenêtres rondes, couvert par une toiture 
conique terminée par une lanterne. La hauteur du sol 
au sommet des frontons est de 20", 30; la hauteur 
totale de l'édifice est de 35"", 40 environ. 



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Toute cette architecture est d'un style classique 
absolument pur. Peut-être pourrait-on reprocher aux 
pilastres doriques d'être trop élancés ; les règles édictées 
par Vitruve sont, en effet, loin d'avoir été fidèlement 
observées, mais celte fantaisie ne nuit pas à l'effet 
d'ensemble et concourt même à lui donner une grâce 
et une délicatesse qu'il n'aurait pu atteindre autrement. 
Malheureusement les façades de l'église de la Madonna 
délie Carceri sont restées inachevées; un seul des pavil- 
lons possède son revêtement de marbre complet; les 
deux autres ont été abandonnés à demi terminés, aussi, 
le mur en moellons et briques apparaîl-il tristement 
au-dessus du premier étage attendant encore sa déco- 
ration. Ce malheur, ou cette incurie, est du reste assez 
fréquent en Toscane : la façade de la grande église de 
Santa Croce, le Panthéon florentin, n'est-elle pas restée 
jusqu'à ces dernières années dans sa primitive nudité? 
N'en a-t-il pas été ainsi pour la cathédrale elle-même, 
dont le mur de face a étalé pendant des siècles sa car- 
casse de maçonnerie? Les façades des églises de Saint- 
Laurent et du Saint-Esprit, magnifiques monuments, 
n'existent pas encore, et combien d'autres de moindre 
importance pourrions-nous citer, qui nous font craindre 
de ne voir jamais le petit chef-d'œuvre de Giuliano 
totalement revêtu de son manteau de marbre. 

A l'intérieur, l'aspect de l'église est enchanteur; on 
ne saurait trop donner d'éloges à l'architecte, car il est 
impossible d'atteindre un plus haut degré de charme 



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n LES SAN GALLO. 

et d'élégance avec des moyens plus simples. C'est le 
véritable triomphe de la forme en croix grecque, car, 
de quelque point que l'on examine le monument, il se 
présente tout entier à la vue et saisit par son aspect 
d'ensemble. 

Si le Francione a été le maître de Giuliano Giam- 
berti, son véritable initiateur dans l'étude de l'archi- 
tecture, celui dont il a suivi les inspirations et dont il 
a cherché à se rapprocher toujours a été Brunelleschi, 
le puissant génie, le créateur original qui sut ouvrir à 
ses successeurs une voie nouvelle dans laquelle 
quelques-uns se sont distingués. La chapelle des Pazzi^ 
construite par cet illustre architecte auprès du cloître 
de Santa Croce à Florence, a certainement servi, non 
pas de modèle, mais de guide à Giuliano pour conce- 
voir son église de Prato; les deux productions sont 
filles de la même pensée. La chapelle des Pazzi est en 
effet surmontée d'une coupole portée sur pendentifs 
qui apparaît à l'extérieur au-dessus d'un tambour percé 
de fenêtres rondes et sous une toiture conique terminée 
par une lanterne. Si, à l'intérieur, les quatre bras de la 
croix ne s'y trouvent pas .exactement représentés, on 
peut les pressentir, mais c'est surtout entre la disposi- 
tion et la décoration des deux édifices qu'il y a une rela- 
tion bien directe, car on trouve des deux côtés, les 
grands pilastres cannelés surmontés de leur entable- 
ment pour recevoir la retombée des voûtes, et l'emploi 
de la céramique polychrome pour donner plus d'éclat à 



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ÉGLISE DE LA MADONKA DELLE; CARCERt 

Consiruiic jar Giuliano du San Oallo, 



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la décoration. Ajoutons que, dans les deux édifices, tous 
les membres de l'architecture, pilastres, corniches, arcs- 
doubleaux, chambranles, construits en pietraserena, 
cette belle pierre bleue que Ton rencontre fréquem- 
ment en Toscane, se détachent sur les parties nues et 
enduites de la muraille. Quoi qu*il en soit, Gluliano 
n'avait pu choisir un meilleur modèle, ni s'en inspirer 
avec plus d'intelligence et plus d'à-propos. 

A la Madonna délie Carceri, chaque angle, soit ren- 
trant, soit saillant, formé par la rencontre des murs, 
est renforcé par un double pilastre sur lequel porte la 
retombée des arcs-doubleaux ; toutes les voûtes cylin- 
driques en berceau sont décorées de caissons alternés 
en damier. La coupole, élevée au-dessus des quatre 
pendentifs, comprend une partie verticale percée de 
douze oculi, correspondant au tambour extérieur et un 
dôme demi-sphérique divisé en segments concentriques 
par des bandes moulurées; une ouverture de 1°>,80 de 
diamètre donne passage à la lumière que projette la 
lanterne placée au-dessus. 

A la rigoureuse conception de cette architecture, à 
la justesse des proportions, à la pureté des profils, à la 
légèreté et à la hardiesse des voûtes vient s'ajouter l'éclat 
et la gaieté de la décoration : la frise du grand entable- 
ment est occupée tout entière par une bande de terre 
cuite émaillée représentant, en blanc sur un fond bleu, 
une succession continue de guirlandes de fleurs et de 
fruits, reliées par de nombreux rubans flottants à des 



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98 LES SAN GALLO. 

candélabres d'un beau modèle; au-dessus des pilastres, 
de grands ('cussons fleurdelisés à fond jaune sont enca- 
drés dans des couronnes également enrubannées; dans 
chacun des pendentifs est inscrit un grand médaillon 
circulaire, entouré d'un cadre d'oves fortement accusés, 
dans lequel sont modelés, en émail blanc sur fond d'azur, 
les figures des évangélistes ayant auprès d'eux les ani- 
maux symboliques qui leur sont propres. L'allure véri- 
tablement superbe de cette décoration céramique a pu 
autoriser Barbet de Jouy à Fattribuer à Luca délia Rob- 
bia; mais les travaux plus récents de M. Molinier et du 
professeur Cavallucci de Florence ne laissent plus aucun 
doute sur l'origine de ces faïences. Luca délia Robbia, 
mort en 1480, avait laissé la direction de son atelier à 
son fils Andréa, et c'est à celui-ci, encore tout imbu 
des enseignements paternels, de cette élévation de 
style, de cette sobriété, de cette netteté, de cette pré- 
cision toute classique que l'on ne peut se lasser d'admi- 
rer, qu'il convient d'attribuer ces beaux bas-reliefs'. 

Ferons-nous maintenant un crime à Giuliano Giam- 
berti d'avoir traité ses chapiteaux d'une manière absolu- 
ment fantaisiste? Nous ne pensons pas qu'il faille se 
montrer trop sévère à ce sujet; d'abord, parce que 
l'architecture du monument, quelque classique qu'elle 
puisse paraître, est loin d'être une application servile 

i. Voy. Barbet de Jolï, Les Délia Robbia, Paria, Renouard, 1885; 
— J. Cavallucci et E, Molimbr, Les Délia Robbia, Paris, Rouani, 



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ÉULISE DE LA MADON>A DELLE CARCERt A PHATO 



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des préceptes et des règles édictés, puis, parce qu'il 
ne serait pas difficile de découvrir, même dans la Rome 
des grands siècles, de nombreux exemples de chapiteaux 
composés d'éléments variés, appropriés à certaines cir- 
constances ou à certaines destinations, tels que têtes 
d'aigles ou cornes d'abondance. Giuliano pouvait donc, 
sans trop enfreindre la saine tradition, diversifier ses 
chapiteaux en y introduisant des fleurs ou des animaux. 

Sculpteur en même temps qu'architecte, il laissait 
un peu de liberté à son imagination, et son ciseau savait 
le suivre dans ses gracieuses recherches. Du reste, il 
ne craignait pas de puiser à ses heures dans les 
richesses de l'antiquité : rien n'est plus simplement 
correct, plus classique, orné avec plus de convenance, 
que les encadrements des portes composés de cham- 
branles avec filets de perlettes, frises gravées de belles 
inscriptions, corniches et frontons ornés de denticules, 
d'oves et de feuilles répétées; tout s'y trouve réuni. 

Ne nous attachons donc pas à quelques détails qu'une 
critique sévère pourrait peut-être trouver imparfaits; il 
vaut mieux apprécier l'œuvre dans son ensemble et 
estimer son réel mérite. Dès maintenant nous pouvons 
ranger son auteur parmi les artistes distingués qui ont 
su se faire une place honorable à c6té des maîtres 
illustres de la Renaissance'. 

1. Aux archives de Florence, section notariale : acte passé à la 
demande de Ser Quirico Baldinucci de Prato, par lequel au nom des 
Signori Otto di Prato on remet à ûiuliano da San Gallo « ultra aalarium 



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lOi LES SAN GALLO. 

Ajoutons ici, pour ne pas avoir à revenir plus tard 
à l'église de la Madonna délie Carceri, que le dessin et 
le modèle du maître-autel, tout en marbre blanc, ont 
été donnés par ûiuHano lui-même en liiOS, et non pas 
par son frère Antonio comme l'indique Vasari. Cela 
résulte des termes d'un contrat, passé sous la signature 
de Messer Baldo Magini de Prato, en date du 1" juin 
iî)12, dans lequel la construction de l'autel à faire, sur 
le modèle donné par Giuliano, est allouée au marbrier 
Bit^çio de Prato, et la sculpture à Clémente di Taddeo 
di Santa Maria a Pontanico'. Les dessins de Giuliano, 
relatifs à la Madonna délie Carceri, conservés dans la 
collection de la Galerie des Offices, portent les 
numéros 1567, 1568, 1606 et 1607. 

Au-dessus d'un socle assez bas formant gradin, deux 
colonnes cannelées à baguettes, avec chapiteaux d'ordre 
composite, supportent un entablement surmonté d'un 
fronton circulaire; l'autel proprement dit sert de base 
à ce motif qui devait encadrer un tableau représentant 
la Madone miraculeuse. Ce qui a pu induire Vasari en 
erreur, c'est qu'Antonio fut l'intermédiaire dont se 
servit Messer Magini pour demander à Andréa del Sarto 
de peindre ce tableau; sur le refus d'Andréa, Antonio 

et mercedem ordinariam. . . gralia et amore et ex urbanitate et nt 
vulgo iici so[el : per corlesia, libres centum den. (lor. parvor, ». Grati- 
fication à titre bénévole prouvant la satisfaction des habitants de 
Prato. 

1. Vasabi. Édit. Sansoni. Vie de Giuliano da San Gallo, commen- 
taire de Hilanesi. 



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» s 



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POGGIO-IMPERULE. 



confia dans la suite, vers 1524, le travail à un de ses 
amis nommé Nicolo Soggi, artiste de médiocre valeur. 
Le tableau représente Messer Baldo agenouillé aux 
pieds de saint Ubalde son patron; vis-à-vis se trouve 
saint Joseph, et, au milieu, une reproduction de cette 
image de la Vierge qui avait opéré tant de miracles*. 

POGGIO-IMPERIALE 
14S6 

Des travaux d'un ordre différent venaient, peu de 
temps après le début de la construction de l'église de 
Prato, solliciter l'activité de Giuliano. Son expérience 
d'ingénieur militaire fut mise à contribution par Lau- 
rent de Médicis pour augmenter les défenses de Poggio- 
Imperiale, forteresse très importante située auprès de 
Poggibonzi. 

L'empereur Henri VII, étant en guerre avec les 
Florentins, résolut de fortifier une certaine position qui 
lui parut favorable, nommée alors Podium Bonitii ou 
Po^io-Bonizi et qu'il appela Poggio-Imperiale ; il y 
réunit une population d'environ mille habitants protégés 
par une forte garnison. Depuis cette époque, les forti- 
fications de Poggio-Imperiale avaient bien été entrete- 
nues, mais il parut nécessaire à Laurent d'en modifier 

1. Vasari. Vie de Nicolo Soggi. 



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101! LES SAN GALLO. 

tout le système pour résister aux nouveaux moyens 
d'attaque. 

Après avoir fait approuver ses plans, Giuliano se 
mit donc à l'œuvre. Les travaux durèrent de longues 
années et furent souvent interrompus, car il existe un 
décret de la Seigneurie de Florence, en date du 
20 décembre 1488, confirmant Giuliano de Giamberti 
dans son emploi d'ingénieur de la forteresse, et un 
autre, émanant de la même autorité le o septembre 1490, 
le chargeant encore une fois de la direction générale. 
Malgré cela, les défenses de la forteresse ne purent être 
achevées à cette époque; Giuliano, obligé de venir à 
Rome, dut les abandonner. 

Il est à croire que les Florentins n'éprouvaient pas 
un besoin absolu de voir terminer leur citadelle, ou 
bien, et cela est parfaitement admissible, que toutes les 
ressources dont ils disposaient étaient employées autre 
part, car il y eut, après le départ de Giuliano, un arrêt 
complet dans la marche des travaux. Ils ne furent repris 
que quelques années plus tard, mais sous la direction 
d'Antonio son frère. 

En même temps que Giuliano s'occupait à trans- 
former les fortifications de Poggio-Imperiale, il réparait 
celles de Poggibonzi. Comme à Poggio, ces travaux 
furent interrompus, probablement par les mêmes 
motifs, et repris quelques années après sous la direc- 
tion d'Antonio. Une lettre, émanée de la Balia de Flo- 
rence en 1497, indique que, dès 1495, Giuliano absent 



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GUERRE DE SARZANE. 107 

avait été remplacé par son frère Anlonio, au titre 
d'ingénieur chargé de diriger les fortifications de 
PoggiboDzi; elles ne furent terminées qu'en 1511. On 
peut encore se rendre compte aujourd'hui de l'impor- 
tance que pouvait avoir ce bel ouvrage bien qu'il soit 
en très mauvais état'. 

Giuliano avait dû se marier à Florence dans le cou- 
rant de cette année 1486. Agé de quarante et un ans il 
épousait une certaine Bartolomea, dont on ignore le 
nom de famille, et qui lui donna dès 1487 une fille 
appelée Maria. 

GUERRE DE SARZANE 
14S7 

Les Florentins avaient mis le siège devant la ville 
de Sarzane. Cette place forte, située sur la limite des 
territoires de Gênes et de Florence, avait été autrefois 
vendue aux Florentins par Ludovico Fregoso à qui elle 
appartenait. Agostino, l'un de ses fils, déchirant le 
contrat passé avec son père, avait repris la ville à la 
faveur des troubles survenus à la suite de la conjura- 
tion des Pazzi, et, dans le but d'échapper à la ven- 
geance des Florentins, l'avait placée sous la protection 
des Génois. Laurent de Médicis, ayant inutilement 

1. Gaye. Ordonnance» de la commune de Florence, vol. I et 11. 



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108 LES SAN GALLO. 

essayé de se faire rendre Sarzane, envoya une armée 
l'investir sous le commandement de Jacopo Guicciar- 
dinl, le père du célèbre historien. Les Génois, par 
leur vigoureuse défense, faisait traîner le siège en lon- 
gueur, aussi, Laurent jugea-t-il nécessaire de venir en 
personne prendre la direction des opérations et emmena 
avec lui son ami Giuliano dans le mérite duquel il avait 
grande confiance. Les assiégeants, sous l'impulsion d'un 
tel chef aidé des conseils d'un si habile ingénieur, ne 
tardèrent pas à s'emparer de la ville. Après ce succès, 
Laurent confia à Giuliano le soin de relever et d'aug- 
menter les défenses d'après les principes nouvelle- 
ment adoptés. 

PÉROUSE 

TRAVAUX DIVERS 
1487-1488 

Malgré ces occupations importantes, Giuliano 
n'avait pas abandonné son métier de legnaiuolo et trou- 
vait quelquefois l'occasion de l'exercer. 11 ressort en 
effet d'un document tiré des archives du couvent de 
Saint-Pierre à Pérouse [Libro maestro signala n"' 6-JS3 
et l-^S) que pendant les années i487 et 1488, Giuliano 
avec l'aide de son frère Antonio et de son beau-frère 
Bartolomeo, le mari de sa sœur Smeralda, fit les dos- 
siers des sièges du réfectoire, une fenêtre et une table 



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PALAIS DU ROI DE NAPLES. 109 

d'autel, et que ces différents travaux lui furent payés 
cent soixante-huit florins trois sous onze deniers. 

Malheureusement, au temps de la première sup- 
pression des couvents, le réfectoire fut transformé en 
étable, et les beaux dossiers sculptés et incrustés furent 
vendus comme bois à brûler'. 



PALAIS DU ROI DE NAPLES 
1488 

C'est à cette même année qu'il faudrait, d'après les 
commentateurs de Vasari, rapporter le voyage que fit 
Giuliano à Naples, voyage entrepris d'après les con- 
seils de Laurent de Médicis, afin de présenter au roi 
les plans et le modèle d'un palais que celui-ci désirait 
faire construire. Ferdinand II avait toute confiance 
dans le jugement artistique de Laurent, avec lequel il 
était demeuré en rapports de bonne amitié, et l'avait 
en conséquence prié de lui désigner un architecte 
capable de mettre ses projets à exécution. Laurent 
choisit Giuliano. 

Le modèle terminé et les plans dessinés, Giuliano 
hésitait à partir et voulait envoyer à Naples son frère 
Antonio; Laurent intervint encore et le décida à faire 
le voyage en lui faisant remarquer que non seulement 

1. Giomale di erudisione arlixtica, vol. I, fasc. III : Haestri e 
Lavori in lef^me in Perozîa nei secoli xv* e xvi*. 



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110 LES SAN GALLO. 

sa présence était absolument nécessaire pour jeter les 
fondations du monument, mais, qu'à cette occasion, il 
établirait des relations cordiales et pepsonnelles avec le 
roi, ce qui augmenterait considérablement sa réputa- 
tion. Giuliano partit donc pour Naples. Ferdinand ne 
donna pas suite à son projet; en tous cas, s'il y eut un 
commencement d'exécution, les travaux durent être 
promptement interrompus, car il n'en existe pas trace 
aujourd'hui. 

Le plan de ce palais, conservé dans la collection des 
dessins de la bibliothèque fiarberini à Rome, est signé 
et porte la date de 1 488 ; voici le texte manuscrit qui 
l'accompagne : ovesta e la pianta dvno modelo ddno pa- 

LAZO CHEL' MAGNinCO LORENZO DE MEDICl HANDO A RE FERNDO 
Dl NAPOLl E 10 GIVUANO DA S« fi" POICHE LEBBI FINITO ANADAI 
COLU M^ (modelo) SOPRA DETTO. 
FT. NEL. MCCCDLXXXVIU. 

« Ceci est le plan d'un modèle d'un palais que le 
Magnifique Laurent de Médicis envoie au roi Ferdi- 
nand de Naples et moi Giuliano da San Gallo après 
l'avoir terminé suis allé avec le modèle susdit. » 

L'orthographe de Giuliano, très fantaisiste ici 
comme en toute autre circonstance, témoigne d'une 
instruction première assez élémentaire, mais le beau 
plan dont nous donnons la reproduction, d'après le 
dessin du grand album de la bibliothèque Barberini, 
démontre que ses connaissances architecturales dépas- 
saient de beaucoup ses talents littéraires. 



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PALAIS DU ROI DE NAPLES. 111 

C'est en effet un véritable projet académique que 
nous avons sous les yeux, un plan où toutes les par- 
ties d'un vaste édifice se développent avec une parfaite 
symétrie et avec une ampleur vraiment royale. 

Par un premier degré on arrive sur une large ter- 
rasse s'étendant en avant du palais; le milieu de la 
façade est occupé par un grand portique composé de 
cinq arcades; en arrière de ce péristyle, un vestibule, 
recoupé par trois rangées de colonnes, aboutit à la 
grande cour. Ici, le projet de San Gallo prend des 
proportions presque gigantesques et aurait donné lieu, 
s'il avait pu être exécuté, à une œuvre absolument 
originale. Cette cour devait être une sorte d'amphi- 
théâtre garni de gradins sur les quatre côtés, et conser- 
vant au milieu un espace assez vaste pour permettre 
d'y donner des fêtes et des tournois; les cotes inscrites 
au plan, indiquent 135 bras dans le sens transversal, 
et 60 bras dans le sens longitudinal, sans compter- 
l'arrière-cour, occupant un carré de 25 bras sur chaque 
face, largement ouverte par un de ses côtés sur la pré- 
cédente. Cet espace considérable est circonscrit par 
des portiques formés, d'après le plan, par une succes- 
sion d'arcades alternant avec des plates-bandes sup- 
portées par de légères colonnes. Au delà de l'arrière- 
cour, on pénètre dans une magnifique salle des fêtes 
rectangulaire, voûtée et ornée sur tout son pourtour 
de niches et de colonnettes. Une salle octogone, com- 
portant la même décoration de niches et de colonnes, 



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119 LES SAN GALLO. 

probablement surmontée d'une coupole et pouvant 
servir de chapelle, se trouve placée dans l'axe du plan 
et termine les constructions du palais. Les bâtiments 
réservés à l'habitation du souverain et de sa suite ainsi 
que les services nécessaires sont compris dans des 
corps de logis élevés autour de la grande cour, et se 
prolongent en deux ailes faisant saillie de chaque côté 
de la façade. 

GiuUanOjle legnaiiioio, ponv&ii, ajuste titre, après la 
conception d'un tel plan, s'intituler architecte. 

La fin du récit de Vasari est tout à la louange de 
San Gallo : le roi voulant rémunérer son travail lui fît 
offrir une coupe pleine de pièces d'or, des chevaux et 
de riches vêtements; l'artiste refusa ces présents en 
disant qu'il était au service de Laurent le Magnifique 
qui le payait largement, mais ajouta que, s'il avait 
mérité une récompense, il lui fût permis de choisir, 
dans la collection royale des antiques, quelques mor- 
ceaux qu'il rapporterait à son maître. Le roi touché de 
ce noble désintéressement accéda à ce désir, et Giuliano 
put rapportera Florence un grand buste de l'empereur 
Hadrien qui fut placé au-dessus de la porte du palais 
Médicis, une statue de femme et un Cupidon endormi, 
toutes pièces d'un grand mérite. 



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COUVENT DE CESTELLO. 



COUVENT DE CESTELLO. SANTA MARIA MADDALENA 
DEI PAZZI 

1487-1488 

Le couvent et l'église de Santa Maria degli Angeli, 
dits de Cestello, situés via di Pinti, avaient été fondés 
au xiii^ siècle. Mal entretenus par les moines cisterciens 
qui n'en étaient pas propriétaires, les bâtiments de 
ce monastère étaient arrivés à un état de délabrement 
complet, lorsqu'en 1479 les religieux entrèrent en 
pleine possession de tous les biens qui dépendaient du 
couvent. Ils résolurent aussitôt de te reconstruire et de 
Tembellir de telle sorte qu'il devînt un des plus beaux 
de Florence. 

On commença par refaire les bâtiments d'habitation 
et par restaurer la chapelle. Les revenus dont jouissaient 
les moines devaient être cependant modestes, car ces 
travaux furent menés avec beaucoup de lenteur. Il est 
certain toutefois qu'à un moment quelconque, proba- 
blement en 1488, bien que cette date n'ait rien de bien 
positif, Giuliano fut désigné comme architecte, et grâce 
aux libéralités d'un donateur généreux nommé Jacopo 
d'Alamanno Salviati, put imprimer un peu plus d'acti- 
vité à cette reconstruction. On décida donc de refaire 



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lU LES SAN GALLO. 

d'abord la façade de l'église, puis de construire un 
cloître. De cette façade, nous n'avons rien à dire, l'ar- 
chitecture en est d'une simplicité extrême : au rez-de- 
chaussée, une porte ouverte sous une arcade permet 
d'entrer dans l'é- 
1^^ ^J^ S'is^i au-dessus, le 

■ 1 ' * mur qui s'élève 

droit est percé 
d'une fenêtre. 

Le cloître offre 
plus d'intérêt; on 
y reconnaît le ré- 
sultat direct des 
études faites par 
Giuliano au Forum 
romain, mais elles 
sont appliquées 
avec toute la parci- 
monie que compor- 
tait la situation 
financière des reli- 
gieux. C'est le clas- 
sique le plus abso- 
lu, le plus froid, le plus sévère et te plus pauvre; 
on se croirait en face d'un de ces portiques qui 
abondaient à Rome au long des rues et sous lesquels 
s'ouvraient les boutiques du petit commerce : c'est 
le cloître d'un bien modeste couvent, malgré le désir 




DL CLOITRE, 
DE CESTELLO. 



i. M. Msddalcna dei Paiii, 



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COUVENT DE CESTELLO. 115 

exprimé par les moines de faire une belle œuvre. 
Pour entourer le préau assez restreint, 14", 60 dans 
le sens de la largeur et 12 mètres sur les côtés, l'archi- 
tecte construit des galeries de 3 mètres de large, voû- 
tées en berceau, se pénétrant aux quatre angles pour 
former voûte d'arête. Aux portiques qui supportent ces 
voûtes, et forment galeries, il adopte la plate-bande, 
faisant porter l'entablement, ou pour mieux dire, le 
seul architrave, qui, ici, fait fonction d'entablement, 
directement sur le chapiteau des colonnes. Pour 
rehausser ce que la monotonie de cette architecture 
aurait de trop mesquin San Gallo ouvre deux belles 
arcades dans les axes des grands eûtes, et donne ainsi 
un certain caractère de noblesse à l'ensemble, tout en 
rachetant la différence de longueur des faces du cloître; 
ces arcades retombent sur des piliers carrés répétés aux 
quatre angles de la galerie; tous les autres points d'ap- 
pui sont des colonnes d'ordre ionique, ou du moins 
ayant des bases ioniques, et surmontées de chapiteaux 
dont les volutes, largement développées, descendent 
jusqu'à la hauteur du gorgerin, laissant apercevoir 
entre elles une frise ornée de cannelures, d'oves et de 
perlettes. Ces chapiteaux de forme bizarre se rappro- 
chent en effet de la gracieuse et délicate silhouette du 
véritable chapiteau ionique grec, mais il entre dans leur 
ornementation des éléments que n'ont jamais employés 
les Grecs. Vasari rapporte qu'ils auraient été copiés sur 
un chapiteau de marbre antique trouvé à Fiesoiei ce 



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LES SAN GALLO. 



qui lui assignerait peut-être une origine étrusque, cette 
ville ayant été florissante bien avant la conquête 



2 ^ 



romaine ; en tous cas, ce modèle précieux, religieuse- 
ment conservé dans la collection de l'évêque de Fiesole, 
témoigne d'un souvenir tout particulier de la Grèce, 



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COUVENT DE CBSTELLO. «7 

et ferait admettre des rapports assez étroits entre les 
populations de cette partie de l'Étrurie et celles qui 
habitaient tes rives de la mer Egée. Il n'y a rien que 
de très natirrel à ce que ce beau fragment, qui avait 
excité à l'époque de sa découverte une admiration géné- 
rale, ait été pris comme modèle par Giuliano pour cou- 
ronner tes colonnes de son cloître. Ce qu'il y a de plus 
surprenant, et ce qui est à la louange des études faites 
par notre architecte, c'est que les chapiteaux des 
piliers carrés soient traités exactement comme ceux 
des antes ioniennes antiques. 

Une ornementation si peu en rapport avec la sim- 
plicité générale du cloître, avait dû entraîner à des 
dépensesqui parurent excessives aux héritiers de Jacopo 
d'Âlamanno Salviati, car, après avoir payé quatre cents 
ducats d'or, sans avoir pu faire achever complètement 
les travaux, ils prièrent les moines de les faire terminer 
avec leurs propres ressources ou de s'adresser à d'autres 
donateurs'. 

Le couvent de Cestello passa, en 1623, aux mains 



1. Le Prof. Medici, dans an article de h Revisla inlemazionale, 
\r anoée, 1879-80, dit que dans les arciiives du couvent, il a'a riea 
trouvé se rapportant au nom de San Gallo, mais qu'il existe une 
pièce dans un livre intitulé « Benefactori n indiquant que « D. Anto- 
nio di Domenico firilli nostro monaco fu particolare benefattore di 
Cestello poiche, la chiesa per antichita minascendo rovina procuro 
Tossi riediflcata in présente anno \il9 ». 

Vasahi. Édit. Sassoni. Vie de Giuliano da San Gallo : note de 
Milanesi. 



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118 LES SAN GALLO. 

des religieuses carmélites, qui échangèrent leur demeure 
malsaine de San 
Frediano contre le 
monastère des cis- 
terciens. Il est vrai 
que le cardinal 
François Barberini 
avait deux sœurs 
dans la commu- 
nauté et qu'il tenta 
les pauvres moines 

CHAPITEAU DU CLOITRE DE CESTELLO "^ 

par une allocation 
supplémentaire de 
30000 écus. Les religieuses carmélites, en mémoire 
de sainte Marie-Madeleine de' Pazzi, qui avait vécu et 
était morte dans leur ancien couvent, donnèrent le nom 
de leur sainte compagne à leur nouvelle demeure : le 
monastère de Cestello prit depuis cette époque le nom 
de Santa Maria Maddalena de' Pazzi *. 

La plupart des entre-colonnements du cloître sont 
aujourd'hui murés. Deux des galeries, celle qui se 
trouve en avant de l'église et lui sert de péristyle ainsi 
que la galerie latérale gauche, subsistent dans leur état 
primitif; les deux autres côtés du cloître, celui qui fait 
face à l'église et celui de droite, sont convertis en salles 
intérieures; un mur en maçonnerie s'élève entre les 

\ . MiLiKiA. Memorie degli arckilelti anlicki e moderni, T. I", p. 223, 



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COUVENT DES AUGUSTENS. 119 

colonnes, mais néanmoins elles apparaissent toutes sur 
la face du mur dans lequel elles semblent encastrées; 
aucune n'a été supprimée. 

FLORENCE 

COUVENT DES AOGUSTINS 
1488 

Non loin de la porte San Gallo, dans le faubourg, 
en dehors de la ville, il y avait autrefois un hôpital dit 
de Santa Maria del Popolo, fondé en 1218 par Guida- 
lotto deir Arco, et par Bernardesca sa femme, pour y 
recevoir les pèlerins et les enfants trouvés. Les moines 
augustlns, dont le couvent était situé dans le voisi- 
nage, administrèrent l'hôpital jusqu'à ce que, par une 
bulle de Pie 11, donnée le 8 novembre 1463, cette 
maison de secours fut incorporée avec tous ses revenus 
à Thôpital des Innocents, nouvellement construit à Flo- 
rence sur la place de l'Annonciation'. Le séjour des 
moines dans leur couvent devint alors bien précaire; à 
peine la charité publique leur fournissait-elle de quoi 
suffire à leurs besoins. 

A la tête de la communauté se trouvait un homme 
d'une haute valeur et d'une grande vertu; il s'appelait 
Mariano de Genezano. Laurent de Médicis qui aimait à 

1. Leopoloo del MitiLioRE. Firenze illutlrata. 



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iSO LES SAN GALLO. 

approfondir les questions de religion et de haute 
morale l'avait souvent appelé auprès de lui et le trai- 
tait avec distinction. Mariano obtiat du Magnifique la 
promesse de faire reconstruire le couvent de la porte 
San Gallo et de le doter convenablement. Laurent tint 
sa parole avec la libéralité qu'il apportait alors à tout 
ce qu'il faisait, et choisit comme architecte son pro- 
tégé Giuliano. 

Parmi les dessins de maîtres conservés à ta Galerie 
des Offices à Florence, il s'en trouve deux de la main 
de Giuliano, portant les numéros 1573 et 1574, repré- 
sentant le plan d'une église annexée à un couvent. 
Aucune indication écrite sur ces éludes ne permet de 
les appliquer au couvent de San Gallo; cependant, ils 
ont une relation si évidente avec les désignations et les 
mesures indiquées, par Giuseppe Richa', ainsi que dans 
les Scrittwe di casa Tempi et dans VArte di Por Santa 
Maria, que l'on peut prétendre, avec beaucoup de 
vraisemblance, posséder les véritables plans du couvent 
de San Gallo. 

L'église de San Gallo avait 90 bras de long sur 30 
de large et 17 de hauteur; elle était entourée de dix- 
sept chapelles, se trouvait terminée par un£ abside et 
comprenait une sacristie; cette construction étaitestimée 
3 800 florins d'or. Le cloître avait quatre faces, de cha- 

1. GilsepfeRicda. Nolizie itor. dalle chiese Fiorenline, t75l. 
3. Le bras toscan est de 0°>,5$i, quelquerois il atteint 0''.61 ; il se 
divise en 30 soldi, et chaque soldo en 13 denari. 



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COUVENT DES AUGUSTINS. 121 

cune 38 bras de développement, divisées en arcades 
portées sur des colonnes avec chapiteaux, les bases repo- 
saient sur des socles; il avait coûté 2400 florins. La 
libreria ou bibliothèque avait 45 bras de long sur 18 de 
large; cette vaste pièce était voûtée, elle avait 26 bras 
de hauteur et était estimée 2 300 florins. Un dortoir long 
de 127 bras sur 20 de large, 37 cellules et 2 autres 
dortoirs situés au rez-de-chaussée, voûtés comme le 
réfectoire, étaient comptés pour 3800 florins. La salle 
capitulaire, l'infirmerie, le noviciat et le logement des 
étrangers formaient un seul corps de logis de 48 bras 
(le long sur 18 de large et 28 de hauteur, il avait coûté 
3000 florins. En outre, le couvent comportait un 
second cloître fort simple, deux autres cours de ser- 
vice et les cuisines, pour une valeur de 900 florins; 
enfin, les murs qui entouraient le jardin, long de 
338 bras, large de 262, avec une petite chapelle, 
étaient comptés pour 600 florins. Le tout formait une 
somme totale de 16900 florins. Il n'est pas étonnant 
que des dépenses si considérables, souvent répétées, 
n'aient obligé Laurent à restreindre peu après ses 



A défaut de mieux, les plans conservés aux Offices 
joints à ces indications permettent de se faire une idée 
de l'importance des constructions élevées sous la direc- 
tion de Giuliano. Il eût été bien intéressant d'en pou- 
voir apprécier le style. Aucun document ne peut ren- 
seigner à cet égard, mais nous savons, par le récit de 



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iS2 LES SAN GALLO. 

Vasari, que rarchitecte s'était acquitté de la tâche qui 
lui avait été confiée d'une façon tellement satisfaisante, 
que Laurent lui donna dès lors le droit de porter le 
nom de GiuHano da San Gallo. Vasari ajoute que Giu- 
liaao, s'entendant appeler ainsi par tout le monde, dit 
un jour en plaisantant au Magnifique Laurent : « Votre 
Seigneurie, en m'appelant San Gallo, m'enlève le nom 
d'une ancienne famille, et, loin d'avoir gagné je perds 
à cet échange. » Laurent lui répondit qu'il valait mieux 
être le chef d'une maison nouvelle, que de tirer sa 
gloire de ses ancêtres; ce qui satisfit, paraît-il, notre 
architecte. Cette anecdote, demeurée célèbre, peut 
être vraie, mais il est avéré que depuis longtemps les 
deux frères Giamberti étaient désignés à Florence par 
le surnom de San Gallo, comme l'indiquent les registres 
des délibérations de l'Opéra du Dôme de Florence, 
aux années 1482 et 1485; ce surnom aurait même 
été déjà donné à leur père Francesco, mort en 1480, 
pour le distinguer des autres membres de la famille, 
parce qu'il habitait une maison située dans la ville 
auprès de la porte San Gallo'. 

Du reste, c'était un usage presque général à Flo- 

1. Les deux frères ûiuliano et Antonio avaient habité longtemps 
avec leurs parents dans une maison située sur la paroisse Saint-Bar- 
nabe ; toute la famille s'y trouvait encore réunie en 1469, d'après la 
déclaration faite pour la taxe de l'impAt. C'est en 1477 que Francesco 
Giamberti avait acheté un terrain situé en dehors de la porte San 
Gallo, sur la paroisse de Saint-Laurent et qu'il s'y fil bâtir une 
maison. 



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COUVENT DES AUGUSTINS. 123 

rence et en Toscane de surnommer tout le monde; la 
moindre circonstance fournissait un prétexte. Pierre 
de Médicis, le père de Laurent, n'y avait pas échappé; 
à son état de santé fort précaire, il devait d'être 
appelé II Gottolo, le goutteux; Laurent était devenu 
Il Magnifico. Mais cette coutume était surtout fréquente 
parmi les artistes : Ridolfo Corradi était surnommé 
Gkirlandajo; Raibolini était dit il Francia; Antonio 
Bazzi, il Sodoma; l'architecte Simone, un peu bavard, 
répondait au nom de Cronaca; et Francione, et tant 
d'autres, sans compter ceux qui étaient désignés par te 
lieu de leur naissance, et le nombre de ceux-là était 
légion. Il n'y a donc rien de surprenant à ce que deux 
jeunes gens se destinant à la carrière des arts, vivant 
au milieu d'artistes, aient été immédiatement distingués 
d'entre tant d'autres Giuliano et Antonio, par le nom 
de l'endroit où ils habitaient et fussent appelés San 
Gallo. Il peut être cependant fort exact que ce sur- 
nom ait été officiellement consacré, par le magistrat 
suprême de la République, comme une véritable dis- 
tinction honorifique, et, qu'à partir de ce moment, ce 
nom, inscrit dans les actes, pût être légué par Giuliano 
à ses descendants comme un titre de noblesse dont ils 
auraient le droit de s'enorgueillir. 

Laurent de Médicis venait souvent au couvent de 
San Gallo, il y tenait volontiers ses assises littéraires; 
le prieur Mariano, théologien, orateur, admirateur pas- 
sionné de la poésie et des lettres, déployait dans ces 



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ISi LES SAN GALLO. 

occasions son éloquence et son savoir qui faisaient 
Tadmiration générale. 

Ce magnifique édifice eut une existence bien courte. 
Comme il était très voisin des murs de la ville, et que 
son occupation par les troupes du prince Philibert 
d'Orange assiégeant Florence, en 1529, au nom de 
Charles-Quint, aurait constitué un immense danger, on 
résolut de le démolir. Cette détermination fut mise à 
exécution d'une façon tellement radicale que, pendant 
deux cents ans, toute trace des anciennes construc- 
tions avait disparu. Vasari rapporte que, de son temps, 
il ne restait plus le moindre vestige des maisons du 
boui^ ni du monastère. En 1738, à l'époque où le 
grand-duc François II faisait élever le superbe arc de 
triomphe qui fait aujourd'hui l'ornement de la Piazza 
San Gallo, on découvrit tes fondations du couvent à 
peu près à égale distance de l'arc et du torrent Mu- 
gnone, sur la route qui mène à Bologne. 

FLORENCE 

PROJET D'UN PALAIS POUR LAURENT LE MAGNIFIQUE 

1488 

Il est certain que vers cette époque Laurent, devenu 
le chef incontesté de l'Etat, songea à se faire construire 
un palais afin d'abriter sa Magnificence d'une façon peut- 
être moins sévère que derrière les hautes murailles 



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PROJET DE PALAIS. 125 

du palais Médicis élevé par son grand-père; il chargea 
Giuliano da San Gallo de lui présenter un modèle. 
L'acquisition du palais Pitti, dont la construction com- 
mencée en 1453 par Brunelleschi n^était pas encore 
terminée, aurait peut-être pu le tenter, mais il n'en 
eut jamais !a pensée, du moins aucun témoignage ne 
pourrait être cité à l'appui de cette opinion. Laurent fil 
donc acheter un terrain considérable, appartenant à 
l'hôpital des Innocents, situé près des murs de la ville, 
dans un espace bien découvert, pouvant se prêter à 
toutes les splendeurs d'une habitation presque royale; 
une rue nouvelle, déjà nommée via délia Crocetta, devait 
être ouverte à travers ce nouveau quartier pour aboutir 
sur la place du futur palais. 

De toute cette vaste entreprise, il ne reste que les 
plans tracés par l'architecte. Peut-^tre ce beau projet 
n*était-il qu'une fantaisie princière; peut-être l'état des 
finances de Médicis, assez précaire alors, s'opposa-t-il 
à sa réalisation? Quoi qu'il en soit, te Magnifique conti- 
nua à habiter la demeure de ses. pères, et Giuliano 
conserva son plan comme un précieux souvenir. 11 en 
existe un exemplaire, à la galerie des Offices à Florence, 
annoté, coté et très probablement tracé par Antonio, 
le firère de Giuliano. 11 reproduit, dans des proportions 
moins vastes, le parti qui avait été adopté pour le 
plan du palais du roi de Naples : une façade donnant 
sur une terrasse; une grande cour centrale, entourée de 
galeries, garnie de gradins sur les quatre côtés pour 



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196 LES SAN GALLO. 

servir d'amphithéâtre, et, dans l'axe, une salle de fôtes; 
les bâtiments d'habitation devaient être situés de 
chaque cùté de la cour centrale et donner sur des jar- 
dins disposés en avant et sur les ct^tés du palais. 

FLORENCE 

CAPO MAESTRO DU DOME 

1488 

Giuliano, auquel nous donnerons maintenant le nom 
consacré de San Gallo, n'était pas seulement l'ami et 
l'architecte préféré de Laurent de Médicis; la commune 
de Florence, représentée par le conseil de la Balia, 
lui témoignait également toute confiance. Milanesi a 
retrouvé un document indiquant, qu'à la date du 
24 avril 1480, Gîuliano da San Gallo aurait été nommé 
capo maestro delPopera del Duoino, surintendant des 
travaux de la cathédrale, mais que, par une circon- 
stance restée Inconnue, il se démit de ces fonctions au 
bout de quelques jours, le 5 mai de la même année. Il 
s'agissait, croyons-nous, de terminer la lanterne de la 
coupole, laissée inachevée depuis la mort de Brunel- 
leschi. Qu'advint-il? Nous l'ignorons. Nous verrons 
plus tard San Gallo reprendre ces importantes fonctions 
et participer dans une large mesure à l'achèvement 
complet de la coupole. 



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EGLISE SAN-SPIRITO. 127 

FLORENCE 

ÉGLISE DE SA?f-SPIRITO 

1436-1487 

Auprès de l'emplacement occupé aujourd'hui par le 
magnifique temple placé sous l'invocation du Saint- 
Esprit, s'élevait autrefois une assez modeste église 
construite en 1292. Après la victoire de Governelo, 
en 1398, la Seigneurie décrétait la construction d'une 
église nouvelle; mais, par suite de guerres ou d'autres 
circonstances, les travaux furent retardés jusqu'en 1435. 
On choisit alors Felippo Brunelleschi comme, archi- 
tecte. Le grand artiste, voulant faire que]()ue chose de 
très beau et d'un style tout nouveau, mit une grande 
lenteur dans l'exéculion de ses plans, et la mort venait 
le surprendre, le 16 avril 1444, laissant son oeuvre 
loin d'être achevée. On possède en effet un reçu daté 
du 5 avril 1446, c'est-à-dire deux années après la mort 
de Brunelleschi, donnant quittance d'une somme de 
90 florins d'or payée à Giovanni di Pierone Fancelli 
pour la livraion d'une des cinq colonnes qui lui avaient 
été commandées. Pendant quatorze ans, les travaux 
continuèrent lentement, dirigés par divers architectes 
se succédant les uns aux autres, sans pouvoir leur 
imprimer une grande activité, lorsque, le 14 mars 1471, 
un incendie détruisit l'ancienne église. Cet accident, 
arrivé à la suite d'une pieuse représentation dans 



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t28 LES SAN GALLO. 

laquelle oq avait voulu figurer l'image du paradis avec 
des toiles peintes et beaucoup de lumières, obligea la 
Seigneurie à hâter la construction de la nouvelle église. 
Des quêtes furent faîtes, la générosité des familles riches 
habitant le quartier fut mise à contribution, mais, 
malgré ce secours, ht marche du travail se trouvait bien 
souvent entravée ; enfin, Andréa Salvi, nommé architecte 
du monument en 1479, parvint à en terminer l'intérieur. 
Luca Landucci pouvait écrire dans son Diario Fiorentino, 
à la date du 20 avril 1 480 : « Dans ce temps-là, on acheva 
la coupole de Santo-Spirito et on prêcha dessous. » 
Cependant l'édifice n'était pas complètement terminé, 
il manquait la façade, et le modèle de Brunelleschi ne 
donnait aucune indication à ce sujet. Alors commença 
une de ces polémiques ardentes, comme il s>n élevait 
souvent à Florence, au milieu de cette population 
d'artistes où tout le monde était en état de jugei* et 
voulait donner son avis dans une question intéressant 
les beaux-arts. Fallait-il ménager quatre portes, ou 
trois portes seulement pour entrer dans l'église? Salvi 
avait bien commencé la construction du mur de face 
en réservant trois baies, mais le parti adverse s^était 
révolté, toute la ville était en émoi : les fabriciens 
s'assemblèrent. Ce fut la répétition de ce qui s'était 
passé à Prato, pour l'église de la Madonna dellecarceri, 
et ces âpres discussions devaient se produire fréquem- 
ment en Toscane; mais, ce qu'il y a de remarquable 
ici, ce qui peut même paraître presque incroyable, 



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PLAIt DE L ÉGLISE ET DE LA SACRISTIE DE SAN-SPlItlTO 
A Florance. 



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ÉGLISE DE SAN-SPIRITO. 131 

c'est que, ne sachant à qui donner raison, la Seigneurie, 
par une lettre datée du 10 mai 1482, ordonna aux 
architectes Andréa Salvi et Scorbaccia de poursuivre la 
construction de ce mur de face, sans y faire quoi que ce 
soit qui pût faire préjuger t'adoption de l'une ou Tautre 
disposition. Un an après, le 15 mai 1483, on convoque 
une assemblée en présence du gonfalonier de la Répu- 
blique, Antonio Ridolfi, sous la présidence de Jacopo 
Guicciardini, et l'on décide que le premier projet 
sera poursuivi. On pourrait croire que la présence de 
personnages si considérables va rendre la décision irré- 
vocable et immédiatement exécutoire; il n'en est rien. 
Les adversaires ne désarment pas, et font si bien, que 
le 13 mai 1484, la Seigneurie annule la décision 
antérieurement prise et suspend les travaux. Deux 
années se passent. Enfin, le 13 mai 1486, soixante- 
quatre personnes sont réunies, architectes, artistes, 
magistrats, fabriciens; et, que propose-t-on? De faire 
trois portes, mais que ces trois portes devront comp- 
ter comme quatre, attendu que celle du milieu sera 
tellement large qu'il faudra la diviser en deux par un 
pilier central. Véritablement, tous ces graves person- 
nages n'ont pas pu se regarder sans rire. 

Il est nécessaire d'indiquer brièvement ce qui avait 
donné naissance à cet homérique débat. L'église de 
San-Spirito, dont le plan marque la forme d'une croix 
latine bien accusée, est divisée à l'intérieur en trois 
nefs, une très large et les deux autres fort étroites; 



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13Î LES SAN GALLO. 

elles sont séparées par une série d'arcades qui se 
poursuivent tout autour de l'édifice, eu contournant 
les bras du transept et l'abside. Du côté de la façade, 
rien n'avait été indiqué par Brunclleschi. Devait-on faire 
retourner le portique intérieur et le faire passer devant 
le mur de face? Dans ce cas, il fallait, pour continuer 
la régularité des arcades, placer une colonne dans l'axe 
de la grande nef, et, comme conséquence, ouvrir quatre 
portes vis-à-vis des quatre entre-colonnements du por- 
tique. Fallait-il au contraire faire buter tes deux bas- 
côtés sur le mur de face, sans retour de portique? 
Trois portos suffisaient alors pour correspondre aux 
trois nefs de l'église. Tel était l'état de la question; de 
là venaient le grand embarras ainsi que le motif de la 
discussion passionnée. 

L'assemblée des Soixante-quatre, après de longues 
tergiversations, finit par adopter franchement le parti 
des trois portes. Alors Giuliano da San Gallo entre en 
scène : furieux de ce résultat qu'il déplore, il écrit 
directement à Laurent de Médicis, en ce moment aux 
bains de Morba : 



^1/ Afagnifii/ue Laurent de Pierre de Médicis, 
aux bains de Morba. 



Au nom de Dieu, le jour du 15 mai li86. 

Cettp lettre n'a d'autre but que d'avertir Votre Magnificence 
que mercredi on discuta l'emplacement des portes de San- 



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ÉGLISE DE SAN-SPIRITO. 



Spirito ; six architectes étaient présents, à ce que j'ai entendu 
dire, car j'étais à Prato; j'avais cependant été invité quoiqu*' 
n'étant pas architecte^; les six étaient : Alrado, Vittorio dl 
Bartolocîo, Lorenzo della Golpaîa, Simone del Caprine, le chef- 
maçon, GiuUano daMajano et Bernardo Galluzzi. Vittorio parla 
de trois portes; Bernardo Galluzzi et le chef-maçon de trois 
et de quatre portes, indiquant qu'ils voulaient faire au milieu 
une porte aussi grande que la nef principale et la diviser en 
deux parties par une colonne, h l'instar d'une fenêtre à la véni- 
tienne. Ce projet fut rejeté pour de honnes raisons. Giuliano 
da Majano opina pour trois portes et soutint son dire d'argu- 
ments sérieux et ne voulut jamais changer d'avis, de sorte que 
ce parti fut adopté. De telle sorte que nous ne pouvons plus 
vivre à cause du grand orgueil qui s'est emparé du Majano à 
la suite de ce qu'il appelle cette grande victoire. Ainsi, vous 
êtes averti. J'espère en Votre Magniiicence, et qu'à votre retour 
vous serez celui qui ne laissera pas gâter un si bel édifice. Je 
n'ai rien d'autre à vous dire : que le Christ vous préserve du 
mal. 

Votre serviteur, 

Giuliano da San Gallo. 



Reçue de OiuUaDo da San Galio, to 11 mi 

Al Magnificho Lorenzo di Prô de Medici 
al Bagno a Morba, 



Solo guesta per dare aviso a Voslra Magnificenza, chôme 
mercholedi passato si fecie richiesta sopra le porte di Santto- 

1. On peut à bon droit s'étonner de voir dans cette lettre Giuliano 
déclarer qu'il n'est pas architecte. Les artistes florentins ne perdaient 
jamais, chez eux, la qualiUcation qu'ils avaient adoptée au début de 



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134 LES SAN ÛALLO. 

fns/tiri/o e fiivi 6 arckUettori secondo che io one intesso : no vi 
fu'io per chf ero à Prallo : benche archtteltore non sia : ma 
pure io fu dé richu'Ui e quali fuiono çuesti : CAlrado, VUlorio 
di Bartolocio, Lorenzo délia Ghotpuia, Simone del Chaprino, 
fi capitano mttrallore, Giuliano da Afajano, Bernardo Ghaluzzi. 
Vettorio disp de tre; el Bernardo Chalozi e Cchapittano dise 
Ire e qiiattro in que^to mo' : che volcva fare net meso una porita 
grande quantto la nuvc dl mezo epoi mettere unacolona i'mezo 
c/iomp issta una finesstra a la viniziana; non fu aprovattaper 
buna ragione. Giuliano da Maiano dise de le lire e provalaper 
molle ragione, e sempre fa sosstemie de le lire, per modo che il 
//arltitlo 'il- jirese dele tire. Si ché per Itanlto, noi non ei pasiamo 
isstare per la gran boria che mena el Maiano, che dicie che a 
auHo quess/a veltoria. Si che siatte avisa/lo. Ispero in Vosslra 
Magnificienza ch'a la tlornatta vosslra sialle qitelo non laci guas- 
tare si belo dificio. Non altlro per quesla; Chrislo di maie vi 
guardi. 

Vostro servidore, 

Giuliano da Sakghalo. 

1436. —.li Giuliano da Sno Uallo ai di 17 di maggio'. 

Cette très curieuse lettre indique non seulement 
l'opinion de San Gallo dans une question qui excitait 
alors tous les esprits, mais elle nous fait savoir dans 

leur carrière. C'est ainsi que, dans une lettre datée du 13 avril 1503, 
reproduite dans le Buonarroli, Giuliano, appelé en témoignage, s'y 
trouve encore désigné sous le titre de tegnaiuolo. 

1. Cotte lettre, d'une orthographe toute particulière, a été repro- 
duite en fac-similé dans le vol. Ijn" 89, do: « Le scritturediartisti ila- 
liani dal secolo xiv al secolo xvii riprodotte con la fotografia 
da C. Fini a corredate di notizie daCaetano Milanezi. n Firenze, Le Mon- 
nier, 1876, 3 vol. in-4''. 



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ÉGLISE DE SAN-SPIRITO. 



quels termes d'intimité il était avec son Magnifique 
protecteur. 

San Gallo se pose donc fièrement, bien qu'à son 
dire U ne soit pas architecte, en défenseur de la symé- 
trie intérieure commandée logiquement par la dispo- 
sition des portiques. Il a raison d'espérer que Laurent 
de Médicis, dont l'autorité, en fin de compte, tranchait 
tous les différends, suivra son avis, car les travaux 
furent immédiatement suspendus, et Giuliano reçut 
commission de présenter un projet avec les quatre 
portes, en attendant d'être chargé de son exécution' . 

Mais Laurent restait confiné à Morba plutôt par 
raison d'État que pour sa santé, et ne pouvait s'occuper 
ni de San Gallo ni de l'église San-Spirito. Pendant ce 
temps, l'architecte Salvi, encouragé par les fabrïciens, 
hâtait les travaux et faisait terminer le mur de face 
avec trois portes (novembre 1 487) . Laurent, débarrassé 
des soucis que lui imposait le maintien de l'équilibre 
politique en Italie, revint enfin à Florence, et voulut 
faire donner h son architecte favori une compensation à 
ce petit déboire ; le 27 juin 1488, les fabriciens assem- 
blés ayant décidé de faire élever la grande sacristie de 
l'église, confiaient à San Gallo, sur la recommandation 
de Médicis, le soin d'en faire le modèle; une commis- 

i. Le projet de façade pour l'église de San-Spirito, dessiné par 
Giuliano da San Gallo, est conservé à la Galerie des Ofitces à Flo- 
rence et porte le n° 133 de la collection. — Un plan et une façade, 
dessinés par Antonio da San Gallo le jeune, portent le n' 900. 



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LES SAN GALLO. 



sion iui en fut régulièrement expédiée, le 14 août H89. 
Nous donnons ici, à côté du plan actuel de l'église 




du Saint-Esprit, le plan dessiné par Giuliano et retrouvé 
dans le Recueil de ses dessins conservé à la biblio- 
thèque Barberini par le prince Tommaso Corsini, archi- 



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ÉGLISE DE SAN-SPIRITO. 



tecte lui-même. Nous voulons réserver au prince artiste 
le soin d'expliquer, dans une lettre jointe à ta copie du 
plan qu'il adressait au professeur Cavallucci à Florence, 
quelle avait dû être selon lui la pensée de San Gallo. 

Itome, 13 jain IS7û. 
Monsieur Cavallucci, 

L'autre jour, mo trouvant dans la bibliothèque Barberini, 
j'ai voulu revoir l'album de Giuliano da San Gallo qui, que je 
sache, n'a jamais été publié ni illustré. Arrivé au quatorzième 
feuillet, je suis resté agréablement surpris à la vue d'un plan 
de notre église de San-Spirito avec quatre portes dans la façade. 
Ce plan, dont je vous envoie ci-joint nue esquisse, a résolu ce 
qui pour moi avait toujours été une énigme, c'est-à-dire m'a 
démontré que la discussion sur la façon de répartir les portes 
dans la façade de l'église avait été non seulement possible 
mais qu'elle avait eu sa raison d'Ôtre. Dois-je vous dire mon 
entière impression? Il me semble que l'idée des quatre portes 
doitavoir été la première. En effet, non seulement la continua- 
tion du péristyle le long du mur de la façade est conforme à 
l'idée fondamentale du plan, mais aussi elle réduit la longueur 
du bras de la croix intérieure à la proportion du double du bras 
transversal, ce qui est un rapport très simple que, il me semble, 
les architectes du xv* siècle observaient très volontiers. Peut- 
être tout ce que je vous dis vous est déjà connu, en ce cas je 
vous prie d'agréer la bonne intention. En tous cas j'aurai eu 
l'avantage de me distraire agréablement pendant quelque temps 
des scènes douloureuses au milieu desquelles je me trouve, et 
de me dire, avec l'estime la plus distinguée, 

Votre dévoué, 
Prince Tommaso Corsini'. 
1. Le plan ci-joint et la lettre du prince Corsini m'ont été com- 



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LES SAS GALLO. 



SACRISTIE DE L'ÉGLISE DE SAS-SPIRITO 
1489-1496 

I^ sacrifie de San-Spirilo est séparée de l'église 
par un vestibule, rruvre du Croaaca comme architecte, 
et de son élève, Andréa Contucci dal Monte-Sansovîno, 
sculpteur et architecte florentin : c'est une belle salle 
oblongue de mètres de largeur dont la voûte en ber- 
ceau retombe sur un entablement porté par six colonnes 
de chaque côté: chapiteaux, frises de l'entablement, 
caissons de la voûte, sont ornés d'une fine et abondante 
décoration inspirée des beaux exemples de l'antiquité. 

Vasari attribue, tantôt au Cronaca, tantôt à Sanso- 
vino, la construction de la grande sacristie : c'est une 
double erreur; il est certain aujourd'hui que ce char- 
mant monument d'une exquise pureté de forme, d'un 
style absolument correct, est bien l'œuvre de Giuliano 
da San Gallo, qu'il en a donné les dessins, les plans et 
fourni le modèle. Du reste, cette construction n'a pas 
été l'œuvre d'un jour; aussi, est-il fort probable que, 

muniqués par M. le Professeur Cavallucci lui-même en iS9B. Je lui 
en exprime ici tous mes remerciements. 

En atleudant de commencer les travaux de la sacristie de 
San-Spirito, Giuliano ne restait pas inactif. Milanesi a retrouvé la 
preuve que, à celte époque, il avait fait et sculpté une magnifique 
porte eu bois pour la salle d'audience de la corporation des juges et 
des notaires (Ar/A dei Giudici e Notai]. 



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SACRISTIE DE SAN-SPIRITO. 



pendant ses absences, Giuliano a dû confier à des 
camarades et collègues travaillant dans le vestibule 
voisin le soin de surveiller ses ouvriers ou de terminer 
quelques détails; c'est ce qui a pu faire l'erreur de 
Vasari. 

Le plan de cette sacristie est un octogone régulier 
de 12 mètres de diamètre, dont chaque côté est alterna- 
tivement ouvert ou creusé en forme de niche demi-cir- 
culaire; une des ouvertures communique au vestibule 
et sert de porte d'entrée, une autre donne accès à une 
petite chapelle, les deux autres sont occupées par des 
autels. Ces niches et ouvertures présentent, en éléva- 
tion, de belles arcades accotées par de doubles pilastres 
cannelés, placés de chaque côté des angles du plan; un 
entablement régulier, de style très simple, sans orne- 
ments dans la frise, avec une seule rangée de denti- 
cules sous le larmier, complète ce premier étage; un 
second ordre de pilastres, également accouplés dans 
les angles, supporte un autre entablement et complète 
la partie verticale de la muraille; au-dessus, commence 
la coupole, toujours octogonale, dont les segments 
sphériques, séparés par des arêtes saillantes, viennent 
se réunir autour du tambour qui forme la base de la 
lanterne. 

La fameuse double coupole du dôme de Florence, 
élevée par Brunelleschi peu d'années auparavant, venait 
d'étonner Je monde; il est donc bien naturel qu'elle 
ait servi de type à beaucoup de constructions du môme 



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140 LES SAN GALLO. 

genre, quoique d'importance moindre; ici par exemple, 
le rapprochement est évident, mais il était fatalement 
amené par la forme octogonale du plan des deux édi- 
fices. San Gallo ne pouvait du reste s'inspirer d'un 
plus beau modèle. 

La sacristie est éclairée par la lanterne, par huit oculi 
percés dans les lunettes servant de base aux segments 
de la voûte , et par huit fenêtres rectangulaires , encadrées 
de chambranles et surmontées de frontons, ouvertes 
dans les panneaux du second étage. 

La chapelle annexée à la sacristie est d'une archi- 
tecture absolument identique et continue l'ordonnance 
adoptée : elle représente un carré de 7 mètres de côté, 
dont chaque face est occupée par une arcade; chaque 
angle est renforcé par des pilastres accouplés; l'enta- 
blement reçoit la retombée d'une voûte cylindrique 
décorée de caissons; un autel en occupe le fond. Les 
grandes niches de la sacristie, destinées à recevoir les 
objets précieux et les vêtements sacerdotaux, sont 
fermées par des panneaux de boiserie d'une disposition 
simple, élégante même dans certains détails, où l'on 
reconnaît la main des habiles legnaiuoli florentins. 

Les chapiteaux des pilastres, aussi bien dans la 
chapelle que dans la sacristie, sont tous de composition 
variée, sinon de style différent; tout en cherchant à 
se rapprocher de la forme corinthienne, iiss'en éloignent 
considérablement par la fantaisie voulue qui a présidé 
à leur composition. Il était de mode à Florence, à 



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SACRISTIE DE SAN-SPIRITO. iH 

cette époque, de poursuivre cette recherche de l'origi- 
nalité jusque dans ses extrêmes limites. Nous avons 
constaté, dans les chapiteaux de l'église de la Madonna 
délie Carceri, une tendance déjà bien marquée revs 
cette interprétation fantaisiste de l'antique, et, si nous 
l'avons en partie excusée dans un monument isolé et 
de petite dimension, nous ne saurions nous montrer 
aussi conciliants ici, dans le voisinage de la belle archi- 
tecture de Brunelleschi. C'est un abandon absolu de 
toute règle : les vases, les oiseaux, les mascarons, les 
figurines, forment un assemblage qui manque absolu- 
ment de style et dont la bizarrerie n'est pas suffisam- 
ment rachetée par la délicatesse extrême de l'exécution. 
Ces chapiteaux variés, mais semblables deux à deux 
sur les pilastres accouplés, sont fouillés par un ciseau 
plus habile que judicieux : véritable travail d'orfè- 
vrerie, fait pour être regardé de près et mal à sa place 
à la hauteur où il se trouve. Que ces sculpteurs 
s'appellent San Gallo, Cronaca, Pollaiuolo, Andréa Con- 
tucci, le reproche a la même valeur et s'adresse à cette 
petite académie d'artistes qui, tout en admirant les 
beautés de l'architecture antique, tout en respectant 
ses formes et en appliquant ses lois, voulaient innover 
et transformaient à leur gré les dispositions admirables 
du chapiteau corinthien, le seul des chapiteaux grecs 
que les Romains aient respecté, en une réunion d'or- 
nements et d'éléments disparates. Cette tendance, 
indice d'un goût plus raffiné qu'épuré et du manque 



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1*9 LES SAN GALLO. 

d'uae forte éducation première, fait de tous ces Floren- 
tins de la fin du xv* siècle des maîtres de second ordre, 
ayant du charme, de la grâce, de la naïveté, une grande 
habileté à tout faire, à tout concevoir, h tout entre- 
prendre, mais à qui il manque les caractères du génie 
créateur d'un chef d'école, d'un Brunelleschi ou d'un 
Bramante. 

La sacristie de San-Spirito ne fut terminée qu'en 
1496, par conséquent, à une époque où San Galto 
n'était pas encore revenu à Florence du voyage qu'il 
fit en France à la suite du cardinal Julien délia 
Rovere. 

On attribue généralement à Brunelleschi la concep- 
tion du plan d'ensemble de toutes les constructions, 
église, couvent et cloîtres, qui formaient le groupe de 
San Spirito. Le grand cloître, celui qui tient à l'église 
par ses longs côtés, est entouré de belles arcades 
d'ordre ionique; il fut édifié par l'architecte Alfonso 
Parigi vers 1520; l'autre cloître, de dimensions plus 
petites, plus simple, environné de portiques doriques, 
est l'œuvre de Bartolomeo Ammanati qui le termina en 
1564. 

VILLA DE POGGIO A CAJANO 
1469 

Cette célèbre demeure, où les Médicis aimaient à 
s'entourer de tant d'illustres amis, avait été élevée par 



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VILLA DE POGGIO A GAJANO. 1*3 

Laurent de Médicis sur les fondations d'un ancien châ- 
teau ayant appartenu à la famille des Canceliieri de 
Pistoie, mais dont l'origine première remontait à 
l'époque romaine. Le nom de Cajano n'était que la 
forme italienne des mots Caiaua, Villa Caiana, Rus 
Caianum, Podium Caianum, indiquant clairement qu'un 
Caius avait été le premier propriétaire et fondateur de 
la villa. 

Laurent le Magnifique acheta le domaine de l'un des 
membres de la famille Canceliieri, ou peut-être de 
Palla Strozzi qui le tenait lui-même des Canceliieri. 

Le bourg de Poggio est situé entre Florence et 
Prato, et l'ancienne villa des Médicis s'élève sur une 
colline voisine qui incline en pente douce jusqu'aux 
bords du fleuve Ambrone. Simple maison de campagne, 
où Laurent allait chercher le repos des affaires dans le 
commerce de quelques érudits familiers et dans les 
soins à donner aux travaux agricoles, la villa était 
devenue trop petite pour contenir la nombreuse clien- 
tèle de poètes, de philosophes, de littérateurs et d'ar- 
tistes que, dans sa magnificence, Médicis traînait tou- 
jours à sa suite. 

Laurent voulut réédifier les bâtiments avec une 
splendeur appropriée à sa nouvelle situation. Il chargea 
donc ses meilleurs architectes de lui présenter des 
projets ou des modèles, et. choisit celui de Giuliano 
comme présentant une forme toute nouvelle, très diffé- 
rente des autres dessins et concordant parfaitement 



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Ui LES SAN GALLO. 

avec ses propres idées. Miianesi croit que les travaux 
de réfection ont été entrepris dès l'année 1485, et cite 
à l'appui de cette opinion une lettre dédîcatoire écrite 
par Politien à L. Tornabuoni, lettre écrite le 4 novembre 
1485, et placée en tête du poème intitulé Ambra, com- 
posé à la louange du séjour à Cajano; mais il n'y avait 
alors que les anciens bâtiments. La nouvelle construc- 
tion fut commencée en 1489; le Diario de Luca Lan- 
ducci dit expressément : « qu'en cette année Laurent 
de Médicis commença un palais à loggia dans sa pro- 
priété de Cajano où il fit beaucoup de belles choses, 
entre autres le Casin, véritable œuvre d'un grand 
seigneur ». 

La villa est exhaussée sur un vaste soubassement 
en arcades qui l'entoure complètement; elle occupe 
une surface assez étendue, mais ne présenterait aucun 
caractère artistique, avec ses toits plats, ses murs 
blancs et ses volets verts, si l'on n'y entrait par un 
porche ou loggia voûté en berceau, dont la façade est 
ornée d'un immense fronton porté sur des colonnes. 
Cette architecture un peu sévère est agrémentée d'une 
ornementation de terre cuite émaillée qui remplit tout 
le tympan du fronton et se poursuit en scènes variées, 
pleines de petits personnages, tout au long de la frise. 
Le style de cette décoration trahit déjà les tendances 
un peu prétentieuses du xvi® siècle; c'est en effet 
Léon X qui, voulant donner à l'habitation de son père 
une apparence de richesse en rapport. avec la brillante 



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liHAM) SALON DE LA VILLA DE POGGIO A CAJANO 
• Par Giulisno <U Sm> Gallo. 



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VILLA DE POGGIO A CAJANO. U7 

situation à laquelle était parvenue la famille des 
Médicis, fit ajouter cette loggia  la villa, en même 
temps qu'il chargeait Andréa del Sarto de peindre les 
grands panneaux du magnifique salon du premier 
étage'. Cette vaste pièce avait été pour Laurent un 
sujet de grande préoccupation. Par quel procédé pour- 
rait-on couvrir une si grande surface? Giuliano résolut 
le problème en construisant au-dessus de la salle une 
voùle cylindrique au moyen de pièces de béton coulé 
dans des formes mobiles en bois puis juxtaposées les 
unes aux autres; cette invention assez nouvelle, imitée 
des anciens constructeurs romains, avait été appliquée 
pour la première fois à Milan, par Bramante, à l'église 
Santa }ll&n& pressa San Satyro, par conséquent elle était 
encore très peu connue. Giuliano, au dire de Vasari, 
employait ce système de construction de voûte dans 
une maison qu'il édifiait pour lui-même, et cet exemple 
aurait pleinement rassuré Médicis. Vasari peut dire 
vrai, mais^ dans ce cas, il faudrait, avec Milanesi, 
reculer de quelques années l'achèvement du salon de 
Cajano et le reporter au moins à l'année 1491, pour le 

I. Le cardinal Jules de Hédicis, chargé par Léon X de faire orner 
de slucs et de peintures à fresque le grand salon de la villa, pria Ocla- 
vien de Médicis, son cousin, de surveiller ces travau}t; il les confia 
par portions égales à Franciabigio, Jacopo da Pontomio et Andréa 
del Sarto. Ces peintres ne purent terminer leurs tableaux; le sujet 
laissé inachevé par Andréa, représentant César recevant les tributs, 
fut complété en 1580 par Ailori, comme l'indique une inscription 
placée par ce dernier au bas du tableau. 



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Uè LES SAN GALLO. 

faire coïncider avec l'édification de la maison do Giu- 
liano; du reste, la villa n'était pas même terminée à 
la mort de Laurent de Médicis '. Le grand salon qui 
occupe la partie centrale des bâtiments de la villa a 
17 mètres de longueur sur 11 de large, sa hauteur est 
de 12"", 50, dont 7"", 25 pour la partie verticale des 
murs, et 5'",2o pour la voûte; une corniche régnant 
tout autour de la pièce s'appuie sur des colonnes qui, 
aux deux extrémités, laissent entre elles l'espace des 
fenêtres. La voûte est uniformément décorée de cais- 
sons circulaires, luxueusement ornés, reliés les uns 
aux autres par des rosaces saillantes. La richesse de 
cette noble architecture est encore rehaussée par les 
belles peintures placées entre les colonnes. 

ROME 

CLOITRE DE LÉGLISE DE SAINT-PIERRE-AUX-LIENS 
1490 

Le cardinal Julien délia Rovere habitait à Rome le 
magnifique palais des Saints-Apôtres*; mais son titre 

1, GuictiARDiN. Parallèle entre Cosme et Laurent de JUcdicis. 
Œuvres inédites. 

3. La restauration de l'église et du palais des Saints-Apôtres avait 
été commencée par Pierre délia Rovere en 1474 et continuée après 
sa mort par son cousin Julien qui (It faire le cloître et la coupole de 
l'église par Giovannino de Dolce. Ces travaux, poursuivis activement 
pendant le règne d'Innocent VIII, étaient presque achevés au début de 
celui d'Alexandre VI, 



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SAINT-PIERRE-AUX-LIENS. 149 

cardinalice de Saint-Pierre-aux-Liens lui faisait un devoir 
de restaurer et d'embellir la vénérable et antique église 
fondée par l'impératrice Eudoxie, pour recevoir les 
chaînes dont saint Pierre avait été chargé à Jérusalem 
et à Rome. Sixte IV, cardinal au titre de Saint-Pierre- 
aux-Liens avant d'être souverain pontife, avait fait voû- 
ter la nef transversale de l'église autrefois couverte par 
une charpente en bois, et élever, par son architecte 
préféré, Baccio Pontelli, le portique extérieur. Le 
palais voisin avait même reçu un commencement de 
restauration lorsque Julien délia Rovere succéda à son 
oncle. Le nouveau cardinal fit venir des chanoines régu- 
liers de Saint- Augustin pour desservir l'église et mit 
le palais à leur disposition; mais cet édifice ne corn- 
portait pas de cloître, il fallut en construire un. Delta 
Rovere chargea de ce soin Giuliano da San Gallo dont 
il connaissait l'activité et l'énergie. Les travaux, com- 
mencésdansles premiers jours de l'année 1490, furent, 
dès l'abord, vigoureusement poussés, puis, peu après 
durent être abandonnés pendant quelque temps, peut- 
être même pendant quelques années, et repris par 
la suite, car certaines inscriptions indiquent deux 
époques diCTérentes. A défaut de ces inscriptions, le 
monument lui-même interrogé avec soin ne laisse aucun 
doute à cet égard. En examinant avec attention les 
chapiteaux des colonnes du cloître, on remarque que, 
sous une forme ionique parfaitement identique, ils sont 
de deux espèces : les uns ne portent aucun signe dis- 



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ISO LES SAN GALLO. 

tinctif, tandis que 
d'autres présentent 
sur leur face exté- 
rieure des écussons 
oniés. Ces écussons 
sont eux-mêmes 
de deux sortes : 
tes uns, sont sur- 
montés du chapeau 
de cardinal, et le 
chêne, emblème 
des délia Rovere, 
en occupe toute la 
surface ; sur les 
autres, la tiare pon- 
tificale avec les clefs 
en croix est scul- 
ptée au-dessus du 
chêne; il est cer- 
tain que tous ces 
écussons font bien 
partie intégrante de 
la masse de marbre 
dans laquelle a été 
pris chaque chapi- 
teau, et n'ont pas 
été rajoutés après 

CLOÎTRE t>E SAINT-PIERBE-AlX-LIEiS8 COUp. CeS chapi- 

Par OinliBiio da San OaLlo. 



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SAINT-PIEBRE-AUX-LIENS. 151 

teaux, ainsi ornés, n^occupent pas des situations bien 
définies dans la succession des colonnes, ils sont dissé- 
minés un peu de tous les côtés sans ordre régulier, 
ce qui fait supposer que la fantaisie seule du sculpteur 
ou de l'architecte en a déterminé la place. [1 faut donc 
admettre que tous datent d'une même époque, nécessai- 
rement postérieure à l'exalta- 
tion de Jules H, et que l'ar- 
tiste a voulu rappeler les deux 
dignités dont avait été succes- 
sivement revêtu le fondateur 
du couvent. Giuliano da San 
Gallo, comme nous le verrons 
par la suite, a possédé toute la 
confiance du pape pendant les 
premières années de son règne, 
au moins jusqu'en 1506; on 
peut donc lui attribuer avec 
certitude la construction com- 
plète du cloître de Saint-Pierre- 

aux-Liens, et, si quelques détails restaient encore ina- 
chevés lorsqu'il revint à Florence, son frère Antonio, 
demeuré à Rome, pouvait les terminer. 

Le style du monument est large et d'une simplicité 
bien appropriée à sa destination : les galeries sont 
voûtées en arête ; les colonnes supportent directement 
des arcades bien ouvertes que n'accompagne aucun 
ornement, aucune archivolte même; les bases, finement 



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ISÎ LES SAN GALLO. 

moulurées, reposent sur un mur d'appui peu élevé. Ces 
galeries, composées de cinq arcades sur chaque face, 
et non pas sept comme l'indique Letarouilly, encadrent 
un jardin au centre duquel s'élève un élégant por- 
tique à quatre colonnes, placées deux de chaque côté 
pour soutenir, au-dessus d'une margelle de puits, un 
riche couronnement à grandes volutes surmonté des 
armoiries du cardinal délia Rovere. Vasari, dont on 
peut admettre cette fois l'indication comme parfaite- 
ment exacte, écrit dans la « Vie du sculpteur Simone 
Mosca », qu'Antonio da San Gallo, ayant succédé à son 
frère dans la direction des travaux du couvent, fit faire 
la margelle de la citerne, la bouche du puits » bocca 
di quel pozzo » et qu'il employa Mosca à sculpter les 
très beaux mascarons qui la décorent. Mais ces derniers 
travaux ne furent achevés que longtemps après la con~ 
struction du cloître, par les soins du cardinal Leo- 
nardo, successeur de Jules II au titre de Saînt-Pierre- 
aux-Liens. 

Aujourd'hui, le palais de Saint-Pierre-aux-Liens est 
occupé par l'École des ingénieurs civils. Le beau cloître 
de Giuliano da San Gallo a été respecté, la charmante 
margelle et son portique existent toujours, mais les 
constructions supportées par les galeries du cloître et 
les arcades elles-mêmes sont couvertes d'un enduit 
peint en imitation de briques ; le caractère du monu- 
ment s'en trouve complètement dénaturé. 



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PALAIS GONDI. 155 

FLORENCE 

PALAIS GO»DI 
1490 

Giuliano oe demeura pas longtemps à Rome; après 
avoir mis en bonne voie les travaux de Saint-Pierre 
aux-Liens, il revint à Florence où des occupations d'une 
grande importance allaient le retenir pendant quelque 
temps. 

Parmi les banquiers ou les négociants florentins 
parvenus à une fortune considérable, il faut citer la 
famille des Gondi. Giuliano di Leonardo Gondi avait su 
s'attirer la confiance des rois de Naples, Alphonse et 
Ferdinand d'Aragon, et leur avait rendu de tels services 
que ce dernier voulait lui conférer le titre de duc. Gondi, 
en bon républicain, refusa cette dignité, mais, pour 
ne pas déplaire au roi, consentit à faire surmonter son 
écusson de la couronne ducale avec la devise : non sine 
îabore, et prit pour cimier un bras tenant une masse 
d'armes. Si Giuliano Gondi avait refusé les honneurs, 
il avait accepté l'argent royal; aussi, revenu à Florence, 
eut-il hâte de se faire construire un palais magnifique. 

L'emplacement choisi était situé sur une place 
assez vaste, vis-à-vis l'église de Sain te- Florence, et 
devait s'étendre jusqu'à l'encoignure de la rue qui 
portait alors le nom délie Prestanze, rue de Gondi 



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1S6 LES SAN GALLO. 

aujourd'hui, pour aller rejoindre le vieux tribunal des 
consuls. Par suite de diverses circonstances, expro- 
priations difficiles, arrêts dans la marche des travaux, 
et d'autres causes restées ignorées, ce désir d'étendre 
la façade du palais, exprimé par Giuliano Gondi dès 
1490, renouvelé dans son testament en 1501, ne put 
être mis à exécution que quatre siècles plus tard, par 
un autre Gondi, qui fit, en 1 872, restaurer tout le vieux 
palais et accroître la façade jusqu'à l'angle de la rue. 

La première pierre fut posée le 20 juillet 1490, 
d'après le procès-verbal dressé à cette occasion et 
inséré dans un Diario Fiorentino; GiuliaDO da San Gallo 
en avait fourni le modèle et donné les dessins. 

Depuis un siècle, l'architecture florentine s'était 
complètement transformée. Les palais construits pen- 
dant la première moitié du xv^ siècle n'étaient plus, il 
est vrai, ces citadelles formidables, à l'aspect farouche 
et sombre, témoins de luttes intestines, accompagnées 
de hautes tours crénelées, vrais donjons pouvant servir 
de suprême refuge en cas de danger pressant, tels que 
nous les voyons encore au Palais Vieux et au Bar- 
gello ; mais les nouvelles demeures, bien que ne 
devant plus servir de forteresses, affectaient encore 
un caractère rustique et fort. Michelozzo apporta aux 
aménagements intérieurs des changements radicaux 
qui rendirent l'habitation plus confortable, plus en 
rapport avec les goûts de luxe créés par la richesse et 
ta sécurité ; aussi, Cosme, le Père de la Patrie, lui 



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PALAIS GONDI. 157 

avait-il confié la construction de son palais, en rejetant 
les plans plus grandioses et plus magnifiques sans 
doute de Brunelleschi. Mais Michelozzo, bieu qu'ayant 
largement contribué à modifier les distributions inté- 
rieures, ne s'était pas écarté au palais Médicis, de 
cette apparence de force que les architectes florentins 
demandaient à l'emploi des bossages, à l'étendue des 
pleins et à l'exiguïté des ouvertures. Brunelleschi n'en 
avait-il pas fait un magnifique usage au palais Pltti, 
commencé en 1435? Et, plus récemment, en 1489, 
Benedetto da Majano s'en était heureusement inspiré 
au palais Strozzi. Il était donc bien difficile, à la fin 
du xv* siècle, d'écarter tous ces souvenirs; c'est par 
un véritable trait de hardiesse que Léon-Baptiste 
Âlberti, en construisant les palais Buccellai, via délia 
Vigna, et Tornabuoni, s'affranchissait complètement 
de règles si bien établies et faisait entrer comme prin- 
cipaux éléments de la décoration de ses façades les 
ordres, les pilastres, les ouvertures nombreuses et 
rapprochées, et séparait les assises de pierre par un 
simple trait : principes nouveaux, puisés dans l'étude 
de l'architecture romaine, dont le premier il faisait 
l'application à Florence*. 

Il n'est pas étonnant, dès tors, que des maîtres 

1. Bernardo Rosellino ayant, comme Alberti, longtemps travaillé 
à Rome, avait puisé aux mfimes sources et appliqué les mômes 
principes, bien que plus limidement peut-être ; on peut s'en rendre 
compte en examinant les édiûces de Pienza élevés vers 1155. 



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LES SAN GALLO. 



d'une moins grande envergure, tels que le Cronaca au 
palais Guadagnani, et Giuliano da San Gallo au palais 
Gondi, œuvres de Ja même époque, aient encore été 
disposés à adopter le style des anciennes constructions, 




^ 



PLAN DU PALAIS GONDI 
Par Giuliano da Saa (iBlla, 



tout en le rajeunissant, en lui donnant une allure moins 
sévfere et mieux appropriée aux mœurs nouvelles. 

Le palais Gondi est un type bien marqué de celte 
architecture florentine de style de transition. Construit 
avec cette belle pierre d'un ton gris bleuâtre qui se 
trouve aux environs de Florence et à laquelle on a 



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PALAIS GONDI. 159 

donné le nom de Pietra forte, ce palais comprend trois 
étages séparés par des bandeaux denticulés; un rez-de- 
chaussée élevé, dans lequel s'ouvrent deux larges 
portes cintrées, encadrées par de puissants cham- 
branles et quatre petites ouvertures carrées; un pre- 
mier étage percé de sept grandes fenêtres en arcades, 
et un second étage également éclairé par sept fenêtres 
semblables. Au rez-de-chaussée^ de gros bossages sail- 
lants, à peine dégrossis, sans toutefois affecter la 
rudesse de ceux du palais Pitti, expriment la condi- 
tion de force et de puissance que doit avoir le soubas- - 
sèment d'une construction importante. L'are des portes 
est appareillé avec des claveaux en retraite les uns au- 
dessus des autres, dessinant une sorte de couronne- 
ment; mais, de la hauteur môme de ces claveaux, il 
résulte une étonnante irrégularité dans celle des assises 
de pierre de la muraille. San Gallo ne semble pas 
s'être inquiété du disgracieux effet qui pouvait en 
résulter, il eut peut-être raison car la forte saillie des 
bossages le fait en partie disparaître au bénéfice de 
l'importance des portes. L'architecture du premier étage 
est en harmonie avec le système général adopté, tout 
en dénotant plus de liberté et moins de puissance; tes 
joints des assises y sont indiqués par un trait pro- 
fondément accentué. C'est toujours le parti pris des 
bossages, mais avec suppression de la saillie extérieure ; 
cet appareil savamment combiné forme, au centre de 
chaque trumeau, une sorte de médaillon cruciforme 



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160 LES SAN GALLO. 

qui concourt dans une certaine mesure à la décoration 
de la façade. A l'étage supérieur, aucun joint n'est 
accusé, la face du mur est lisse ; il en ressort une cer- 
taine légèreté bien appropriée à l'élévation de l'édifice. 
La corniche principale, composée d'une cimaise sail- 
lante supportée par une série de modillons et une 
rangée de denticules, n'a aucun caractère et couronne 
assez pauvrement la façade du palais, bien différente 
en cela des beaux entablements du palais Hicardi et du 
palais Strozzi. 

Faut-il accuser San Gallo de cette pauvreté et de ce 
manque de proportion? Nous ne le croyons pas. A la 
mort de Giuliano Gondi, en 1501, le palais n'était pas 
encore achevé, et San Gallo, retourné à Home depuis 
longtemps, avait même quitté l'Italie dès 1494, à la 
suite du cardinal délia Rovere; le coupable doit être un 
successeur moins habile, ou peut-être un propriétaire 
moins libéral que te fondateur. 

En efTet, M. Giuseppe Poggi, l'architecte qui, tout 
en terminant la construction du palais Gondi en 1872, 
se livrait à un examen sérieux de cette partie de la 
façade, croit que la corniche, ou tout au moins les 
modillons et la cimaise ne datent pas de l'époque de 
San Gallo; il Incline à penser que Giuliano avait pro- 
jeté de placer au-dessus du dernier étage une grande 
terrasse, ou, plus probablement encore, une loggia 
semblable à celle du palais Guadagnani, place San Spi- 
rito, œuvre du Cronaca, ou à celle du palais Micolini, 



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PALAIS GONDI. 161 

via dei Servi, attribué à Brunelleschi, édifices qui, à 
beaucoup d'égards, peuvent être rapprochés du palais 
Gondi. 

Il faut rappeler à ce propos que pendant tout le 
moyen âge les loges et les tours avaient été regardées 
à Florence comme un privilège aristocratique; au 
xiv^ siècle, il n'y avait que seize familles jouissant du 
privilège d'avoir une loge annexée à leur palais '. Ces 
loges étaient des espaces ouverts à un étage quelconque, 
abrités par une toiture lorsqu'ils se trouvaient à l'étage 
supérieur, et destinés au repos en plein air et peut- 
être à prendre les repas pendant les temps caniculaires. 
Il devait être bien tentant à la fin du xv* siècle, pour 
un marchand parvenu à une grande fortune, décoré 
par un roi d'une distinction nobiliaire, de faire revivre 
dans sa demeure cet ancien usage seigneurial et d'ajou- 
ter en même temps un agrément considérable à l'habi- 
tation. Au reste, la pensée d'établir une loggia à l'étage 
supérieur du palais Gondi a été mise à exécution, en 
partie du moins, à une époque qu'il nous est impossible 
de déterminer; il existe, à l'extrémité droite du palais, 
une sorte de petit belvédère à colonnes, rajouté certai- 
nement après coup, mais portant tous les caractères 
d'une construction fort ancienne. 

Il est un fait assez curieux que M. Poggi a con- 
staté au moment de la restauration du palais, c'est que 

1. Ca. Bunc. La Renaissance en Italie. 



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16Î LES S\N GALLO. 

San Gallo, en prévision de l'accroissement futur de la 
façade, avait laissé des pierres d'attente à toutes les 
assises et bandeaux afin de faciliter le raccordement 
des anciennes constructions avec des constructions 
nouvelles. M. Poggi s'est servi de ces pierres d'attente 
pour compléter la façade; elle atteint aujourd'hui 
l'angle de la rue dei Gondi et se poursuit en retour 
dans cette rue, donnant ainsi à l'œuvre du fondateur 
le caractère de grandeur qu'il avait désiré pour son 
palais et dont il s'était tant préoccupé. Â l'angle des deux 
façades, un grand écusson de pierre, suspendu à la mode 
florentine, reproduit la couronne et les armes de la 
famille Gondi : deux masses d'armes entre- croisées. 
Malgré tout, cette grande façade, un peu trop mono- 
tone, présente un aspect sévère et froid, et, si San 
Gallo a fait preuve d'originalité quelque part, c'est 
bien plutôt à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'édifice. 
Le plan permet de se rendre compte de l'heureux 
aménagement des pièces du rez-de-chaussée. Par la 
grande porte de droite, la seule qui existait réellement 
autrefois, piétons et cavaliers pénétraient dans un 
vestibule voûté, communiquant avec une petite cour 
agrémentée d'une fontaine où les animaux pouvaient 
se désaltérer. A gauche du vestibule s'ouvre un por- 
tique à trois arcades, dont la première correspond à 
l'entrée du corlite ou cour intérieure. C'est ici que notre 
artiste se révèle avec tout le charme, la correction et 
l'abondance propres au génie particulier de ces Floren- 



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LE CORTILE OU COtll l.NTÉ RIE l' It K UU P. M. AÏS 



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P\LAIS GONDI. 165 

tins de la Renaissance. La cour, espace rectangulaire 
assez restreint, est ornée au centre par une fontaine en 
bronze, d'où jaillit une eau claire que reçoit un bassin 
inférieur; elle a deux vasques superposées et portées 
par des dauphins. 

Deux arcades sur les petits côtés du rectangle, trois 
sur les grands, entourent ce véritable atrium, formant 
des galeries de différente largeur, voûtées en berceau 
pour les plus grandes, et en voûte d'arête pour les 
autres. Au-dessus des arcades passe un entablement 
dont la haute frise comprenait, avant la dernière res- 
tauration, de nombreux médaillons encadrant les por- 
traits des membres de la famille Gondi. Au premier 
étage, des fenêtres éclairent les couloirs qui contournent 
cette cour pour desservir les pièces d'habitation; à 
l'étage supérieur, des piliers isolés portent ta toiture et 
forment une galerie ou promenoir, pouvant au besoin 
remplacer la grande loggia projetée sur la façade. 

Pour arriver à l'étage principal où se trouvent les 
salons d'honneur, San Galto a imaginé un ravissant esca- 
lier placé dans une des galeries latérales de la cour. La 
première montée, dont la rampe à balustre se trouve 
comprise entre tes colonnes, amène à un palier voûté 
de trois demi-sphères aplaties et orné de colonnes 
engagées, accompagnées de pilastres, et des motifs les 
plus délicats de la sculpture décorative; la seconde 
montée passe sous une voûte en berceau entre deux 
murs participant à la même décoration que le palier, c'est- 



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let; LES SAN GALLO. 

à-dire eorichis de pilastres cannelés, de bandeaux, de 
corniches et de panneaux. Cette abondance de détails, 
que l'on pourrait peut-être trouver excessive, est bien 
la marque personRelle, le cachet imprimé à son œuvre 
par Tarchitecte sculpteur qu'était San Gallo. Notons 
toutefois qu'il sut s'inspirer ici des plus excellents 
modèles : les chapiteaux du cortile sont d'une élégance 
exquise; bien que composés avec une surprenante 
variété de détails, ils n'en conservent pas moins le 
souvenir de l'antique, par leurs justes proportions, 
par l'emploi des feuilles d'acanthe correspondant aux 
quatre angles du tailloir et par le choix judicieux des 
éléments qui les composent. Les bases des colonnes 
sont du reste moulurées suivant les données classiques 
relatives à l'ordre corinthien. L'archivolte des arcades 
ne porte pas directement sur les chapiteaux ; San 
Gallo a-t-il craint que leur poids ne puisse briser 
quelques-uns des jolis détails de sa sculpture? Toujours 
est-il qu'il a interposé entre la retombée des arcs et 
le tailloir des chapiteaux une sorte d'abaque ou de cous- 
sinet peu gracieux en lui-même mais qui parait avoir 
pour rôle principal de relever les centres et de rendre 
l'arcade plus élégante dans son ensemble. Les clefs des 
arcs et les baluslres de l'escalier participent à celte 
ornementation de feuilles légèrement en relief, mais 
nettement dessinées. 

San Gallo n'est ici qu'un admirable metteur en 
scène; s'il n'est pas grand créateur, il sait adapter avec 



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UN DES CUAPITRAUX IHJ CO UTILE. PALAIS CONDI 

A Floroncc. 



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PALAIS GOND!. i69 

une rare iDteltigence les éléments qu'il a en main. 
Bon constructeur, architecte élégant, merveilleux sculp- 
teur, ornemaniste abondant, nous allons maintenant le 
voir aborder avec une surprenante souplesse le rôle 
de statuaire et composer un bas-relief allégorique. 
Dans le grand salon du palais, Giuliano a élevé une 
cheminée monumentale (4 mètres de large sur 3 mètres 
de haut) , soutenue aux deux extrémités par deux énormes 
balustres ornés de feuilles finement découpées, très 
semblables aux amortissements si connus que Donatello 
-aplacés aux angles du piédestal du Marzocco. Sur la frise 
de la cheminée se déroule le cortège nuptial de Thétis, 
la déesse de la Mer, se rendant vers la Terre à la ren- 
contre de son flancé Pelée : la déesse est environnée 
de tritons qui sonnent de la trompe; Neptune accom- 
pagne sa fille, trafné dans un char par des chevaux 
marins et une barque contient deux Amours. Tout cela 
est bien un peu confus, trop ramassé au mépris des 
grandes lois de l'unité d'action, délicatement enlevé 
cependant par un ciseau alerte manié par un habile 
dessinateur. Au-dessus des deux grands balustres, deux 
statues debout complètent ce bel ensemble ; l'une repré- 
sente Hercule avec le glaive dans les mains et la peau 
du lion de Némée sur les épaules; il symbolise la force 
païenne, en opposition avec l'autre statue qui nous 
montre Sanson, personnifiant la Force biblique, appuyé 
sur une des colonnes du temple, tenant dans sa main 
droite la mâchoire d'âne. Dans cette dernière figure. 



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170 LES SAN GALLO. 

le souvenir du Satni Georges de Donatello, est évident; 
pour mieux se rapprocher du modèle, San Gallo a 
même représenté son héros sous les traits d'un jeune 
homme, s'écartant ainsi des habitudes de l'époque 
qui nous montre toujours l'amant de Dalila dans toute 
la force de la virilité'. Ce magnifique salon est voûté, 
dans le genre de celui de la villa de Poggio à Cajano, 
d'un grand berceau cylindrique, décoré d'une série de 
caissons ornés, placés en losange les uns à côté des 
autres. Les murailles toutes nues aujourd'hui devaient 
être tendues de belles tapisseries. 

Il est à Florence un autre palais, construit à la 
même époque que le palais Gondi, et dont une opinion 
assez accréditée voudrait faire de Giuliano da San 
Gallo l'architecte en collaboration avec Baccio d'Agnalo. 
Le palais Antinori rappelle en effet l'architecture du 
palais Gondi, surtout en ce qui concerne la cour inté- 
rieure orné de colonnes, de chapiteaux et d'arcades fort 
analogues de style et d'exécution avec l'architecture de 
Giuliano. Baccio d'Agnolo était en effet lié d'amitié 
avec les deux frères Giamberti et construisit plusieurs 
palais à Florence. Mais, aucune preuve ne nous auto- 
rise à accepter cette attribution sans faire les plus 
grandes réserves. 

1. Nous devons ces ingénieuse? interprétations à une visite faite, 
sur notre demande, par MM. les professeurs Mazzai, de la Galerie des 
Beaux-Arts de Florence, et Schiapareliî, accompagnés de l'élégant 
poète Hazzoni. Nous leur en exprimons ici toute notre gratitude. 



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CHEMIKÉE DU GRAND SAtOK. PALAIS GONDI 



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CHAPELLE DES GONDI. 



FLORENCE 

CHAPELLE DBS GONDI 

La famille Gondi, non contente de se voir en pos- 
session d'un superbe palais, avait désiré, peu de temps 
après sa construction, devenir, comme toutes les grandes 
familles de Florence, propriétaire d'une chapelle funé- 
raire dans une des églises 
de la ville. 

Il s'en trouvait une à 
Santa Maria Novella qui nV 
vait pas alors de destination 
particulière. Elle avait été 
édifiée en 1325 et dédiée à 
saint Luc en vertu d'un legs 
fait par Mona Guardiana et 
Gita sa fille, de la famille p^an de la chapelle 
des Tornaquinci. Passée aux ^es oom>i 

mains de la famille Scali i^-^ 1*0"» s. m. Nav.iia, à fi»«ûoo. 

qui la conserva jusqu'en 1419, mais ne trouvant plus 
après de destinataire, cette chapelle fit retour aux 
moines du couvent. 

En 1503, la famille Gondi, représentée par Leonardo, 
Giovanbatista et Ferdinando, lils de Giuliano Gondj, le 
fondateur du palais, et par Alfonso et Marco Antonio, 




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17i LES SAN GALLO. 

ses neveux, acheta !e droit de propriété de la chapelle. 
La Cronica di Santa Maria Novella dit simplement à 
cet égard : Posl multos muiatos dominos, ad Oondm^um 
quQs de palalio dicunt devenit familiam. (Après avoir 
changé plusieurs fois de propriétaire, cette chapelle 
appartient à la famille Gondi que l'on appelle « du 
Palais ».) Comme nous l'avons fait remarquer à propos 
du nom de San Gallo, ce palais, construit cependant 
depuis peu de temps, était déjà devenu le prétexte 
d'un surnom. 

Si l'on consulte le Sepulitiario manuscrit du couvent, 
on trouve que : « dans le xvi* siècle, la chapelle de la 
famille Gondi fut restaurée avec une grande magnificence, 
diaprés les dessins de Giuliano dji San Gallo. Les mu- 
railles furent couvertes de marbres qui effacèrent les 
anciennes fresques peu visibles que les Grecs y avaient 
peintes et que vinrent étudier, dit-on, Cimabue et 
Giotlo ». Nous avons le droit de nous montrer un peu 
sceptiques devant cette dernière assertion ; pour Giotto, 
encore passe, mais Cimabue, en 1325, date de la fonda- 
tion de la chapelle, avait quatre-vingt-cinq ans et 
aurait fait un bien mauvais écolier. 

Le style et le caractère de la nouvelle décoration 
de marbre sont des plus saisissants et des mieux appro- 
priés à la destination de la chapelle. Chacune des 
faces latérales est couverte sur une certaine partie de sa 
hauteur par un lambris de panneaux dont les fonds sont 
en marbre noir; deux colonnes de marbre noir le di- 



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CHAPELLE DES GONDl DANS LÉGLISK DE SANTA-HARI 



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CHAPELLE DES GONDL 17T 

visent en trois parties égales, et, un entablement, avec 
frise de marbre noir, le surmonte en ressautant au 
droit des colonnes. Ce lambris porte sur un soubasse- 
ment saillant, sorte de banquette dont la partie infé- 
rieure, traitée en forme de sarcophage, est ornée de 
tètes de mort et de consoles. La face principale com- 
porte un grand motif architectural formé d'une arcade 
centrale accotée de chaque côté par deux pilastres sup- 
portant un entablement et un fronton; entre les deux 
pilastres, des niches renferment des statues d'anges; la 
table d'autel, placée en avantde l'arcade, est surmontée 
d'une prédelle ou gradin à deux étages, et porte sur 
deux simples balustres. 

Ce parti pris, largement et sobrement conçu, est 
d'un bel effet; l'ordre adopté pour les colonnes, pilas- 
tres et corniches est le toscan, très sobre et dépourvu 
par conséquent de toute ornementation superflue ou 
exagérée. La sculpture, aux seuls endroits où elle a paru 
indispensable, chapiteaux et consoles, est d'une finesse 
et d'une netteté remarquables. Au-dessus de l'autel, 
dans la grande arcade, se trouve placé cet admirable 
Christ 'que Brunelleschi sculpta pour faire com- 
prendre au jeune Donatello, son ami, combien celui 
qu'il destinait à l'église de Santa Croce manquait de 
noblesse et représentait plutôt le corps d'un « paysan 
que celui du Sauveur de l'humanité ». Vasari, qui 
rapporte l'anecdote dans les deux biographies de Bru- 
nelleschi et de Donato ou Donatello, a soin d'ajouter : 



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LES SAN GALLO. 



« que Donatelio, frappé d'admiration à la vue de l'œuvre 
de son ami, s'avoua vaincu ». 

On a voulu quelquefois attribuer au Dosio la créa- 
tion de la chapelle Gondi; nous devons ta restituer à 
son véritable auteur. Pourquoi, en effet, les Gondi se 
seraient-ils adressés à un autre qu'à l'architecte ordi- 
naire de la famille? San Gallo se trouvait à Florence 
à cette époque, puisque, comme nous le verrons plus 
tard, il y exerçait les fonctions de Capo maestro des 
travaux du Ddme et qu'il y présidait au transport du 
David de Michel-Ange. Il y a donc tout lieu de s'en 
rapporter aux termes de Sepultuario et de déclarer 
Giuliano da San Gallo l'architecte de cette belle cha- 
pelle. 

Nous avons anticipé sur les dates pour ne plus avoir 
à revenir à la famille Gondi et grouper les œuvres 
d'architecture ou de sculpture dues à son initiative. Il 
faut reprendre maintenant la succession dès faits se 
rapportant à la vie de Giuliano da San Gallo et les 
suivre autant que possible par ordre chronologique. 

FLORENCE 

CONSTRUCTION D'UNE MAISON 
1490 

À peine les fondations du palais Gondi étaient-elles 
commencées, que Giuliano et son frère Antonio ache- 



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PALAIS STROZZI. 179 

tèrent ensemble un terrain formant partie d'un jardin 
situé dans la rue qui conduit à la porte Pinti ; ce ter- 
rain, dépendant de la paroisse Saint-Pierre-Majeur 
provenait des biens de l'hospice de Bigallo; l'acte de 
vente porte la date du 23 septembre 1490. 

Les deux frères firent immédiatement commencer 
les travaux nécessaires à l'édification d'une maison des- 
tinée à leur habitation commune. Cette propriété fut 
accrue peu après d'une autre portion de terrain achetée 
l'année suivante, 1491. 

C'est sans aucun doute de cette maison que Vasari 
entend parler, lorsqu'il dit que Giuliano avait fait pour 
lui-même l'essai d'un système de voûte qu'il voulait 
appliquer à couvrir le grand salon de la villa de Poggio 
à Cajano, et que cette expérience, ayant réussi, donna 
toute satisfaction à Laurent de Médicis. 

FLORENCE 

PALAIS STROZZI 
1490 

A peu près à la même époque, que le palais Gondi, 

s'élevait à Florence une construction beaucoup plus 
vaste et somptueuse, nous voulons parler du superbe 
palais Strozzi, une des gloires de l'Italie architecturale 
au XV* siècle. Jusqu'à présent, le nom de l'architecte 
n'avait jamais été discuté; Vasari et d'autres anciens 



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180 LES SAN GALLO. 

auteurs ont toujours nommé Benedetto da Majano, 
dont l'œuvre aurait été terminée, après sa mort, arrivée 
en 1498, par Simone de! Pollaiuolo (le Cronaca). Mais 
voici que, récemment, un érudit, M. del Badia, mit eu 
avant le nom de Giuliano da San Gallo comme princi- 
pal architecte du palais Strozzi, s'appuyant sur une pièce 
comptable découverte aux archives de la ville, d'après 
laquelle Giuliano da San Gallo aurait reçu, entre les 
années 1489 et 1490, une somme de Ui) livres pour 
la confection du modèle du palais. 

Cette nouvelle affirmation peut paraître étrange 
tout d'abord; elle se justifie néanmoins en partie, car 
la pièce comptable ainsi que le modèle en bois existent 
dans les archives du palais. Mais, entre une consulta- 
tion ainsi faite et la haute direction d'une construction 
de l'importance du palais Strozzi, il y a une énorme 
distance. Il est cependant assez curieux de constater 
que Philippe Strozzi, le fondateur du palais, dans ses 
Souvenirs, pas plus que son neveu Lorenzo Strozzi, dans 
ses écrits, ne font mention du nom de Tarchitecte; ni 
celui de Benedetto da Majano, ni aucun autre ne s'y 
trouvent consignés. Cette lacune, si surprenante, peut, 
toutefois, parfaitement s'expliquer. Lorenzo raconte 
que Philippe, ne voulant pas éveiller les soupçons des 
ombrageux Florentins, commença par invoquer l'excuse 
de sa nombreuse famille pour motiver la nécessité de 
se faire construire une vaste demeure, et qu'il s'était 
adressé à plusieurs architectes, repoussant toujours 



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PALAIS STROZZl. 181 

leurs plans et leurs modèles comme reotrainant à une 
trop forte dépense. Cet adroit manège continua, à la 
connaissance de tous, jusqu'à ce que Laurent de Médi- 
cis eut enfin exhorté Strozzi à se faire construire un 
palais digne de la splendeur de sa maison. Philippe 
acquiesça à cet avis qu'il avait adroitement fait naître. 
Les premières fondations furent jetées le 15 juillet 1489. 
Ce jour fut pour Philippe Strozzi un jour de fête; il 
donna un grand festin; on invita Filippo Buondelmonti, 
Mascuccio Strozzi, Piero Parenti, Simone Ridolfi, Do- 
nato Bonzi, ser Agnolo Lorenzo Fiorini, puis messer 
Jacopo muratore (l'entrepreneur de la maçonnerie) et 
maestro Andréa, son îvhv^, foiidatore (entrepreneur des 
terrassements); cette liste, comme on le voit, ne com- 
porte aucun nom d'architecte. A cette remarque, nous 
pouvons ajouter que LucaLanducci, l'auteur du Dim-io 
qu'il écrivait au fond de sa boutique d'épiceries, dî 
spezittte, située vis-à-vis du nouveau palais, ne nomme 
aucun architecte. 

Que taut-il donc conclure de ce silence? car il y 
avait nécessairement un directeur général des travaux, 
mais quel était-il? Ce chef, ce maître de l'œuvre, devait 
être Philippe Strozzi lui-même, dirigeant tout, surveil- 
lant tout, jaloux de sa science et de son autorité, 
mais faisant largement son profit des modèles présentés 
aussi bien par Giuliano da San Gallo que par Bene- 
detto da Majano le véritable architecte. Le palais Strozzi 
est une telle merveille que, d'avoir contribué à son 



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LES SAN GALLO. 



érection, même pour une faible part, est un titre de 
gloire qu'il ne faut pas enlever à notre Giuliano. 



MILAN 

PALAIS POUIt LAURENT DE' HËDICIS 
1490 

Les notes biographiques de Vasari nous mettent dans 
un grand embarras au sujet de la date du voyage que 
fit Giuliano da San Gallo à Milan, pour être présenté 
au duc Ludovic le More. 

On lit en elTet dans la vie de Giuliano et d'Antonio 
da San Gallo que « les différents ouvrages déjà exécutés 
par Giuliano da San Gallo lui avaient acquis une si 
grande renommée que le duc de Milan lui demanda le 
modèle d'un palais. Laurent conduisit Giuliano à Milau 
où il ne fut pas moins honoré par le duc qu'il ne l'avait 
été jadis par le roi de Naples. Le modèle qu'il présenta 
à ce prince lui plut tellement, qu'il fît jeter de suite les 
fondements de cet édifice; mais les guerres qui sui- 
virent empêchèrent qu'il ne fût continué. Giuliano ren- 
contra à Milan Léonard de Vinci qui travaillait pour le 
duc )). Maintenant, si l'on se reporte à la biographie 
de Léonard de Vinci, on trouve que : « En i493, Léo- 
nard, précédé de son immense réputation, vint à Milan 
et fut présenté au duc Ludovic Sforza, successeur de 



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PALAIS A MILAN. 1S3 

Jean Galeas. » De plus, les commentateurs de Vasari, 
MM. Jeanron et Léopold Leclaoché, inscrivent dans 
une note que « Léonard alla à Milan en 1492, lorsque 
Ludovic le More gouvernait cet État pendant la mino- 
rité de Jean Galeas ». Si l'on prenait cette dernière date 
pour bonne, on serait en droit de s'étonner que Laurent 
de Médicis, mort le 8 avril de cette môme année 1492, 
souffrant depuis longtemps de la maladie qui devait 
l'emporter, ait pu entreprendre le voyage de Milan et 
présenter Giuliano au duc. Nous pensons donc qu'il 
vaut mieux, à l'égard du séjour de Léonard à Milan, 
s'en rapporter à Léonard lui-même; on peut lire, sur 
la couverture de son Traité des Ombres et de la Lumière, 
la note suivante : « Le 2 avril 1490, je commençai le 
présent livre et je recommençai le cheval. » L'illustre 
artiste était donc à cette date installé déjà à Milan depuis 
un temps assez long, pour lui avoir permis de faire une 
première étude de la grande statue équestre du duc 
François Sforza que lui avait commandée Ludovic'. En 
acceptant cette version, on comprend alors que Vasari 
ait pu écrire, en parlant de San Gallo : « Il rencontra à 
Milan Léonard de Vinci qui travaillait pour le duc et 
lui donna d'excellents conseils pour jeter en bronze le 
cheval colossal qui fut détruit par les Français. » C'est 
donc dans le courant de l'année 1490, qu'il convient le 

i. Carlo Amoretti, dans ses Memorie storiche sulla vita, ijli slndi 
e le opère di Leonardo da Vinci (Milano, 180i), n'hùsile pas à dire qua 
le Vinci était h. Hilan depuis l'année 1483. 



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I.Si LES SAN GALLO. 

mieux de placer la présentation de Giuliano faite à 
Ludovic le More par Laurent de Médicis. 

L'Italie était en paix; Ludovic et son allié Laurent 
luttaient de magnificence et de courtoisie. Il peut 
]»araître surprenant que le duc de Milan ayant à s» 
disposition des architectes tels que Dolcebuono, Gio- 
vanni Omodco, Cristoforo Rocchi, Crisloforo Solari et 
surtout Bramante, ait cru devoir demander à Laurent 
de Médicis de lui présenter un artiste capable de con- 
struire un palais. Mais il faut bien faire attention qu'il 
ne s'agit pas ici d'un palais destiné au duc de Milan, 
mais, comme nous allons le voir, d'une habitation à pré- 
parer en vue des séjours que Laurent de Médicis pour- 
rait faire à Milan. 

Ne s'était-il pas produit quelque chose d'analogue 
sous le règne du duc François Sforza? On sait que, pour 
sceller l'alliance des deux puissances, Sforza, duc de 
Milan, avait donné un palais à Cosme de Médicis, chef 
de la République Florentine, et celui-ci, pour prouver 
le prix qu'il attachait à un pareil présent, avait envoyé 
son architecte favori, son ami Michelozzo Michelozzi, 
agrandir l'ancienne construction et la décorer d'une 
porte monumentale et de belles peintures. Le duc Fran- 
çois avait agi de même envers un autre noble Florentin, 
nommé Pigello Portinari; il lui avait fait don d'une an- 
cienne maison située rue Bossi, mais cette donation 
n'avait pas une valeur bien considérable , car Portinari fut 
obligé de faire complètement reconstruire les bâtiments. 



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PALAIS A MILAN. 185 

Il y eut un moment, dans la vie de Laurent le 

Magnifique, où les dépenses énormes faites de tous 
côtés, les prodigalités dont bénéficiait cet entourage de 
parasites et de quémandeurs qui lui formaient une 
cour, portèrent atteinte à son crédit d'abord, et à sa 
fortune elle-même ensuite. Ses besoins devinrent si 
pressants que, pour ne pas voir sa faillite déclarée, 
force lui fut d'emprunter pendant l'année J484, au sei- 
gneur Ludovic, comme l'appelle Guichardin,à qui nous 
empruntons le renseignement, quatre mille ducats, et 
d'aliéner, pour une somme égale, sa maison de 
Milan, donnée à Gosme, son aïeul, par le duc Fran- 
çois; chose qu'il faut croire n'avoir fait, ajoute le grand 
historien, eu égard à sa nature magnifique et libérale, 
« sans les larmes dans les yeux ». La situation finan- 
cière de Laurent s'était rétablie, et, dépuis cette époque, 
les rapports les plus amicaux, les relations les plus 
cordiales, n'avaient jamais cessé entre la cour de Milan 
et la Seigneurie de Florence; ainsi s'explique suffisam- 
ment le désir qu'éprouvait Ludovic d'offrir à son ami 
Laurent un nouveau palais qu'il pût habiter pendant 
ses séjours à Milan. 

Il existe deux actes de donation faits par le duc 
Ludovic le More en faveur de Laurent de Médicis : le 
premier est daté du 17 juin i486; le second, du 
16 juillet de la même année. Dans le premier, il s'agit 
d'une maison située à San Maurilio, paroisse de Porta 
Ticinese; dans le second, d'une autre maison située 



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186 LES SAN GALLO. 

près de San Maurizzio à la Porta Vercellina; celle-ci 
touchait presque au palais ducal, et cette nouvelle 
donation fait bien apparaître le vif désir de Ludovic de 
rapprocher Laurent de lui pendant qu'il habiterait 
Milan. Cependant cette maison était de peu d'impor- 
tance, et nullement convenable au séjour ou à la rési- 
dence d'un personnage tel que le Magnifique. 

C'est à ta démolir et à reconstruire sur son empla- 
cement même un palais véritable, que devait être 
employé San Gatlo. Pendant la durée des travaux, Mé- 
dicis pouvait habiter la maison dont il est question 
dans la première donation, maison ou palais ayant 
appartenu au comte d'Urbin, par conséquent assez 
spacieuse et en assez bon état pour se prêter à une 
habitation temporaire. Cet arrangement ne nécessitait 
plus la construction immédiate et hâtive du nouveau 
palais, et c'est ainsi que l'architecte, porteur du modèle 
et des plans qu'il avait pu faire à loisir, ne fut présenté 
à Ludovic le More que dans le courant de l'année 1490'. 

1. Consulter les Archives d'État à Milan. 

Voir MoTTA, ArcAivio Slorico lotnbardo, année 1892; 

Archivio di Slato di Milano. R' 52, alias, f. 93. 

» Donatio facta Magniflco Laurentio de Medicis. 

« Du\ Mediolani, etc. Cum illustrissimis avo parenteque Dostris 
" deincepsque nobiscum Magnifica Medicorum familia Florentina 
11 perpetuo quodam aiuiciciœ et necessitudinis vinculo devincla 
« estitit quod et si ab pso initio ita Qrmuin validumque fuit ut nihi- 
" lomagis stabiliri posse videretur, tamen innumerabilia maximaque 
11 postoiodum officia mutuo intercesserunt ex quibus non Italie 
11 solum, sed toti etiam terrarum orbi exploratissimum est eius 



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PALAIS A MILAN. 187 

Cette coDstruction existait encore il y a peu d'an- 
nées, ou du moins il en restait des traces assez inté- 
ressantes; elle est remplacée aujourd'hui par une mai- 
son complètement neuve, située à l'angle des rues 

<• familie fortunas omnes nobis esse communes : hanc vero con- 
« junctionem eo cariorem habemus qûo Magnifici Laurentii Medicis 
« DOD modo gentis sue, sed etiam reipubUce Florentine viri primarii 
« erga non fides precipua atque ingentia extant meritaque singula 
« recensere longum esset ac incongruum. Verum ex hoc uno illius 
« erga nos incredibile quodam studium declaratur, quod heredi- 
« tarin atque inenarabili caritate nobis afTectus pro rerum nostrarum 
» amplitudine et dignitate prêter facultatum suarum omnium expo- 
X sitionem nullum unquam laboris aut periculi genus subire recu- 
« savit. Verumtam et si maiora ab eo benevolentie officia desiderare 
« non posaumus, tamen illud a^lrmare non verebimur sibi nos in 
« amore mutuo respondiaae quod in omnem rerum eventum dec)a- 
« ravimus : cumque Impresentiarum cupiamus aliqua nostri in eum 
« animi signa demonstrare Domum nosLram sitam apud S. Hauri- 
■< tium in urbe noslra Mediolani quam iustissimis de causis ex certa 
II scientia decernimus et declaramus camere nostre perlinere et alie- 
« nationes de ipsa haclenus faclas nullas irritasque esse, nulliusque 
« momenti ipras omnes tenore presentium revocantes; Nominato 
« Magnirico Laurenlio Medici ex certa scientia et de nostre potestatis 
« plenitudine omnibusque modo, iure, via, causa et forma, quibus 
« melius et validius possumus pro eo eiusqueflHis et descendentibus 
» donamus libereque largimur titulo pure, mère, et îrrevocabilis 
« donationis inter vivos cum cessione iurium, translatione dominii 
» ac possessionis, constitutione missi et procuratoris ac positione 
■ in locum ius et statum nosirum ; constiLuentes nos tenere et possi- 
H dere eiusmodi domum nomine ipsius Magnifici Laurentii donec 
« eius possessionem appréhendent, cuius apprebendende pro suo 
•< arbitratu sibi ius, et potestatem babeat. Quam quidem donationem 
« pro dato et facto noslro tantum facimus volenles de evictione 
« teneri, supplentes ex certa scientia defectum cuiuslibet solemni- 
« tatisque inpremissisdici posuisset fuisse servanda. Mandantesque 



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LES SAM GALLO. 

Terragio et Corso Porta Magenta. Grâce à rintérêt qu'a 
bien voulu prendre à nos recherches le très honorable 
architecte commandeur Luca Beltrami auquel nous 
adressons ici nos plus vifs remerciements, il nous est 
possible de mettre sous les yeux du lecteur un dessin 
représentant la façade et la porte principale du palais 

H propterea Magisins iniralarum extraordinarum, poteslatique et 
n capitaneo Jusiicie MedJoIani ac ceteris ofBcialihus nostris omnibus 
« ad quos pertineat ut nominatum Magnificum Laurentium Medicem 
« aut eius legilimum nuntium ad eius domus possessionem ponant, 
« inducant et tueantur, hasque nostras donalionîs litteras et hanc 
" raentem nostram obsenent faciantque inviolabiliter observari 
<c Aliquibus Legibus, Statutis, Decretis et Ordinibus in contrarium 
« facieatibus non attenlis et presertim non attento décrète anni 
'• 1433 quibus omnibus in hac parte ex ccria scienlia derogamus. 
a In quorum, etc. 

<< Datum Mediolani die 7 lunii liStî. lo. Galeaz Maria Dux Medio- 
n lani subscripsi — Liidoviciis Maria subscripsi. » 

(Document cité par Motta : Appunti, fasc, 2, anno 189Ï. Archi- 
vio Slorico Lombardo.) 

II 

11 Donatio facta Lanrentio de Medicis. 

Il Sedimen unum situm in porta Ticinencis in parochia Sancti 
11 Maurilii huius nostre urbis Hediolani quod est cum suis ediflciis, 
" cameris, salis, orto, stalis, canepa subtus lerram, et aliis suis 
11 juribus et perlinentiis et quod leneri consueverat comitem Urbinii 
<> et camere noslre pleno jure pertinens et spectans cum omnibus 
« suis ediflciis juribus et casamentis ac coherentiis et pertinentiis 
11 suis, quasquidem coherentias et quod quidem sedimen hic pro 
« sufficienterexpressis et deciaratis haberi volumus. 

« Dal. Mediolani die xvi julii 1486. » 

Archivio <U Stato di Milnm. Itegistro ducale 33, alias R. 1° 1i", 
1486, 16 Lugtio. (Document inédit.) 



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MORT DE LAURENT LE MAGNIFIQUE. 191 

de Laurent de Médicis à Milan, ainsi que les deux 
actes de donation qui s'y réfèrent. 

Au moment de démolir l'ancienne construction de 
San Gallo, pour la remplacer par une maison nouvelle, 
l'Office Régional de Milan, dont le commandeur Bet- 
trami était alors directeur (1895), fit relever, mesurer 
et dessiner ce qui restait de l'ancienne façade. C'est 
ce dessin que nous a communiqué M. Beltrami en nous 
autorisant à en faire prendre une épreuve. Nous avons 
donc l'heureuse fortune de pouvoir reproduire ici un 
morceau important de l'œuvre architecturale de San 
Gallo, œuvre disparue, et d'autant plus Intéressante 
qu'elle se rapproche, par son style général ainsi que 
par l'emploi des ornements moulés en terre cuite, beau- 
coup plus de l'architecture milanaise en faveur à la fin 
du XV* siècle, que des types d'architecture adoptés pour 
les palais construits à Florence à la même époque. 
Giuliano avait une souplesse de talent qui savait se prê- 
ter aux circonstances suivant les milieux dans lesquels 
il se trouvait. 

MORT DE LAURENT LE MAGNIFIQUE 
1492 

Dès le commencement de l'année 1492, la maladie 
à laquelle était sujet Laurent de Médicis prit un ca- 
ractère de gravité tout particulier. Politien, son ami, 



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in LES SAN G\LLO. 

qui assista à ses derniers moments, a décrit, dans une 
lettre restée célèbre, toutes les circonstances de son 
agonie et de sa mort. Le 8 avril 1492, Laurent rendait 
le dernier soupir dans sa villa de Carre^i, et son corps 
était immédiatement transporté dans l'église élevée par 
ses ancêtres à la gloire de son saint patron. Ses 
obsèques se firent sans ostentation, suivant sa recom- 
mandation expresse, et ses désirs furent si bien res- 
pectés, que personne n'eut la pensée de lui élever une 
tombe monumentale. Dans cette république dont il 
avait dirigé les intérêts avec tant de bonheur et de solli- 
citude, ni un citoyen ni un artiste ne se leva pour dé- 
cerner à Laurent, que l'on appelait le Magnifique, ce 
dernier et suprême honneur. 

L'Italie entière ressentit le contre-coup de ce funeste 
événement; tous les intérêts politiques ou particuliers 
en parurent atteints; mais les artistes toscans, que 
Laurent avaient toujours protégés, dont il s'était en 
toute circonstance montré l'ami éclairé, durent déplo- 
rer sa perte avec plus d'amertume peutr-être que ses 
autres concitoyens. 

Quitter Florence, abandonner pour un certain temps 
la ville que n'animait plus le souffle énergique et bien- 
faisant du grand promoteur de tant de belles œuvres, 
telle fut la pensée de nombre d'artistes. Ils se diri- 
gèrent vers Rome, espérant trouver un accueil bien- 
veillant auprès d'Innocent VIII, ce pape, ami de Lau- 
rent de Médicis, auquel il venait tout récemment de 



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SOFFITE DE SAINTE-MARIE-MAJEURË. 193 

donner une marque d^affection et d^estime toute par- 
ticulière, en créant Jean, son plus jeune fils, cardinal 
à Tâge de treize ans, et en le recevant à Rome avec une 
pompe magnifique, le 22 mars 1492. 

Si les artistes ne trouvèrent pas auprès du Souve- 
rain Pontife des encouragements bien directs, les cardi- 
naux, entraînés par les exemples des neveux de 
Sixte IV, cherchaient à lutter entre eux de luxe et de 
magnificence et se faisaient un honneur de réparer les 
églises, de construire des palais et de les orner avec 
toute la splendeur imaginable. Aussi, des hommes 
tels que Pinturicchio, Baccio Pontelli, Benedetto da 
Majano, Milizzio, fra Filippo Lippi, Antonio PoUaiuolo 
auquel devait revenir l'honneur d'ériger et de sculpter 
le magnifique mausolée de bronze d'Innocent, trou- 
vèrent-ils à Rome de fréquentes occasions de déployer 
leurs talents. 



ROME 

SOFFITE DE I.A BASILIQUE DE SAINTE-UARIE-HAJEtIRE 
1492 

Julien délia Rovere, cardinal de Saint-Pie rre-aux- 
Liens, aurait pu jouir de quelque repos dans le superbe 
palais des Saints Apôtres qu'il venait de reconstruire 
et d'embellir en poursuivant les travaux déjà commencés 
par son cousin Pierre délia Rovere mort en 1474, mais 



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194 LES SAN GALLO. 

sa nature ardente le poussait sans cesse à de nouvelles 
entreprises. Nous l'avons vu reconstruisant le palais 
et le cloître de Saint-Pierre-aux-Liens, le voici qui 
confie maintenant à Gluliano da San Gallo l'achè- 
vement ou, pour mieux dire, rétablissement du magni- 
fique plafond en charpente et menuiserie destiné à 
recouvrir la grande nef de la basilique de Sainte- 
Marie-Majeure. 

Ce soffite est divisé en un nombre infini de caissons 
carrés fvingt et une rangées, comprenant cinq caissons 
chacune), profondément enfoncés, moulurés d'oves et 
de feuilles, dont le centre est occupé par un bouquet, 
.-sorte de panache à forte saillie, inspiré des beaux 
modèles de l'antiquité romaine; autour de ces caissons 
courent, dans des champs d'encadrement, des guir- 
landes et des suites d'ornements du style le plus pur, 
réunis à chaque intersection par des culots saillants'. 
rjnq de ces caissons sont décorés des armoiries de 
(«ilixte m, ancien archiprétre de la basilique, 
auquel revient l'idée première de ce travail, et de 
celles d'Alexandre VI qui le vit terminer '. Le fond 
de ces caissons, recouvert aujourd'hui d'un ton gris 
donnant à tout l'ensemble un aspect assez froid, était 
autrefois peint en couleur bleu d'azur, ce qui permet- 

I, Lejakovillu, Édifices de Rome moderne, \o\.l\ï, pi 310. 

i. BuRciiAHD, le Cicérone, inscrit deux visites d'Alexandre VI à 
la basilique de Sainle-Marie-Majeure : l'une le 97 février liUS, l'autre 
le i\ avril 1i98, pour juger de l'effet du soffite terminé. 



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SOFFITE DE SAINTE-MARIE-HAJEURE. 193 

tait à l'or des ornements, cet or, le premier rapporté 
d'Amérique et offert par le roi d'Espagne à la basi- 
lique en l'honneur de la Vierge, de se détacher com- 
plètement et d'apparaître dans tout son éclat. Giuliano, 
le legnaiuolo florentin, devait se sentir à l'aise en face 
de cette tâche gigantesque, effrayante pour tout autre 
qu'un homme familiarisé depuis longtemps avec toutes 
les difficultés que pouvait présenter un pareil travail; 
aussi, lui faisait-il prendre, dès le déhut, une vive im- 
pulsion, lorsqu'un événement imprévu vint bientôt tout 
arrêter : le pape Innocent VIII était mort le 25 juil- 
let 1492, suivant de bien près dans la tombe son ami 
Laurent de Médicis. 

On sait à quelles luttes acharnées d'influence se 
livrèrent les cardinaux réunis en conclave au Vatican. 
Rodrigue Borgia fut élu, à l'exclusion de son plus 
ardent compétiteur Julien délia Rovere. Celui-ci, tou- 
jours emporté par son humeur violente, ne voulut pas 
pardonner son échec à Borgia, et se retira dans sa for- 
teresse d'Ostie, espérant, avec l'appui du roi de Naples, 
provoquer une scission dans le Sacré Collège. Mais 
avant de suivre le fougueux cardinal, nous croyons de- 
voir épuiser l'étude des souvenirs que Giuliano da San 
Gallo a laissés à la basilique de Sainte-Marie-Majeure; 
nous allons pour cela remonter de quelques années en 
arrière. 



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LES SAN GALLO. 



AN'CIEN MAITBE-ABTEL 



Ce n'est pas sans intention que nous employons 
le mot n souvenirs », car il s'agit d'un ancien ciborium 
ou maltre-autel, disparu, démoli en l'an 1743, lorsque 
Benoit XIV fit restaurer et augmenter ta basilique par 
son architecte attitré, Ferdinando Fuga, le terrible des- 
tructeur d'œuvres anciennes. 

Guillaume d'Estou te ville, que l'on nommait à Rome 
le cardinal de Rouen, était revêtu depuis longtemps 
des hautes fonctions d'archiprétre de la basilique, ce qui 
lui avait permis de faire exécuter de nombreux tra- 
vaux d'embellissement; il avait chargé Giuliano de 
construire un nouveau mattre-auteU Ce travail parait 
avoir été commandé au maître florentin dans le courant 
de l'année 1483, bien peu de temps avant la mort du 
cardinal. Pour en apprécier l'importance et la beauté, 
il faut donc se reporter au grand ouvrage du P. de 
Angelis : BasUicx Santœ Mariœ Majoris de Urbe a Libe- 
rio papa usque ad Paulum V, descripîio et delineaiio, 
Homa, 1621, où l'on en trouve une description et une 
belle reproduction. De Angelis attribue nettement la 
paternité de l'œuvre à Giuliano da San Gallo, mais c'est 
la seule autorité sur laquelle on puisse s'appuyer. 

L'autel proprement dit, simple coffre de marbre 
supportant la table sainte, était placé sous un véri- 
table ciborium, inspiré, dans ses éléments principaux, 



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SAINTE-MARIE-MAJEURE. MAITRE-AUTEL. 197 

dos modèles du moyen âge, mais auquel l'auteur avait 
imprimé, par la disposition et l'élégance de ses com- 
positions, le caractère particulier aux œuvres les plus 
riches et les plus délicates de la Renaissance. Quatre 
colonnes de porphyre supportaient la retombée des 
arcs, au-dessus, une coupole hémisphérique s'appuyait 
sur un acrotère élevé. Telle était la forme générale; 
mais les arcs étaient agrémentés de festons; chaque 
colonne était surmontée d'un pied-droit creusé de niches 
renfermant des statues ; Tacrotère était accoté aux 
quatre angles par d'élégants pilastres cannelés; quatre 
frontons circulaires couronnaient les quatre faces du 
ciborium, et, derrière ces frontons, s'élevait la coupole; 
l'édicule tout entier était en marbre blanc. La sculpture 
tenait une grande place dans la décoration de ce cibo- 
rium : aux quatre angles, des anges présentaient des 
écussons aux armes du cardinal d'Ëstouteville; dans les 
tympans, des médaillons contenaient des figures de 
prophètes; les quatre faces de l'acrotère étaient occu- 
pées par trois bas-reliefs représentant des sujets rela- 
tifs à la fondation de la basilique, parmi lesquels on 
remarquait le miracle de la Neige, et, sur la quatrième 
face, était gravée une inscription indiquant te nom du 
cardinal d'Ëstouteville et la date 1483. D'autres figures 
d'anges, d'autres statues de saints, se voyaient encore en 
différents endroits; enfin une croix dominait la coupole'. 

1 . Reproduit par Lbtauolillï, Édifices de Rome modei-ne, vol. III, 
pi. 3H. 



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198 LES SAN GALLO. 

Il est certain que, si le modèle de ce mattre-autel 
a été donné par San Gallo en 1 483, l'exécution en marbre 
d'un ouvrage aussi délicat et compliqué lui aurait 
demandé plusieurs années, et que la vie agitée menée 
par notre architecte a dû l'empêcher de s'en occuper 
d'une façon bien suivie. Il avait bien laissé à son frère 
Antonio, habitant Rome d'une façon plus sédentaire, 
la surveillance de tous ses travaux; mais ces statues, 
ces anges, ces médaillons, toute cette décoration fouil- 
lée avec une délicatesse extrême et un art d'une. rare 
distinction, qui Ta faîte? A coup sûr ce n'est pas Giu- 
liano; Antonio ne sculptait pas, ou du moins n'était pas 
en état d'accomplir une telle œuvre; à qui donc s'était- 
on adressé parmi tous les artistes florentins habitant 
Rome à cette époque? Ici nous sommes livrés, sans 
indication précise, à nos appréciations personnelles. 
Cependant, Vasari rapporte dans la « Vie de Mino da 
Fiesole » que le talent de cet artiste, qui sculptait à 
Rome à cette époque le tombeau du pape Paul II, était 
très apprécié du cardinal Guillaume d'Estouteville, 
et que celui-ci l'avait chargé d'élever dans la basi- 
lique de Sainte- Marie -Majeure l'autel où se trouve 
placé le corps de saint Gérôme et de l'orner de bas- 
reliefs. Or le style des œuvres de Mino, style un peu 
grêle, mais plein de fmesse et d'élégance, correspond 
parfaitement à la décoration de notre maître-autel; 
et la mort de Mino, arrivée à Florence en 1486, 
permet d'admettre qu'il ait pu consacrer un temps 



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PALAIS DE SAVONK. IM9 

largement suffisant à l'achèvement de ce ciborium. 
Il y a donc tout lieu de croire que Giutiano, après 
avoir donné les dessins, peut-être le modèle du maitre- 
autel de Sainte-Marie-Majeure, en avait remis l'exécution 
à Mine da Fiesole, désigné par le cardinal d'Ëstouteville. 



CONSTRUCTION D'UN PALAIS 
POUR LE CARDINAL JULIEN LLA ROVERE 



Le cardinal Julien della Rovere, issu d'une farniHe 
de pêcheurs du bourg d'Albizzola, près de Savone, 
désirait, tout en faisant profiter cette ville des splen- 
deurs de sa haute fortune, se créer un refuge où il 
pourrait vivre à l'abri des vicissitudes de la politique. 
Il résolut donc de se faire construire un palais à Savone 
et s'adressa à Giutiano da San Galle, son protégé tou- 
jours, devenu son ami, pour en être l'architecte. Il 
était difficile & San Gallo d'obéir au cardinal et d'aller 
à Savone; le plafond de Sainte-Marie-Majeure n'était 
pas terminé et le pape Alexandre VI refusait de le 
laisser partir. Il fallut habilement manœuvrer. Anto- 
nio, le frère de Giuliano, qui était à Rome, fut d'abord 
associé aux travaux de la basilique, puis, son talent 
ayant plu au pape, celui-ci voulut bien l'agréer comme 
unique directeur et permettre alors à Giuliano de partir. 



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800 LES SAN GALLO. 

Voici donc notre architecte installé à Savone, diri- 
geant le chantier et présidant aux premiers travaux. 
Pendant ce temps, les événements politiques se pré- 
cipitaient, et délia Rovere, toujours réfugié à Ostie, 
les surveillait , attentivement . Placé entre Naples et 
Rome, il était mieux informé que personne des menées, 
des coalitions, des ambassades, des alliances et des 
défections dont le but principal, était, suivant l'in- 
térêt des parties, intérêt souvent variable et subor- 
donné aux circonstances, d'attirer ou de repousser 
l'invasion du territoire italien par l'armée française de 
Charles VIII. C'est à Ostie que della Rovere reçut, le' 
â juillet i493, les ambassadeurs du roi de Naples 
venant lui proposer une sorte de traité d'alliance pour 
résister à Alexandre VI qui semblait favoriser les Fran- 
çais. Le cardinal, partisan absolu, d'abord et avant tout, 
de ce qui pouvait contrecarrer les projets du pape, se 
déclara ouvertement. Mais la politique italienne, en ces 
moments troublés, variait avec une rapidité surpre- 
nante. Alexandre VI s'étant rapproché de la cour de 
Naples, Rovere se retourna immédiatement du côté 
des Français et se déclara leur allié avec non moins 
d'éclat qu'il avait fait précédemment pour le roi Fer- 
dinand. Le pape voulant punir cette rébellion flagrante 
ordonna à ses troupes, jointes à l'armée napolitaine, de 
mettre le siège devant Ostie. 

Antonio da San Gallo, l'architecte ingénieur nouvel- 
lement agréé par le pape, était-il dans les rangs des 



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PALAIS D£ SAVONE. 301 

assiégeants? Il y a lieu de le supposer, car un Antonius 
florentinus murator est indiqué sur les livres de comptes 
du Vatican comme ayant reçu à cette époque une somme 
de 72 ducats pour les travaux de terrassements faits 
devant Ostie'; ce même Antonius murator est désigné, 
dans les registres, comme ayant été employé, cette 
même année 1494, à construire le corridor qui reliait 
le palais du Vatican au fort Saint-Ange; et ces deux 
faits concordent avec ce que nous savons par Vasari de 
la biographie d'Antonio da San Gallo. Mais, induire de 
là, comme l'ont fait quelques auteurs, que les deux 
frères ont dû se trouver en présence dans les deux 
camps opposés, c'est aller beaucoup trop loin. Giuliano, 
était-il seulement à Ostie? Rien ne nous le dit. Il est 
bien plus probable que la construction du palais de 
Savone le retenait en ce moment éloigné du cardinal 
délia Rovere. En tous cas, il n'y eut pas de siège à 
Ostie; à peine l'armée alliée eut-elle pris position, que 
le cardinal, croyant sa vie menacée, s'échappa sous le 
costume d'un moine, put gagner Civita-Vecchia, s'em- 
barqua pour Savone, et la citadelle ouvrit ses portes. 
Cette fuite eut lieu le 23 avril 1494'. 

Le cardinal ne passa que quelques jours à Savone, 
et se rendit dans son archevêché d'Avignon où le séné- 
chal de Beaucaire vint le prendre avec une garde de 

i. E. HOntz, les Arts à la cour des Papes, Alexandre VI, p. t6(. 
2. François Uelabobde. Histoire de Vexpédtlio» de Charles VIII en 
Italie. 



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303 LES SAN GALLO. 

trente archers, pour le conduire à Lyon où il fit une 
entrée triomphale le 1" juin 1494. 

Nous sortirions de notre sujet en recherchant les 
causes qui firent du cardinal un des conseillers les plus 
écoutés de Charles VIll ; mais il nous faut noter que c'est 
pendant ce séjour à Lyon que Rovere présenta au roi le 
modèle du palais qu'il se faisait construire à Savone. 
Charles voulut complimenter lui-même San Gallo et 
lui offrit de beaux cadeaux; libéralité qui devait s'adres- 
ser, semble-t-il, plus particulièrement au cardinal, dont il 
était important de s'assurer l'appui, qu'à son architecte. 

Il est malheureusement bien difficile de reconnaître 
aujourd'hui, à Savone, l'architecture de San Gallo 
dans les quelques restes d'une façade postérieure. Ce 
sont cependant les seuls morce^x épargnés par les 
constructeurs modernes chargés de transformer le 
palais délia Rovere, le plus beau, disait-on, de toute 
la Ltgurie après le palais ducal de Gènes, et d'en faire 
un local propre à recevoir le tribunal et la cour 
d'assises, avec, au rez-de-chaussée, des boutiques pour 
le petit commerce. Rovere a vraisemblablement bien 
peu habité son palais, si toutefois il y a jamais résidé. 
Devenu pape, il y installa des écoles et en fît une sorte 
d'université. Au xvu" siècle, le palais de Savone devint 
la propriété des marquis de Garresio qui s'en défirent 
en faveur d'une confrérie de religieuses. Elles y étaient 
encore installées lorsque l'État en prit possession à 
l'époque de l'expulsion de tous les ordres non reconnus. 



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VOYAGE DANS LE MIDI DE LA FRANCE. 203 

VOYAGE ET SÉJOUR 

DANS LE HlDl DE LA FRANCE 

1496-1497 

Le cardinal de Saint-Pierre-aux-Liens, ayant suivi 
l'armée française dans sa marche triomphante à tra- 
vers l'ItaUe, revint à Rome au mois de décembre 1495, 
et Giuliano put revoir son frère Antonio, « ce qui lui 
lit plaisir », a soin d'ajouter Vasari. Ce retour permit à 
notre architecte d'examiner les travaux qu'il avait 
laissés en cours d'exécution pour accompagner le car- 
dinal, tant au cloître de Saint-Pierre-aux-Liens qu'à 
Sainte-Marie-Majeure. Cependant, le pape Alexandre, 
délivré des frayeurs que lui avait occasionnées l'arri- 
vée de Charles VIII, reprenait k Rome une situation pré- 
pondérante, et délia Rovere toujours irréconciliable dut 
encore une fois se retirer. 

Le palais de Savone était loin d'être terminé; aussi 
le cardinal revint-il s'installer à Avignon, tandis que 
San Gallo partait pour Savone, emmenant avec lui les 
ouvriers et les artistes nécessaires à l'achèvement com- 
pletdu palais. Combien de temps Giuliano demeura-t-il 
à Savone? Nous ne pouvons exactement le dire; mais 
il est certain que, pendant l'année 1496, il parcourait 
les provinces du midi de la France, voyage dont il a 
lui-même donné une relation succincte. 



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soi LES SAN GALLO. 

Cette pièce curieuse, document inédit, a été décou- 
verte, par le baron de Geymuller, collée à rebours sur 
uD des plats du volume formant le recueil des dessins 
de Giuliano conservés à la bibliothèque Barberini à 
Rome, album dont nous avons déjà dit quelques mots 
et sur lequel nous aurons encore à revenir. Les notes 
de voyage de San Gallo indiquent une instruction lit- 
téraire bien imparfaite, l'orthographe en est d'une 
étonnante fantaisie; comme exemple nous en copions 
quelques lignes ; Parttimo ej de Vignjone adi 36 aprile 
1496 a ore 13 e venimo a Tterasckone cke sono miglia 

13 a Samta-Marlta, Adi 30 detto arivanno in Narli 

Parti d'Avignon, comme il le dit, le 26 avril 1496, il 
visite successivement Tarascon, Arles, Salon, Aix, 
Saint-Maximin, Brignolles, Draguignan, Grasse, et des- 
sine beaucoup le long de sa route. Ces dessins font, 
pour la plupart, partie de l'album de la Barbérine; 
on y trouve plusieurs vues de l'arc de triomphe et du 
théâtre romain d'Orange, esquisses assez lâchées et 
qui semblent fort inexactes lorsqu'on se reporte à 
l'état actuel des monuments ^ Cependant, pour ne pas 
faire à San Gallo un trop grand crime de son inexacti- 
tude, il faut se rappeler que l'arc triomphal avait été 
entouré par les princes d'Orange, seigneurs des Baux, 
de fortifications qui en avaient singulièrement altéré le 
caractère, et que les bas-reliefs ainsi que les ornements 

1. Voir le bel ouvrage publié par CARiSTitr, architecte, en 1S56, 
flur ht Monumenli antiques d'Orange. 



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VOYAGE DANS LE MIDI DE LA FRANCE. 205 

sculptés avaient été en partie mutilés. Le théâtre avait 
subi le même sort; converti en forteresse, il avait non 
seulement perdu son aspect monumental, mais même 
les divisions des arcades dont il était entouré avaient 
été modifiées. San Gallo donne également dans ses des- 
sins le plan et la façade d'un palais, projet de restitu- 
tion d'après quelques ruines existantes à Aix. MM. E. 
Mûntz et Jules de Laurière, dans une étude spéciale des 
' dessins de Giuliano da San Gallo se rapportant aux 
monuments antiques du midi de la France, pensent 
que le mot tempio, dont se sert San Gallo dans sa 
légende peut faire supposer qu'il s'agirait des ruines de 
l'ancienne église de Sainte-Catherine, construite par 
les Templiers en 1200; mais ils ajoutent que les 
légendes de San Gallo contiennent de nombreuses 
erreurs, et qu'il n'est pas impossible que le plan pré- 
cité ne se réfère à quelque monument de la ville de 
Grasse, et non pas d'Âqui, aujourd'hui Aix'. 

Pendant que San Gallo surveillait les travaux du 
palais de Savone ou parcourait les villes de la Provence, 
l'armée française abandonnait le royaume de Naptes, 
et une trêve était conclue entre les rois de France et 
d'Espagne, faisant naître l'espoir d'une paix générale 
prochaine. 

Par un accord partiel, signé à Turin le 26 août 
1497, Charles VIII rendait à la République florentine 

1. Extraits des Mémoires de la Société nationale des antiquaires 
de France, année 1885. 



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im LES SAN GALLO. 

les places de Pise, Livourne, Sarzane, SaFzanella et 
Pietra Santa qui lui avaient été remises par Pierre de 
Médicis comme caution de sa fidélité. Ces clauses furent 
exécutées, sauf en ce qui regardait la vïUe de Pise. Le 
roi avait bien écrit à d'Antrague, qui commandait la 
citadelle en son nom, de remettre cette forteresse aux 
Florentins; d'Antrague n'en voulut rien faire, espérant 
peut-être se faire laidement indemniser, cependant il ne 
reçut de la part de la Seigneurie aucune proposition, 
et la guerre continua entre les deux anciennes rivales. 
Trompé par les termes de la convention signée avec 
le roi de France, San Galle avait quitté Savone, rapa- 
triant les artistes et les ouvriers florentins qu'il y "avait 
précédemment amenés. Débarqué à Livourne, et trou- 
vant encore les deux partis aux prises, il s'arrête à 
Lucques pour demander aux Pisanâ un sauf-conduit lui 
permettant de traverser leur territoire. Le sauf-conduit 
immédiatement délivré, San Gallo se met en route 
croyant n'avoir plus rien à craindre, mais il avait compté 
sans la mauvaise foi des Pisans : à peine arrivé près 
d'Altopascio, il est arrêté, fait prisonnier et retenu pen- 
dant près de six mois. Il fallut que son frère vînt à son 
secours et payât une rançon de 300 ducats pour obtenir 
sa liberté '. 

1. Vasabi, Vie du Giuliano et d'Antonio da San Gallo. 



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SALLE DU PALAIS VIEUX. 207 

FLORENCE* 

GRANDE SALLE DU PALAIS VIEUX 

1467 

De graves événements étaient survenus à Florence 
depuis le départ de San Gallo. Pierre de Médicis avait 
livré au roi de France les places fortes de la Répu- 
blique, et les magistrats, indignés de cette lâche conces- 
sion, ayant soulevé le peuple, rendirent un édit de pro- 
scription contre tous les membres de cette famitle. 
Pierre et Jean, apprenant que leur tète venait d'être 
mise à prix, s'enfuirent ainsi que leur frère Julien et 
Paul Orsini; après leur départ, les jardins des Médicis 
furent pillés avec fureur'. Quant au palais, comme il 
avait été disposé pour recevoir le roi pendant son séjour 
à Florence, Pierre en avait retiré une grande partie des 
objets d'art qui l'ornaient pour les déposer dans diffé- 
rents couvents; cependant il en restait encore, et de 
très importants, que le sieur de Ballastat, maître d'hô- 
tel du roi, faisant fonction de maréchal des logis, s'ap- 
. propria, paraît-il, sous prétexte que la banque des Mé- 
dicis à Lyon lui devait beaucoup d'argent. A en croire 
le récit de Comines, les choses se seraient passées tout 
autrement; le sieur de Ballastat, dit le chroniqueur, 

1. Raphaël a conservé le souYeDJrde ce pillage dans la bordure 
d'une des fameuses tapisseries dessinées par lui pour le pape Léon X. 



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308 LES SAN GALLO. 

« se prit à piller tout ce qui se trouvait dans la maison 
de la Via Larga ». ^ 

Après l'entrée de Charles VIII à Florence, le 9 no- 
vembre 1494, les collections réunies avec tant de soins 
parCosme l'Ancien et Laurent le Magnifique furent donc 
dispersées; la Seigneurie s^en attribua la plus grande 
part, entre autres les statues de Donatello : la Judith 
et le David, qui furent exposées dans le Palais public; 
la bibliothèque passa en grande partie entre les mains 
des moines du couvent de Saint-Marc qui, à TinsUga- 
tion de Savonarole, prêtèrent sur ce gage à la Seigneu- 
rie la somme de 2000 florins. On sait que, rachetée par 
le cardinal Jean de Médicis, le futur Léon X, le 29 avril 
1508, au prix de 2652 ducats, cette collection fit le 
fond de la Bibliothèque Laurentienne. La Seigneurie 
rendit en outre quelques vases précieux enfouis dans 
une cachette et fit vendre une quantité considérable 
de tableaux, statues, tapisseries, pour se procurer 
les sommes nécessaires au remboursement des créan- 
ciers des Médicis. Une partie de ces dettes remontaient 
au Magnifique dont la situation financière s'était trouvée 
gênée pendant les dernières années de sa vie. 

A la suite de cette révolution, le moine Savonarole 
exerça un pouvoir dictatorial sur la ville de Florence. 
11 fallut se faire pardonner les fautes passées et faire 
pénitence ; ce fut une transformation complète. Il y 
eut une réaction violente contre le luxe, la licence et 
les fêtes qu'avaient encouragés les docteurs, les poètes 



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SALLE DU PALAIS VIEUX. 20H 

et les artistes; on brûla ce qu'on avait adoré et l'on 
vit s'allumer les autodafés, bruciamenti, dans lesquels 
périrent tant d'œuvres intéressantes, tentures, portraits, 
livres et manuscrits. Beaucoup d'artistes cependant 
acceptèrent les doctrines du réformateur revenant à 
l'idéalisme chrétien; on peut citer parmi ceux-ci : Sau- 
dro Botticelli, le Cronaca, Lorenzo di Credi, le Pérugin, 
et même Michel-Ange; quelques autres, entraînés par 
sa parole et devenus ses ardents disciples, prirent 
l'habit religieux de ses mains. 

Comme base de sa nouvelle constitution, Savonarole 
avait constitué un Grand Conseil comprenant tous les 
citoyens âgés de plus de vingt-neuf ans, appelés Bene- 
ficiati, c'est-à-dire occupant, ou ayant eu un père ou 
un aïeul ayant occupé une des charges majeures. Or 
les membres de cette classe de citoyens s'élevaient à 
3200. Ne pouvant, ou ne voulant les réunir tous 
ensemble dans la crainte de discussions tumultueuses 
et anarchiques, on les divisa en trois assemblées de 
t 000 personnes siégeant chacune pendant six mois. 
Encore, fallait-il trouver un local suffisant à mettre à 
leur disposition, et aucun monument public, aucun 
palais ne pouvait contenir une pareille assemblée. On 
fît à la hâte disposer une vaste salle au-dessus de la 
Dogana, et l'on résolut de créer au palais do la Sei- 
gneurie une salle spéciale destinée à ces nombreuses 
assemblées. A cet effet, on convoqua en commission 
consultative Léonard de Vinci, Michel-AnKc Buonarroti 



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910 LES SAN GALLO. 

bien que fort jeune, Giuliano da San Gallo, revenu à 
Florence le 8 mai 1497, Baccio d'Agnolo et le Cronaca, 
l'ami dévoué du grand dominicain. Ces artistes élabo- 
rôrent le plan de la future salle de Conseil, et l'exé- 
cution en fut confiée au Cronaca, selon le désir de 
Savonarole. Par une ordonnance en date du 15 juil- 
let 1495, les prieurs confirmèrent ce choix en adjoi- 
gnant au Cronaca, comme collaborateur, Francesco di 
Domenico, surnommé Nerone, qui était legnaïuoh. 
Chacun des artistes composant la commission préten- 
dait avoir sa part dans les travaux; c'est ainsi qu'à 
Léonard de Vinci revint l'honneur de peindre un épi- 
sode de la bataille d'Anghiari, et que Giuliano da San 
Gallo fut chargé de dessiner la charpente du comble 
et d'exécuter avec Baccio d'Agnolo toutes les menui- 
series : œuvre considérable qui comprenait une grande 
galerie de bois faisant le tour de la salle et une tribune 
élevée destinée au gonfalonier et aux membres de la 
Seigneurie; toutes pièces ornées de sculptures et 
d'incrustations. 

Cette salle, imparfaite dans sa régularité, dénotait 
la hâte que l'on avait apportée à sa construction. Vasari 
en décrit l'ordonnance avec quelques détails curieux 
parce qu'il a été chargé plus tard, par le duc Cosme I", 
de la modifier complètement ainsi que l'escalier qui y 
conduisait'. Mais il attribue au Cronaca la totalité du 

i. Vasari, ftâ. Sassonî, vol, IV, Vita di Simone dcllu il Ci-on-jca. 



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PALAIS VIA DI PINT!. 



travail dont la plus grande part revient cependant à 
Giuliano da San Gallo et à son frère Antonio comme le 
prouve un document en date du 8 mai 1497 publié par 
Gaye '. 



FLORENCE 

PALAIS VIA Dl PIiNTI 

1499 

La maison construite en 1490 par les deux frères 
Giuliano et Antonio da San Gallo était devenue trop 
exiguë pour leur habitation commune, la famille 
s'était augmentée, les enfants avaient grandi; avec 
les honneurs et la fortune, était venu le désir de pos- 
séder une demeure assez spacieuse pour pouvoir y réu- 
nir à leur tour quelques-unes de ces statues antiques 
ou de ces beaux tableaux qui ornaient avec profusion 
les palais des principaux citoyens de Florence. Giuliano 
se chargea donc de transformer et d'agrandir considé- 
rablement ia maison déjà existante et d'en faire un véri- 
table palais. Il est encore debout aujourd'hui, sous le 
nom de palais Panciatichi-Ximénès, bien que la façade 
en ait été assez malheureusement modifiée, vers 1603, 
lorsque les marquis Ximénès achetèrent cette propriété. 
On y reconnaît, dans les dispositions intérieures, l'élé- 

i. Gaye, Carteçjio ecc. voL I. 584, 586, 587, 388, « Prout et sicul. 
est modellum portatum, per Anioniùm da San Gallo. » 



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aii LES SAN GALLO. 

gante sobriôté et la convenance parfaite qui distinguaient 
le talent de Giuliano : c'est une véritable œuvre d'art. 
Le plan, savamment 
conçu, est d'une irrépro- 
chable symétrie. Par une 
rande porte, on pénètre 
3 la rue sous une sorte 
i porche donnant dans 
n grand vestibule; à 
[■cite et à gauche, deux 
îrrons amènent l'un au 
rand escalier, dont le 
premier palier est 
orné d'une niche 
contenant une sta- 
tue, l'autre à une 
petite galerie égale- 
ment ornée d'une 
niche avec une sta- 
tue faisant pendant 
à la première. Un 
peu plus loin, deux 
autres perrons per- 
mettent d'accéder à 
de vastes salles occupant les deux côtés de la cour, et 
enfin un gracieux portique, situé au fond de celle cour, 
conduit au jardin que l'on aperçoit dans toute sa lon- 
gueur. Au premier élage, à côté de nombreuses pièces 




l'LAN Di; PALAIS VI 



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INTÉRIEUR Dr PALAI3 XIMENËS 

Par Tiiuliano d> Saa Uallo. 



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PALAJS VIA DI PINTI. 213 

destinées à l'habitation et h l'exposition de la collection 
des objets d'art', se trouve le célèbre salon dont nous 
avons déjà dit quelques mots : c'est une superbe pièce 
de i5 mètres d'étendue sur chaque côté, et de plus 
de 10 mètres d'élévation, voûtée a mezza botte, comme 
dit Vasari, c'est-à-dire par pièces rapportées ; ce devait 
être un exemple bien probant et donner confiance à 
Laurent de Médicis pour la bonne construction du salon 
de Poggio à Cajano. L'ornementation désordonnée du 
xvu* siècle en a travesti toute la superbe grandeur. 

D'après le recensement des biens établi pour le 
cadastre, en 1498, les deux frères San Gallo étaient à 
cette époque imposables : 1'' à titre de propriétaires 
d'une maison avec jardin située via di Pinti ; 2" comme 
possédant une petite ferme dans la commune d'Ëmpoli ; 
3^ comme ayant conservé la modeste maison située 
sur la paroisse de Saint-Laurent hors les Murs, auprès 
de la porte San Gallo ; 4° enfin, comme locataires 
d'une moitié de boutique à l'intérieur de la ville, sur 
la paroisse de Saint-Michel-Bisdomini. 

1. Albertihi, dans son Memoriale publié en 1510, signale déjà 
comme faisant partie de la collection des San Gallo plusieurs mor- 
ceaux antiques venus de Rome : In casa Giuliano da San Gallo archi- 
tellore sono asmi eose antique di Roma ; ils possédaient de nombreux 
tableaux parmi lesquels MM. Crowes et Cavalcaselle, dans leur His- 
toire de iapeinlureilalienne, indiquentune Madone avec l'Enfant, saint 
Jean-Baptiste et des anges de Botticelli, tableau appartenant aujour- 
d'hui ù la National Gallery de Londres; Vasari fait mention d'un 
autre tableau remarquable de Paolo Ucello, le grand perspecteur de 
la Kenaissance. 



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!il« LES SAN GALLO. 

Cette boutique, cet atelier, où les deux frères 
exerçaient toujours leur premier métier de legnaiuolo, 
était, comme beaucoup d'autres occupées par des ar- 
tistes à cette époque, le lieu de rendez-vous, le cénacle, 
où se discutait le mérite des œuvres d'art, où se for- 
maient les écoles, où se créaient des amitiés et quel- 
quefois des Uaines, mais d'où sortaient souvent des 
esprits enflammés qui enfantaient des chefs-d'œuvre. 

Le palais Ximénès, devenu par héritage en 181 S la 
propriété de la famille Panciatichi, appartient aujour- 
d'hui au marquis San Giorgio. 

LORETTE 

COUPOLE DE LA BASILIQUE DE SAINTE-MARIE 
1500 

La petite maison autrefois habitée, dans la ville de 
Nazareth, par la Sainte Vierge et saint Joseph avait été, 
dans la nuit du 10 mai 1291, enlevée de l'emplacement 
qu'elle occupait pour la soustraire à la profanation des 
musulmans devenus maîtres de la Palestine, et trans- 
portée sur les ailes des anges à travers les airs en un 
lieu appelé Tersatto près de Fiume, en Dalmatie. Trois 
ans et demi après, dans la nuit du 10 décembre 1294, 
s'accomplit un nouveau voyage aérien, la maison de la 
Vierge traversa l'Adriatique, et fut pieusement déposée 
par ses célestes porteurs sur le rivage de Piçeno, auprès 
de la ville de Recanati. 



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BASILIQUE DE N.-D. A LORETTE. 217 

Immédiatement vénérée par un grand nombre de 
fidèles, il fallut construire une église assez vaste pour 
envelopper et protéger la Santissima Casa. Cent qua- 
rante ans plus tard, vers le milieu du xv* siècle, l'évêque 
de Recanati, Nicolo del' Asti, entreprit de reconstruire 
cette église dans des dimensions beaucoup plus impor- 
tantes, d'après les plans de Tarchitecte vénitien Marino 
di Marco di Jadera; mais le pape Paul II, Vénitien lui- 
même, envoya son architecte préféré, Giuliano da Ma- 
jano, prendre la direction des travaux. Ils reçurent 
une vive impulsion et furent activement poussés 
jusqu'à l'époque de la mort de Majano (1470). Il y eut 
alors un temps d'arrêt; Benedelto da Majano, le neveu 
de Giuliano, avait bien été désigné pour succéder à son 
oncle, mais il ne s'occupa que des décorations inté- 
rieures. Rien n'était donc terminé, lorsque le cardinal 
Gérôme Basso délia Rovere, neveu de Sixte IV, nommé 
évêque de Recanati, résolut de terminer l'œuvre laissée 
inachevée et manda auprès de lui Giuliano da San Gallo. 

Il fallait prendre une détermination importante pour 
laquelle les conseils et les avis d'un architecte en 
renom semblaient nécessaires : en effet, les piliers et 
les grands arcs, préparés par Giuliano da Majano pour 
recevoir la coupole centrale, étaient jugés trop élancés 
et trop faibles, et faisaient craindre qu'ils n'en pussent 
supporter le poids. Après un examen attentif, San 
Gallo se déclara prêt à assumer la responsabilité du tra- 
vail, si l'on voulait bien l'en charger. Son offre ayantété 



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218 LES SAN GALLU. 

acceptée, il fit venir de Florence les maîtres maçons et 
les tailleurs de pierre qu'il avait l'habitude d'employer, 
se fit envoyer de Kome de la pouzzolane afin d'assurer 
aux mortiers une solidité parfaite, et se mit à la 
besogne'; deux années suffirent à tout achever. Com- 
mencés dans le courant de l'année 1498, les travaux 
étaient terminés, le 23 mai loOO, par la pose de la 
dernière pierre. 

San Gallo a dressé lui-môme le procès-verbal de 
cette cérémonie à la suite d'un dessin faisant partie 
du recueil conservé à la bibliothèque communale de 
Sienne : al nome di dio e de la gloriosa madona s. maria 

SEMPRE VERGINE É MEMORIA COME SABATO AD OBE XV A DI XXIII 
m MAGO MCGCCC 10 GIULIANO DI FRANXESCO DA S. GALLO FIO- 
BENTINO, CHON GRAXDISSIMA SOLEMTA E DIVOZIONE E PRECI- 
SlOiNE MURAI LULTIMA PETRA DE LA CHUPOLA DI SANTA MARIA 
DI LOBETO. DIGHE IDIO El PIA GRATIA SI CONSEltVI LDNGO TEMPO 
E A ME DIA GRATIA GRE A LA FINE MIA 10 SALVf LANIMA MIA 
IN SEGULUM SECULORUM AMEN. 

« Au nom de Dieu et de la glorieuse Notre Dame 
Sainte Marie toujours Vierge, je rappelle que le 
samedi à lîi heures du jour, le 23 mai 1500, moi 
Giuliano de Francesco da San Gallo, Florentin, avec 
très grande solennité et dévotion et précision je 
maçonnai la dernière pierre de la coupole de Sainte- 
Marie de Lorette. Je demande également que Dieu 

1 . Le plan de l'église de Lorette relevé à cette occasion par Giu- 
liano da San Gallo est consen-é dans la collection des dessins de la 
Galerie des Offlccs à Florence. 



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BASILIQUE DE N.-D. A LORETTE. 219 

nous donne la grâce qu'elle se conserve longtemps et 
à moi celle de sauver mon âme dans tous les siècles 
des siècles : amen. » 

Les termes de cet acte, dressé à la suite de la 
pose de la dernière pierre de la coupole, indiquent bien 
que, malgré ses affirmations et sa science de construc- 
teur, l'architecte n'était pas exempt de toute crainte 
relativement à la solidité de son œuvre; aussi 
implore-t-il la protection divine pour en assurer la 
durée. 

Cette prière a été exaucée, car la coupole de San 
Gallo s'élève encore aujourd'hui au-dessus de la basi- 
lique et protège toujours la Santisstma Casa. 

A l'intérieur, les trois nefs de l'église sont séparées 
par des piliers élancés supportant des voûtes ogivales. 
A l'extérieur, de hautes murailles de briques, dans les- 
quelles s'ouvrent quelques rares fenêtres, sont couron- 
nées par un chemin de ronde couvert reposant sur des 
mâchicoulis; cette défense complétée par de nombreux 
créneaux contourne l'édifice tout entier et lui donne 
l'aspect d'une véritable forteresse. Du milieu de cette 
masse imposante surgit la grande coupole élevée sur 
un tambour; elle est octogonale, rappelant ainsi la 
forme de celle de Santa Maria del Fiore, le prototype de 
toutes les coupoles construites par les architectes flo- 
rentins du XV* siècle. Une lanterne ajoutée sous Sixte V 
la termine. La façade comprenant des colonnes, des 
pilastres et un fronton a été construite postérieurement; 



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220 LES SAN GALLO. 

commencée vers iîiÔîi, elle fut terminée en 1587; 
campanile date de la même époque. 

TRAVAUX DIVERS 



Pendant ces trois années, notre architecte s'occupe 
de nombreux travaux d'une importance, il est vrai, 
secondaire, mîiis intéressants à signaler. Toujours actif, 
Rome et les villes de la Toscane font appel à ses talents 
variés. A Florence, Giuliano prenait part à plusieurs 
concours, entre autres à celui qui fut ouvert pour la 
construction de l'église de San Francesco al Monte, sur 
la colline de San Miniato, chef-d'œuvre du Cronaca, 
que Michel-Ange, dans son admiration, appelait « sa 
belle villageoise ». Il faisait partie de différentes com- 
missions dans lesquelles ses avis étaient accueillis avec 
déférence. 

Cependant, la guerre poursuivie jusqu'aux portes 
de Florence ne laissait pas que d'avoir une influence 
considérable sur les destinées de beaucoup d'artistes; 
c'est ainsi que San Gallo, envoyé à Empoli avec le titre 
de commissaire de la République pour diriger l'artille- 
rie de l'armée française, reprenait peu après son rôle 
d'ingénieur mililairo et conduisait les travaux de forti- 
fication de Borgo San Sepolcro. 

Ses aptitudes multiples le firent appeler à Cortone 



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TRAVAUX DIVERS. 221 

pour résoudre une difficulté embarrassante. Un docu- 
ment tiré des archives de la commune de Cortone 
nous fait en effet savoir que, le 18 février 1501, 
Giuliano da San Galle de Florence vint dans la ville 
pendant ce môme mois, sur l'invitation des seigneurs, 
afm de rechercher les moyens de faire écouler les eaux 
qui, dans certains moments, envahissaient les environs. 
Giuliano séjourna huit jours à Cortone et fit construire 
un édifice en hois, edificio di legame, sorte de niveau 
servant à marquer les différentes altitudes du terrain, 
pour lui permettre de tracer un canal de dérivation à 
travers la contrée. Les « Magnifiques Prieurs, par la 
force de leur autorité » da magnifici priori, per vigore 
di la loro aiitorita, lui remirent comme honoraires la 
somme de 70 livres'. 

Rentré en grâce auprès d'Alexandre IV, par l'inter- 
médiaire de son frère Antonio qui travaillait aux for- 
tifications du château Saint-Ange, Giuliano put venir 
mettre la dernière main au grand soffîte de la basilique 
de Sainte-Marie-Majeure et surveiller la construction 
du cloître de Sainl-Pierre-aux-Liens. 

Les anciennes fortifications de la ville d'Arezzo ne 
répondaient plus aux nouveaux besoins de la défense; 
les Florentins auxquels la ville était soumise déci- 
dèrent, en conséquence, de les faire reconstruire et 
confièrent à Giuliano da San Gallo le soin d'exécuter 

1. Lib. sign. 7.., 37, c. 67. 



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882 LES SAN GALLO. 

les travaux suivant les plans qu'il avait présentés'. 
Ces fortifications n'étaient pas encore achevées lorsque 
les Arétins, entraînés clans le parti des Médîcis par 
VitcIIozzo, Baglioni et les Orsini, se révoltèrent, s'em- 
parèrent de la citadelle et la rasèrent presque totale- 
ment. I! est vrai que, peu de temps après, ils étaient 
obligés de la remettre aux Français qui la rendirent 
aux Florentins. Les travaux, abandonnés à la suite de 
tous ces événements, furent repris en 1505, après la 
paix de Blois, et terminés par Antonio. 

Pendant ce temps, les Magnifiques Prieurs, comme 
on disait alors, et Pierre Soderini, nouvellement pro- 
clamé gonfalonier à vie de la République florentine, 
s'étaient adressés à Giuliano pour lui confier différents 
travaux à exécuter au palais de la Seigneurie, travaux 
d'appropriation intérieure commencés par le Cronaca, 
et, dans le courant de l'année 1 503, le nommèrent Capo 
maestro, charge importante qui comportait le soin de 
veiller sur toutes les fortifications de Florence'. 

\. Une leUre, publiée par Gave, assigne à la date du 17 oclobre le 
début dos travaux ; San Gallo étant à Arezzo recevait une autre lettre 
en date du 17 octobre 1502. 

2. Une lettre déjà citée par nous, datée du 24 avril 1503, et repro- 
duite dans le iiuonarroti, indique que notre architecte, appelé en 
témoignage, avait été désigné sous les noms de Giuliano Francesco 
da San (ïalio * vocato Francione » (le grand Franroisi. Ce surnom lui 
avait probablement été attribué en raison de l'importance de ses nou- 
velles fonctions. 



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BASILIQUE DE SAINT-PIERRE. 



AltCHlTECTE EN CHEF DE LA BASILIQUE 
DR SAINT-PIERRE 



Un événement considérable à tous égards allait 
avoir une grande influence sur la vie de notre artiste : 
le pape Alexandre VI était mort le 12 août 1503. Rem- 
placé, après un conclave des plus agités, par le cardinal 
François Piccolomini, qui, sous le nom de Pie 111, 
n'occupa le trône pontifical que pendant quelques mois, 
Alexandre VI eut pour véritable successeur le cardinal 
Julien délia Rovere. 

Jules II, le nouveau pape, élu le 31 octobre de la 
même année, se souvint de son ami GiuHano, de 
l'énergie qu'il avait toujours déployée, du dévouement 
qu'il lui avait autrefois témoigné, de son activité, de 
son habileté comme architecte et comme ingénieur, et 
résolut de l'attacher encore à son service. A peine 
arrivé à Rome, GiuHano dirige certains travaux au châ- 
teau Saint-Ange, et reçoit, d'après les livres des comptes 
du Vatican, à la date du 30 mai 1504, le solde de ses 
honoraires. Peu après, il était nommé architecte en 
chef de la basilique de Saint-Pierre. 

La vénérable et antique église, construite par 
l'empereur Constantin, avait été radicalement con- 



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224 LES SAN GALLO. 

damnée par L.-B. Alberti : les murailles s'étaient écar- 
tées sous le poids de la charpente et beaucoup d'autres 
parties du vieil édifice étaient en fort mauvais état. 
Nicolas V avait chargé son architecte préféré de remé- 
dier autant que faire se pourrait aux inconvénients 
résultant d'un pareil état de choses et lui avait enjoint 
de reconstruire la partie la plus importante du temple, 
c'est-à-dire la tribune. Les travaux, poussés avec acti- 
vité sous les successeurs de Nicolas V, avaient été pres- 
que complètement interrompus pendant le pontificat 
d'Alexandre VI, dont toutes les ressources passaient à 
entretenir des armées et à fortifier des citadelles. 
Jules II donna un vigoureux essor à cette grande entre- 
prise. Giuliano de Francesco Giamberti, le jeune 
Florentin débutant à Rome sous Paul II et employé 
comme scarpellino aux travaux de Saint-Pierre, aurait- 
il jamais pu se douter qu'un jour viendrait où il serait 
chaîné de la suprême direction de ces mêmes travaux et 
qu'il commanderait en chef sur cet immense chantier^ ! 

1. Il y eut à cette époque trois phases bien marquées dans la 
marche des travaux, comme l'indique ajuste raison M. Henri de Gey- 
multer dans sa belle Étude sur Im projets primitifs pour la recon- 
struction de la bnnlique de Saint- Pierre. Tout d'abord on ne fait que 
continuer mollement les travaux déjà commencés sous Nicolas V 
et Paul II, travaux circonscrits à la tribune, d'après les plans de 
Itosellino; à peine Jules 11 monte-t-il sur le Irûne pontifical, tout 
change, l'activité renaît, et Giuliano imagine ce projet colossal de 
faire Taire par Hichel-Ange, qu'il venait d'introduire à la cour, le 
tombeau du pape lui-m<^me et de le placer au milieu de la tribune 
de Saint-Pierre. Enfin, après des lenteurs, des interruptions, rien 



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BASILIQUE DE SAINT-PIERRE. 



La haute satisfaction, le légitime orgueil, que 
devait ressentir San Galle, ne fut pas troublé pendant 
quelque temps; il faisait continuer l'exécution des 
anciens plans sans y apporter de grands changements; 
mais, tout artiste était architecte à cette époque, et 
ceux qui vinrent entourer Jules II furent bientôt nom- 
breux. Michel-Ange présenté par San Gallo et par Bra- 
mante, déjà occupé à construire le palais de la Chancel- 
lerie pour le cardinal de Saint-Georges, étaient du 
nombre; les entretiens, les consultations, les conseils, 
engendrèrent des vues nouvelles, des projets nouveaux 
et des plans plus considérables. Il y eut scission parmi 
les conseillers, et Bramante, à la tête des novateurs, 
l'emporta dans l'esprit de l'entreprenant Jules II. On 
résolut de reconstruire la basilique en entier, Bra- 
mante fut chargé de cette lourde tâche, tandis que Michel- 
Ange et San Gallo étaient écartés. Giuliano, humilié,. 
ne voulut pas rester à Home pour assister au triomphe 
de son rival ; il obtint du pape la permission de revenir 
à Florence et partit comblé de riches présents. On peut 
approximativement fixer le départ de Giuliano da San 
Gallo au commencement de l'année 1506 ou à la fin de 
iSOli; car, le 6 janvier 1506, Jules II écrivait au roi d'An- 
gleterre pour lui annoncer sa détermination de recon- 
struire en entier la basilique et solliciter son concours'. 

ne se fait plus; aloDt de aoaveaux projets s'élaborent et les travaux 
sont soumis à une nouvelle direction. 

1. E. MiSTZ, fps Arlsâ In cour des Papes, t. II. 



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3S6 LES SAN GALLO. 

FLORENCE 

TIIANSPORT DU « DAVID >. DE MICHEL-ANGE 

1604 

S'il est difficile de savoir au juste à quelle date Giu- 
liano da San GaDo quitta Home, il est un fait certain, 
c'est qu'il se trouvait à Florence au commencement de 
l'année 1 504. A cette époque, il prenait part à un grand 
conseil composé de tout ce que les fabriciens du Dôme 
avaient pu réunir d'architectes distingués pour décider 
de l'emplacement sur lequel il convenait de placer la 
statue de David vainqueur de Goliath que Michel-Ange 
venait de terminer. 

Cette statue avait été commandée en laOi, par les 
membres de l'Opéra du Dôme et les consuls de l'Art de 
la laine, au sculpteur Simone de Fiesole, auquel on 
avait confié un énorme bloc de marbre haut de neuf 
brasses, acheté à cette occasion; mais l'artiste n'était 
pas à la hauteur d'une pareille tâche et fut obligé d'y 
renoncer. Michel-Ange demanda à être chargé du tra- 
vail et, l'ayant obtenu, s'enferma à Santa Maria dei 
Fiore, dans un atelier spécial, dont il défendit l'accès 
jusqu'au jour où la statue fut terminée. C'est alors 
qu'il fallut prendre une détermination pour savoir ce 
que l'on ferait du colosse de marbre. Nous avons 
vu quelle était en général la physionomie de ces 



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TRANSPOKT DU « DAVID ». 2i7 

assemblées ; le très exact et docte Gaye a bien soin 
de donner tous les noms de ceux qui prirent part 
à celle-ci'. 

On émit de nombreuses opinions, mais elles se 
réduisirent bientôt à deux : Giuliano da San Gallo sou- 
tint, dans un véritable discours, que le David devait 
être placé dans la Loggia dei Signori, à côté de la 
célèbre Judith de Donatello, qui s'y trouvait depuis 
1495; d'autres artistes, et Michel-Ange sans doute 
avec eux, préféraient la Ringhiera, ce palier entouré de 
grilles situé en haut de l'escalier extérieur qui monte 
au Palais Vieux. Ce dernier avis l'emporta, et les deux 
frères Giuliano et Antonio da San Gallo forent chargés 
d'exécuter le transport. 

Cette entreprise hardie intéressait la ville entière. 
Le 14 mai lo04, tout était prêt ; une charpente habi- 
lement combinée entourait la statue et quarante hommes 
devaient tourner les treuils. A minuit, rapporte Lucca 
Landucci dans son Diario Fiorentino, la statue com- 
mença à se mouvoir et arriva sur la place le quatrième 
Jour; le 18 juin elle était posée sur l'emplacement 
indiqué ; ce qui causa, ajoute le chroniqueur, un enthou- 
siasme général*. 



1. Gayis, Carleggio inedito d'arlisli, t. II, p, 458. 

3. Les dessins de Giuliano conservés à la bibliothèque Barberini, 
à Rome, reproduisent plusieurs machines, cabestans ou treuils dont 
on dut se servir en celte circonstance. 



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•i8 LES SAN GALLO. 

VITERBE 

1':GLISE de SAN GIOVANNI DE' FIOBENTINl 
160S 

Giovanni Almadiano de Viterbe, protonotaire et 
chancelier du sceau apostolique, en exécution d'un 
vœu fait à la mort d'un de ses amis, commença en 
1505, à Viterbe, la construction d'une église dédiée à 
saint Jean son patron. Quand elle fut terminée il y 
ajouta des bâtiments conventuels et un cloître, puis 
appela les carmélitains de Mantoue pour venir la des- 
servir. 

On attribue généralement la construction de cette 
église à Giuliano da San Gallo, sans qu'il y ait cepen- 
dant à cet égard de données bien positives; cependant, 
cette attribution n'a rien d'impossible, puisque Giuliano 
était à cette époque en pleine faveur auprès du pape. 
La façade comprend deux étages séparés par un enta- 
blement complet avec corniche, frise et architrave; un 
fronton couronne l'édifice. L'étage inférieur est divisé 
en trois espaces égaux par quatre pilastres; au milieu 
s'ouvre la porte, et, au-dessus, dans une lunette demi- 
circulaire, un groupe en terre vernissée exécuté dans 
l'atelier des délia Itobbia représente la Vierge tenant 
dans ses bras l'Enfant Jésus; un peu plus haut, une con- 
sole supporte la statue de saint Jean-Baptiste; à droite 



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ÉGLISE A VITERBE. 



et à gauche de la porte, des niches abritent des statues 
de saints. Le second étage, limité à ses extrémités par 
deux pilastres accouplés, comprend, au centre, une 
rosace et, de chaque côté, des écussons aux armes de 
Giovanni Almadiano. 

A l'intérieur, l'église présente trois nefs séparées 
par six arcades retombant sur des colonnes isolées; la 
nef principale n'a que 6 mètres de large et les bas- 
côtés 3"', 30 ; ce n'est donc pas un monument de grande 
importance, mais il attire l'attention par la juste pro- 
portion et l'élégance de ses dispositions. De chaque 
côté du maltre-autel, deux petites portes donnent accès 
dans un espace réservé, sorte de chœur qui s'étend 
jusqu'à l'extrémité de l'abside ; au-dessus d'une de ces 
portes, le buste en terre vernissée de Giovanni Alma- 
diano porte celte inscription : 

QVEM STBVIS IN TERHIS AEDËH BAPTISTA JOANNES 
EXTRVET IN COELIS ALMADIANE TIBl. 

Toute cette délicate architecture est du style le 
plus classique, le plus pur, même dans les moindres 
détails, sans aucune des fantaisies ornementales que 
nous avons eu le regret de signaler dans quelques- 
uns des monuments construits par Giuliano da San 
Gallo. A quoi ou à qui notre architecte devait-il d'avoir 
réalisé ce progrès? Il est bien surprenant de trouver à 
Viterbe même la réponse à cette question. Bramante, le 
classique par excellence, le puriste dont le goût n'ad- 



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830 LES SAN GALLO. 

mettait aucun écart, le plus simple et eu même temps 
le plus élégant des architectes de la Renaissance, avait 
été chargé, à peu près à cette môme époque, d'élever 
aux portes de la ville l'église et les cloîtres du couvent 
de Notre-Dame délia Quercia. Or, le ressentiment de 
San GaHo pour un rival préféré n'avait pas résisté aux 
bons offices de Jules U, et nous verrons dans plusieurs 
circonstances les deux architectes collaborer ensemble. 
En examinant, attentivement les deux églises de San 
Giovanni et de la Madonna délia Quercia, on est frappé 
d'y rencontrer une concordance de style qu'il n'est 
guère possible d'admettre sans qu'il y ait eu, sinon 
collaboration complète, du moins influence évidente de 
l'un des artistes sur les projets de l'autre; l'œuvre de 
Bramante aura sans doute inspiré à San Gallo le désir 
d'imprimer à son église de San Giovanni la même grâce 
tout en conservant le même rigorisme. 

ROMK 

ÉGLISE DE SANTA MARIA DELL' ANIMA 
1506 

Nous venons de parler de collaboration entre Bra- 
mante et Giuliano da San Gallo; en voici un exemple : 

L'absence forcée de Giuliano, remercié par Jules II, 
ne fut pas de j longue durée, Vasari raconte que six 
mois s'étaient à peine écoulés lorsque Messer Barto- 



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SANTA MARIA DELL'ANIMA. 231 

lomeo délia Bovere, neveu du pape et grand ami de 
San Gallo, lui écrivit que, dans son intérêt, ii devait 
revenir à Rome. GiuUano, dont l'irritation n'était pas 
encore calmée, résistait à toutes tes sollicitations; on 
pria donc le gonfalonier Soderini de ne rien épargner 
pour le séduire, parce que Sa Sainteté voulait terminer 
les fortifications de la Tour-Ronde commencée par 
Nicolas V, celles du Borgo et la construction de la Villa 
du Belvédère. Giuliano finit par se laisser persuader et 
se présenta de nouveau au pape qui l'accueillit parfai- 
tement. 

Rentré en grâce, Giuliano reprit une situation im- 
portante dans les conseils du pape et jouissait d'une 
faveur toujours considérable auprès des particuliers; 
aussi, quelques auteurs ont-ils cru pouvoir admettre que 
Bramante et San Gailo durent collaborer à l'érection 
de plusieurs palais, entre autres celui de San Biagio 
construit dans la via Giulia nouvellement ouverte. 
Nous ne pouvons nous arrêter devant ces assertions qui 
ne reposent sur aucunes données certaines. Il n'en est 
pas de même pour l'église dell' Anima. 

L'église de Santa Maria delI' Anima et l'hôpital qui 
en dépend, avaient été fondés, au commencement du 
xv" siècle, par un Flamand ou Allemand Giovanni di 
Pietro et sa femme Catarina. Cent ans après, l'édifice 
était considérablement agrandi par les soins de la colonie 
allemande habitant Rome, sous la direction d'un archi- 
tecte allemand, il est vrai, mais, ajoute Vasari, d'après 



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t32 LES SAN ÛALLO. 

les dessins fournis par Bramante. Le li avril 1500, 

l'ambassadeur impérial Mathieu Lang posa la première 
pierre de la réédificatioD de l'église nationale des Alle- 
mands; le 23 novembre 1511 l'édifice fut consacré 
bien que les travaux de l'extérieur se soient poursuivis 
encore pendant plusieurs années'. Il est certain, que 
le plan de l'église est disposé d'une façon extrêmement 
intelligente, permettant de dissimuler l'irrégularité du 
terrain par l'adjonction de petites chapelles latérales 
diminuant de profondeur à mesure qu'elles approchent 
du sanctuaire ; habileté bien digne de Bramante. Cepen- 
dant, la façade doit être attribuée à Giuliano da San 
Gallo, quoique l'influence de Bramante, avec sa sévé- 
rité, sa sobriété, son élégance simple, et sa maigreur 
peut-être, s'y fasse parfaitement sentir. Milizia n'hésite 
pas à faire honneur de cette construction à Giuliano', 
d'autres l'attribuent sans trop de raison à son frère An- 
tonio; il est très probable que les deux architectes y 
ont travaillé soit simultanément, soit consécutivement, 
le rôle principal étant réservé comme toujours à Giu- 
liano. Letarouiily partage cette manière de voir. H 
convient d'autant mieux d'adopter son opinion, qu'il 
est tout à fait dans la vérité, lorsque rapprochant 
les trois portes de l'église, construites en marbre, et 
évidemment d'une époque postérieure, du tombeau 

1. E. MOhtz, Lei art» à la cour dei pape». Alexandre VI, p. 905. 
■i. LiTARouiLLV, Édifices de Home moderne, Vol. 1", pi. 69, Texte 
p. 310. 



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ADE DP. l'église 



IMAHIA DELL I 



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SANTA MARIA DELL'AKIMA. 935 

d'Adrien VI érigé dans cette même église sur les dessins 
de Baldassare Perruzzi, il indique cet artiste comme 
l'auteur des portes ainsi que de tous les travaux exé- 
cutés après la mort d'Adrien en 1522'. 

L'œuvre de San Gallo ne laisse pas néanmoins que 
d'être fort intéressante. C'est un grand mur divisé en 
trois étages par des entablements portés sur des pilastres 
corinthiens, accouplés aux extrémités et simples dans 
la partie médiane; tous les membres d'architecture, 
pilastres, entablements, chambranles, correctement 
moulurés, sont en travertin et se détachent nettement 
sur la surface du mur construit en briques. Cette façade 
rajoutée s'adapte du reste bien singulièrement au corps 
de l'église, dont elle masque complètement toutes les 
formes. 

Le nom dedell' Anima, donné dès l'origine à l'église, 
vient de ce qu'on avait trouvé en cet endroit une an- 
cienne image de la Vierge assise entre deux figures 
dont la pose semblait indiquer deux âmes de fidèles 
en adoration. Cette image a été reproduite en bas-relief 
dans le tympan de la porte d'entrée principale. 

C'est pendant cette année 1506 que Jules II, en 
guerre avec les Vénitiens, part de Pérouse à la tête 
de son armée pour reconquérir Bologne sur les Benti- 
voglio. Craignant que le siège ne soit long et difficile, 
il se fait accompagner de Giuliano da San Gallo auquel 

1. MiLiziA. Opuscoli dioersi risguardanti le belle arli. Bologna, 
1826, p. 411. 



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«36 LES SAN CALLO. 

il destine le rôle d'ingénieur. Mais la ville ayant ouvert 
ses portes, Jules y fit une entrée triomphale. Il y 
demeura plusieurs mois toujours entouré de nombreux 
artistes : Michel-Ange s'y trouvait et put obtenir, par 
l'intermédiaire de Giulîano, grand dispensateur des 
faveurs pontificales, d'exécuter en bronze la statue 
colossale du pape. Travail considérable, mais travail 
éphémère, car, lorsque les Bentivoglio rentrèrent à 
Bologne, le peuple brisa ce chef-d'œuvre dont les 
morceaux servirent au duc Alphonse de Ferrare à 
fondre une pièce de canon qu'il appela la Giulia. Ce fut 
aussi par l'influence de San Gallo que Michel-Ange, 
après avoir reçu l'ordre d'arrêter les travaux du fameux 
mausolée du pape, obtint, on compensation, de peindre 
les voûtes de la chapelle Sixtine, avec 15000 ducats 
d'allocation pour toutes les dépenses que devait occa- 
sionner cet immense entreprise. 

ROME 

NICHE POUR LE GROUPE DU LAOCOON 
1606 

Giuliano, bien que ne dirigeant plus les travaux de 
Saint-Pierre, jouissait auprès du pape d'une situation 
prépondérante; dans bien des cas, c'était à son savoir 
et à son expérience que l'on avait recours. C'est ainsi 
que Jules II demanda à San Gallo un projet pour élever. 



itz.-vCoOJ^I'^ 



LE LAOCOON. 237 

sur te côté gauche du grand escalier qui donnait accès 
à la basilique de Saint-Pierre, un portique en forme 
d'arc de triomphe, afin de mettre les m usiciens à l'abri 
des intempéries. Ce projet n'a jamais été exécuté, mais 
le beau dessin de cette tribune a pu être conservé ; il fait 
partie de la collection de la Galerie des Offices à Flo- 
rence et se trouve classé sous le n" 283 ; nous en donnons 
une reproduction à ta fin de ta nomenclature des des- 
sins de Giuliano. 

Voici un autre exemple, encore plus intéressant 
peut-être, de la confiance que le pape témoignait à San 
Gallo. 

Auprès de Rome, dans les ruines du palais de Titus, 
voisines de l'ancien réservoir des Selte Sale, Felice de 
Fredis, travaiHanl dans sa vigne, découvrit une salle 
voûtée, pavée de mosaïques, renfermant un groupe ma- 
gnifique en marbre représentant plusieurs personnages. 
Cette nouvelle fut bientôt répandue; de tous côtés les 
visiteurs accoururent et Ton constata que cette mer- 
veilleuse statue représentait Laocoon et ses fils dévorés 
par deux serpents. On venait donc de retrouver un des 
chefs-d'œuvre de la statuaire grecque, celui dont Vir- 
gile s'était inspiré au second Hvre de l'Enéide et que 
Pline avait décrit en indiquant ta place qu'il occupait 
dans le palais impérial et en donnant les noms des trois 
sculpteurs rhodiens, Agesander, Polydore et Atheno- 
dore, auteurs de ce magnifique ouvrage. L'illustre his- 



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23H , LES SAN GALLO. 

torieo regardait te Laocoon comme le chef-d'œuvre des 
chefs-d'œuvre et prétendait qu'il surpassait tout ce qui 
avait été créé chez les Grecs tant en peinture qu'en 
sculpture. L'affluence des curieux devint telle qu'on au- 
rait pu se croire, disait-on, au temps du jubilé. 

Le pape bientôt informé de cette découverte prescri- 
vit immédiatement à Giuliano d'aller examiner la statue. 
San Gallo y vint accompagné de son fils Francesco et 
de Michel-Ange. Francesco lui-même, dans une de ses 
lettres, raconte cette visite : « Comme nous fûmes descen- 
dus où étaient les statues, mon père dit subitement: Ceci 
est le Laocoon dont parle Pline. Nous ordonnâmes de 
grandir le trou pour pouvoir l'extraire de terre, et 
après l'avoir vu, nous retournâmes pour la dessiner et 
toujours nous parlâmes de choses de l'antiquité. » Scesî 
dove erano le statue, subito mio padre disse : questo é 
Laocoonte di cui fà menzione Plinio. Si fece crescere la 
buca per poterlo tirar faori : e visto ci tornammo a 
disegnare : e sempre si razionà délie cose anlicke. 

Le groupe fut transporté quelque temps après, 
avec toutes les précautions imaginables et placé dans 
la villa du Belvédère que Bramante était en train de 
relier par des portiques au palais du Vatican. Giuliano 
n'en fut pas moins chargé de donner le dessin d'une 
niche monumentale dans laquelle le groupe devait être 
placé. Il a été conservé de ce projet une esquisse assez 
lâchée, de la main même de Giuliano, qui permet néan- 
moins de se rendre bien compte de ce que devait être 



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LE LAOGOON. 239 

ce véritable édifice'. Il devait être formé d'une sorte 
de portique dont l'arrière-corps reposait surdes pilastres 
et l'avant-corps sur des colonnes dégagées, le tout 
d'ordre dorique avec entablement à triptyques; entre 
les colonnes, l'arc de- 
mi-circulaire de la 
niche portait sur deux 
pieds droits; la con- 
que était sculptée en 
forme de grande co- 
quille. Au-dessus du 
portique s'élevait un 
attique couronné par 
un écusson sans ar- 
moiries; deux petits 
génies assis aux an- 
gles de l'attique te- 
naient les extrémités 
d'une guirlande. Abri- 
té sous la niche et fai- 

PROJET DE NICHE POUK LE LAOCOON 

sant saillie un peu en p„ Giuii.iio da san «aiio. 

avant devait s'élever 

le fameux groupe placé sur un piédestal cylindrique 
enrichi de quelques ornements difficiles a définir dans 
l'esquisse. A côté de ce dessin, sur la môme feuille, un 
tout petit croquis laisse supposer que San dallo aurait 

1. Ce dessin fait partie do la collection Alberlina ii Vienne : nous 
avons essayé de le restituer d'une façon plus intelligible. 



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240 LES SAN GALLO. 

eu la peosée de donner à Tattique plus d'importance 
et de le termiDer par un fronton. 

Il est peu probable que ce projet ait jamais été 
exécuté tel qu'il est indiqué sur le dessin de San 
Gallo ; en tout cas, les constructions entreprises par 
Clément XIV, en 1769, pour créer ce que l'on appelle 
la Cour Octogone du Belvédère ont changé toutes les 
dispositions de cette partie du Vatican. 

Peu de temps après la mise en place du Laocoon, 
Giuliano présentait au pape Jules II un artiste, son 
compatriote et son ami. Ce Florentin était un sculp- 
teur de talent nommé Jacopo Tatti, bien plus connu 
sous le nom de Sansovino qu'il avait adopté en souvenir 
de son maître Andréa de Monte Sansovino. Arrivé à 
Rome, le jeune artiste se mit à étudier les merveilleuses 
antiques réunies au Belvédère, entre autres le groupe 
du Laocoon, et, grâce à l'entremise de Giuliano, obtint 
de le modeler en bronze pour le cardinal Grimani. Cette 
belle reproduction, installée d'abord à Venise dans la 
salle du conseil des Dix, fut donnée plus tard au car- 
dinal de Lorraine et transportée en France. 

FLORENCE 

CAPO MAESTRO DE L'OPERA DU DOME 
1S07-1608 

Bramante était devenu tout-puissant à la cour pon- 
tificale : d'une nature énergique, toujours prêt aux 



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DOME DE FLORENCE. 2il 

plus vastes entreprises, son génie merveilleux, ses 
vues grandioses, son activité étonnante, étaient bien 
faits pour conquérir la confiance d'un pape qui ne 
rêvait que de grandes choses et les voulait voir immé- 
diatement exécutées. Giuiiano, déjà vieux, fatigué par 
la vie d'aventures, de voyages et de travail qu'il avait 
toujours menée, ne pouvait plus suffire à satisfaire un 
esprit aussi insatiable et à accomplir une tâche aussi 
accablante; il prit donc le parti de s'éloigner. Jules II, 
jugeant cette fois inébranlable une résolution qu'il 
avait déjà victorieusement combattue à plusieurs re- 
prises, ne voulait pas le laisser partir sans lui donner 
un témoignage de son affection et de son estime ; il 
lui accorda sa bénédiction accompagnée, dit Vasari, 
d'une bourse de satin rouge contenant cinq cents écus 
d'or. 

Soderini fut heureux de revoir son illustre con- 
citoyen et de profiter de ses conseils. On désirait, en 
effet, vivement à Florence terminer la coupole de Santa 
Maria del Fiore, laissée depuis longtemps inachevée. 
Brunelleschi avait donné à cet égard des instructions 
écrites et un dessin, mais par suite de l'incurie des 
intendants de la fabrique, le dessin avait disparu. 
L'Opéra del Duomo prit, en 1507, la résolution de 
faire droit à ce désir généralement exprimé et ordonna 
la construction d'une galerie sur une des faces du grand 
tambour; ce n'était que la huitième partie du travail, 
mais les fabriciens du Dôme, pas plus que les membres 



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243 LES SAN GALLO. 

de la Balia, ne savaient prendre de parti décisif ; tout 
se faisait par morceau et par tâtonnement. 

Néanmoins, on fit appel au talent des architectes les 
plus en crédit. Manetti avait, il est vrai, fait un 
modèle quelques années auparavant, mais, comme tou- 
jours, rien n'avait été décidé. On établit donc un con- 
cours et le modèle présenté en collaboration par le 
Cronaca, Baccio d^Agnolo et Giuliano da San Gallo 
ayant réuni tous les suffrages, il fut décidé qu'ils 
l'exécuteraient en s'inspirant de quelques détails trouvés 
bons dans celui de Manetti. L'autorisation leur en fut 
délivrée le 8 novembre 1507. Le 26 du même mois, 
Giuliano et son frère Antonio, le Cronaca et Baccio 
d'Agnolo étaient nommés Capomaestri de l'Opéra du 
Dôme avec des gages annuels de douze florins d'or, 
fiorini larghi d'oro^ chacun. 

Qu'advint-il? Les frères San Gallo ne pouvaient 
probablement pas suffire à diriger tous les travaux qui 
leur étaient confiés, car Giuliano venait d'être revêtu 
de la charge importante d'ingénieur en chef de toutes 
les fortifications de la ville, et Antonio ne le quittait 
guère. Toujours est-il que, par une délibération en 
date du H décembre 1508, les deux frères San Gallo 
sont relevés de leurs fonctions de Capomaestri du Dôme. 

Baccio d'Agnolo et PoUaiuolo (le Cronaca) restèrent 
donc seuls chargés de diriger le travail. H fut terminé 
par Baccio d'Agnolo après la mort de PoUaiuolo, et 
exposé aux regards du public le jour de la Saint Jean- 



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DOME DE FLORENCE. 2*3 

Baptiste, 24 juin 1515. Cette inauguration, loin d'être 
un triomphe pour les architectes, donna lieu à de 
sévères critiques ; Michel-Ange comparait cette galerie 
à une cage à grillons, gabbia (la griili, voulant ainsi 
blâmer son exiguïté par rapport à la masse de la cou- 
pole. Le cardinal Jules de Médicis alors tout-puissant 
à Florence fut obligé de faire arrêter les travaux ; ils 
ne furent repris que longtemps après par Baccio Ban- 
dinelli, en 1540, sous le règne du duc Cosme I"'. 

SIÈGE DE PISE 
1509 

Tantôt secourue par le roi de France, tantôt par le 
duc de Milan ou par les Vénitiens, suivant les hasards 
de la guerre et les nécessités des alliances, Pise avait 
toujours servi à maintenir les Florentins dans une sorte 
de neutralité propice aux belligérants. Abandonnée à 
la fin par tous ses alliés, réduite à ses propres forces, 
elle soutenait encore vaillamment les efforts des assié- 
geants lorsque Giuliano fut accrédité, en 1506, avec le 
litre d'ingénieur en chef, auprès des commissaires 
florentins attachés à l'armée des assiégeants. 

San Gallo reconnut tout d'abord qu'il était impos- 

i. Les documents officiels sont tirés des archives de l'Opéra del 
Duomo, Libri délie Deliberaiioni, registres X et XI. Ils ont été repro- 
dnitsparGAïK. Carleggio tnedilo d'Arlisli. 



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m LES SAN GALLO. 

sible de s'emparer d'une ville si bien fortifiée, si valeu- 
reusement défendue, à moins de réduire les habitants 
par la famine ; l'Arno étant la seule voie restée libre par 
laquelle on pût ravitailler la place, il était donc néces- 
saire de barrer le fleuve. On résolut, d'après cet avis, 
de construire en travers de la rivière un pont au moyen 
de bateaux solidement reliés les uns aux autres par des 
chaînes. Tout fut disposé à cet effet. Au printemps sui- 
vant, 1506, Giuliano et son frère Antonio vinrent 
prendre la direction des travaux. Le pont fut bientôt 
achevé, et les Pisans, après treize années de lutte, se 
virent obligés d'accepter les conditions de paix dictées 
par les Florentins. Pise retomba sous la domination de 
Florence, son ancienne rivale, le 8 juin 1509. 

Il n'était alors question, autour de Florence, que 
de guerres, de sièges, de ligues offensives ou défen- 
sives ; Soderini, voulant que toutes les villes et forte- 
resses de l'État florentin fussent capables de résister à 
une attaque, envoya Antonio à Pérouse et retint Giu- 
liano à Pise pour y construire la nouvelle citadelle, 
la Fortezza alla Piagga. En même temps notre archi- 
tecte refaisait la porte Saint-Marc et la partie voisine 
jdes remparts avec un beau motif d'ordre dorique, tra- 
vail qui ne fut terminé qu'en 1512. En 15H, il détour- 
nait le cours de l'Arno vers la porte al/e Piagge et con- 
struisait le pont délia Sphta, ainsi nommé à cause de 
son voisinage avec la charmante petite église édifiée 
par Jean de Pise en l'honneur de Notre-Dame délia 



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SIÈGE DE PISE. 



Sptna. Ce pool est le seul ouvrage de ce genre qu'il soit 
possible d'attribuer à San Gatto. 

On trouve, dans le recueil de documents inventoriés 
par Gaye sous le titre de Oi'donnances de la Commune 
de Florence^ trois lettres adressées par le gonfalonier 
Pierre Soderini à Giuliano da San Galle pendant le 
mois de septembre I î)09, c'est-à-dire très peu de temps 
après la reddition de Pise, au moment où l'ingénieur 
florentin devait être occupé à construire la nouvelle 
citadelle. La teneur en est curieuse, car elle indique 
dans quelle étroite dépendance la Seigneurie maintenait ■ 
les artistes de talent employés à son service, môme ceux 
dans lesquels elle aurait pu avoir le plus de confiance'. 

LETTRE N" 1 

Juliimo de S. Gallo nomine d. Anlonti AV septbr. 1509. 

Jo ho lecto la vra. alla Signoria del gonfoloniere délia quale ho 
preso piacere inlendendo che toi sollecilate forte cotesta opéra. 
L. Signon'a vorrebbe che voi facesie Paîtra parle del muro e lo 
tiraste su al part tli guentro atlro ion quella piu prestezza che 
si pué; ilperô fale ogni diligentia di coiidurre tucto il muro di 
verso il porto alla Spiiia a fallezza di quella allra parte. lo vi 
ho ricordare che oggi le mura délie fortezze si fanno basse, et e 
fossi larghi e profondi, e perà habbiate focchio ad non inalzare 
lanto che si habbtnopoi le mura abassare ; che sarebbe cosa brûla 
et a wi di gran vergogna. 

H J'ai lu votre lettre à la Seigneurie du Gonfalonier et j'ai eu le 
plaisir d'apprendre que vous voua occupiez avec ardeur de cet 

i. Archives communales. — [Letlert delta Signoria, fil i a 127. 
Minute di Pier Soderini.) 



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LES SAN GALLO. 



ouvrage. La Scignouric voudrait que vous fissiftz l'autre partie 
du mur et le rendiez semblable à la première le plus tôt pos- 
sible. Il faut faire toute diligence pour amener le mur qui se 
trouve placé vers le port de la Spina ii la hauteur de l'autre 
partie. Je vous rappelle qu'aujourd'hui les murs des forteresses 
se font bas et les fossés larges et profonds, et ainsi ayez l'œil 
à ne pas élever si haut que l'on soit obligé d'abaisser, ce qui 
serait une chose fâcheuse, et pour vous une grande honte. » 

Ne croirail-on pas que Soderini s'adresse à un 
novice en l'art de fortifier les places, et que ce bour- 
geois de Florence est dans l'obligation de donner des 
leçons à un ingénieur d'un mérite aussi reconnu que 
celui de San Gallo ; mais la défiance était la loi générale 
du gouvernement de la République. 

LETTRE N° 8 

Juliano da San Gallo SO septb. 1509, nomine Antonii. 

Maravigliaij che voi non kabbiale ancora messo mono a 
tirare su il mtiro di verso il porto alla Spina, et cosi anchora 
lafaccia del muro che gitarda verso il ponte alla Spina et Amo; 
perche lirando su qtieste due faccie, si vedra che voi itna voila 
tirarete su il guscio délia Citadelta, e restareie in fortesza ; et 
pero si vorebbe quanto pin presto si potessi, tirare su decte due 
aie di mtiro per trovarst in fortezza. La brigata dubita che voi 
non altiate su troppo il muro verso la porta a S. Marcho. 

« Je suis extrêmement surpris que vous n'ayez pas donné la 
main à élever le mur qui est vers le port de la Spina, et aussi 
la face du mur qui regarde le pont de la Spina et t'Arno, 
parce que, en élevant ces deux faces, on verra que vous voulez 
une fois construire le chœur de la citadelle, et vous resterez en 
force ; et après, si vous le voulez bien, vous élèverez aussi 



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SIEGE DE PISE. 



promptenient que possible ces deux dites ailes pour vous 
trouver en force. La compaguie craint que vous n'éleviez trop 
le mur vers la porte Saint-Marc, h 

Cette fois ce ne sont plus des conseils, c'est une 
réprimande que le chef de la République adresse, dans 
un style un peu barbare et avec une orthographe 
bizarre, à son subordonné. Cette lettre dénote bien 
l'inquiétude du gouvernement qui craignait de voir 
apparaître, à un instant quelconque, au milieu des 
troubles qui agitaient encore le pays, une armée impé- 
riale venant mettre le siège devant leur nouvelle 
conquête ; il fallait donc redoubler d'activité et d'efforts 
pour se trouver en mesure de résister à un assaillant 
redouté. 

LETTRE N" 3 

Juiiano da San Gal/o %6 septb. 1509, nomine Antonii. 

lo ho lecto le vre alla Signoria del Gonfaloniere, et allô 
usato ne ha preso gran piacere. Li è slato decto che voi siate 
slalo a Lucha piu giorni ad f are non so che désigna, il che H ha 
dato molesHa; par li che per niente non vi dobbiate partire. Il 
sollecilare quelle 3 aie di mure, dove sono le s(c net désigna 
mandata, piace molto a S. Signoria et parli l'habbiate inteso 
bene ; cosi bisogna mtirare la porta che mette in sul ponte alla 
Spina et falira porta da entrare, et can sollicitudine tirare su, 
perche il tempo se ne va. 

"J'ai lu votre lettre à la Seigneurie du Gonfalonieret jen'en 
ai pas retiré grand plaisir. Il y est dit que vous êtes resté à Lac- 
ques plusieurs jours à fairejenesais quel dessin, ce qui m'a paru 
fâcheux parce que sous aucun prétexte vous ne devez partir. 



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«H LES SAS GALLO. 

Donnez tous vos soins aux trois aili's de mur où sont marquées 
les if. dont le dessin envoyé plairait beaucoup à la Seigneurie, 
et en faisant ainsi vous serez plus attentif. Il faut également 
roiisiruire la porte que vous placez sur le pont de la Spina et 
l'autre porte par laquelle ou entre, et avancer avec énergie 
parce que le temps passe. » 

Ce sont de véritables reproches que te gonTalonier 
adresse à son ingénieur; la forme polie en adoucit, il 
est vrai, la gravité, mais il faut obéir et ne plus quitter 
le travail. Malgré les instances pressantes, les conseils, 
les réprimandes et les ordres, les nouvelles fortifi- 
cations étaient loin d'être terminées lorsque la mau- 
vaise saison vint interrompre les travaux; ils se pro- 
longèrent même bien au delà du temps que l'on 
aurait pu croire nécessaire à leur achèvement puisqu'ils 
ne furent terminés qu'en 1512. 

L'exécution des ordres de la Seigneurie traînait en 
longueur, tant à la citadelle qu'à la Porta San Marco, 
car les Dix de ta Balia, voyant que les constructions 
n'avançaient pas au gré de leurs désirs, envoyèrent à 
Pise Nicolo Machiavelli. Le commissaire, de retour à 
Florence, le 5 janvier lUll, rendit compte de son 
inspection et constata que la vieille forteresse n'ofTrail 
pas des défenses assez fortes ; San Gallo proposait bien 
de la renforcer, mais le projet qu'il présentait ne fut 
pas accepté comme étant lumjo e dispendioso'. 

1. Les dessins de San Gallo rel»tirs à la citadelle de Pise et au 
pont délia Spina se trouvent au reuillet 3 de l'album de la bibliotbèque 
de Sienne. 



y Google. 



SIEGE DE LA MIRANDOLE. 



Malgré les exhortations des Dix de ta Balia et 
le TÎf désir de Soderini, Giuliano avait plus d'une 
fois quitté Pise pendant ces trois années. Il est vrai 
que de graves événements s'étaient accomplis en 
Italie et que la présence de San Galle était réclamée 
ailleurs. 



SIEGE DE LA MIRANDOLE 
1611 

Bien que Giuliano eût officiellement pris sa retraite 
comme architecte de Jules II, il est bien certain qu'il 
fît pendant ces dernières années plusieurs voyages à 
Rome. Les travaux du Vatican, du Borgo et de ce fa- 
meux corridor qui conduisait du palais pontifical au 
château Saint-Ange, travaux de fortification plutôt que 
d'architecture, n'avaient pas été terminés et conti- 
nuaient, quoique souvent interrompus, à occuper un 
certain nombre d'ouvriers, aussi l'architecte qui en 
avait été chargé devait-il de temps à autre venir les 
surveiller; Giuliano da San Gallu conserva ce rôle d'in- 
specteur jusqu'à la mort de Bramante. 

Le commencement de l'année 1 5H avait été marqué, 
comme le dit Guichardin, par un « événement dont 
les siècles précédents ne fournissent aucun exemple ». 
Le pape Jules II vînt se mettre en personne à la tôte 
de son armée et prit la direction effective du siège de 



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»S0 LES SAN GALLO. 

la Mirandole, s'exposant comme un simple offîcier au 
feu des assiégés et aux intempéries d'une saison 
extrêmement rigoureuse, car, chose bien rare en Italie, 
la neige recouvrait la terre sur une grande épaisseur. 
Le pape emmena avec lui Giuliano da San Gallo, à titre 
d'ingénieur militaire, et Michel-Ange, auquel il témoi- 
gnait une sincère affection malgré un caractère entier et 
quelquefois sauvage. Celui-ci recueillait ainsi les pre- 
mières notions d'un art qu'il devait utiliser vingt ans 
plus tard en défendant Florence, sa patrie, contre l'ar- 
mée d'un autre pape. 

La résistance de la Mirandole prolongea la durée du 
siège. Enfin, Jules, impatient de mettre la main sur 
sa conquête, put entrer dans la ville en passant par la 
brèche, sans attendre que les portes obstruées aient 
été déblayées. 

Giuliano, atteint déjà de la maladie qui devait plus 
tard l'emporter, éprouva pendant celte campagne de 
grandes fatigues; aussi, au lieu d'accompagner le pape 
à Ravenne revint-il à Rome prendre un peu de 
repos. 



RETOUlt DES MÉDICIS A FLORENCE 

Des nombreux descendants de Laurent de Médicis, 
et de toute celte famille sur laquelle le Magnifique 
était en droit de compter pour assurer la grandeur 



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LE RETOUR DES MÉDICIS. 



de sa maison, un seul, )e cardinal Jean, était en état de 
prendre en main tes intérêts des Médicis; son frère 
Julien, de complexion délicate et faible d'esprit, devait 
nécessairement jouer un rôle effacé. Aussi, le cardinal, 
ayant jugé inutiles les efforts faits par ses amis pour 
reconquérir le pouvoir, était sorti d'Italie et avait été 
visiter ta France et l'Allemagne. Cette absence dura 
pendant tout le pontificat d'Alexandre VI. Dès l'intro- 
nisation de Jules II, le cardinal de Médicis revint habiter 
Rome et s'installa temporairement auprès de l'église 
Saint-Eustache dans un palais appartenant à ta famille 
Ottieri dont il fît l'acquisition en 1505. Ce palais porta 
dans la suite le nom de palais Madame'. Le cardinal 
s'était également fait aménager une résidence d'été, 
une vigne, auprès de Sainte -Agathe. Il recevait avec 
une égale courtoisie tous les citoyens de Florence, qu'ils 
fussent de son parti ou du parti contraire, mettant à 
leur service son crédit avec un zèle qui lui avait concilié 
l'estime de tous; c'est alors qu'il commença à prendre 
part aux affaires et à y jouer un rôle important. Recon- 

1. Après la mort de SavoDarole, le couvent de Saint-Marc ou de 
la Fraternité, comme on l'appelait, était tombé daas ud grand dis- 
crédit; on fut obligé de faire argent de tout et l'on commença par 
vendre les livres des Médicis. Le cardinal Jean les acheta et les trans- 
porta & Rome dans son palais en 1508. Cette collection y demeura 
jusqu'à la mort de Léon X et reçut de notables accroissements. Elle 
passa à son cousin Clément VII, qui, lors de son élévation au ponti- 
ficat, la fit revenir à Florence le IS décembre 1532, et ordonna à 
Michel-Ange de lui présenter le projet d'un magaiflque édifice oii 
elle pourrait être déposée. Elle forme la Bibliothèque Laurentienne. 



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252 LES SAN GALLO, 

naissant, après ta bataille de Ravenne, que l'influence 
française s'affaiblissait en Italie, il crut le moment 
favorable et engagea les alliés à tourner leurs armes 
contre la faction qui dominait à Forence. L'autorité du 
gonfalonier Soderini était considérablement diminuée; 
aussi, l'armée pontificale ayant réussi à surprendre la 
ville de Prato, le peuple se déclara ouvertement en 
faveur des Médicis. Le cardinal Jean put rentrer triom- 
phant dans sa ville natale, le 14septembre 1512, accom- 
pagné de son frère Julien, de Laurent son neveu et de 
son cousin Jutes de Médicis qui lui était resté constam- 
ment attaché. 

A peine l'émotion causée par un événement d'une si 
grande importance était-elle calmée, que l'on apprit à 
Florence la mort de Jules II, arrivée dans la nuit du 
20 au 21 février 1 î)13. Le cardinal de Médicis se rendit 
immédiatement à Rome, et le 11 mars de cette même 
année était élu pape sous le nom de Léon X. 

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TRAVAUX A LA BASILIQUE DE SAINT-PIERRE 
1614 

Léon X était un véritable Médicis prodiguant ses 
trésors pour embellir Rome et soutenir l'éclat de son 
règne; les arts trouvaient en sa personne, non seule- 
ment un admirateur éclairé, mais un protecteur dont 



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BASILIQUE DE SAINT-PIERRE. 



la haute situation rendait le rôle d'une Importance 
extrême. Les travaux de Saint-Pierre étaient alors en 
pleine activité; Jules II, secondé par Bramante, leur 
avait donné une impulsion considérable : les quatre 
gigantesques piliers destinés à supporter la coupole 
s'élevaient jusqu'à la hauteur de la corniche; les arcs 
étaient bandés et ornés de leurs caissons; ta chapelle 
située au fond de l'abside était presque terminée. 
Une année à peine après la mort de Jules II, son archi- 
tecte et son ami Bramante Donato Lazzari, celui qui 
avait le mieux compris et réalisé ses vastes pensées, 
mouraità son tour le 1 1 mars 1514 à l'âge de soixante- 
dix ans. On lui fît de magnifiques funérailles, son corps 
fut porté à Saint-Pierre accompagné du pape, de toute 
sa cour et de tous les artistes qui se trouvaient à 
Rome. 

Après la mort de cet homme illustre, Raphaël, l'intel- 
ligence universelle, l'homme jeune qui devait, semblait- 
il, tout élever au degré de splendeur auquel il avait 
porté la peinture, Raphaël était attaché à la construc- 
tion de Saint-Pierre avec le titre d'architecte, mais le 
pape, dans sa sagesse, avait eu soin de lui adjoindre, 
comme collaborateurs, Fra Giocondo, le célèbre archi- 
tecte véronais, alors âgé de soixante-dix-huit ans, et Giu- 
liano da San Gallo, qui, malgré ses soixante-dix ans, 
était accouru de Florence pour saluer le nouveau pontife. 
Les registres des comptes delà fabrique de Saint-Pierre 
indiquent, qu'à partir du l"*^ janvier 1514, Giuliano 



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354 LES SAN GALLO. 

touchait un traitement de 25 ducats par mois qui lui 
fut ser\i jusqu'en juillet 1515; ce qui prouverait que 
la nomination de San Gallo avait précédé la mort de 
Bramante. Mais, à la date du ("janvier 1514, Bramante 
devait être bien malade, on pouvait prévoir sa Gn pro- 
chaine, et il était urgent de lui donner, sinon un succes- 
seur, au moins un remplaçant. Le l*' novembre, on 
choisissait à cet ciïet Fra Giocondo, mais deux mois 
après il fallut lui adjoindre un autre architecte, et Giu- 
liano fut nommé'. Déplus, LéonX avait donné à Giu- 
liano, dans le Borgo Vecchio, un terrain pour s'y faire 
construire une maison, voulant ainsi que l'architecte 
fût logé non loin de ses travaux. Les archives du Vati- 
can conservent une bulle de Léon X, en date du 15 sep- 
tembre 1514, par laquelle le pape donne, moto proprio 
diiecto filio sua Giuliano da San Gallo architecto, un ter- 
rain situé au borgo de Saint-Pierre'. 

L'œuvre de Giuliano à Saint-Pierre fut plutôt une 
œuvre de consolidation qu'une œuvre de création. 
Immédiatement après la mort de Bramante, on s'était 
aperçu que les quatre immenses piliers commençaient 
à s'affaisser. Dans sa hâte de satisfaire aux exigences 
du pape, l'architecte avait-il négligé quelque chose? Les 
matériaux n'avaient-ils pas subi une épreuve suffisante? 
Il fallut consolider, on creusa sous les fondations, de 
distance en distance, des puits carrés que l'on remplit 

\. EuG. MUntz, Lei AHi à la cour des Papes. 

2. Archiv. Vatican, anno 1519-1523, Tom. 8, fol. 99. 



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BASILIQUE DE SAINT-PIERRE. 



de maçonnerie faite avec soin et que l'on relia ensemble 



PLAN DE LA BASILIQUE DE 6 AINT-PIER l< E 

Projet par GluliaDO da San Callo. 

au moyen d'arcs bandés au-dessous du niveau du terre- 
plein ; ce système assura à t'édifice une solidité inébran- 



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S56 LES SAN G ALLO. 

lable'. C'est à celte lâche, aussi importante qu^ingrate, 
que M. de GeymuIIcr, dans sa belle étude sur l'œuvre de 
Bramante à Saint-Pierre, restreint la coopération de 
Oiuliano. 

Au reste, de grands retards furent apportés à cette 
époque dans la marche des travaux. Le plan général, 
imaginé par Bramante et adopté par Jules II, repro- 
duisait la forme de la croix grecque, et nous avons vu 
quel était l'engouement de tous pour ce genre de dis- 
position. Le nouveau pontife remit en question la dé- 
termination prise par son prédécesseur : « Le pape nous 
fait appeler chaque jour et s'entretient quelque temps 
avec nous de celle construction », écrit Raphaël dans 
une lettre adressée à son oncle Simone di Ciorla. Enfin, 
sous l'empire de quelques scrupules d'orthodoxie, on 
substitua un nouveau plan en forme de croix latine à 
l'ancien plan en forme de croix grecque; de là, de nou- 
veaux projets, de nouvelles lenteurs, après lesquelles 
Raphaël reçut, à la date du \" août lalîi, son brevet 
d'architecte en chef de la basilique*. 

Nous donnons ici la réduction d'un des plans ou projets 

f , Vasahi, Vie de Fra Giocondo. 

2. Il s'est conservé trois plans, ou pour mieux dire, trois projets 
autographes faits par Giuliano pour la basilique de Saint-Pierre; les 
doux premiers sont aux Offices à Florence, le troisitino fait partie 
du grand album de la bibliothèque Barberini. Dans tous les trois, 
la forme de la croix laline est nettement accusée, ils ont donc été 
présentés entre 1514 et 1515 à la commission chargée de déterminer 
la forme définitive que devait avoir le monument. 



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BASILIQUE DE SAINT-PIERRE. 



présentés à cette époque par Giuliano de San Gallo pour 
la reconstruction totale de la basilique de Saint-Pierre. 
Ce dessin fait partie de Talbum conservé à la biblio- 
thèque Barberini ; il a été reproduit en fac-similé dans 
l'ouvrage : La Basilique de Saint-Pierre de Rome, par 
le baron Henri de Geymuller. 

La coopération de Giuliano fut donc assez éphémère; 
il remplit auprès de Raphaël le rôle d'un vieux prati- 
cien expérimenté, d'un architecte conseil, et, si le nom 
de San Gallo doit être adjoint à ceux de Bramante, de 
Raphaël et de Michel-Ange comme ayant contribué 
pour une part importante à la création de la basilique 
de Saint-Pierre, ce nom désigne, comme nous le verrons 
plus tard, un Antonio, neveu de Giuliano, qui avait tenu 
à honneur de joindre à son nom de Coroliani celui de 
San Gallo que ses oncles avaient illustré. 



FLORENCE 

PROJETS DE FAÇADE POUR L'ÉGLISE SAINT-LAUHENT 
1616 

Giuliano, revenu à Florence, vieux, malade, fatigué, 
ne put cependant résister au plaisir de faire encore 
œuvre d'artiste dans une circonstance très exception- 
nelle, il est vrai, bien propre à faire apparaître le sen- 
timent d'affection et de reconnaissance qui, pendant 



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358 LES SAN GALLO. 

toute sa vie, l'avait attaché à la famille et à la fortune 
des Médicis. 

Entré triomphalement à Florence, le 30 novem- 
bre loi 5, Léon X s'entoura immédiatement de tous les 
artistes et leur demanda des œuvres importantes : les 
uns étaient chargés d'augmenter, de compléter et d'em- 
bellir cette villa de Cajano que son père avait presque 
entièrement construite, mais qui, depuis, avait été aban- 
donnée; aux autres, il destinait une tâche encore plus 
importante, car il s'agissait de compléter la basilique 
de Saint-Laurent par la construction d'une façade mo- 
numentale. 

La basilique de Saint-Laurent avait une origine fort 
ancienne : fondée en 390 et consacrée en 393 par saint 
Ambroise, rebâtie et agrandie en 1059, elle fut pres- 
que entièrement détruite par un incendie en 1423. Jean 
de Bicci, gonfalonier de la république, le principal 
auteur de la fortune de la famille des Médicis dont il 
était le chef, s'engagea, sur la demande du prieur du 
monastère, à réparer l'église, à y ajouter une sacristie, 
une chapelle et à construire un dortoir pour les moines ; 
Brunelleschi fut chargé de tout le travail. Jean de Mé- 
dicis mourait en H26, laissant l'entreprise à peine com- 
mencée. Cosme, son fils, se mit en devoir de la con- 
tinuer, mais, dans son désir de plaire aux Florentins, 
et poussé par Brunelleschi, il se laissa persuader de 
reconstruire entièrement l'église sur de nouveaux plans 
beaucoup plus vastes. Brunelleschi était alors dans 



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ÉGLISE DE SAINT-LAURENT. 



toute sa gloire; architecte du dôme de Santa Maria del 
Fiore, dont il élevait la coupole, il vivait en commerce 
d'intime amitié avec Cosme de Médicis; aussi, sous son 
active et Iiabile direction, les travaux avancèrent rapi- 
dement; bientôt on vit se dresser les belles colonnes 
corinthiennes surmontées des arcades qui supportent 
les murs de la basilique, souvenir bien pur de l'anti- 
quité romaine. Brunelleschi mourait en 1444, laissant 
son œuvre inachevée, et peu de temps après, Cosme, le 
Père de la Patrie, le suivait dans la tombe. Michelozzo 
Michelozzi succéda à Brunelleschi comme architecte 
de Saint- Laurent, mais la parcimonie de Pierre de Mé- 
dicis ralentit l'essor donné à ces travaux, Michelozzi ne 
put terminer l'édifice; il lui manquait une façade. Ni le 
Magnifique Laurent, ni Soderini, ni à plus forte raison 
Savonarole, ne voulurent faire la dépense nécessaire 
à l'achèvement de cette construction. 

L'église de Saint-Laurent n'en est pas moins le vrai 
temple de la famille de Médicis : Donatello, le compagnon, 
l'ami et le protégé de Cosme s'était chargé d'élever à 
Jean de Médicis et à sa femme Piccarda d'Averardi, 
morte en 1433, un tombeau placé sous le Dado (grande 
table de milieu en marbre] de l'ancienne sacristie 
construite par Brunelleschi, depuis, tous les membres 
de la famille ont tenu à honneur de venir reposer auprès 
du fondateur de la basilique. C'est ainsi que les fils de 
Cosme, Pierre, qui lui succéda, et Jean, mort en bas 
âge, sont inhumés dans le merveilleux sarcophage de 



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SM LES SAN GALLO. 

porphyre orné de bronze, qu'Ândrea Verroechio leur 
éleva à la demande de Laurent le Maniaque dans cette 
môme sacristie; c'est ainsi que Laurent lui-môme et 
son Trère Julien furent déposés provisoirement auprès 
de l'autel de cetie sacristie, en attendant qu'un monu_ 
ment quelconque pût être élevé à leur mémoire, hon- 
neur qui du reste ne leur fut jamais accordé. 

Léon X, premier pape de la famille des Médicis, 
voulant, pendant son séjour à Florence, faire compléter 
l'église fondée par ses ancêtres, ouvrit un concours 
pour la construction de la façade. Tous les architectes 
célèbres de l'époque furent appelés à y prendre part, 
entre autres Baccio d'Âgnolo, Giuliano et Antonio da 
San Gallo, Andréa et Giovanni Sansovino, Raphaël 
d'Urbin et Michel-Ange. Le modèle fourni par Michel- 
Ange obtint la préférence, et son auteur vint à Carrare 
pour faire exploiter les carrières et en tirer les mar- 
bres destinés à cette façade. L'extraction des blocs de 
celle de Serravezza, désignée par le pape lui-même 
mais située dans un endroit peu accessible, exigea un 
temps considérable, qui, ajouté aux retards provenant 
du mauvais état des routes et de la difficulté du ter- 
rain furent tels, que les sommes dont on aurait pu dis- 
poser pour la construction de la façade de Saint-Lau- 
rent avaient été dépensées pour soutenir la guerre. 
Après la mort de Léon X, il ne fut plus question de 
reprendre ce fameux projet. 

Si la maladie avait diminué l'énergie de Giuliano, 



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ÉGLISE DE SAINT-LAURENT. 



sa main pouvait encore dessiner, son esprit était encore 
capable de concevoir de belles choses; tout afiaibli 
qu'il était alors, il voulut prendre part au concours. 
L^abondance et la variété de son imagination lui sug- 
gérèrent un nombre étonnant de projets différents. 
Presque tous ces dessins, conservés dans la collection 
de la Galerie des Offices, ont été reproduits et publiés 
par M. Henri de Geymulier dans son grand ouvrage sur 
rArchitecture toscane; quelques détails de la main 
d'Antonio le jeune peuvent encore se rapporter à la 
même façade. 

Le Circolo degli Artisti a provoqué dernièrement 
une exposition de tous les dessins ayant trait à la recon- 
struction de la façade de l'église de Saint-Laurent. Ce 
louable zèle nous montre qu'à la Gn du xix" siècle cette 
question préoccupe encore l'esprit des Florentins mo- 
dernes, dignes successeurs de leurs illustres ancêtres. 

En général, les dessins ou projets de Giuliano da 
San Gallo sont des productions architecturales un peu 
confuses où la sculpture joue un rôle presque domi- 
nant : statues dans des niches, statues sur des piédes- 
taux, sur des frontons, sur des balustrades, bas-reliefs 
un peu partout, donnant l'aspect du mouvement plutôt 
que de la richesse ; on est en droit de se demander si 
c'est bien là ce qu'il eût été convenable de faire pour 
revêtir la façade du temple grandiose et sévère con- 
struit par Brunelleschi. Quelquefois San Gallo ajoute 
même à son monument des clochers gigantesques; ces 



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26^ LES SAN GALLO. 

dessins sont des compositions décoratives plutôt que 
de réels projets. 

Après tout, Giullano ne pouvait guère se faire d'illu- 
sions. Si son grand âge et son état maladif ne lui 
avaient pas interdit l'espoir de construire jamais cette 
façade, il avait dans Michel-Ange un concurrent dont 
la faveur était telle auprès de Léon X, qu'elle ne lais- 
sait que bien peu de chances de succès aux autres 
architectes. En effet, peu après, le pape et son cou- 
sin le cardinal Jules de Médieis, soucieux de la 
gloire de leur famille, et voulant élever à ses membres 
défunts n'ayant pas encore de sépulture un mau- 
solée somptueux, s'adressent à Michel-Ange pour 
construire une grande chapelle dans laquelle devront 
être placés les monuments de Laurent le Magnifique, 
de Julien son frère, de Laurent duc d'Urbiu et de 
Julien duc de Nemours. Dès 1520, Michel-Ange envoie 
à Rome ses plans et ses projets; propose de construire 
une grande salle voûtée recouverte d'un dôme, d'une 
architecture assez semblable à la sacristie de Brunel- 
leschi, et de grouper les quatre sarcophages au centre 
de cette chapelle. Ce vaste projet, comme tout ce qui 
sortait de la puissante imagination du grand artiste, eut 
le tort d'être trop important et ne put être entièrement 
exécuté : dans la chapelle de Michel-Ange, le mausolée 
du duc d'Urbin, couronné de la fameuse statue du Pen- 
seur, et celui du duc de Nemours furent seuls achevés. 
Nous avons vu comment les corps des deux autres 



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ÉGLISE DE SAINT-LAURENT. 263 

Médîcis durent attendre longtemps avant de venir 
occuper une modeste place dans ce magnifique temple 
funéraire qui leur était cependant destiné. 

Dans une autre chapelle très voisine et beau- 
coup plus grande que la précédente, sous un amon- 
cellement inouï de richesses, reposent aujourd'hui les 
restes de Cosme I*"", premier Grand-Duc de Toscane, 
de Ferdinand I", de François I", de Cosme II et de 
Cosme III, tous également Grands-Ducs accompagnés 
de cinquante-huit membres de leur famille. Seul de 
toute cette illustre race, Pierre de Médicis, le fils aîné 
de Laurent le Magnifique, noyé dans les eaux du Gari- 
gliano ne se trouve pas à Saint-Laurent, il est enterré 
au monastère du Mont-Cassin, dans un tombeau que 
lui fit élever le pape Clément VII, trente ans après sa 
mort^ 

La majestueuse église de Saint-Laurent, véritable 
panthéon des Médicis, à laquelle ont travaillé Brunel- 
leschi, Donatello, Michelozzo, Michel-Ange et même un 
Médicis, Jean, bâtard de Cosme I", et architecte, n'a 
pas encore de façade; un grand mur de briques noir- 
cies et salies par le temps, dans lequel s'ouvrent trois 
portes, fait le fond de la place où se dresse fièrement 
la statue de Jean de Médicis, le célèbre chef des Bandes 
noires, le père du premier grand-duc de Toscane. 

1. VoirGtSTAVE Claissb, Zcji Oyiijines Bénédictines, p. 15i. Paris, 
Leroux, 1899. 



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LES DESSINS 



GIULIANO BX SAN GALLO 



Une des gloires de Giutiano, non pas la plus sé- 
rieuse à nos yeux, mais peut-être la plus appréciée de 
beaucoup d'érudits et d'historiens d'art, réside dans 
l'immense quantité de dessins qu'il a laissés et d'après 
lesquels on peut se rendre compte de l'importance con- 
sidérable de son œuvre tout entière et de la haute 
influence qu'il devait exercer. Peu d'architectes ont 
été aussi féconds dessinateurs; du moins, parmi les 
collections particulières, les galeries et les bibliothèques, 
aucun autre n'est représenté par un aussi grand 
nombre de productions graphiques, si ce n'est son 
neveu Antonio le Jeune, dont la plume et le crayon étaient 
pour ainsi dire infatigables. Dès sa jeunesse, GiuUano 
s'abandonne à sa verve, et reproduit les vieux monu- 
ments de Rome qui s'offrent à lui comme complément 
de ses premières études; tout lui est bon pour donner 
matière il un dessin; aussi, dans le nombre de ceux 



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DESSINS DE GIDLIANO. 5«5 

qu'il a laissés, s'il en est beaucoup dont la valeur est 
incontestable, il en est d'autres assez légèrement faits, 
véritables croquis d'une fidélité fort douteuse, et par- 
fois même tout à fait inexacts; quelques-uns sont des 
dessins purement décoratifs où l'imagination joue le 
plus grand rôle. Ceux de tous ces dessins auxquels 
il faut attacher le plus de prix représentent, soit en 
esquisses, soit en dessins au net, tes projets faits en vue 
de monuments constraits ou devant être construits, 
et dans ceux-là se trouve réuni tout ce que le génie de 
San Gallo pouvait lui suggérer de combinaisons nou- 
velles ou d'heureuses adaptations. 

Les dessins de Giuliano da San Gallo sont conservés 
dans trois principaux dépôts : l'un à Florence, le second 
à Rome, et le troisième à Sienne. 

GALERIE DES OFFICES A FLORENCE 

Celui de ces trois dépôts qu'il faut citer en première 
ligne, parce qu'il est le plus considérable, se trouve à 
à la Galerie des Offices de Florence, et fait partie de la 
très considérable collection de dessins des maîtres 
de toutes les époques réunie dans ce célèbre musée. 

En 1574, d'après une lettre publiée parGaye ', un des- 
cendant d'Antonio da San Gallo le Jeune, son petit-fils, 
également nommé Antonio, assembleur de pierres 

I. Gave, Carleggio incdilo di aitiati. Vol. II, p. 391. 



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S66 LES SAN GALLO. 

dures, mosaïste, et très probablement peu fortuné, 
offre au Grand-Duc François I^de Médicis une série de 
dessins de forteresses et de monuments, tant de l'État 
florentin que de Rome et autres lieu% de Toscane ou 
d'Italie, et lui envoie une note dans laquelle sont énu- 
mérés presque tous ceux déposés aujourd'hui à la 
Galerie des Offices. Gaye ne cite pas la note annexée à 
la lettre adressée au Grand-Duc François, mais le Cata- 
logue des dessins de la Galerie a été établi parles soins 
de M. Ferri, le savant conservateur de cette impor- 
tante collection; on y relève environ quatre cents nu- 
méros se rapportant à des projets, dessins ou esquisses 
faits par les différents membres de la famille San Gallo. 
Dans ce nombre, ceux de Giuliano entrent pour une 
cinquantaine. 

Sans vouloir les énumérer, et sans rappeler ceux 
que nous avons déjà indiqués, on y trouve parmi les 
principaux : n° 133, un projet de façade pour l'église de 
San Spirito à Florence, cette fameuse église dont nous 
avons raconté l'histoire, et dont la façade est encore 
revêtue d'une décoration peinte ; n" 4329, un dessin 
de la façade du palais Gondi; n" 1567, 1606, 1607, 
un plan et deux élévations pour la jolie église de la 
Madonna délie Carceri à Prato ; sous le numéro 283, 
un remarquable dessin représentant, en élévation, une 
tribune, en forme d'arc de triomphe, que le pape 
Jules II voulait faire construire sur le côté du grand 
escalier de la basilique de Saint-Pierre, Locus tîbici- 



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DESSINS DE GlULIANO. 267 

num, sorte de portique, devant servir à mettre les mu- 
siciens (joueurs de flûte) à l'abri des intempéries. 
Nous reproduisons ce dessin comme un spécimen du 
talent de San Gallo. 

Il serait fastidieux, pensons-nous, de noter à part 
tous les plans de chapelles, d'églises et de couvents, 
les reproductions de monuments antiques, les dessins 
de chapiteaux, corniches, vases, etc., mais nous devons 
mentionner tout spécialement les sept superbes dessins 
portant les n" 276, 277, 278, 279, 280, 281 et 2048, 
représentant des projets de façade pour l'église de 
Saint-Laurent à Florence. A ces sept projets il faut 
en ajouter un huitième, inédit, récemment découvert 
à la Bibliothèque Nationale de Florence et attribué, 
par M. Ferri et par le baron Podestà, conservateur de 
cette bibliothèque, deux autorités en la matière, à 
Giuliano da San Gallo ; ce n'est pas un beau dessin 
lavé comme les autres, c'est une simple esquisse', mais 
elle n'en a pas moins d'intérêt puisqu'elle nous fait con- 
naître une fois de plus de quelle abondance le génie 
inventif du vieux Giuliano était encore doué à un âge 
où, pour la plupart, la flamme artistique ne jette plus 
qu'un faible éclat. 

1. Cette esquisse, encore inconnue en 1897, n'a pu Taire partie de 
l'exposition organisée par le Circolo degli Artitti. 



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LES SAN GALLO. 



BIBLIOTHÈQUE BARBERINI A ROME 

Le second dépôt des dessins de Giuliano esc à notre 
avis le plus intéressant des trois, parce qu'il donne, en 
un seul volume, la caractéristique de son génie inventif 
et de son remarquable talent de dessinateur; aussi, 
croyons-nous devoir nous étendre un peu sur la des- 
cription analytique du célèbre « Livre de la Bibliothèque 
Barberini » à Borne. 

Il a pour litre : qvesto libro e m givmano di francesco 

GtAHBËRTI ARCHITECTO NVOVAUENTE DA SAN GALLO CHIAHATO 
CON MOLTI DESTGNl SHSVRATF ET TRATTI DALLO ANTICHO CHOMIN- 

ciATO A. D. N. S. McccCLXv. IN RO«A. Ce titre est écrit en 
belles lettres majuscules et placé sur le recto de la 
première feuille, dans un grand cartouche rectiligne. 

C'est un grand album de 46 centimètres de haut sur 
40 de large, recouvert d'une reliure ancienne en veau 
gaufré. Sur le revers de la reliure on lit, écrit de la 
main de Francesco, fils de Giuliano : Questo libro è di 
carte 75 nel quale sono designi fino alla carta 44 inclu- 
sive, e dal 45 alla 50 sono carte biancke corne ancora 
e a 69. 7S. 73. Nous avons pu vérifier que l'indication 
donnée par Francesco est encore parfaitement exacte. 

En ouvrant l'album, on s'aperçoit immédiatement 
que les premiers feuillets, au nombre de 17, n'avaient 
pas primitivement les mêmes dimensions que les sui- 
vants, et qu'il a fallu contrecoller avec soin une bande 



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DESSINS DE GIUUANO. 



de Télin sur chaque feuille, pour l'amener à la mesure 
de toutes les autres; cependant les dessins débordent 
en grande partie sur cet emmargement. Cette opération 
a donc été faite par Giuliano au moment où il s'est 
décidé à réunir ses dessins en un seul album, et à uti- 
liser d'anciennes feuilles de vélîn qu'il possédait déjà. 

Presque tous les dessins représentant des plans ou 
des élévations de monuments sont faits à la règle et au 
compas, et cotés suivant une échelle déterminée; ils 
sont en général lavés ou ombrés à. la plume. Les des- 
sins reproduisant des fragments de sculpture ou des 
ornements sont faits à la plume, ombrés ou lavés sui- 
vant les cas, mais tous semblent avoir été mis au net 
d'après des croquis ou des relevés pris sur place à une 
époque antérieure. Beaucoup d'entre eux comportent 
des inscriptions indicatives, en belles lettres majuscules, 
tracées de la main même de Giuliano, dans lesquelles 
on retrouve fréquemment l'orthographe un peu étrange 
que nous avons déjà signalée. D'autres indications ont 
été ajoutées par Francesco pour compléter celles de son 
père; elles ont dû être écrites après la confection de 
l'album, en môme temps que la note relative à la pagi- 
nation. 

Si l'on se reporte au titre dû Livre, Giuliano déclare 
que tous les dessins qui le composent sont de sa main; 
il prend la qualification d'architecte et ajoute qu'il venait 
récemment d'être nommé « San Gallo ». Il faudrait donc 
en conclure que la confection de l'album est peu posté- 



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270 LES SAN GALLO. 

rieure à l'époque où Laurent le Magnifique lui décerna 
officiellement ce nom, après la construction du couvent 
des Augustins, vers 1489 ou 1490. Cependant le titre se 
termine par les mots « commencé l'an de Notre-Sei- 
gneur 1465 »; or nous savons que, dans le cours de 
cette même année, le jeune Giamberti, venu à Rome h 
la suite du Francione son maître, était occupé à dessiner 
et à relever les nombreux monuments antiques qui s'y 
trouvaient alors; il n'est donc pas douteux que les 
mots « commencé en 1465 » doivent s'appliquer aux 
croquis et relevés faits à cette époque et reportés plus 
tard dans le Livre après avoir été mis au net. 

Il faut remarquer également que les dessins sont 
tracés aussi bien sur le verso que sur le recto de chaque 
feuille, et que, dans bien des cas, un seul dessin occupe 
le recto d'une feuille et le verso de la précédente, se 
présentant ainsi dans son entier développement lorsque 
l'album est ouvert. Ces dessins ont été faits quelquefois 
à des époques bien éloignées les unes des autres : 
ainsi le plan du palais du roi de Naples est daté de 
1488, tandis que celui qui est relatif à la transforma- 
tion de Saint-Pierre de Rome, doit avoir été composé 
en 1514 et peut-être refait en tîilb. 

Il nous reste, ces indications préliminaires étant 
données, à énumérer la suite de ces dessins très inté- 
ressants à bien des titres : parce qu'on y retrouve 
beaucoup des monuments aujourd'hui disparus, parce 
qu'on peut reconnaître l'état dans lequel ceux que nous 



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DESSINS DE GlULIANO. «71 

connaissons se trouvaient alors, et parce que, pour 
quelques-uns, Giuliano s'est livré à des tentatives de 
restitution extrêmement ingénieuses. 

Feuille n" 1. — Verso. La première feuille, la feuille du titre, 
représente sur le verso : 1" le plan d'un édi- 
fice rond situé en dehors de Rome; 2° éléva- 
tion perspective du Portique de Pompée. 

Feuille n" 2. — Recto. 1" Façade du Forum de Trajan; 2" plan 
d'un graiid portique élevé par Pompée sur 
la placeGudeaâ Rome, en arrière de la porte 
Saint-Paul. 

— Verso. Un médaillon représentant Jésus-Christ 

entouré d'anges, dessin à la plume et lavé. 
Feuille n" 3. — Recto. Ornements divers. 

— Verso. Elévation d'un grand monument an- 

tique devenu l'église des SS. Jean et Pau!. 
Feuille n- i. — Recto. QVLISEO DE SAVEGLl f ROMA; élé- 
vation du premier étage dorique ctdu second 
étage ionique. 

— Verso. Élévation des |Thermes d'Agrippa (les 

parties en briques sont teintées en rose.) 
Feuille n' 5. — Recto. Élévation de la Porte Majeure à Rome; 
autrefois PORTA NEVIA. 

— Verso, hlévation d'un édifice antique, près de 

la tour Milizia. 
Feuille n" 6. — iîec/o. l°Plancirculairede l'édifice précédent; 
2° plan d'un temple élevé par César en l'hon- 
neur de Caius Lucius, construit à Rome près 
la porte Majeure, aujourd'hui dans une 
vigne. 

Note, — Leî mots écrits en lettres majuscules sont copiés sur les légendes ma- 
nuscrites. — Les mots en italique sont la traduclioD ou reproduisent uae partie 
de ues légendes. 



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in LBS SAN GALLO. 

Feuille u" 6. — Verso. Élévation et plan du temple DI PEZ- 

VOLO (Pouzzoles) restitué. 
Feuille n" 7 — Reclo. 1* Plan de la Piscina mirabile à Baia; 

2" plan del Trulo di Baia; anciens bains. - 

— Verso. Plan et élévation du grand tombeau 

pyramidal de Lucius Munatius. 
Feuille n" 8. — Becto. Divers plans de tombeaux circulaires, 
et obélisque dit : La Guglia di Borna. 

— Verso, i" Tombeau à Albano ; 2° plan du temple 

de la Sibylle de Cumes. 
Feuille n° 9. — Becto. Entablements, chapiteaux et vases, à 
la plume et lavés. 

— Verso. Entablements lavés, mêmes études. 
Feuille u." 10. — Beclo. Mêmes études. 

— Verso. Grand nombre de chapiteaux, mêmes 

études. 
Feuille n* il. — Becto. Plusieurs chapiteaux et ornements, 
mêmes études. 

— Verso. Grand entablement lavé. 

Feuille n" 12. — Becto. Plusieurs entablements ornés et cha- 
piteaux. 

— Verso. 1° Plan d'un grand amphitiiéàtre ; 

1" élévation partielle du même édifice. 
Feuille a" 13. — Recto. Edifice circulaire avec portique en 
avant (Panthéon, Santa Maria Rotonda) à 
Rome. 

— Verso. Tour de Paula, avec ornements en terre 

cuite. 
Feuille n" 14. — Becto. Plan de l'église du Saint-Esprit à Flo- 
rence. 

— Verso. Plusieurs chapiteaux. 

Feuille n" 13, — Becto. Nombreases bases de colonnes et cha- 
piteaux. 

— Verso, l" Élévation d'un temple, aujourd'hui 



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DESSINS DE GIULIANO. 373 

Baptistère, à Bologne; 2" plan de l'église 
des Saints-Anges à Florence. 
Feuille n' 16. — Recto, l" Frises ornées; 2" tour des Àsinelli 
à Bologne; 3° plan d'un édifice circulaire. 

— Verso. Ornements et frises. 

Feuille n* 17. — Becto. i° Ornements et frises ornées; 2" porte 
de bronze. 
— Verso. Croquis à la main. 

Feuille n" 18. — Recto. Colonne Trajaae, ensemble, base, cor- 
niche de la porte. 

— Verso. Grand détail lavé de la base de la 

colonne. 
Feuille n* 19. — Recto. 1" Panneaux sculptés; 2' tropbées 
d'armes et armures. 

— Verso. 1° Arc de triomphe de Constantin; 2° 

panneau bas-relief. 
Feuille n" 20. — Recto. — 1' Môme arc, élévation latérale; 
2° détails, corniche, etc. 

— Verso. 1" Plan de l'église Saint-Sébastien en 

dehors de Rome; 2° élévation de l'arc an- 
tique de Janus Quadrifons près de l'église 
de Saint Georges au Vélabre. 
Feuille n" 21. — Recto. Plan et élévation de l'arc de triomphe 
de Trajan à Ancône. 

— Verso. Arc de triomphe de Septime-Sévère à 

Rome. 
Feuille n" 22. — fl(?c/o. 1° Elévation latérale du même arc; 
2" détails de la corniche et de l'archivolte. 

— Verso. Élévation de l'arc de Doraitien à Rome. 
Feuille n" 23. — Recto, Élévation de l'arc de triomphe de Titus 

h. Rome. 

— Verso. Arc de triomphe de Trajan à Bénévent. 
Feuille n" 24. — flec/o. 1° Élévation latérale du même arc; 

2'* détails de rcntablemcnt et du socle. 



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274 LES SAN GALLO. 

Feuille n" 21. — Verso. Arc de Triomphe de César à Orange, 

élévation. 
Feuille n" 23. — Recto. Élévation latérale du même arc. 

— Verso. Arc de Santovito à Rome. 

ïteuille n" 26. — Recto. Grand portique dorique au Forum Boa- 
rium : IX BOVARIO. P.P. S.P.Q.R. PRO- 
PAGATVM. IMP. COS. XII. 

— Verso. Aqueduc et porte Saint-Sébastien à 

Rome. 
Feuille n" 27. — Recto. 1" Élévation de la porte Saint-Laurent 
à Rome ; 2° détails de la base des colonnes 
du Panthéon. 

— Verso. Élévation du tabernacle de S. M. Ro- 

tonda (Panthéon à Rome). 
Feuille n* 28. — Recto. Vue intérieure de l'église de Sainte- 
Sophie à CoDstantinople. 

— Verso. Détails de construction ; 2° monuments 

en Grèce. 
Feuille B" 29. — Recto. Élévation de plusieurs monuments en 
Grèce . 

— Verso, i" Détails des monuments ci-dessus; 

%" plan de l'église Saint-André à Rome; 
3" plan du Sette Soldi (Septizonium). 
Feuille n" 30. — Recto. Plan partiel du Septizonium; 2" façade 
latérale du même édifice. 

— Verso. i° Plan du baptistère de Constantin; 

2° divers détails. 
Feuille n" 31. — Recto. Détails du baptistère de Constantin. 

— Verso. X" Moitié de la façade de l'église de 

Saint-André à Rome; 2' porte de bronze de 
cette même église. 
Feuille n" 32. — Recto. Plan circulaire d'un temple d'Apollon k 
Athènes [d'après le dessin que m'a donné un 
Grec à Ancône). 



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DESSINS DE GIULIANO. 275 

Feuille n" 32. — Verso. i'PXwa d'une chapelle circulaire; 2° élé- 
vation latérale d'une porte triomphale. 
Feuille n' 33. — Recto. Façade de cette même porte, 

— Verso. Plan du baptistère de Saint-Jean & Flo- 

rence. 
Feuille n" 3i. — Recto, i" Elévation d'une travée intérieure de 
ce baptistère; 2" détails d'une colonne. 

— Verso. Vue perspective du cours du Tibre avec 

les ponts et les monuments à Rome. 
Feuille n" 35. — Recto, i" Vue perspective du château Saint- 
Ange; 2° plusieurs dessins de birème, tri- 
rème, quadrirème. 

— Verso. Élévation du portique de S. AGNIOLO 

(où se vend le poisson à Rome), restitution. 
Feuille n" 36. — Recto. Grands détails d'entablements. 

— Verso. Arc de triomphe {qui était situé à l'ex- 

trémité du Ponte-Mole). 
Feuille n" 37. — Recto. Plana et élévations de deux édifices cir- 
culaires. 

— Verso, i" Plan circulaire d'un temple antique à 

Ravenne; 2" entablement dorique du Goli- 
sée, DEL CVLISEO DE SAVELLI. 
Feuille n" 38, — Recto, Elévation du temple antique circulaire 
de Ravenne, 

— Verso, i" Détails de différents monuments à 

Rome; 2" porte surmontée d'un fronton avec 
chapiteaux à volutes ioniques tombantes. 
Feuille n" 39. — Recto, i' Plan des Thermes de Constantin; 
2° plan d'un tombeau circulaire; Z" détails 
du Cotisée . 

— Verso. Grand plan du palais du roi de Naples. 
Feuille n'iO, — Recto. Plan et élévation du théâtre d'Orange. 

— Verso. Plan et élévation d'un monument an- 

tique près de Grasse. 



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276 LES SAN GALLO. 

Feuille o° i) . — Recto. Façade d'un palais à Turin. 

— Verso, i' Tombeau antique ; 2° portique 

antique. 
Feuille n" 42. — Recto. Plan, élévations et détails du temple de 
la Sibylle à Tivoli. 

— Verso. Détails, profils et fenêtre. 

Feuille n" 43. — Recto. i° Autres détails du temple de la 
Sibylle; 2° plan du temple de la Fortune à 
PINESTRINO (Paiestrina). 

— Verso. Deux plans de tombeaux près de l'église 

Saint-Sébastien en dehors de Rome. 
Feuille n" 44. — Recto. Grand plan de l'église de Saiate^opbie, 
à Constantinople. 

— Verso. Néant. 
Feuille n" 45. — Recto. Néant. 

— Verso. Néant. 
Feuille n" 46. — Recto. Néant. 

— Verso. Néant. 
Feuille n° 47. — Recto. Néant. 

— Verso. Néant. 

A partir de cette feuille la pagination du livre ne se 
suit plus, la 48""^ feuille est indiquée avec le n" 50. 
Nous adopterons la pagination manuscrite. 

Feuille n" 50. — Recto. Néant. 

— Verso. Tracé de plan à la plum^ 

La feuille suivante, qui est en réalité la cinquantième, 
porte le n" 59. 

Feuille n» 59. — Recto. Néant. 



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DESSINS DE GlULIANO. 277 

Feuille n' 59. — Verso. Coupe d'un édifice circulaire & deux 

étages. 
Feuille n" 60. — Recto. Dessins des bas-reliefs de l'arc de Titus 

à Rome. 

— Verso. Néant. 

Feuille n" 61 . — Recto. Plan d'une grande église circulaire. 

— Verso. Arc de triomphe de Fano, élévation. 
Feuille n" 62. — Recto. Dessins reproduisant les dilTérentes 

machines, vis, cahestan, vérin, engrenages, 
employées à transporter et à élever une 
pyramide. 
Feuille n" 63. — Verso. Autres machines. 

— Recto. Profils de base de colonne; entable- 

ment; machine pour élever de l'eau. 

— Verso, i" Plan au Forum Boarium; 2" vase 

antique ; 3** entablement du palais Dl MACE- 
NATA. F.ROMA. 
Feuille n" 64. — 7ifc/o. Plan de S^* LIPARATA (Reparata), 
dôme de Florence'. 

— Verso. Grand plan. Projet pour la construction 

de la basilique de Saint-Pierre'. 
Feuille n" 6S. — Recto, i" Bas-reliefs de l'arc de Septime- 
Sévère à Rome; 2° façade latérale d'un 
temple antique. 

— Verso. Plan d'au grand édifice. 

Feuille n" 66. — Recto. Elévation du temple circulaire en 
bronze, édifié à la mémoire de Garacalla 
[les quatre colonnes de bronze ont été trans- 
portées sur t autel majeur de Saint-Pierre). 

1. H. de GeymûlJer aHirme que ce plan est une copie d'un plan 
antérieur à 1366. Le plan original serait en la possession de M. de 
Geymiiller. 
2. Reproduit : Lei Projets primitifs pour Saint-Pierru, par le baron 

H. DE GBnULLËB. 



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278 LES SAN GALLO. 

Feuille n" 66. — Verso. Plan des Thermes d'ADtonin Caracaïla; 

ce plan occupe également le recto de la 

feuille suivante. 
Feuille n" 67. — Reclo. Plan des Thermes d'Antonin Caracaïla 

(suite). 

— Verso. Néant. 

Feuille n" 68. — Heclo. Plan général et coupe du Colisée. 

— Verso. !" Colisée, élévation de trois travées; 

2' entablement, fronton, frise ornée, modil- 

lonsd'un palais. 
Feuille n" 69. — Heclo. Néant. 

— Verso. Néant. 

Feuille n" 70. — Reclo. l" Plan du temple du Soleil à Rome; 
2° colonne et obélisque. 

— Verso. 1" Détails d'ornementation : masques, 

fleurons, vases, instruments, profils; 2" tom- 
beau près de la porte Saint-Sébastien à 
Rome. 
Feuille n" 71 . — Reclo. Machines pour mettre en place et sou- 
lever les colonnes; bases, chapiteaux, enta- 
blements ornés. 

— Verso. Vases, chapiteaux, bases. 
Feuille a" 72. — Recto. Néant. 

— Verso. Néant. 
Feuille n" 73. — Reclo. Néant. 

— Verso. Néant. 

Feuille n° 71. — Reclo. Plan d'un édifice circulaire. 

— Verso. Néant. 

Feuille n" 73. — Reclo. Esquisse pittoresque d'un château fort 
construit au sommet d'un rocher escarpé, 

— Verso. Néant. 
Feuille n" 76. — Meclo. Néant. 

— Verso. Néant. 



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DESSINS DE GIULIANO. 



BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE SIENNE 

Le Taccuino ou l'Âlbuin de la Bibliothèque de Sienne 
est un petit volume in-octavo renfermant 51 dessins 
sur vélin ou parchemin. M. Eug. Mûntz en a dressé 
l'inventaire dans les Mémoires de là Société des Anti- 
quaires^. La plupart de ces dessins, sont comme ceux 
de la bibliothèque Barberini, tracés à la plume ou lavés. 
Nous suivrons M. E. Mûntz dans la description sommaire 
qu'il donne des pages les plus importantes, en nous con- 
tentant d'ajouter quelques indications personnelles. 

Feuille n" 2. — Entablement antique à San Zeno de Pise. 
Feuille n' 3. — Recto. Inscription placée sur l'obélisque du 
Campo Marzio. 

— Verso. Plan de la nouvelle citadelle de Pise. 
Feuille n" B. — Le Colisée (coupe). 

Fouille n° 6. — Le Colisée (façade). 

— Verso. Vue du Coliaée. 
Feuille n" 7. — Façade de l'Antoniana. 
Feuille n» 8. — Temple àViterbe. 

— Verso. Temple à Pouzzoles. 
Feuille n" 9. — Façade du temple ci-dessus. 

— Verso. Colonne, obélisque du Vatican. 
Feuille n" 42. — Inscription à San Zeno de Pise. 
Feuille n" 13. — IN POVENZA (en Provence!. 

Feuille n" 14. — Sépulture antique près du pont Teveronc. 

— Verso. Chapiteaux. 

1. Mémoiret de la Socù'M des antiquaires, t. XLV, année 1885. 
Giuliano da San Gallo cl let monumeiUs antiques du Midi de la France, 
par J. DE Laubière et Eue. Ml'htz. L Italie et la Gaule, p. 10. 



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«80 LES SAN GALLO. 

Feuille n? 15. — Édifice circulaire en dehors de Rome. 

Feuille n" 16. — Dessins faits à Naples et à Capoue. 

Feuille n* 18. — S. Maria Rotonda (Panthéon); Saint-Laurenl 

de Milan. 
Feuille n" 22. — L'arc de Saiot-Georges; arc de Décius; arc 

d'Orange. 
Feuille n" 23. — L'arc de Conslantio. 
Feuille n" 21. — L'arc de Bénévent. 
Feuille n*" 25. — L'arc d'Aquino près de Naples. 
Feuille n' 27. — Église Saint-Jean à Pise. 
Feuille n" 28. — Forteresse d'Ostic, plan. 
Feuille n" 29, — Plan d'une Université ù Sienne'. 

— Verso. Sarcophage antique. 
Feuille n« 30. — Dôme de Pise. 

Feuille n' 31 , — San Stcfuno Rotonde à Rome. 
Feuille n" 33. — Sanla Maria del Popolo. 

— Verso. Entablement antique. 
Feuille n" 35. — Forum Boarium. 

Feuille n" 36. — Monument en dehors de Rome; chapiteau du 

château Saint-Ange. 
Feuille n" 43. — Forum Boarium. 
Feuille n* 46. ■ — Tour des Asinclli à Bologne. 

(Le reste du volume est occupé par des des- 
sins de machines, de bas-reliefs et d'orno- 
(ments. 
Feuille n° 51, — Coupole de Santa Maria di Loreto et procès- 
verbal de la pose de la dernière pierre. 



1. L'ancienne église et l'hûpilal de S. H. délia Misericordia avaient 
élé convertis au commencement du xV siècle en une Université. Ces 
bâtiments étant devenus trop restreints pour loger le grand nombre 
de professeurs et d'étudiants qui accouraient à Sienne, le cardinal 
de Sienne, François Piccolomini, depuis Pie III, demanda un plan 
général à Giuliano da San Gallo. 



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DESStNS DE GIULtANO. 



TRIBLNE ARC DE TRIOMPHE AUPRÈS DE SAINT-PIERRE 

Ilcssiué* par OiiilLano da San Gallo. 
(Voir page ÏBB-Mî.) 



Comme on le voit, beaucoup de ces dessins repro- 
duisent, à une plus petite échelle, ceux du grand Album 
de la bibliothèque Barberini. 



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PORTRAIT 



GEULIANO DA SAN GALLO 



Giuliano de Giamberti da San Gallo mourut à Flo- 
rence, dans la belle maison qu'il s'y était construite, le 
20 octobre 1B16, entouré d'une nombreuse famille, 
laissant, comme le rapporte Vasari : « Son corps à la 
terre, son nom au monde et son âme à Dieu ». A cette 
époque la famille se composait de son frère Antonio 
dans lequel il avait placé toute sa confiance, de son ûls 
Francesco déjà en réputation, de ses neveux Antonio 
le Jeune, Bastiano, Giovanni Francesco et Battisla, dit 
« le Gobbo », tous artistes, sans compter sa fille Maria 
et SCS nièces. Il laissait à ses héritiers une belle for- 
tune amassée au prix de son travail et une réputation 
considérable d'architecte habile, d'ingénieur avisé, 
d'élégant sculpteur, de constructeur expert, d'artiste 
érudit et passionné, réputation établie sur d'importants 
travaux de toute sorte, exécutés de tous côtés. Non 
pas qu'il fût, comme Alberti, Brunelleschi et Bramante, 
une de ces hautes personnalités qui éclairent une 



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PORTRAIT DE GIULIANO. 283 

époque, une de ces grandes intelligences qui creusent 
un sillon profond; Giuliano nous apparaît moins comme 
un iniliateur que comme un de ces adaptateurs féconds 
qui, s'étant imprégnés des principes posés par d'autres, 
savent se les assimiler et en tirer d'heureuses consé- 
quences. Moins purement classique que Brunelleschi, 
il sait néanmoins lui emprunter une élégante correction, 
tout en se tenant éloigné d'une sévérité trop exclusive. 

Admirateur, dès sa jeunesse, des beautés antiques, 
fervent disciple de Vitruve, comme presque tous ses 
contemporains, il n'hésite pas à concilier la rectitude 
de la forme avec l'agrément du décor, et, dans cette 
partie de Tart qui est devenue pour lui secondaire, il 
se montre toujours facile, varié, abondant, fouillant la 
pierre et le marbre avec la même souplesse, la même ai- 
sance, la même légèreté, qu'il taillait autrefois le bois. 

Son œuvre est marquée d'un caractère qui ie place 
cependant bien près du premier rang dans cette Renais- 
sance où l'on rencontre tant de génies étincelants; il est 
classique et demeure malgré cela un véritable Florentin ; 
l'esprit de son époque le domine, et, s'il construit le 
palais Gondi sur le modèle des vieilles forteresses dont 
la ville était encore remplie, il sait l'orner à l'intérieur 
d'une façon si brillante qu'il en fait une demeure 
somptueuse. Élève-t-il l'église dei Carceri en se sou- 
mettant aux lois les plus rigoureuses de l'architecture 
romaine, il trouve pour ce monument une forme et 
une décoration qui en font un sanctuaire tout moderne; 



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28i LES SA.N GALLO. 

et partout, cette conception originale de l'antiquité le 
suit et l'accompagne. 

Curieuse existence, toujours mouvementée; il court 
de Florence à Rome, s'en va à Naples, à. Milan, vient 
à Savone, voyage en France, toujours à l'œuvre, pro- 
duisant de belles et de grandes choses et se classant, 
par ses vastes entreprises militaires, au premier rang 
des ingénieurs de son temps. 

Cette carrière si remplie, s'appuyant au début sur 
l'amitié d'un homme, le plus libéral des princes et le 
plus enthousiaste des artistes, s'attachant après la mort 
de ce premier protecteur à un nouveau maître dont il 
se fait le compagnon d'exil, s'abritant à la fin de sa 
carrière sous l'égide d'un pontife qui règne sur une cour 
de philosophes, de lettrés et d'artistes, la plus éton- 
nante, la plus merveilleuse dont se soit jamais entouré 
un monarque : cette vie aventureuse, mais d'une rare 
noblesse, fait de Giuliano da San Gallo un des types les 
mieux accusés des propagateurs par le fait des grandes 
idées de la Renaissance; à d'autres le travail de la 
pensée, à lui l'action, la création, l'art en un mot, sous 
des formes multiples, mais toujours les plus hautes 
et les plus expressives. 

Un véritable hasard nous a conservé les traits de 
cet homme remarquable. A la fin de la Rîographie du 
peintre florentin Piero di Cosimo, Vasari ajoute que 
Francesco da San Gallo, le fils de Giuliano, était lié 
d'une très grande amitié avec Piero, et qu'il possédait 



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PORTRAIT DE GIULIANO. 285 

de la main de cet artiste deux portraits frappants de 
ressemblance, l'un de Gïuliano son père, et l'autre de 
son grand-père Francesco Giamberti : // quai Francesco 
ha encora di mono di Piero una beUissima testa di Cleo- 
paira con un asptde avolto al'colh, e due rilrati l'uno di 
Giuliano suo padre, Faltro di Francesco Giambei'd suo 
avolo, che paion vivi. Or nous pouvons accepter ici le 
témoignage de Vasari qui, étant le camarade et l'ami 
de Francesco, avait dû bien souvent voir ces tableaux 
et était en état de les apprécier. 

Par quelle suite d'événements les deux portraits 
dont il est question sont-ils parvenus au musée de 
la Haye où ils se trouvent aujourd'hui? Leur odyssée 
est facile à rétablir, au moins avec grande probabilité. 
Après un moment de splendeur, les descendants directs 
des premiers San Gallo étaient tombés dans un état 
fort misérable, et l'un d'eux, comme nous venons de 
le voir, vendit au grand-duc François I" de Médicis, 
en 1574, une collection considérable des dessins faits 
par ses ancêtres. Les dessins, fort intéressants à con- 
server à Florence comme un monument du mérite et 
de la gloire d'illustres concitoyens, n'avaient aucune 
valeur aux yeux des étrangers, tandis que les tableaux 
de Piero di Gosimo, mort en 1521, étaient en grande 
faveur et devaient être payés cher par quelque amateur 
allemand ou même flamand, car la Toscane, sous l'in- 
fluence directe de la conquête de Charles-Quint, avait 
d'intimes et fréquentes relations avec les Pays-Bas. 



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286 LES SAN GALLO. 

Marguerite de Parme, fille naturelle de Charles-Quint, 
plus tard gouvernante des Pays-Bas, n'était pas étran- 
gère à ce mouvement. Il n'est donc pas surprenant 
que les portraits, peut-être transportés d'abord en 
Allemagne, soient enfin parvenus où ils se trouvent 
aujourd'hui. Ce dont il faut beaucoup plus s'étonner, c'est 
qu'ils soient classés sur le catalogue du musée de la 
Haye avec la mention « portraits d'inconnus », tandis 
que Vasari en indique bien particulièrement les modèles. 
Francesco Giamberti est représenté de grandeur 
naturelle, vu à mi-corps, presque de profil, et tourné 
vers la gauche. C'est un vieillard paraissant âgé d'envi- 
ron soixante-dix ans (le portrait aurait donc été fait peu 
de temps avant sa mort, vers 1475); le visage est 
imberbe, fortement ridé, comme il convient à un arti- 
san dont la vie a été laborieuse ; la tête est coiffée d'un 
gros bonnet de laine d'où émergent des cheveux, rares 
en avant et assez abondants par derrière ; le front est 
élevé, le nez long et droit. La bouche fine, aux lèvres 
minces et entr'ouvertes et l'œil noir, plein encore d'une 
vivacité un peu agressive, feraient croire à de l'astuce 
et à un caractère irritable; le col est découvert, et le 
costume est fort simple, bien en rapport avec la con- 
dition modeste du sujet. Ce personnage se détache sur 
un fond de paysage, suivant l'habitude distinctive du 
maître; on y voit des fabriques, des chevets d'église, 
des maisons de ferme, etc. , le tout dominé par un grand 
ciel clair et lumineux. 



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PORTRAIT DE GIULIANO. 287 

Le portrait de Giultano da San Gallo devait faire le 
pendant de celui de son père; ils ont les mêmes dimen- 
sions et sont tournés en sens opposé, de façon à se faire 
vis-à-vis. Giuliano est représenté presque de trois 
quarts, de grandeur naturelle ; il paraît d'une corpulence 
assez importante ; c'est un homme dans la force de 
l'âge; les traits du visage sont accentués, énergiques, 
et quelques rides commencent à se creuser à l'angle 
de la paupière. Giuliano pouvait avoir une cinquantaine 
d'années A cette époque (ce qui donnerait de 1497 à 
1500, pour la date du portrait). Son visage est imberbe, 
les traits en sont beaux et réguliers; te regard, un peu 
tamisé par un abaissement de la paupière supérieure, 
ajoute une expression de bonté et de douceur à la force 
et à la pondération des facultés que l'on retrouve bien 
marquées dans cette physionomie. Il est coiffé d'un cha- 
peau de velours noir; la chevelure blonde est abondante 
et retombe en arrière sur les épaules en larges boucles 
ondulées. Le vêtement est somptueux : il se compose 
d'un justaucorps noir, ouvert au col pour laisser 
passer les deux bouts de la chemise brodée, et d'un 
superbe manteau de damas de velours rouge foncé, 
orné d'aiguillettes d'argent. En avant du portrait, et 
posés bien en évidence sur une table couverte d'un 
tapis, le peintre a placé le compas et la plume, instru- 
ments auxquels Giuliano devait sa gloire et sa fortune. 

De même que dans te portrait de Francesco, et du 
reste comme dans tous les portraits de Piero de Cosimo, 



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28â LES SAN GALLO. 

artiste si âprement épris des spectacles de la nature, 
le fond du tableau représente un paysage où des bâti- 
ments de ferme sont disséminés à travers un pays riant 
et accidenté, au milieu de hautes collines rappelant la 
pittoresque et fertile Toscane, Un grand ciel domine 
le tout et permet à la tête de Giuliano de se détacher 
complètement en vigueur. 




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ANTONIO DE FRANCESCO GIAMBERTI 



ANTONIO DA SAN GALLO (L'ANCIEN) 

ARCHITECTE 



1456-1534 



Aotonio, le second fils de Francesco Giamberti, 
apparaît comme une figure un peu pâle à côté de la 
personnalité si active, si féconde, un peu débordante 
même, de son frère Giuliano, elle n'en a pas moins 
un caractère propre et bien déterminé. Modeste, affec- 
tueux, effacé pendant la vie de ce dernier, Antonio 
s'affirme avec une netteté absolue aussitôt après sa 
mort; on se trouve alors en présence d'uu artiste d'une 
valeur considérable, joignant à une haute expérience, 
acquise en collaborant à de grandes entreprises, une 
sûreté de jugement, une pureté de goût, une finesse 
d'exécution, telles qu'il s'en rencontre rarement de 
semblables parmi les architectes de la Renaissance. 

Élevé, pour ainsi dire, dans la maison des Médicis, 
en intimité avec les fils de Pierre, surtout avec Julien 
dont il n'était l'aîné que de deux ans, le jeune fils de 



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«90 LES SAN GALLO. 

Francesco Giamberti participe à leurs études et acquiert 
un fonds solide d'instruction dont il devait plus tard 
tirer grand profit. La confiance que le malheureux 
Julien lui témoignait était telle qu'il devint le déposi- 
taire de ses plus intimes secrets. C'est ainsi que, peu 
de temps après le meurtre du jeune Médicis, Antonio 
vint trouver Laurent et lui déclara que son frère 
Julien avait eu un fils, issu de ses relations avec une 
dame de la famille des Gorïni ou Giorini, environ une 
année auparavant; que cet enfant avait été baptisé sous 
le nom de Jules, et que lui, Antonio, en était le parrain'. 
Laurent se rendit immédiatement dans la maison qui 
lui était indiquée, située dans la rue de Pinti en face 
de celle qu'occupait Antonio, prit l'enfant sous sa pro- 
tection et en confia la garde au confident si discret des 
amours de son frère; Antonio conserva auprès de lui, 
pendant sept années, celui qui devait être le pape Clé- 
ment Vil. Ce récit, puisé aux sources les plus sOres, 
vient donc détruire la légende qui fait de Jules de 
Médicis le fils d'une esclave mauresque; il s'écarte 
cependant un peu de l'opinion de Machiavel disant que 
la Gorini était enceinte au moment de la mort de Julien 
et que l'enfant naquit quelques mois après. 

Antonio, tout à sa mission de protecteur qu'il rem- 

1. /-« Codice Abb/it. Flw. op. Adimari in notis, reproduit par 
Roacoë : Vie de Laurent de Médicis, liiicll de Polilien tur la conjura- 
tion des Pazzi, publié à Naples, on lîtifl, d'après le mamiscril de la 
Bibliothèque Strozzi. 



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PREMIÈRES ŒUVRES. 291 

plit avec une coDscience absolue, se mêle peu, pendant 
ces sept années, au mouvement artistique qui agite alors 
Florence. Tandis que Giuliano, son frère, court le 
monde, il reste confiné dans la boutique ou l'atelier 
paternel, prenant sa part des travaux de menuiserie, de 
sculpture sur bois et d'incrustation qu'on y exécutait, 
et cette sorte de retraite dure jusqu'à ce que l'enfant 
confié à ses soins soit venu habiter le palais Médicis. 

La première notion d'une œuvre à peu près origi- 
nale d'Antonio ne se rencontre qu'après la mort' de son 
père. C'est en effet en 1482 qu'il sculpte, avec le con- 
cours de Giuliano, un crucifix en bois destiné à être 
placé dans l'église des Servîtes à Florence, au-dessus de 
l'autel de la Madone. Disons tout de suite, pour n'y 
plus revenir, que l'on connaît deux autres crucifix sculp- 
tés par Antonio : l'un avait été fait pour l'église de 
Saint-Jacques ira i fossi; il en fut enlevé en 1849, pour 
être placé dans le vestibule de la chapelle des peintres 
dans le cloître de S. Annunziata; l'autre, primitive- 
ment destiné à la confrérie del Sasso, disparut après la 
suppression de cette confrérie en 1783; on ne sait pas 
ce qu'il est devenu. 

Quelques années après, Antonio, ayant recouvré sa 
liberté d'action par suite de la cessation de la tutelle 
dont il avait été chargé, va aider son frère à reconstruire . 
les fortifications de Sarzane et, en 1488, collabore avec 
lui à la réfection du couvent de Saint-Pierre è Pérouse. 

Toujours aux ordres de Giuliano, il avait pris une 



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291 LES SAN GALLO. 

part importante à l'établissement du modèle en bois du 
palais que désirait élever le roi de Naples dans sa capi- 
tale ; nous avons vu qu'il fut sur le point de partir pour 
Naples, afin de présenter ce modèle au roi. 

Vivant dans une parfaite communauté d'idées, de 
sentiments et d'intérêts avec son frère, c'est à frais com- 
muns qu'ils achètent, en 1490, le terrain sur lequel ils 
doivent construire leur commune demeure. 

Mais le voici bientôt à Rome, appelé par Giuliano 
pour l'aider dans ses grandes entreprises; c'est ainsi 
qu'il surveille les travaux du cloître et du couvent de 
Saint-Pierre-aux-Liens, et qu'il dirige l'exécution du 
grand soffite de la basilique de Sainte-Marie-Majeure. 
Aussi, lorsqu'après la mort d'Innocent VIII, Giuliano 
quitte l'Italie à la suite du cardinal délia Bovere, Anto- 
nio reste-t-il à Rome, chargé seul du soin de tout 
continuer, d'après les indications précises qui lui ont 
été données. Les archives du Vatican conservent la 
trace de ce premier séjour d'Antonio à Rome; une note 
des registres des comptes fait mention d'un Antonius 
Florentinus murator qui était, en 1490, locataire du 
chapitre de Saint-Pierre et payait 3 ducats et 60 bolo- 
nais pro pensione domus. Alexandre VI, pendant une 
visite faite à la basilique de Sainte-Marie-Majeure, 
.le 27 février 1493, trouva donc Antonio à l'œuvre et 
put apprécier son intelligence, son mérite et sa sérieuse 
valeur; c'est alors qu'il le charge de diriger les travaux 
dij château Saint-Ange : fondare et rifondare con le diffèsi 



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CHATEAU SAINT-ANGE. 293 

a uso di castello la mole di Adriano oggi detto Caslelio 
Santo Angelo. 

A partir de cette époque, 1493, Antonio devient un 
personnage et prend rang parmi les nombreux archi- 
lecles et artistes de toute sorte réunis autour du trône 
pontifical. Seul, il dirige et commande sur un vaste 
chantier; sa réputation s'établit, et les importants tra- 
vaux dont il va être chargé se succèdent sans relâche. 
Depuis cette époque, il ajoute à son nom celui de San 
Gallo sous lequel il sera désormais désigné. 



ROME 

CHATEAC SAINT-ANGE 
1493 

L'antique mausolée élevé par l'empereur j^lius 
Adrianus dans les champs Domitia sur la rive droite du 
Tibre, et relié à la ville par un pont magnifique, ser- 
vait depuis des siècles de forteresse. De tous temps les 
papes s'y étaient retirés dans les moments critiques, 
mais cette retraite, sursaute au moyen âge, n'était plus 
en état de résister aux armes modernes; il fallait en 
renouveler les défenses. C'est à quoi Alexandre VI se 
hâta de pourvoir aussitôt qu'il eut en main la toute- 
puissance. 

Dès l'année 1492, le pape faisait travailler à la recon- 
struction des portes et des anciens remparts qui reliaient 



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294 LES SAN GALLO. 

le patais du Vatican au Môle d'Adrien. Une inscription, 
placée aujourd'hui dans la cour du quartier de la garde 
suisse, rappelle la date de ces premiers travaux; elle 
est ainsi conçue : alexander v[. pont. max. calixti. m pont. 

M.LX. >'EPOS. NATIONE HISPANVS. PATRIA VALENTINVS GENTE BORGIA, 
PORTAS ET PROPUGNACVLA A VATICANO AD HADRIANI MOLEM VETV- 
STATE CONFECTA TVTIORA lîESTITVIT A. SALVTIS MCCGCLXXXXIl. 

Ce rempart, murum ou âeambulatorium comme 
l'appelle Burchard, édifié à la hâte, s'écroula en partie 
le 2 mai 1493; mais aussitôt le pape le faisait recon- 
struire et chargeait Antonio da San Gallo de diriger le 
travail. Le mot deambu/alorhim, dont se sert le secré- 
taire pontifical, fait bien comprendre qu'il ne s'agissait 
pas d'une simple muraille, mais que derrière cette 
fortification il avait été établi un passage, un corrido- 
rum, comme le dit le même auteur, pour assurer les 
communications entre le palais et la forteresse. Ce cor- 
ridor, abrité plus tard par une toiture, était complète- 
ment découvert, discoperîum, lorsque au mois de jan- 
vier M95 le pape fut obligé d'abandonner le Vatican 
et de se réfugier au château Saint-Ange; il prenait 
naissance dans le second jardin réserve du palais. 

Suivant infessura, les grands travaux de réfection 
du château commencèrent en 1493; mais l'approche 
de l'armée de Charles VIII leur fît prendre l'année sui- 
vante une allure bien autrement active : tout à l'entour 
les maisons sont abattues, on couvre les murailles de 
créneaux, on surélève le donjon central, on élargit les 



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CHATEAU SAINT-ANGE. 29S 

fossés et, vers la fin de l'année, la forteresse était en 
étatde recevoir le pape et de lui offrirun refuge assuré. 
Sur les Livres des Comptes du Vatican, on relève, à la 
date du 7 novembre 1494, la note suivante : Flor. 100 
a Magri Antonio Florenîino muratori pro mactonaturi 
corritori depahtio Apostolico ad Castrum Sancii Angoli'. 
Le corridor devait être alors terminé. Ces constructions 
importantes faites en un si court délai ne devaient pas 
présenter des garanties suffisantes de solidité, aussi, le 
10 janvier 1499, une partie du mur crénelé s'écroulait 
à nouveau mais était immédiatement reconstruite. On 
refit également la porte CoIIina jugée trop étroite, et l'on 
agrandit la place située devant cette porte; la grande 
muraille d'Eugène VI, qui réunissait l'ancienne porte 
au château, fut en partie démolie et remplacée par un 
ouvrage crénelé. 

Tous ces travaux étaient exécutés sous la direction 
immédiate d'Antonio da San Gallo, ayant sous ses 
ordres plusieurs entrepreneurs de terrasse et de ma- 
çonnerie, mais sous la haute surveillance du cardinal 
Antonio de San Marino, commissaire du ^s^^^i ^présidente 
délia fabrica, chargé de l'ordonnancement et du paye- 
ment de toutes les dépenses. 

11 est probable qu'Alexandre VI se servit du même 
architecte pour faire abattre les deux grosses tours de 
Nicolas V, mais il est certain qu'il lui fit élever un 

1. El'g. MCntz, icj Arts à la cour des Papes. Paris, Leroux, 1898, 
p. 208. 



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S»6 LES SAN GALLO. 

nouveau bastion pour commander le pont Saint-Âuge, 
bastion détruit depuis par Urbain VIII. 

A l'intérieur de la forteresse, Alexandre fit rem- 
placer l'ancien escalier par une rampe douce aboutissant 
à Tesplanade supérieure où sont établis des citernes, les 
magasins destinés à conserver le blé, Thuile, etc., auprès 
desquels se trouvent les prisons; les travaux se suc- 
cédèrent sans interruption pendant plusieurs années. 
Le P. Guglielmotti, Storia délie Fortificazioni, auquel 
nous empruntons ces détails, dit qu'Antonio avait projeté 
une troisième enceinte devant circonscrire tout le châ- 
teau; elle aurait été renforcée de bastions semblables 
à ceux qu'il venait d'établir à Civita Castellana, et l'au- 
teur ajoute qu'il en a été conservé plusieurs dessins. 
Nous avouons ne pas les connaître. La Galerie des 
Offices possède bien quelques dessins se rapportant à 
la Torre Borgia, mais ces dessins sont attribués par 
l'érudit conservateur de la collection à Antonio da San 
Gallo le Jeune, et non pas à son oncle Antonio le Vieux. 
La mort d'Alexandre VI, en 1503, arrêta du reste tous 
ces projets. 

Pour compléter l'ensemble des grands travaux qui 
devaient relier le palais du Vatican au château Saint- 
Ange, Alexandre VI avait fait percer, à travers un quar- 
tier encombré de masures et de constructions de toute 
sorte, une large rue droite, via Recta ou Alexandrina, 
aujourd'hui Borgo Novo, partant du pont Saint-Ange, 
et aboutissant à la place de la basilique de Saint-Pierre. 



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CIVITA CASTELLANA. 297 

Cette grande entreprise d'édilité, à laquelle avaient dû 
prendre part les architectes et les entrepreneurs ordi- 
nairement employés par Alexandre, avait été commen- 
cée le 2 octobre 1492; on en fit l'inauguration le 
24 décembre 1499. 

CITADELLE DE CIVITA CASTELLANA 
1494 

Au cours de ces travaux, de graves événements 
s'étaient accomplis ; Charles VIII était entré à Rome, 
et le pape Alexandre, ayant tout à craindre d'un con- 
quérant si redoutable, l'avait accueilli en allié, se mon- 
trant favorable à ses prétentions sur le royaume de 
Naples. Peu après, tout était changé; le pape se décla- 
rait l'ennemi irréconciliable des Français, proclamant 
bien haut qu'il fallait sans trêve ni repos chasser les 
barbares du territoire de l'Italie, et cherchait à profiter 
de l'état d'effervescence extraordinaire dans lequel le 
passage de l'armée française avait jeté les villes et les 
provinces, pour créer autour du Saint-Siège un État 
puissant, capable de sauvegarder l'indépendance de 
Rome. Pour réaliser ces hardis projets, il fallait non 
seulement attaquer, mais encore se défendre; aussi, une 
des principales préoccupations d'Alexandre et du duc de 
Yalentinoissonûls, commandant général de l'armée pon- 
tificale, fut-elle de fortifier tous les points du territoire 



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j98 LES SAN GALLO. 

susceptibles de l'être; architectes et ingénieurs, soit 
isolément soit collectivement, furent employés à ces 
travaux. C'est ainsi qu'au mois d'octobre 1494, Antonio 
da San Gallo est envoyé à Civita Gastellana, accompagné 
de quatre entrepreneurs, Perino, Jacopo et Damasano, 
tous trois de Caravage, et Cola de Caprarola, pour exé- 
cuter dans le palais d'importantes restaurations de ma- 
çonnerie, de charpente et de menuiserie, et surtout 
pour mettre la forteresse en état de bonne défense sui- 
vant les règles nouvelles de l'art militaire. 

Civita Gastellana, plantée sur un promontoire domi- 
nant tout le pays environnant, protégée naturellement 
par des escarpements à pic, aux pieds desquels une 
rivière, sorte de torrent bouillonnant, s'est creusé un 
lit dans un profond ravin, occupe une situation qui 
se prêtait admirablement à faire de cette petite ville 
un des postes les plus importants des environs de 
Rome, commandant la vallée du Tibre et se dressant 
comme une dernière barrière en face de l'envahisseur 
venant du Nord. Antonio réussit pleinement à rem- 
plir ce programme, car Brantôme déclarait, dans un 
rapport fait au roi Charles VIII, que jamais il n'avait 
vu une place « tant et si bien fortifiée ». Le P. Gugliei- 
motti donne tous les détails relatifs h la reconstruction 
de cette forteresse. Pour rester dans notre rôle d'his- 
torien d'art, nous éviterons de disserter longuement 
sur ce sujet. Nous aurions du reste fort à faire si nous 
devions suivre Alexandre VI dans toutes les villes où 



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EGLISE DE SANTA-MARIA Dl MONSERRATO. 2«9 

il a fait exécuter des travaux de fortification : Vicovaro, 
Subiaco, Tivoli, Terni, Sermoneta, Sassoferrato, Piom- 
bino, Orvieto, Offida, Nepi, Narni, La Magliana, Capra- 
rola, Montefiascone, et tant d'autres, sont des témoins 
de son activité et des importants sacrifices qu'il fit pour 
hérisser les États de l'Église de forteresses nouvelles. 
Dans la collection de la Galerie des Offices de Flo- 
rence, on trouve un dessin de la main d'Antonio da 
San Gallo, inscrit sous le n" 82, donnant une reproduc- 
tion d'un cortile avec portique d'ordre dorique, sur- 
monté d'un étage de chambres; une note manuscrite 
accompagnant ce dessin le désigne : Cortile di Civita 
Castellana; sur le revers de la même feuille, l'architecte 
a tracé un croquis de la forteresse avec le profil de 
ses défenses accompagné de la notice r Profila délia 
rocca corne isia, c'est-à-dire dans l'état où elle se trou- 
vait au moment où San Gallo allait en commencer la 
transformation. 

ROME 

ÉGLISE DE SANTA-MARIA D[ HONSBRRATO 
1496 

Dans un des plus vieux quartiers de Rome, le quar- 
tier de la Regola, et sur une des anciennes voies de la 
ville des Césars, la via Recta, Antonio da San Gallo fut 
chargé par Alexandre VI de construire, pour la colonie 



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300 LES SAN GALLO. 

des Espagnols installée à Rome, un hospice et une 
église. Cette maison hospitalière devait être placée 
sous l'invocation de la Madone de Monserrato, en sou- 
venir de l'ancien sanctuaire, très vénéré en Espagne, 
élevé sur les pentes du Montserrat, près de Barcelone. 
La via Recta suivait, encore à l'époque d'Alexandre VI, 
un parcours qui, partant du pont Saint-Ange, aboutis- 
sait au pont Sixte, parcours que l'on retrouve aujour- 
d'hui sous les noms de rues de Monserrato, de Venti 
et de Capo di Ferro. Sur cette ancienne voie s'élevaient 
d'assez pauvres maisons, quelques palais et de nom- 
breux couvents. L'église et l'hôpital de Santa Maria di 
Monserrato y trouvèrent facilement place. L'hôpital a 
été transformé; mais l'église, construite en 1495 par 
Antonio da San Gallo, est encore aujourd'hui telle ou 
à peu près que l'avait conçue et exécutée rarchitecle 
d'Alexandre. 

Sous le n" 720 de la colleclion de la Galerie des 
Offices, on en retrouve un plan, ou premier projet, 
dessiné par Antonio lui-même avec, de sa main, la 
désignation : Santa Maria di Monseratto da corte Savella. 
C'est une église à une seule nef, avec circulation laté- 
rale de chaque côté; le chœur qui fait suite à la nef 
est terminé par une abside demi-circulaire. Quelques 
modifications ont été apportées à ce premier projet, 
soit par Antonio lui-même, soit postérieurement par 
son neveu Antonio da San Gallo le jeune qui travailla, 
aussi comme nous le verrons plus tard, à l'église de 



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ÉGLISE DE SANTA-MARIA DI MONSERRATO. 30i 

Santa-Maria di Monserrato; toutefois, ces moditications 
n'ont pas une importance considérable et ne changent 
pas sensiblement les dispositions générales primitive- 
ment adoptées. On remarque que les murs latéraux du 
chœur ont été abattus pour faire place à une ouver- 
ture en arcade s'élevant jusqu'à l'entablement, ouver- 
ture divisée dans sa hauteur en deux étages par une 
tribune que soutiennent deux colonnes; les passages 
latéraux supprimés ont été divisés par de petits murs, 
pour donner naissance à des chapelles voûtées en dôme 
et éclairées par des ouvertures circulaires. L'architec- 
ture intérieure n'a pas dû varier dans son principe 
général : une voûte cylindrique recouvre la nef; un 
autre berceau, d'un diamètre un peu plus petit, s'étend 
au-dessus du chœur et se termine par une voûte en 
quart de sphère correspondant à l'abside. Toutes ces 
parties voûtées retombent sur un entablement général, 
se poursuivant tout autour de l'église, supporté par de 
grands pilastres d'ordre corinthien s'élevant de fond 
depuis le sol; ordonnance bien simple, mais dont la 
sobre majesté ne laisse pas que de produire un grand 
effet. On y reconnaît la juste convenance et la pureté 
de style qui caractérisaient les œuvres de ces archi- 
tectes élevés à l'école de Vitruve. La façade de l'église 
a été refaite au xvn* siècle par Francesco da Volterra, 
en môme temps que de nouvelles modifications appor- 
tées au plan primitif ont enlevé à l'édifice un peu de 
son caractère original. 



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30Î LES SAN GALLO. 

C'est dans l'église de Santa Maria di Monserrato 
que repose, dans un coffre de bois, ce qui reste du pape 
Alexandre VI, son fondateur. Après sa mort, quelques 
Espagnols avaient voulu lui élever un mausolée; ce 
projet n'eut pas de suite. Le corps d'Alexandre fut 
réuni à celui de son oncle Calixte III et déposé dans 
l'église qu'il avait fait construire. 

FLORENCE 

PALAIS VIEUX 

POGGIO IMPERIALE 



Antonio étant venu rejoindre à Florence son frère 
Giuliano sorti des prisons de Pîse, les prieurs de la 
République se hâtèrent de mettre à profit les talents 
d'un architecte qui pouvait leur donner toute confiance. 
Dès le 17 février 1496, il fut chargé de l'établissement 
et de la disposition d'une grande salle provisoire des- 
tinée aux assemblées du Grand Conseil. Scipione Ammi- 
rato, dans le XXVI' Livre de ses Istoriefiorentine, signale 
le fait sans nommer l'architecte; mais Gaye, 1. 1", p. 586, 
reproduit un document, en date du 17 février 1496, 
approuvant le travail prout et sicut est modellum por- 
talum per Antonium da San Ghallo. Un peu plus tard, 
Antonio fut adjoint aux nombreux artistes qui travail- 
laient à la construction de la grande salle du palais 
vieux, le Salone diSavonarola, comme on l'appelait alors ; 



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PALAIS VIEUX, POGGIO IMPERIALE, 303 

sa nomination à ces fonctions porte, comme celle de 
son frère, la date du 8 mai 1497; il les conserva jus- 
qu'en 1499; Baccio d'Agoolo fut son successeur. Aure- 
lio Gotti, dans son Histoire du Palazzo Vecchio, dit que 
plus de dix artistes travaillèrent à la construction et 
àrornementation de cette salle immense, et qu'Antonio 
da San Gallo fut spécialement chargé d'élever la char- 
pente du comble et d'y suspendre le grand plafond à 
compartiments qui devait couvrir la salle. 

A cette même date du 8 mai 1497, les prieurs de la 
République prenaient à l'égard d'Antonio une autre 
importante détermination en le nommant architecte en 
chef, Capomaestro, de toutes les fortifications de Flo- 
rence et de la forteresse de Poggio Impériale : .... pre- 
fati operarii visa per experientiam, integritutc, fidelitate, 
suffisentia et optima servitute Antonii Francisci de San- 
ghallo capomagistin per prefatos operarios quondani electi 
in operam et ad operam tam nove sale quam super aliis 
muragliis et Florentiota et Podii Imperiatis spectantihus 

ad curarn prefata opéra et operarium palatii delibe- 

raverunt et deliberando elegerwit itertun et de noco ipsum 
Antonium in capudmagistrum dicte opère palatii \.. Nous 
avons cru devoir donner le texte de cette délibération, 
parce qu'elle montre en quelle estime les hauts magis- 
trats tenaient la personnalité d'Antonio ; ces nouvelles 
fonctions lui sont en effet conférées à cause de son 

1 . Gaïe, Arckivio délie Riformizioni de' Firenze; ■'itanziameini degli 
Opérai del Palazzo délia Siguoria. 



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30f LES SAN GALLO. 

iatégrité, de sa fidélité et des bons et loyaux services 
qu'il avait déjà rendus; aussi cette nouvelle mission 
comprenant la direction des travaux tant à Poggio Im- 
périale qu'à Florence lui donne-t-elle une situation 
d'une extrême importance. Giuliano, obligé, pour 
suivre le cardinal délia Rovere, d'abandonner l'œuvre 
commencée sous l'impulsion de Laurent de Médicis, 
tant à Poggibonzi qu'à Poggio Impériale, avait fait 
agréer son frère dès 1495, pour lui succéder, mais 
pendant quelques années les chantiers restèrent aban- 
donnés; il fallut prendre une nouvelle décision à 
l'égard d'Antonio, et à cette occasion ses pouvoirs 
furent largement étendus. 

Néanmoins, et malgré cette nomination officielle, 
tout resta à peu près dans le même état. La pauvre 
République florentine, ballottée entre tous les partis, 
soumise à un gouvernement vétilleux, indécis, man- 
quant d'autorité, ne savait rien résoudre, ne pouvait 
rien terminer; il fallut la frayeur extrême causée par 
les menaces de Jules II pour faire reprendre aux Floren- 
tins les travaux de défense déjà commencés. Il ressort 
d'une lettre provenant des Dix de ta Badia, en date du 
13 juin 1511, adressée à Andréa Nicolini, capitaine 
d'Arezzo, que le goofalonier perpétuel Pierre Soderini 
étant en état d'hostilité avec le pape, il y a lieu de 
H mettre en bon ordre » les fortifications de Poggio 
Impériale. A cette époque, Antonio reprit activement 
la direction des travaux; aussi, c'est bien à lui qu'il 



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CHATEAU DE NEPI. 305 

faut attribuer tous les bastions, chemins couverts, murs 
avec barbacanes, doubles portes et tous les ouvrages 
qui couronnaient le plateau de Poggio Impériale. Artiste 
autant qu'ingénieur, il avait môme surmonté les arcs 
des portes d'écussons aux insignes du peuple et de la 
commune de Florence : une croix accompagnée de la 
fleur de lis. Ces superbes fortifications, depuis long- 
temps abandonnées, servent aujourd'hui de mur d'en- 
ceinte à une ferme appartenant au marquis Ginori- 
Venturi. 

CHATEAU DE NEPI 
1499 — 1604 

Antonio demeura un certain temps à Florence, habi- 
tant avec son frère le palais qu'ils venaient de se faire 
construire, et continuellement attaché au service de la 
République. Vers le milieu de l'année 1499, il revint 
à Rome; aussitôt Alexandre VI s'empressa de le char- 
ger d'entreprises nouvelles. 

Le pape se proposait de séjourner quelque temps 
dans sa ville de Nepi en compagnie de sa fille Lucrèce ; 
or le palais n'était pas en état de recevoir de si impor- 
tants personnages ainsi que la suite nombreuse dont 
ils devaient être accompagnés. Antonio fut donc chargé 
de se rendre à Nepi et de tout disposer en prévision 
de cet événement. Il partit de Rome au mois d'octobre 
1499, accompagné de Perino de Caravagio, de Jacopo 
Damasano, et de Jacopo Scotto, entrepreneurs de tra- 



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306 LES SAN GALLO. 

vaux de maçonnerie; Cola de Caprarota était de son 
côté chargé de la charpente et de la menuiserie, car le 
vieux château était dans un tel état de délabrement 
qu'il parut nécessaire de réparer complètement les 
combles, les toitures et les planchers. 

Le château de Nepi avait été construit ou recon- 
struit sur des ruines fort anciennes par RodriguezBorgia, 
alors cardinal, nommé par son oncle Calixte IIÏ gou- 
verneur de Nepi; fonctions qu'ilconserva jusqu'à son 
élévation au siège pontifical. Le cardinal Âscanio Sforza 
lui succéda, mais ne fit que de bien rares séjours à 
Nepi. Alexandre IV ayant repris possession de Nepi, 
en 1499, en donna la souveraineté à sa fille, et c'est là 
que Lucrèce passa les quelques mois heureux de son 
court mariage avec le jeune prince Alphonse d'Aragon, 
assassiné par les ordres de César Borgia. Le 30 août 
1500, la veuve du prince Alphonse quitta Rome avec 
une escorte de quinze cents cavaliers pour se rendre à 
Nepi, atîn, dit Burchard, de se remettre des émotions 
que lui avaient causées la mort du duc de Biseglia. 

Au temps d'Alexandre VI, Nepi et son château 
devaient offrir un séjour agréable : outre le boa air que 
l'on y respirait, le palais pouvait passer pour une 
demeure somptueuse avec sa grande cour entourée de 
portiques et ses deux étages de vastes appartements. 
Que reste-t-il aujourd'hui de ce bel édiBce? Quelques 
pièces effondrées et une salle au plafond caissonné en 
bois de chêne dont les poutres, portées à leurs extré- 



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ROME. — FLORENCE. — PISE. 307 

mités sur des consoles sculptées, rappellent les travaux 
d^Antonio da San Gallo et de Cola de Caprarola. L'his- 
torien Gregorovius cite plusieurs lettres de la malheu- 
reuse Lucrèce à son fidèle intendant Vincent, resté à 
Rome; elles portent les dates du 14 septembre, des t& 
et 30 octobre'. On ignore quelle fut la durée du séjour 
de Lucrèce à Nepi, mais son père la rappela à Rome 
avant les fêtes de Noël pour lui parler de son troisième 
mariage. 

La ville de Nepi est située, comme Civita Castellana, 
sur un plateau environné d'une vallée profonde et 
d'escarpements élevés, le château en défend la partie 
ta plus accessible. Le cardinal Rodriguez avait fait 
construire les deux tours intérieures : l'une, la plus 
grosse, est ronde; la plus petite est quadrangulaire. 
Alexandre VI restaura le château ; et plus tard, ce 
même château, encore remis une fois en état, sous 
Paul III, par son ftls Pier-Luigi, fut muni de bastions. 
Aujourd'hui, une épaisse ceinture de lierre entoure 
les débris du palais et tous les murs extérieurs. 

ROME. — FLORENCE. — PISE 
1601 — 1609 

Pendant quinze ans, Antonio da San Gallo réside 
tantôt à Rome, tantôt à Florence, se transportant de l'une 

1. Ferdinando Gregosovius, Lucrèce Borgia, pièces justificatives. 



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308 LES SAN GALLO. 

à l'autre de ces deux \iUes, suivant les nécessités et les 
exigences des travaux qui lui sont confiés. Après l'avè- 
nement du cardinal délia Rovere au suprême pontificat, 
l'activité extraordinaire qui en fut la conséquence né- 
cessitait le concours de tous; la tâche d'Antonio, au 
milieu des sommités artistiques dont s'était entouré 
Jules II, devait nécessairement être modeste, car son 
frère Giuliano, auquel il était toujours attaché avec un 
dévouement absolu, réclamait son concours; aussi pen- 
dant tout ce temps, ne put-il se créer une situation bien 
prépondérante parmi les artistes fiorentins résidant à 
Rome. Il avait repris la direction des travaux qui se 
continuaient au château Saint-Ange, surveillait ceux de 
la basilique de Sainte-Marie-Majeure et ceux du cou- 
vent de Saint-Pierre-aux-Liens. 

Ces occupations diverses peu absorbantes ne l'em- 
pêchaient pas de faire de nombreux séjours en Toscane. 
Au cours d'un de ses voyages, il s'arrête à Monte- 
fiascone, petite ville située sur un escarpement aux 
environs de Viterbe, et fait, par ordre du duc de Valen- 
tioois, un relevé des fortifications et un projet de 
reconstruction de la citadelle. Ce projet ayant été 
approuvé, Antonio préside au commencement des tra- 
vaux; cela ressort clairement des mandats de payement 
de la trésorerie pontificale faits entre les mains de San 
Gallo. 

En 1.^04, il est à Florence et concourt avec Giuliano 
à la translation du gigantesque David de Michel-Ange. 



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Ses talents d'ingénieur, fort appréciés par les Dix de 
la Badia, lui valurent d'être envoyé un peu de tous 
côtés, soit pour construire de nouvelles forteresses, 
ou pour renforcer les anciennes. C'est ainsi qu'en cette 
même année 1504, il est désigné pour aller à Ârezzo 
continuer l'oeuvre commencée par son frère et, d'un 
autre côté, entreprendre la restauration de la citadelle 
de Librafatta, auprès de Pise. 

Deux lettres conservées aux archives de Florence 
font mention de ces travaux. Dans la première, Antonio 
Giacomini, commissaire au camp devant Pise, écrit aux 
Dix de la Badîa, k la date du 2 Juin 1505, qu'il va avec 
Antonio da San Gallo a prendere nota corne si dovesse 
aconciare (réparer) il casteUo di Ripafratta. Dans la 
seconde, datée du lendemain 3 juin, le même commis- 
saire dit : qu'étant revenu avec Antonio de visiter le 
château, celui-ci avait trouvé qu'il ne fallait ajouter 
aucun nouvel ouvrage à ceux qui existaient déjà, non 
adversi aggiungere altre fortificazione. 

Cet avis fut suivi, au moins temporairement, car 
peu d'années après le Conseil reprit le projet d'aug- 
menter les défenses de Librafatta. Par une lettre en 
date du U mai 1 508, les Dix prescrivirent â Antonio de 
faire un bastion, bastia, en avant de Librafatta, et un 
autre à Badia a Sansovino. Malgré cet oi'dre, Antonio 
répond le 17 mai qu'il ne lui semble pas opportun de 
faire ces travaux; cependant il ajoute « qu'après avoir 
chevauché toute la journée avec Marc Antonio le long 



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310 LES SAN GALLO. 

de l'Arao, du côté du val de Serchio, ils avaient trouvé 
le lieu élevé qui pouvait convenir à cette construction, 
ainsi qu'un emplacement favorable à l'établissement 
d'un pont ». Comme on le voit, Antonio n'avait pu 
échapper à la mission d'aller prendre part aux travaux 
de l'interminable siège de Pise. 

Est-ce par un sentiment de défiance que les fabri- 
ciens du Dôme retirent à Antonio, en 1508, les fonc- 
tions de Capomaestro, qui lui avaient été dévolues 
l'année précédente, le 8 novembre 1507, d'après les 
documents conservés aux archives de l'Opéra del Duomo 
et les procès-verbaux des délibérations? Il est difficile 
de le dire, car cette même année nous l'avons vu chargé 
par les Dix de la Badia d'une mission importante; il est 
vrai que, par mesure de prudence sans doute, on lui 
avait adjoint un commissaire de la République. 

Au reste, ce môme gouvernement, harcelé de tous 
les côtés et toujours inquiet, ne pouvait se passer des 
services d'un homme aussi expert et aussi actif qu'An- 
tonio. C'est ainsi qu'il est envoyé dans différents en- 
droits pour remettre les forteresses de la République 
en état de défense; on le voit tantôt à Borgo San 
Sepolcro, à Montelupo, tantôt à Marradi ou à la Verruca. 
Cette activité et ce zèle faisaient même l'admiration du 
gonfalonier Soderini qui écrivait en parlant d'Antonio : 
non perde un' hora de tempo^ et, dans une autre lettre 
prescrivait de : seguitare in tulto e per tuito quello ordine 
che dara Antonio da San Gallo apportatore di questa : « de 



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ROME. — FLORENCE. — PISE. 3H 

suivre en tout et partout les ordres d'Antonio porteur 
de cette lettre ». C'est un véritable blanc-seing que lui 
donne le chef del'Ëtat; en tous cas, c'est un témoignage 
d'une absolue confiance. 

Enfin, en 1509, après la prise de Pise par les Flo- 
rentins, il concourt avec son fr«re à toutes les con- 
structions nouvelles, aussi bien celles des ponts que 
celles de la forteresse. 

Telle a été l'existence d'Antonio da San Gallo pen- 
dant près de quinze ans. Ingénieur plutôt qu'architecte, 
c'est aux travaux militaires qu'il consacre ses efforts et 
son temps, toujours disposé cependant à s'intéresser 
aux questions artistiques, car il était difficile de déter- 
miner à cette époque ce qui pouvait distinguer les 
œuvres de l'architecte de celles de l'ingénieur. Ceux-ci 
savaient toujours en effet donner à certaines parties de 
leurs constructions des formes dont l'art était loin 
d'être exclu : voulaient-ils exprimer la force et la résis- 
tance, ils s'adressaient aux fortes saillies des pierres 
angulaires ou des bossages; convenait-il d'adjoindre à 
cet aspect de puissance une idée d'élégance, ils s'em- 
pressaient d'ajouter quelques sculptures ou un encadre- 
ment déporte étudié avec soin; pour satisfaire l'orgueil 
et la magnificence, ils avaient les inscriptions et les 
écussons placés en évidence sur le front des forteresses. 

Il advint toutefois, pendant cette période, une cir- 
constance où Antonio dut s'occuper seul de travaux 
artistiques. 



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312 LES SAN GALLO. 

AREZZO 

ÉGLISE DE LA SS. ANNUNZIATA 

OU DE.LLE LAGRIHE 

1506 

Après la peste de i348, une confrérie d'honorables 
citoyens, appelée : Societas disciplinarum Beaîœ Marm 
Ânnunciatœ, avait fondé à Arezzo une petite église dont 
la façade existe encore; elle est ornée de quelques 
sculptures mutilées et d'une fresque très effacée repré- 
sentant une Annonciation peinte par Spinello, un des 
premiers artistes né à Arezzo, rappelé dans sa patrie 
pour décorer plusieurs édifices. Une inscription gravée 
sur la muraille disait : anno dîsi mcccxxxxviii uese dotobre 

QVESTA CHIESA FO EDIFICATA A ONOKE DE SCA MARIA ANVNT1ATA 

CHE DELLA NE siA LAVDATA AM. Carlo Marsupiuî faisait par- 
tie de cette confrérie. Ayant été nommé, en 1444, se- 
crétaire de la République florentine, il remit en cadeau 
ou en garde, à la confrérie de l'Annonciation, une très 
belle statue de la Vierge, très précieuse aux yeux de 
la famille Marsupini qui la possédait depuis près d'un 
siècle; elle fut exposée sur l'autel à la vénération des 
fidèles. 

Le 26 février 1490, pendant un orage terrible, la 
statue sembla gémir et se plaindre, on vit qu'elle répan- 
dait des larmes abondantes. Tout le monde accourut 



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KGLISK D'AREZZO. 3)5 

pour être témoin du prodige et, à cette occasion, 
apporter des offrandes. Elles furent tellement abon- 
dantes que les sommes ainsi recueillies devinrent au 
bout de peu de temps suffisantes pour permettre de 
songer à une reconstruction ou à une transformation 
complète de l'ancienne église; on décida donc qu^elle 
serait refaite dans des proportions plus vastes et pren- 
drait dorénavant pour vocable celui de Sania Maria 
délie Lagrime, en souvenir du miracle. 

Don Bartolomeo della Gatta, moine architecte et 
supérieur du couvent de Saint-Clément, à Arezzo, 
fournit les plans nécessaires, mais il mourut presque 
aussitôt, en 1491. On sait quelles lenteurs subissaient 
à cette époque les déterminations à prendre, soit dans 
les fabriques, soit dans les commissions gouvememen- 
tales; nous avons vu, à propos de l'église de N.-D. 
délie Carceri, à quelles discussions indéfinies elles 
étaient subordonnées lorsqu'elles ne pouvaient être 
résolues par une autorité supérieure. Plusieurs années 
se passèrent ainsi à Arezzo, avant que l'on songeât à 
reprendre les travaux et à s'adresser à un nouvel 
architecte. 

Enfin, vers 1505 ou 1506, Antonio daSan Gallo, qui 
travaillait alors aux fortifications de la ville, reprit le 
plan de della Gatta; mais, tout en conservant la dispo- 
sition générale précédemment adoptée, il fit subir au 
projet qui lui était soumis d'importantes modifications. 
Ces changements, tardivement décidés, amenèrent dans 



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316 LES SAN GALLO- 

le monument un manque d'unité encore parfaitement 
apparent. 

L'église d'Arezzo peut se diviser en trois parties : 
le chœur ou sanctuaire en forme de croix grecque, 
composé d'une partie centrale avec trois chapelles 
d'inégales profondeurs occupant les trois bras de la 
croix; trois nefs venant se raccorder avec ce chœur; et 
un vestibule précédant les nefs. Le parti archilecto- 
nique se compose de deux étages de murs verticaux 
au-dessus desquels s'élèvent les voûtes en berceau de 
la grande nef et des bras de la croix, voûtes en plein 
cintre, délimitées par des arcs saillants bien accusés; 
au-dessus de la partie centrale s'élance une coupole 
supportée par un tambour. La lumière pénètre abon- 
damment par six fenêtres cintrées, percées dans le mur 
du second étage, ainsi que par les ouvertures de la 
lanterne du dôme. L'ordonnance du premier étage se 
compose de piliers reliés entre eux par des arcades 
ouvertes sur les bas-côtés; ces piliers sont renforcés 
par la retombée des arcs latéraux, et décorés sur leur 
face extérieure de hauts pilastres portant un entable- 
ment complet fort simple de moulure et dénué de toute 
ornementation. Cet entablement, séparant les deux 
étages, se prolonge régulièrement sur toutes les 
murailles en contournant chacune des parties de l'édi- 
fice; aussi, lorsqu'il franchît l'espace compris entre le 
premier pilier et le mur de face extérieur, espace 
auquel nous avons donné le nom de « vestibule de 



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EGLISE D'AREZZO. 317 

l'église », est-il supporté par quatre colonnes formant 
portique. Les espaces 
fermés, que San Gallo 
avait ménagés au- 
dessus de ces porti- 
ques, servaient de tri- 
bunes aux religieuses 
chanoinesses Latera- 
nensi qui habitaient le 
couvent voisin et pou- 
vaient ainsi assister 
aux offices à l'abri de 
tous regardsindisc rets. 
L'église de la San- 
tissima Annunziata se 
faitremarquer, comme 
celledeN.-D.de Mon- 
serrato, par une ar- 
chitecture pleine de 
convenance, de sim- 
plicité, de grandeur 

même, mais affectant ^^^ 

un caractère d'austé- 
rité voulue qui en ^''*" ^^ l'église 

, , , . DE LA 3S. AWNDNZIATA 

exclut le charme. 

C'est un monument 

froid, classique, rappelant par certains côtés les belles 

productions des Rosellino et des Brunellescbi, mais ne 



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318 LES SAN GALLO. 

donnant aucunement le sentiment d'une originalité 
particulière; Antonio s'y montre encore disciple fidèle 
de maîtres autorisés, et rien n'y fait prévoir le créateur 
enthousiaste que nous rencontrerons bientôt. Cette 
impression est d'autant plus saisissante, que tous les 
membres de cette architecture, détachés en pierre gris 
foncé, pietrasei-ena^ si fréquente en Toscane, surTenduit 
blanc des murailles, ne sont égayés par aucune déco- 
ration ; seuls les chapiteaux des pilastres et des colonnes 
dérogent à cette rigueur en apportant une note abso- 
lument fantaisiste à la sérénité de l'ensemble. Gomment 
le rigide architecte a-t-it permis à ses sculpteurs d'in- 
troduire, dans la composition de ces chapiteaux, des 
masques, des figures, des fruits, des volutes renversées 
et d'autres s'enroulant à jour autour de la corbeille 
d'oves? Nous avons le droit de nous montrer surpris, 
à moins d'admettre que ces chapiteaux aient été faits 
en son absence, ou même, ce qui est plus probable, 
après sa mort, car il est impossible de dire combien 
d'années a pu durer la construction de l'église. 

Tandis que San Gallo était occupé à ces travaux 
multiples, les Français perdaient, après la bataille de 
Ravenne, une part considérable de leur influence à 
Florence et en Toscane, et les Médicis, sachant profiter 
de ces circonstances favorables, rentraient dans leur 
ville natale. Jules II meurt, et le cardinal Jean, le fils 
du Magnifique, devient le souverain pontife Léon X, 
reliant ainsi, à Vingt-deux ans de distance, cette tra- 



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FORTERESSE DE LIVOURNE. 



dition de prépondérance incontestée sur les événe- 
ments politiques de l'Italie et de souveraineté absolue 
dans le domaine des arts qu'avaient conquis les Médicis. 
 partir du 11 mars 1513, date de la nouvelle 
exaltation, une nuée d'artistes florentins fond sur 
Rome comme sur une proie qui leur appartient; les 
deux frères San Gallo quittent leur joli palais de la 
via de Pinti, Antonio accompagnant Giuliano que le 
pape venait d'attacher à la reconstruction de la basi- 
lique de Saint-Pierre. 

LIVOURNE 

ANCIENNE FORTERESSE 
1515 

Le cardinal Jean de Médicis, en venant à Rome 
prendre part au conclave dans lequel il devait être élu, 
avait laissé à Florence son cousin Jules de Médicis. 
Après son exaltation, Jules, devenu cardinal, fut investi 
de toute la confiance du Souverain Pontife, et reçut la 
mission de veiller aux intérêts de la famille des Médi- 
cis si souvent en opposition avec la politique du gouver- 
nement. 

Jules pensa qu'il importait de se rendre maître du 
port de Livourne, principal marché public des Floren- 
tins et leur seul débouché sur la mer Adriatique. Pour 
cela, il fallait avoir à sa disposition une forteresse qui 



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320 LES SAN GALLO. 

dominât la ville et dans laquelle les troupes pontificales 
pussent facilement pénétrer. On résolut donc de con- 
struire sur l'emplacement de la vieille tour, la Vecckia 
Quadralura dei Pisani, et de l'ancien Maslio de MalUde, 
une nouvelle citadelle capable de contenir un corps de 
troupe de cinq mille hommes; elle devait être formée 
de plusieurs bastions et environnée de tous les côtés 
par la mer. Antonio, cédant aux instances de son 
ancien pupille devenu le cardinal Padrone, comme on 
disait alors à Florence, accepta de faire les plans néces- 
saires et de se charger de la direction des travaux. Peu 
de temps après, il présentait un projet qui était accepté, 
et on commençait à démolir quatre îlots de maisons 
comprenant la vieille église de Santa Maria e Julia, 
pour former l'assiette de la forteresse. 

Nous ne savons si ces travaux furent immédiate- 
ment poursuivis, car à cette époque les vicissitudes de 
la politique amenaient de brusques retours dans les 
déterminations, mais ils furent achevés, sinon par 
Antonio, du moins par quelque successeur. Le château, 
désigné aujourd'hui sous le nom de Fortezza Vecchia, 
commande encore l'entrée du port de Livourne et sert 
de caserne'. 

1, Abrégé des Annales de Livourne, par Giuseppe Vivoli. 



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ENTRÉE TRIOMPHALE DR LÉON V. 321 

FLORENCE 

ENTRÉE TRIOMPHALE DE LÉON X 
1615 

Cependant le fastueux Léon X désirait vivement se 
montrer aux Florentins dans tout l'éclat de sa nouvelle 
situation. Cette visite donna lieu au retour momentané 
de presque tous ceux qui étaient venus à Rome se 
grouper autour de lui; chacun voulut prendre part à 
la manifestation patriotique et artistique à laquelle 
l'arrivée du pape à Florence allait donner lieu, et con- 
courir à l'ornementation d'une fête d'une si grande 
importance, en lui donnant toute la splendeur imagi- 
nable. Le vendredi 30 novembre 1515, jour de la fête 
de saint André, Léon X faisait une entrée triomphale h 
Florence, accompagné d'une suite nombreuse de sei- 
gneurs et de cardinaux'. Le cortège passait à la porte 
San Pier Gattolini sous un premier arc de triomphe 
dû à la collaboration de Jacopo di Sandro et de Baccio 
da Montelupo ; puis, sous un autre dressé sur la place 
San Felice ; à la Santa Trinita, il défilait devant de nom- 
breuses statues et une copie de la colonne Trajane. La 

1. Vasari se trompe lorsqu'il indique la date du 3 septembre pour 
celle de l'entrée du pape à Florence. La date du 30 novembre est 
donnée par le Diario de Luca Landucci et par Grassls de Paridis : De 
intfrestu summi ponttficis Leonis X Floyetitiam, traduit et publié en ita- 
lien par Moreni. 



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39J LES SAN GALLO. 

famille San Gallo n'était pas restée étrangère à cette 
merveilleuse manifestation, Antonio, en véritable 
architecte, éleva un temple octogone sur la place dei 
Signori. 

D'après la description donnée par Luca Landucci, 
le temple construit par Antonio da San Gallo était la 
cinquième manifestation artistique importante que le 
pape rencontrait sur son passage, elle se trouvait placée 
h l'angle du Palais Vieux oîi l'on voit aujourd'hui le 
lion Marzocco de Donatello. L'édifice était carré, et 
chaque angle était occupé par une ouverture en forme 
d'arc de triomphe permettant d'entrer et de traverser 
diagonalement ce temple d'un aspect tout nouveau ; 
chaque ouverture était accompagnée de deux colonnes, 
élevées sur de hauts piédestaux, supportant un enta- 
blement complet. Cette construction faite de châssis 
en charpente et de toiles était peinte de manière à 
simuler le marbre'. 

C'est à roccasion de l'entrée triomphale de Léon X 
qu'Andréa del Sarto peignit en grisaille la façade de 
l'église de Santa-Maria del Fiore d'après un projet 
autrefois dessiné par Laurent le Magnifique ; cette 
façade était si bien enrichie de statues et de bas-reliefs 
par Jaeopo Sansovino, qu'elle excita l'admiration du 
pape au point de lui faire déclarer « que cet édifice 

i. Le dessin de la Galerie des OrOces portant le numéro 1603 du 
Catalogne représente l'arc de triomphe en forme de temple élevé par 
Antonio. 



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ENTREE TRIOMPHALE DE LEON X. 323 

n'aurait pas été plus beau lors même qu'il eût été en 
marbre » ; Baccîo Bandinelli, le Rosso et bien d'autres 
travaillèrent également à donner à l'entrée de Léon X 
un caractère artistique absolument remarquable'. 11 
est vrai que Vasari, auquel on doit tous les détails de 
cette fête magnifique, était Florentin, et, sous sa plume, 
aucun fait, fût-il de peu d'importance, ne doit être 
passé sous silence lorsqu'il a pour objet de rehausser 
la gloire de sa patrie ; à plus forte raison peut-il se 
montrer enthousiaste en tace d'un événement de cette 
importance. Vasari était trop bien placé pour ne pas 
être exactement renseigné, aussi, nous pouvons 
admettre la fidélité de ses souvenirs et de ses appré- 
ciations lorsqu'ils se rapportent à l'arrivée d'un Médicis, 
revêtu de la tiare pontificale, dans cette Florence où 
Laurent son père avait presque régné • . 

Quelques jours à peine après cette mémorable 
journée, Giuliano da San Gallo s'éteignait à Florence le 
20 octobre 1516, dans sa belle demeure de la via di 
Pinti, laissant à son frère Antonio, à son fils et à ses 
neveux un héritage de talent, d'honneur et de gloire. 

i. Vasabi, Vie d'Andréa del Sarlo, t. V, p. 2*. Ed. Sassoni. 

"i. Tous les détails relalifs à l'entrée de Léon X à Florence sont 
rapportés dans le Diario Fiorentino de Luca Landucci, publié par 
Jodoco del Badia. 



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3îi LES SAN GALLO. 

FLORENCE 

LOGGIA PLACE DE L'ANNLNZIATA 

1517 

La mort de Giuliano semble marquer dans la vie 
d'Antonio te moment où l'expression de ses facultés 
artistiques subit une complète transformation. Jusqu'ici, 
à Rome, au château Saint-Ange, à Civita Castellana, à 
Poggio Impériale, à Pise, partout en6n, sauf de très 
rares exceptions, c'est l'ingénieur que nous avons ren- 
contré entièrement absorbé par l'importance des travaux 
militaires. S'occupe-t-il de questions artistiques, c'est 
généralement au profit de son firère qu'il aide de son 
activité et de ses conseils; il ne fait rien par lui-même 
et paraît incapable de produire une œuvre originale ; sa 
personnalité semble toujours s'effacer ou se placer 
modestement derrière celle de Giuliano pour lequel il 
avait, du reste, une déférence bien marquée. Giuliano 
disparu, Antonio, livré à ses propres forces, donne libre 
cours à ses remarquables dispositions et prend rang 
parmi les véritables artistes. Il était encore plein d'ar- 
deur et de force, bien qu'âgé de soixante et un ans, et 
pouvait être regardé à juste titre comme le chef de cette 
famille, dont tous les membres avaient embrassé Iq 
carrière des arts. 

Un ensemble de circonstances allait permettre àÂn- 



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5 I 



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LOGGIA PLACE DE L'ANNUNZiATA. 327 

tonioda San Galto de s'affirmer comme chef d'école et 
de donner à tous ces jeunes architectes des modèles à 
suivre en même temps qu'une autorité à respecter. 

La belle place deW Annunziala, ornée au centre 
par Jean Bologne de la statue du duc Ferdinand P' 
accompagnée de deux fontaines monumentales, était 
loin, au début du xvi° siècle, de présenter un as- 
pect régulier : au fond s'élevait l'église des Frères 
Servîtes, placée sous l'invocation de la Santissima 
Annunziata, dont nous avons déjà parlé; mais cette 
église, comme beaucoup d'autres k Florence, ne possé- 
dait qu'une façade rudimentaire. Le côté droit de la 
place en regardant Féglise était au contraire occupé par 
FHépital des Innocents, monument d'une belle allure, 
dont la façade refaite, par Brunelleschi, comprenait un 
superbe portique à arcades ; sur les deux autres côtés 
s'élevaient de simples maisons d'apparence assez dis- 
parate. 

Léon X, par un sentiment de gratitude envers ses 
concitoyens, ou par un sentiment d'orgueil patriotique 
qui l'entraînait à doter sa ville natale de superbes édi- 
fices, résolut de donner à la place delt Annunziata une 
forme régulière et monumentale en faisant construire 
vis-à-vis de l'hôpital un portique pouvant rivaliser d'élé- 
gance et d'importance avec celui de Brunelleschi. An- 
tonio da San Gallo fut charçé de présenter un modèle 
et d'en surveiller l'exécution avec son confrère Baccio 
d'Agnolo. Il s'astreignit, pour donner une plus grande 



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3M LES SAN GALLO. 

symétrie à l'ensemble, à imiter de bien près le portique 
de Brunelleschi, sauf à éviter certaines incorrections 
malheureuses apportées à ce monument par Francesco 
délia Luna, son élève, qui avait été chargé en l'ab- 
sence du maître d'en surveiller la construction. 

Le portique d'Antonio se compose d'une suite de 
douze arcades retombant sur les chapiteaux de colonnes 
isolées ; aux deux extrémités, de grands pilastres 
d'angle montent jusqu'à un entablement architrave sur 
lequel s'appuie un étage percé de fenêtres à fronton 
situées dans l'axe des arcades; les bases des colonnes 
reposent directement sur le sol du portique auquel on 
monte par un escalier de neuf marches. Le style 
d*archi lecture adopté est purement classique; l'ordre 
est corinthien, agrémenté de quelques ornements flo- 
rentins; l'archivolte des arcç ne porte pas directe- 
ment sur le tailloir des chapiteaux, mais sur une sorte 
de coussinet qui en relève le centre et donne plus d'élé- 
gance à leur développement. Des médaillons ronds, 
vides de toute sculpture, occupent les tympans des 
arcades, en imitation de ceux du portique de l'hôpital 
dans lesquels Andréa délia Robbia avait placé une suite 
d'enfants emmaillotés, se détachant en blanc sur un 
fond d'émail bleu, pour indiquer ta destination du 
monument. 

Chaque arcade à 5™,35 d'ouverture ; la laideur de 
la loggia est de 5'",50; les colonnes, bases et chapi- 
teaux compris ont 5^,14, ce qui donne une hauteur 



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FOHTIUCE PLACE DE L ANM'NZIATA, k FLOKECiCE 



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LOGGIA PLACE DE L'ANNUNZIATA. 381 

de 8 mètres environ à l'ouverture de l'arcade. A l'inté- 
rieur de la loggia, les arêtes des arcs sont reçues sur 
des consoles en forme de chapiteaux, placées au long 
du mur de fond et terminées par un cul-de-lampe. 

Voici donc une œuvre purement artistique, et, si 
le programme donné à l'architecte se trouvait simplifié 
en ce qu'il devait reproduire un édifice déjà existant, 
il faut avouer qu'Antonio l'a rempli, avec sagacité, 
parce qu'il a su profiter des perfections de sou modèle 
tout en évitant les fautes commises, et avec bonheur, 
parce qu'il a imprimé à son œuvre un caractère tout 
particulièrement original. Nous devons dire, à la 
louange de San Gallo, que s'il n'eut rien, ou peu de 
chose à inventer dans la conception de son portique, 
il s'attacha avec une remarquable rigueur a repro- 
duire les proportions et les formes de la plus pure 
antiquité. Ce genre de talent, déjà fort appréciable 
en lui-même, le devient encore davantage lorsqu'on 
songe aux fantaisies que le goût de la magnificence 
commençait à introduire dans les arts, et dont Michel- 
Ange, avec sou prodigieux et prestigieux génie, était 
un des plus dangereux promoteurs. N'insistons pas 
ici sur ce mérite de notre Antonio d'avoir été habi- 
lement et sagement retardataire, nous allons le 
retrouver tout à l'heure dans une circonstance où 
son autorité classique va s'affirmer avec une bien 
autre puissance qu'au portique de ta place de l'An- 
nunziata. 



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33i LES SAN CALLO. 

L'aspect général de cette place avait considérable- 
ment gagné par celte belle adjonction qui en régula- 
risait tout un cdté; mais la pauvre façade de l'église 
n'en paraissait que plus triste et plus abandonnée. 
Elle demeura dans le même état jusqu'au règne de 
Ferdinand I*''qui, en 1601, chargea l'architecte Caccini 
d'élever un troisième portique en avant de cette façade. 
Il est à regretter que Caccini, s'inspirant de ce qu'avait 
fait Antonio da San Gallo en semblable circonstance, 
n'ait pas su imiter les modèles qu'il avait sous les 
yeux, et que, voulant peut-être faire mieux, il n'ait 
élevé qu'un monument mesquin et presque ridicule en 
présence de ceux de Brunelleschi et de San Gallo. 

MONTEPULCIANO 

LA MADONNA DI SAN BIAtilO 

1618 

Nous voici arrivés à la période la plus importante 
de la carrière artistique d'Antonio da San Gallo, période 
relativement assez courte, pendant laquelle cependant 
il a établi, d'une façon indiscutable, sa réputation de 
grand architecte, réputation basée sur des œuvres 
remarquables dont l'influence s'est fait sentir longtemps 
après sa mort, et sur des enseignements dont ses suc- 
cesseurs ont largement profité. 

La ville de Montepulciano, soumise depuis plusieurs 



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LA HADONNA Dl SAN BIAGIO. 333 

années à ta domination de$ Florentins, était passée au 
pouvoir des Siennois pendant les troubles de la fin du 
XV* siècle; mais, peu après, la République florentine 
en reprit possession, et était représentée à Montepul- 
ciano en 1511, par un podestat nommé Lorenzo di 
Nicole di Ugolino Martelli. A cette époque, Antonio da 
San Gailo se trouvait à Montepulciano, chargé par les 
prieurs de la Balia de reconstruire et de compléter les 
défenses de la ville. Il s'établit entre Antonio et le 
gouvernement de Florence une correspondance dont 
Gaye nous a conservé quelques pièces retrouvées aux 
archives. Dès le mois d'août, Antonio arrive à Monte- 
pulciano porteur d'une lettre des Dix de la Balia 
adressée à Pierre Guichardin, lui recommandant de 
bien se rendre compte avec San Gallo des travaux 
qu'il y aurait à faire, et de le renvoyer à Florence avec 
un modèle ou un projet relatif à cet objet. D'autres 
lettres, datées des 13 et 15 janvier 1512, indiquent 
que San Gallo était encore à celte date à Montepul- 
ciano et recevait les instructions du gouvernement flo- 
rentin. 

Après le retour des Médicis à Florence et l'exalta- 
tion de Léon X au souverain pontificat, il se produisit 
en Toscane un grand mouvement d'activité artistique; 
le pape en était le promoteur direct à Florence, les 
cardinaux et les riches particuliers suivaient cet exemple 
dans les villes de la province. A Montepulciano, le car- 
dinal de Sainte-Praxède, Antonio del Monte, le futur 



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Lï:S SAN GALLO. 



pape Jules III, suscita une véritable fièvre de bâtir, 
dont bénéficia Antonio. 

Au commencement du xvi* siècle, il y avait, en 
dehors de la porte de Grassi, non loin de la ville, un 
ancien édificeabandonné, presque entièrement ruiné, qui 
servait souvent aux bergers pour mettre leurs troupeaux 
à l'abri ; sous le péristyle, une fresque, comme on en 
voit encore beaucoup dans les vieilles constructions, 
représentait la Madone. Une opinion, depuis longtemps 
accréditée parmi le peuple, attribuait à cette image une 
puissance miraculeuse, et tous, en passant, s'agenouil- 
laientdevantelle.Unjour, un laboureur, conduisant des 
bœufs attelés à une cbarrue, remarqua que, malgré les 
excitations et les coups, ses animaux refusaient d'avan- 
cer; redoutant quelque maléfice, il se mit à implorer la 
Madone et crut voir les yeux de la Sainte- Vierge s'ani- 
mer et le regarder avec intelligence. Étant accouru aus- 
sitôt à la ville pour faire part de ce phénomène, un 
grand nombre de paysans et de citadins se rendirent 
auprès de l'image, et tous eurent le bonheur, disaient- 
ils, d'être témoins du miracle. Le clergé fut bientôt 
averti et l'on organisa une procession oi!t tous les habi- 
tants du pays se rendirent en grande solennité; puis, 
on éleva sous le vieux portique des autels, et, pendant 
trois jours, le service divin fut célébré. Sous l'influence 
de ce pieux enthousiasme, on prit la résolution d'édifier, 
en ce lieu même, un temple magnifique, en l'honneur 
de la Vierge; des sommes considérables, recueillies 



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LA HADONNA DI SAN BIAGIO. 33S 

en peu de temps, permirent de faire face aux premières 



Les légendes se ressemblent, se répètent et pro- 
duisent toujours le même effet. C'est ainsi que furent 
construites, à la même époque, plusieurs églises remar- 
quables, entre autres la Madonna dei Carceri à Prato, 
et, auprès de Viterbe, la belle église de Santa Maria 
délia Quercia (du chêne), ainsi nommée parce que, sur 
l'emplacement qu'elle occupe, existait, fixée à un chêne, 
une image également miraculeuse de la Sainte-Vierge. 

Antonio da San Gallo fut donc chargé de faire un 
projet et d'en poursuivre activement l'exécution. Disons 
de suite qu'il dut s'acquitter de cette tâche à la satis- 
faction générale, puisqu'il reçut en récompense un 
brevet de noblesse et le titre de citoyen de Montepul- 
ciano. Les travaux durèrent dix ans : commencés en 
i 518, ils étaient terminés en i 528, tout au moins en ce 
qui regarde l'église elle-même, et pendant tout ce temps, 
San Gallo en est resté le directeur assidu, bien qu'il ait 
cru devoir désigner Tomasso Roscoli de Settignano, 
pour le remplacer au cas où il viendrait à s'absenter. 
Dans les archives communales de Montepulciano, on 
conserve un livre de comptes relatifs aux dépenses 
faites pour la construction de l'église de la Madonna di 
San Biagio; on y trouve inscrits, aux dates des 3 octo- 
bre 1518 et lOmai 1519, des payements faits à Maestro 
Antonio architeito ciUadino fiorenlino. 

Le monument s'élève vers le milieu de la pente que 



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336 LES SAN GALLO. 

l'on gravit pour arriver à Monlepulciano par la route 
de Sienne. Isolé de toutes parts, il apparaît dans toute 
sa majesté, dominant les bois et les jardins d'alentour, 
rehaussé des tons les plus riches dont le soleil et les 
années puissent imprégner les grands blocs de traver- 
tin qui ont servi à sa construction'. 

Il ne faut pas craindre de le dire, la Madonna di 
San Biagio, le chef-d'œuvre d'Antonio da San Gallo, 
est un des édifices les plus beaux et les plus importants 
qui existent en Italie : beau par sa propre grandeur et 
par l'imposante harmonie de son architecture; impor- 
tant par la place qu'il occupe dans l'histoire de l'art à 
l'époque de la Renaissance. Peut-être certains détails 
auraient-ils pu être traités avec plus de finesse, mais 
aucun des architectes de cette merveilleuse période, 
sans en excepter Bramante lui-même le plus éminent 
de tous, n'aurait pu concevoir un plan plus simple, 
plus clair, mieux approprié, élever un monument plus 
majestueux dans son aspect général, plus élégant dans 
ses formes, mieux ordonné dans ses détails, plus homo- 
gène dans son ensemble. Ce que Bramante, le maître 
incontesté, avait rêvé de faire à Saint-Pierre, Antonio 
da San Gallo l'a réalisé à Montepulciano dans des pro- 
portions plus modestes sans doute, mais San Gallo a eu 

1. Tempio di Antonio da San Gallo in Monte Pulciano di Mdckiorre 
Miairini. Firenze, Stamperia Hagherî, 1899. 

La Madonna diSan liiagioprès Montepulciano bdlie par Antonio da 
San Gallo, par Andhé Lambeht, architecte. Stuttgart, Konrad Wîttner. 



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LA. MADONNA DI SAN BIAGIO. 337 

la gloire de mener son entreprise à bonne fin et de 



PLAN DE L ÉGLISE DE LA UADONNA DI SAN BIAGIO 
Par Anlonio da San Galto. 

laisser un monument tel qu'il n'a pu venir à la pensée 
de personne de le défigurer ou de le déshonorer par 



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338 LES SAN GALLO. 

des mutilations ou des adjonctions presque toujours 
désastreuses. Sous les voûtes grandioses de Santa 
Maria di San Biagio, Vitruve revit pour ainsi dire, 
apportant avec lui tout ce que l'architecture romaine 
avait imaginé de plus pur, de plus régulier, de mieux 
pondéré, de plus conforme aux règles établies par ce 
grand représentant de ta plus belle époque classique, 
et, par-dessus tout cela, s'élève un dôme d'une par- 
faite élégance, puissante manifestation que la Renais- 
sance avait eu la hardiesse de concevoir placée à une 
telle hauteur. 

Suivant les idées qui prévalaient alors, idées sur le 
compte desquelles nous nous sommes déjà expliqué, 
San Gallo, s'inspirant en cela du beau plan imaginé 
par Bramante pour la nouvelle basilique de Saint- 
Pierre, avait adopté la forme de la croix grecque 
dans sa plus entière pureté. Les quatre bras sont de 
même longueur, mais au bras supérieur vient s'ajouter 
une sacristie, sorte d'abside demi-circulaire ; deux 
campaniles séparés, placés dans les angles rentrants des 
bras inférieurs, complètent l'ensemble de l'édifice. 
Chaque bras a 16 mètres de façade sur 9 mètres de pro- 
fondeur intérieure; la coupole mesure 12™, 50 de dia- 
mètre, ce qui donne à l'église 30'", 50 pris soit en lon- 
gueur, dans l'axe du maitre-autel, soit en largeur. 
L'aspect des quatre façades est le même, sauf, comme 
nous venons de le dire, en ce qui concerne la façade 
postérieure dont la sacristie, élevée seulement jusqu'au 



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ÉGLISE DE LA MADO.VNA DI 



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LA MADONNA. DI SAN BIAGIO. 34^ 

bandeau du premier étage, modifie un peu l'ordon- 
nance. Les trois autres façades se composent d'un mur 
droit, haut de deux étages et surmonté d'un fronton 
indiquant la pente de la toiture; au-dessus, apparaît un 
acrotère servant de base au tambour de ta coupole que 
termine une élégante lanterne; la hauteur totale de 
l'édifice est de 45 mètres. Si nous entrons dans les 
détails, nous voyons un socle général contourner toutes 
les parties du monument, et au-dessus, chaque angle, 
soit saillant soit, rentrant, est renforcé par l'adjonction 
de pilastres. Le premier étage estd'ordre dorique, l'enta- 
blement qui le couronne, et se poursuit régulièrement 
sur toutes les façades, comporte des triglyphes et des 
métopes; le second étage est terminé par une corniche 
architravée, de style ionique, dont la partie supérieure 
se rdève pour délimiter les frontons. Le milieu de 
chaque façade est occupé, à l'étage inférieur par une 
porte encadrée d'un chambranlp avec fronton, à l'étage 
supérieur par une fenêtre avec colonnettes et fronton; 
au-dessus, est percée une ouverture circulaire. Cette 
architecture un peu sévère, d'apparence sobre mais 
pleine de noblesse, se poursuit et se répète sur toutes 
les façades ainsi que sur les parties rentrantes, de sorte 
que l'édifice entier, dans son unité absolue, forme 
comme un immense soubassement destiné à supporter 
la coupole qui le surmonte. 

Il est difficile de rencontrer quelque chose de mieux 
combiné dans ses lignes générales que cette coupole. 



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3i2 LES SAN GALLO. 

de plus élégant dans ses détails, tout en rentrant dans 
la donnée générale de Tédifice. Les seize colonnes 
ioniques engagées sur lesquelles ressaute l'entablement 
du grand tambour, les niches et les ouvertures dont (es 
entre-colonnements sont percés, le galbe élancé du 
dôme, la très élégante lanterne avec ses petites arca- 
tures portées sur colonnetles, la boule et la croix qui 
la terminent, tout cela forme un ensemble où la conve- 
nance de la conception est en rapport parfait avec la 
netteté et la clarté de l'exécution ; ensemble dont rien 
ne pourrait être retranché, auquel rien ne semble 
pouvoir être ajouté sans modifier d'une façon regret- 
table le caractère d'imposante unité que présente le 
monument. 

La façade principale, celle qui est opposée à la 
sacristie, est flanquée de deux campaniles occupant les 
espaces laissés libres de ce côté par les angles ren- 
trants des bras de la croix. De ces deux clochers, l'un, 
celui de gauche, a été complètement terminé par Anto- 
nio ; l'autre, celui de droite, est resté inachevé et ne 
s'élève qu'à la hauteur du premier entablement. Ces 
tours, dont l'architecture vigoureuse, est renforcée aux 
angles par des pilastres saillants accouplés à des colonnes 
engagées, ce qui lui donne une grande fermeté, sont 
divisées en étages correspondant exactement aux enta- 
blements et aux corniches de l'église. Les mêmes 
ordres y sont employés : au rez-de-chaussée, le dorique 
romain, toujours orné de triglyphes et de métopes; plus 



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LA MADONNA DI SAN BIAGIO. 3i5 

haut, l'ordre ionique à la courte volute; enûn un véri- 
table corinthien. Ces trois ordres, bien caractérisés par 
leurs proportions et les éléments qui les composent, 
se superposent en observant les rapports déterminés. 

Le campanile, carré à sa base, se termine par une 
partie polygonale, ce qui lui donne une grande légè- 
reté; un étage octogonal renforcé de pilastres corin- 
thiens sur les angles, percé d'arcades sur les quatre 
faces principales, supporte une pyramide pleine dont 
la croix termine le sommet. Il faut se lîgurer ces deux 
jolis clochers terminés tous deux, élégants de propor- 
tion, riches |de détails, encadrant la sobre façade de 
l'église, pour se faire une idée de l'effet qu'aurait dû 
produire cette savante opposition. Malheureusement, 
la tour de droite est à peine sortie de terre ; sa hauteur 
n'atteint pas les chapiteaux des pilastres de l'étage 
inférieur, et un misérable toit de tuiles recouvre la 
maçonnerie depuis bientAt quatre siècles, attendant 
toujours que quelque généreux génie le fasse enlever 
pour achever le clocher. Est-ce à la mort de l'architecte 
qu'il faut attribuer cet état d'abandon? Ou bien, les 
habitants de Montepulciano, livrés à leurs seules res- 
sources après le sac de Rome, ne purent-ils rien 
ajouter aux 120000 écus florentins qu'avait déjà coûté 
cette église? Cette dernière hypothèse semble plus 
admissible. 

Le visiteur pénétrant à l'intérieur, soit par la 
porte de la façade, soit par une des portes latérales 



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316 LES SAN GALLO. 

pourra embrasser d'un seul coup d'oeil toute l'étendue 
de l'édifice et sera frappé de son imposante majesté. 
Ce sentiment d'admiration soudaine et spontanée, 
auquel il n'est guère possible d'échapper, provient, 
croyons-nous, de deux causes : la première tient à ce 
que l'ordonnance générale est en rapport direct et 
absolu avec l'architecture extérieure, ce qui contribue 
largement à lui donner une apparence de grandeur tout 
exceptionnelle; la seconde tient à ce fait, bien remar- 
quable en Italie, que partout, sur toutes les surfaces 
planes ou courbes des murs et des voûtes, le travertin 
a été laissé dans toute sa franche nudité; aucune pein- 
ture, aucune dorure, aucune décoration, aucun de ces 
reliefs bizarres, aucun" de ces amoncellements d'orne- 
ments si fréquents dans les églises ne vient atténuer 
l'effet grandiose de ce sévère vêtement de pierre dont 
tous les détails, vus dans leur fonction propre, concou- 
rent à donner une parfaite unité à l'ensemble. Le bel 
ordre toscan de l'extérieur se retrouve identiquement 
le même à l'intérieur, avec son entablement décoré de 
triglyphes et de métopes se poursuivant tout autour de 
l'édifice, et ressautant aux angles, pour s'appuyer sur 
des pilastres saillants accompagnés de colonnes enga- 
gées. Sur ces parties de la muraille ainsi renforcées 
retombent les grands arcs qui déterminent, au-dessus 
des quatre bras de la croix, la courbure en plein cintre 
des voûtes et donnent naissance aux pendentifs sur les- 
quels porte le tambour de la coupole. Les portes sont 



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LA MADONNA Dl SAN BIAGIO. 347 

encadrées de chambranles avec frontons comme à l'ex- 
térieur; au-dessus de chacune d'elles, dans les tym- 
pans des grands arcs, s'ouvre une fenêtre. Sur la face 
des murs, dans l'espace compris entre les colonnes ac- 
couplées, de grandes niches en arcade ont été ména- 
gées pour protéger des autels secondaires formés d'un 
soubassement servant de table sainte, surmonté de 
deux colonnes portant un entablement avec fronton. 
Quelques-uns de ces autels ont été détruits et rempla- 
cés par des peintures occupant le fond des niches. 

Tout cela est étudié dans une juste mesure, une con- 
venance de détails et une fermeté de ligne absolument 
remarquables, représentant bien l'idée de stabilité et 
de force nécessaire pour supporter le poids de la cou- 
pole. Cet effet, déjà signalé à l'extérieur, effet de puis- 
sance donnant à l'esprit tout repos, est obtenu à 
l'intérieur par les mêmes procédés, procédés bien 
simples, mais par cela même rarement et difficilement 
employés, car en architecture, comme dans tout autre 
art, la simplicité provient d'une profonde étude des 
conditions justes dans lesquelles doivent être placés les 
éléments dont l'artiste dispose : c'est à ta raison à venir 
en aide à l'inspiration et à la maintenir sous ses lois. 

Aussi, lorsque le regard s'élève et que l'on aperçoit 
le magnifique tambour de la coupole, orné de ses seize \ 
pilastres corinthiens cannelés, séparés par des niches ' 
élégantes à coquilles et couronnés par une corniche 
ressautant au droit de chaque pilastre, véritable por- 



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3i8 LES SAN GALLO. 

tique circulaire d'une architecture fîne, élégante et 
riche, surmonié lui-même de la coupole dénuée de 
toute décoration, projetant ^n haut, vers la lanterne qui 
l'éclairé la courbure élancée de sa voûte, on peut sai- 
sir la pensée de San Gallo : le dôme représentait à 
ses yeux le point principal, l'âme de l'édifice; il fallait 
exprimer la force dans les parties appelées à le suppor- 
ter, mais il a voulu réserver pour celle-ci la richesse 
et la délicatesse, en ayant soin de terminer cette sorte 
de couronne aérienne par une surface courbe et unie 
faisant opposition et donnant l'impression de l'espace 
infîni. 

Nous n'avons pas à apprécier le mérite artistique 
du maître-autel, tout en marbre blanc, œuvre un peu 
théâtrale d'aspect, surchargée d'une ornementation 
surabondante, très fine d'exécution néanmoins, mais 
bien postérieure à la construction de San Gallo. 

L'égUse de la Madonna di San Biagio revêt, aux 
yeux des architectes, un caractère particulier d'in- 
térêt, parce qu'on y retrouve tout ce que l'antiquité 
avait légué de plus précieux à la Renaissance : clarté 
du plan, ampleur de la composition, sobriété des 
détails, emploi judicieux de toutes les ressources de 
l'art, enfin po'n Jéralion exacte des différentes parties de 
l'édifice. Est-ce à ces qualités que l'on doit attribuer 
l'état remarquable de conservation dans lequel se trouve 
aujourd'hui l'église de San-Biagio? Elles y entrent du 
moins pour une grande part, car l'équilibre parfait de 



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LA MADONNA DI SAN BIAGIO. 349 

toutes ses parties en a toujours maintenu l'assiette sans 
trace aucune de vétusté ni de dislocation. Si Antonio 
revenait à Montepulciano, il trouverait son œuvre, 
vieillie de quatre siècles, mais exactement dans l'état où 
il avait dû l'abandonner; pas une pierre n'a même été 
ajoutée au campanile qu'il avait laissé inachevé. 

Le pape Clément VII avait toujours montré aux 
artistes de son pays les sentiments bienveillants d'un 
Médicis, mais, à Antonio, il devait témoigner un atta- 
chement tout particulier. Aussi peut-on facilement sup- 
poser que le trésor pontifical ait été mis à contribution 
pour hâter l'achèvement d'un monument qui faisait la 
gloire de la Toscane entière. Quoi qu'il en soit, te pape, 
chassé par l'armée du connétable de Bourbon et réfugié 
à Orvieto, vint, en 1529, présider à l'inauguration de 
l'église, accompagné d'une suite nombreuse de cardi- 
naux et d'évêques. 

Nous nous sommes étendu sur les éloges mérités 
par l'architecte de ce beau monument, nous avons loué 
la grandeur et la majesté de la conception, nous avons 
apprécié comme il convenait, la perfection de son 
exécution poussée jusque dans les moindres détails, 
car les profils des moulures sont tous étudiés avec 
une volonté bien marquée de les faire concourir à l'as- 
pect vigoureux de l'ensemble. N'y aurait-il donc rien 
à critiquer dans cet édifice, et serions-nous en présence 
d'une création architecturale parfaite ? Nous ne le 
croyons pas. 



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3S0 LES SAN GALLO. 

Et d'abord, si nous nous servons de ce mot de 
création, c'est dans la pensée d'établir qu'il n'y a pas 
eu, de la part d^Antonio da San Gallo, création dans le 
sens vraiment propre du terme; il y a eu assimilation 
intelligente de principes depuis longtemps posés, et 
une heureuse application de règles déjà suivies par 
ses contemporains. Et quel résultat San Galle a-t-il 
obtenu? Certes, il est resté dans l'esprit de son temps, 
le paganisme était alors en honneur avec son Olympe, 
ses poètes et ses sages, et il faut reconnaître que 
l'artiste a été plutôt l'interprète d'une pensée païenne 
que le traducteur du dogme chrétien. Supprimez le 
dôme, qui, seul, dans cet édifice, peut en élevant le 
regard élever en même temps la pensée vers une divi- 
nité unique; remplacez ce dôme par une voCite d'arête 
romaine, et vous aurez un véritable temple païen, une 
salle de therme ou de palais, un monument d'une grande 
allure, il est vrai, mais plutôt propre à toute autre 
destination qu'à célébrer les cérémonies du christia- 
nisme, mérite que présentaient à un si haut degré les 
anciennes basiliques. 

Il est heureux, croyons-nous, que les grands projets 
conçus par Bramante pour la reconstruction de Saint- 
Pierre aient été revisés par Raphaël, car le plan en 
croix grecque nous aurait probablement ménagé des 
surprises du genre de celles que nous constatons à 
Montepulciano. Panthéon ! oui, avec l'idée de la plu- 
ralité des hommages rendus. Ëglise! non, parce qu'elle 



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LA MADONNA DI SAN BIAGIO. 351 

comporte la vénération à un autet unique. En ceci, 
nous n'accusons pas San Galle plus qu'il ne convient, 
nous constatons l'erreur dont l'esprit du temps était 
le grand coupable; nous l'avons dit souvent, et nous le 
répéterons encore, l'architecture ne peut être dans une 
société quelconque que le reflet de l'esprit qui la dirige. 

Au reste ce plan en croix grecque choisi pour une 
église n'était pas une faute imputable au seul Antonio; 
son frère Giuliano l'avait précédé, à Notre-Dame délie 
Carceri de Prato, dans cette voie dangereuse que Bra- 
mante devait ouvrir si largement; et, chose étrange, 
comme si le besoin d'élever une église en croix grecque 
eût été dans la famille des San Gallo une maladie 
héréditaire, le très célèbre neveu de Giuliano et d'An- 
tonio, un autre Antonio, ne faillira pas à cette sorte 
d'avatisme et construira l'église de Notre-Dame de 
Lorette à Rome sur un plan en croix grecque. 

A travers la belle architecture classique de La Ma- 
donna di San Biagio, la sculpture ornementale n'occupe 
qu'une place bien réduite : quelques roses répétées 
sur les chapiteaux, de belles rosaces occupant le fond 
des caissons des grands arcs, et ce serait à peu près 
tout, si l'on n'ajoutait que de chaque côté du chœur 
une tribune réservée aux musiciens comporte quel- 
ques ornements. C'est un balcon protégé par une 
balustrade et supporté par de hautes consoles à griffes 
de lion, terminées à leur partie supérieure par d'autres 
consoles renversées ornées de feuilles d'acanthe; entre 



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352 LES SAN GALLO. 

ces dernières, une frise comprend des caissons conte- 
nant des rosaces; le tout d'une composition large, d'une 
exécution ferme et d'un style simple parfaitement en 
rapport avec l'ensemble générale. La statuaire est 
absolument bannie du temple, aucune figure, aucun 
buste, aucun mascaron ne distrait le regard, l'architec- 
ture seule règne ici en maîtresse n'attendant que d'elle- 
même le caractère de majesté sévère qu'elle a su 
imprimer au monument. 

PRESBYTÈRE 

Il était naturel, et même indispensable, de con- 
struire auprès de cette église ainsi isolée une habitation 
pour ceux qui devaient la desservir; rien ne fut oublié 
pour en assurer le confort et la mettre en rapport avec 
les splendeurs du temple. San Gallo édifia deux maisons 
dans le voisinage : l'une, qu'il habita lui-même, croit- 
on, pendant le temps de la construction, était destinée 
au bas clergé; elle est devenue une casa colonica et se 
fait encore remarquer par sa porte en travertin, son 
petit portique extérieur en arcade et par les galeries 
donnant sur la cour intérieure. L'autre maison, le 
véritable presbytère, est une habitation luxueuse dont 
les salles, voûtées au rez-de-chaussée, se répètent au 
premier étage avec des plafonds formés de poutres et de 
poutrelles apparentes, supportées à leurs extrémités par 
des consoles sculptées ; on y voit encore quelques 



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LA MADONNA DI SAN BIAGIO. 353 

traces des peintures, rinceaux ou cartouches qui [es 
décoraient. 

Le bâtiment présente en plan la forme d'un rec- 
tangle avec un jardin derrière, auquel on descend par 



PHESBYTÊItE DE L ÉGLISE DE LA UADO»?(A DI SAN BlAGlO 



un petit portique. La façade principale, celle qui fait 
face à l'église, a bénéficié de toute l'élégance archi- 
tecturale dont San Galle était capable : au rez-de- 
chaussée, cinq grandes arcades, donnant accès sous 
une galerie, sont séparées par des pilastres d'ordre 
dorique, tandis qu'au premier étage, les vides laissés 
libres entre des pilastres correspondants, mais d'ordre 
ionique cette fois, sont occupés par deux arcades accou- 



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su LES SAN GALLO. 

plées retombant sur une colonnette isolée, d'ordre 
également ionique; un entablement supporte Textré- 
mité des chevrons de la toiture placés, comme dans les 
vieux palais toscans, très en saillie sur le mur de face. 
Tout cela est gracieux, correct, et nous montre le 
rigide observateur des préceptes de Vitruve, l'austère 
architecte de l'église, sous une face absolument diffé- 
rente. Il devient ici artiste florentin de la belle époque, 
pondéré mais délicat, classique encore mais libre 
d'allure, sachant surtout donner à sa construction 
secondaire une valeur artistique considérable, par une 
opposition voulue et heureusement trouvée, entre le ■ 
grand édifice plein de majesté et le presbytère où il 
n'y a plus que de l'élégance. 

Pour compléter cette habitation, San Gallo avait 
fait creuser, tout auprès, un puits dont. la belle mar- 
gelle de pierre existe encore. 

Il est difficile de citer dans l'Italie entière une autre 
église, construite à la même époque, à laquelle on 
puisse attribuer une importance artistique égale à celle 
de San Biagio ; beaucoup sont plus vastes ou plus 
riches, aucune ne présente le caractère d'unité qui 
distingue celle-ci : c'est une rénovation de l'architecture 
romaine qui, bien qu'appliquée à des besoins qu'elle 
ne pouvait entièrement satisfaire, ne s'est pas un instant 
démentie, et assez habilement mise en œuvre cepen- 
dant pour s'allier harmonieusement au dôme élancé, 
conception religieuse propre à la Renaissance. 



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PALAIS DEL MONTE. 355 

Nous ne pouvons cesser de le répéter, cet édifice 
est mieux qu'une œuvre d'art de premier ordre, il 
constitue un enseignement auquel tous les architectes 
peuvent venir puiser avec fruit. 

MONTEPULCIANO 

LES PALAIS 

Le séjour prolongé qn'Ântonio dut Faire à Monte- 
pulcîano, pour diriger et surveiller les travaux de 
l'église de San Biagio, est certainement la période de 
son existence pendant laquelle il 'déploya la plus 
grande activité artistique, car toutes les villes des envi- 
rons profitèrent de sa présence pour faire appel à ses 
talents et à son expérience. A Montepulciano, de nom- 
breuses familles lui demandèrent de construire ou, 
pour mieux dire, de reconstruire et de moderniser 
leur ancienne demeure. 

Il est en général assez peu intéressant d'étudier 
les plans de ces habitations, mais leurs façades pré- 
sentent de curieux et instructifs spécimens de l'archi- 
tecture de la Renaissance envisagée sous des aspects 
variés. Mais où donc notre architecte a-t-il appris à 
pondérer, avec celte justesse d'appréciation, les diffé- 
rents étages d'un monument destiné à l'habitation, non 
seulement en leur attribuant des hauteurs convena- 
bles, mais surtout en établissant une relation équitable 



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356 LES SAN CALLO. 

dans leur architecture? D'où vient ce style tout nou- 
veau, si simple, si plein de convenance, si digne et si 
bien approprié à la destination de Tédifice, à son 
importance et à la condition de ceux qui doivent 
l'habiter? Ne retrouve-t-on pas ici le fruit de leçons 
prises, à Florence en étudiant les créations similaires 
(les Brunelleschi, des Michelozzi, et, à Rome, auprès 
de maîtres tels que Bramante et Baltazare Peruzzi? Ne 
voyons-nous pas l'emploi judicieux des bossages et 
des refends florentins, heureusement associés aux riches 
encadrements des fenêtres avec chambranles, colonnes 
et frontons tels qu'on en trouve le type dans l'archi- 
tecture romaine? Antonio da San Gallo a été, sinon le 
premier, du moins un des premiers à introduire en 
Toscane cet art un peu éclectique qui va nous per- 
mettre d'apprécier la souplesse et la variété de son 
talent; cet élève, devenu maJtre à son tour, avait alors 
soixante-trois ans. 

PALAIS Di; CARDINAL DEL HONTE 
1619 

Un des premiers en date, croyons-nous, parmi les 
palais que San Gallo construisit à Montepulciano, lui 
fut demandé par son protecteur le cardinal de Sainte- 
Praxède, Antonio Giocchi del Monte, le futur pape 
Jules 111. 



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PALAIS DEL HONTE. 359 

Au point culminant de la ville, en face du dôme 
dont la façade restait inachevée, le cardinal fît démolir 
plusieurs maisons pour faire place à son somptueux 
palais. Deux lettres publiées par Gaye, l'une datée du 
17 mars et Tautre du 12 décembre 1519, démontrent 
que la Seigneurie de Florence, bien qu'elle fût alors 
sous l'autorité complète de Léon X représenté par son 
légat, le cardinal Jules de Médicis, ne pouvait se 
résoudre sans difficulté à autoriser le percement d'un 
chemin souterrain mettant en communication le palais 
del Monte avec les remparts de la ville. Il ressort tout 
au moins du texte de ces deux lettres que la con- 
struction du bâtiment avait dû être commencée au 
plus tard dans le courant de cette année 1519, si 
toutefois elle ne remontait pas à l'année précédente. 

Vasari, en parlant de la façade de ce palais, dit 
qu'elle était bonissima grazia, lavorato e finito; Gaye, 
tout au contraire, déclare que « cet ouvrage est l'un 
des plus faibles de San Gallo, dans lequel il se montre 
moins hardi- que de coutume, ou mieux, presque 
timide ». Cette dernière opinion ne se soutient pas 
aux yeux d'un architecte; il faut, pour être juste, se 
rapprocher du jugement de Vasari. 

La façade principale, la seule ayant un caractère 
monumental, car les autres ne sont que de simples mu- 
railles percées irrégulièrement de baies répondant 
aux besoins intérieurs, la façade donc se compose de 
trois étages: Au rez-de-chaussée une porte cintrée 



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360 LES SAN GALLO. 

en arcade et encadrée de claveaux, occupe le milieu 
du mur appareillé en bossages ; deux fenêtres 
s'ouvrent de chaque côté. Le premier étage, l'étage 
noble, séparé du rez-de-chauseée par un bandeau, est 
percé de cinq grandes fenêtres régulièrement dispo- 
sées à travers les refends du mur; chacune d'elles est 
encadrée par un chambranle et accotée de deux 
colonnes ioniques engagées, supportant un entable- 
ment complet h fronton triangulaire ; elles s'appuient 
sur un bandeau ressautant au droit de chaque colonne 
et supporté en ce point par de hautes consoles. Un 
autre bandeau moins saillant sépare cet étage de l'étage 
supérieur, sorte d'attique assez bas, percé de mezza- 
nines, sur lequel porte la toiture. 

Il ne faut pas rendre Antonio responsable de l'orne- 
mentation un peu bizarre affectée à l'encadrement des 
mezzanine.^, elle provient de travaux postérieurs. Ce 
qui lui appartient est marqué d'un tout autre carac- 
tère ; c'est la fermeté sans rudesse du rez-de-chaussée, 
c'est la noblesse du premier étage, c'est la juste con- 
venance apportée dans te choix et la fonction de 
chaque membre de l'architecture; ce sont toutes ces 
qualités qui font de cette façade une œuvre remar- 
cjuable. 



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PALAIS TARUGI. 



PALAIS TARUGI 



Tout autre est l'aspect du palais Tarugi. Construit 
par Ântouio da San Gallo pour la famille Nobîli, devenu 
la propriété des Tarugi, dont il porte encore le nom, il 
passa entre les mains du comte Calamandrei-Ilari et sert 
aujourd'hui de tribunal. 

Cet édifice s'élève sur la place du Dôme, en face du 
palais del Monte, et fait avec celui-ci une opposition 
regrettable. Situé à l'angle de la place et d'une rue, 
il présente ainsi deux façades; mais, bien qu'elles aient 
été en partie refaites, alourdies, dénaturées même en 
certains endroits, les vices récents n'ont pas dissimulé 
les fautes commises par le premier constructeur. Il est, 
en effet, vraiment difficile de comprendre à quels 
besoins pouvaient répondre ces grandes colonnes ioni- 
ques engagées, reposant sur d'énormes piédestaux qui 
comprennent dans leur hauteur un étage tout entier; 
elles se présentent comme un ordre d'architecture 
privé de son entablement et dont la seule fonction 
paraît être de porter une légère balustrade: l'effet 
ainsi obtenu est faux, malgré la loggia ou étage d'at- 
tique élevé au-dessus. On compte trois entre-colonne- 
ments sur la façade latérale, et cinq sur la façade 
principale, celle qui regarde le dôme; de ce côté, 
l'entre-colonnement du milieu, plus lai^e que les 
autres, est occupé au rez-de-chaussée par la porte 



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362 LES SAN GALLO. 

cintrée du palais, entourée d'un très puissant cham- 
branle à plusieurs corps de moulures, ce qui lui donne 
une grande importance ; entre les autres piédestaux 
s'ouvrent des arcades : celles de droite sont aveu- 
glées au profit de simples fenêtres, celles de gauche 
débouchent sous une sorte de portique ouvert à l'en- 
coignure de la place et de la rue. A quel propos, 
on peut se le demander, ces arcades correspondent- 
elles aux ouvertures d'une loggia située à la partie 
supérieure du palais? Pourquoi y aurait-il corrélation 
entre ces deux étages? On ne sait que répondre, car 
ils sont séparés par une série de fenêtres à lourds 
frontons, d'un style bien peu en rapport avec les légers 
piliers de la loggia et les arcades assez basses de la 
galerie inférieure. 

Nous ne poursuivrons pas ces critiques. S'il ne 
faut pas faire grand honneur à Antonio da San Gallo 
de la construction du palais Tarugi, du moins nous 
devons constater que le parti architectural était ori- 
ginal, hardi même, et que, si la tentative n'a pas 
pleinement réussi, elle n'en est pas moins honorable, 
parce qu'elle dénote un désir bien accusé de créer 
quelque chose de nouveau, même au prix de certaines 
incorrections. Et puis, qui sait; en construction civile 
ou particulière, il y a un facteur qu'il ne faut jamais 
oublier : c'est le désir ou la volonté de celui qui fait 
construire, volonté devant laquelle l'architecte, tou- 
jours responsable, est souvent obligé de plier, eo 



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PALAIS AVICNONESI. 365 

déployant, pour la satisfaire, des prodiges d'imagina- 
tion, d'où résultent quelquefois des erreurs'. 

PALAIS AVICNONESI 

Ce palais, situé dans l'ancien Corso, devenu la via 
Garibaldi ou la via Cavour, portait primitivement le 
nom de la Lucilla. Il n'a qu'une façade régulière, bien 
que le mur de face ait été prolongé par la suite sur 
une petite rue latérale faisant angle avec la voie prin- 
cipale. Cette façade n'a rien de particulièrement sei- 
gneuriale et représenterait même, pour des esprits 
modernes, un type d'habitation bourgeoise très con- 
fortable, ample, mais d'apparence après tout modeste 
et ne méritant pas d'arrâter les regards. Mais il ne faut 
pas oublier que San Gallo, au début du xvi" siècle, se 
montrait novateur de mérite en trouvant le moyen de 
satisfaire à des besoins de bien-ôtre par l'application 
de données architecloniques régénérées et ravivées par 
l'étude de l'antiquité. 

Le rez-de-chaussée est régulièrement appareillé en 
bossages peu saillants ; dans l'axe, s'ouvre une porte 
cintrée, et de chaque côté, une fenêtre rectangulaire 
est encadrée de montants en saillie supportant au 
moyen de consoles un fronton, et reposant sur un 

t. II existe à Montepulciano un autre palais Tarugi, situé via 
Garibaldi ; il est d'une architecture très simple, élevé de quatre 
étages, et a pour auleur J. fiarozzio da Vignola. 



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366 LES SAN GALLO- 

appui porté lui-même par d'autres consoles. Entre les 
fenêtres et la porte, deux vigoureuses têtes de lion 
sculptées font saillie sur la surface du bossage ; nous 
signalons ce délai!, parce que San Gallo admettait bien 
rarement dans son architecture radjonction des orne- 
ments sculptés. Le premier étage, appareillé en sim- 
ples refends, est percé de cinq fenêtres, encadrées de 
chambranles finement moulurés, et surmontées de 
frontons alternativement circulaires ou triangulaires ; 
le second étage, d'une hauteur égale au premier el 
de même importance, présente cinq fenêtres accom- 
pagnées d'encadrements à peu près semblables, peut- 
être même un peu plus élégants, ornées de petites 
consoles pour recevoir la saillie des frontons et portées 
sur d'autres consoles à volutes. L'entablement large- 
ment profilé supporte une toiture à grande saillie. 
Nous ne saurions dire combien cette façade si simple 
prend d'importance et de charme lorsqu'on l'examine 
attentivement, el combien on demeure convaincu 
qu'elle doit ce résultat à la justesse des proportions 
d'ensemble ainsi qu'à une judicieuse adaptation 
des détails. 

PALAIS CERVINI 

Le palais Cervini, appartenant aujourd'hui à la 
famille Corradorî, également édifié par Antonio, est 
une construction du même genre que la précédente 



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PALAIS DEL PECORA. 



mais plus modeste encore. La façade comprend deux 
étages appareillés en bossages, percés de grandes 
fenêtres encadrées de chambranles de peu d^impor- 
tance, et un troisième étage assez bas, sorte d'attique 
dans lequel s'ouvrent des mezzanines. 

PALAIS DEL PECORA 

Avec le palais del Pecora, aujourd'hui Lanzisini, 
nous retrouvons Antonio au service d'un client magni- 
fique, autant du moins que peut en témoigner la belle 
allure de l'architecture de la façade. Il faut remarquer 
avec quel soin extrême sont appareillés les gros bos- 
sages du rez-de-ohaussée pour encadrer régulièrement 
de claveaux à crossettes les fenêtres rectangulaires et 
s'étager autour de la baie en arcade qui forme, dans 
l'axe de la façade, la porte d'entrée du palais ; cette 
partie médiane fait saillie et porte un balcon à balus- 
trade. Au premier étage, une porte-fenêtre donne 
accès sur ce balcon et sert de motif principal k la 
décoration de la façade: non seulement deux colonnes 
engagées, portant un entablement à fronton, encadrent 
cette porte, mais elle est encore accotée de deux autres 
colonnes, portant des entablements distincts, reliés par 
une corniche commune. Cet ensemble simule ainsi 
une sorte de loggia qui occupe toute la largeur du bal- 
con et correspondà la partie saillante du rez-de-chaussée. 
Le fronton de ce motif principal a été postérieurement 



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368 LES SAN GALLO. 

recoupé pour recevoir dans son milieu le grand écus- 
son aux armes de la famille del Pecora. Les autres 
fenêtres de l'étage sont également encadrées par deux 
colonnes engagées, supportant un entablement avec 
fronton circulaire, motif également adopté par l'archi- 
tecte du cardinal Farnèse, le neveu d'Antonio, pour 
orner les fenêtres du plus somptueux palais de Rome. 
Au-dessus du premier étage, une corniche très simple 
supporte les chevrons de la toiture. Cette simplicité 
voulue du couronnement de l'édifice, remarquable ici 
comme dans la plupart des palais de San Gallo, cette 
absence de tout luxe d'ornementation dans la corniche 
principale, où l'on ne voit ni sculptures, ni modillons, 
ni denticules, ni même quelques corps de moulures bien 
détaillées, tient à ce que les chevrons de ta toiture 
faisaient une forte saillie sur le mur de la façade, suivant 
la mode toscane du moyen âge encore en vigueur, et 
que, dans l'ombre projetée par cette sorte d'auvent, 
tout détail eût été inutilement perdu. 

Ici, on peut donc louer sans réserve : choix des 
motifs, applications strictes des règles, finesse des 
détails, conception d'ensemble pleine de grandeur et 
de noblesse, tout est marqué du cachet d'un maître 
éminent. 

Modestes ou somptueuses, les façades de ces palais, 
variées suivant les besoins à satisfoire, ont un indé- 
niable air de famille; c'est un style à part, fait d'élé- 
ments florentins et d'éléments romains, parfaitement 



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PALAIS DEL PECORA. 369 

raccordés entre eux, dénotant, chez l'architecte qui 
l'appliquait, avec un art si délié et un esprit si judicieux, 
Un artiste fortement attaché par ses origines aux an- 
ciennes et puissantes manifestations de l'architecture 
toscane, mais ajoutant à cela certains principes nou- 
veaux que l'étude de l'antiquité seule avait pu lui 
révéler. 

MONTESANSOVINO 
PALAIS ET LOGGIA 

En même temps que le cardinal del Monte faisait 
élever un palais à Montepulciano, il demandait à Antonio 
da San Gallo de lui en construire un autre à Montesan- 
sovino. Lequel des deux fut commencé le premier? Il 
serait difficile de le dire. Ils doivent avoir été projetés 
en même temps, afin d'établir dans les deux villes une 
résidence digne de la haute situation du cardinal. Peut- 
être la construction du palais de Montesansovino fut-elle 
décidée en premier, parce qu'il est plus naturel de sup- 
poser que del Monte songea d'abord à habiter sa ville 
natale. C'est pour cette seule raison, car nous n'avons 
rien découvert qui puisse confirmer cette opinion, que 
nous avons choisi la date de 1518 pour celle de la fon- 
dation du palais de Montesansovino, date correspon- 
dante à celte du commencement des travaux de Notre- 
Dame de San Biagio. 



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LES SAN GALLO. 



PALAIS DEL MONTE 
1B18 



Le palais de Montesaosovino est^ de tous ceux dont 
Antonio da San Gallo a été l'architecte, le plus somp- 
tueux, celui dont l'allure générale est la plus magni- 
fique et dont l'architecture a été étudiée avec le plus de 
soin. 

Élevé d'un seul étage au-dessus du rez-de-chaussée, 
il est construit avec cette belle pierre de travertin si 
favorable à donner un caractère de force et de résistance 
lorsqu'elle est mise en œuvre par un architecte de 
talent. Rappelant toujours le style des anciens palais 
florentins, le rez-de-chaussée présente de vigoureuses 
saillies, les pierres qui forment ses assises sont taillées 
en gros bossages, il s'appuie sur un socle saillant en 
forme de banc, et le bandeau qui le sépare de l'étage 
supérieur est composé de corps de moulures largement 
taillés. Au milieu s'ouvre la porte dont la partie cin- 
trée est entourée de grands claveaux à crossette; deux 
fenêtres de chaque côté de cette porte éclairent les 
vastes pièces formant les dépendances de l'habitation 
principale. Au-dessus de ce robuste soubassement s'élève 
le grand étage, dont la gracieuse et noble façade fait 
une heureuse opposition avec la violence peut-être un 
peu exagérée des saillies inférieures ; il est divisé en 



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DEL MOSTE 



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PALAIS DEL MONTE. 373 

cinq travées par d'élégants pilastres ioniques renforcés 
de chaque côté d'un quart de pilastre pour en aug- 
menter l'importance, et doublés aux deux extrémités du 
mur de face. Un bel entablement complet, avec archi- 
trave, frise et corniche, domine exceptionnellement toute 
la façade, ressautant au droit des pilastres et supportant 
la toiture. Entre les pilastres s'ouvrent cinq fenêtres 
couronnées d'entablements à frontons alternés, trian- 
gulaires et circulaires, portant de chaque côté sur des 
pilastres ioniques de dimensions plus petites, mais par- 
faitement en rapport avec le grand ordre de la façade; 
la fenêtre du milieu donne sur un balcon saillant pro- 
tégé par une balustrade ; les grands pilastres posent leur 
base sur un bandeau qui détermine la hauteur de leur 
soubassement et sert en même temps d'appui aux 
fenêtres. 

Si l'église de San Biagio est la plus belle œuvre 
d'architecture religieuse qu'ait exécutée Antonio, le 
palais del Monte, aujourd'hui devenu le palais commu- 
nal de Montesansovino, peut à bon droit être regardé 
comme le plus bel édifice civil qu'il ait élevé. 

LOGGIA DEL MERCATO 

La loggia del Mercato est encore une production 
charmante du talent si souple et si varié de mattre 
Antonio. C'était un grand luxe pour une petite ville, & 
l'époque de la Renaissance, de posséder une loggia 



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374 LES SAN GALI.O. 

couverte où les marchands pouvaient se mettre à l'abri, 
où les corporations pouvaient se réunir; Florence 
possédait la loggia dei Lanzi, Sienne avait la loggia dei 
Nobiti, le riche cardinal dei Monte voulut doter sa ville 
natale d'un monument du même genre. Sur son ordre 
Antonio da San Gallo éleva, vis-à-vis du palais, un por 
tique, composé de cinq arcades légères retombant sur 
des colonnes isolées de style corinthien, et renforcé 
à ses deux extrémités par l'adjonction de pilastres 
accouplés pour consolider l'angle de Tédifice. Un enta- 
blement passe au-dessus des arcades et se profile en 
retour; au-dessus, un petit étage d'attique fort bas est 
éclairé par des fenêtres de forme ovale placées dans 
le sens de la largeur, les chevrons de la toiture reposent 
directement, sans bandeau ni corniche, sur le mur de 
face de cet attique. 

Tous les détails de cette loggia sont d'une pureté 
et d'une élégance remarquables : les colonnes et les 
pilastres, d'une juste proportion, sont ornés de canne- 
lures garnies de baguettes jusqu'au tiers de leur hau- 
teur, les chapiteaux reproduisent les formes et les 
ornements du véritable chapiteau corinthien avec la 
double rangée de feuilles découpées, les caulicotes et 
les rosaces. Pour donner plus d'ouverture aux arcades, 
San (Jallo en a rehaussé le centre au moyen de 
coussinets reposant sur les chapiteaux, procédé qu'il 
avait déjà employé au grand portique de la place de 
l'Annunziata à Florence; l'archivolte des arcades est 



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OlitilA DEL MEKCATU 



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LOGGIA DEL MERCATO. 377 

délicatement mouluré, et, pour que rien ne vienne 
heurter le regard dans cette architecture si finement 
étudiée, sa saillie sur la face du mur est atténuée par 
un amortissement en quart-de-rond. L'architrave de 
l'entablement est remplacé par une simple baguette, 
passant au-dessus des arcades, et limitant l'espace 
réservé à la frise; la corniche comporte, suivant le 
style adopté, des denticules au-dessous du larmier. Les 
tympans triangulaires compris entre les arcades sont 
occupés par des médaillons sculptés représentant les 
trois monts, emblème héraldique du cardinal del Monte, 
entourés de guirlandes de feuillages. C'est ici le seul 
édifice, croyons-nous, où l'architecture plutôt sévère 
d'Antonio se soit agrémentée d'un peu de sculpture, 
encore est-elle intervenue d'une façon bien discrète. 

Le mur du fond de la loggia, ainsi que les deux 
murs latéraux, sont en maçonnerie pleine, mais repro- 
duisent par une décoration de pierre le motif d'archi- 
tecture du portique : les colonnes sont représentées 
par des pilastres, la hauteur des coussinets est occupée 
par une architrave, et le vide des lunettes comprises 
sous les arcades est comblé par des médaillons circu- 
laires. A la partie inférieure, trois portes encadrées de 
chambranles donnent accès dans les salles de réunion. 



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378 LES SAN GALLO. 

COLLE VAL D'ELSA 

ÉGLISE DE SAINT-AUGUSTIN 
1621 

Pendant qu'Antonio était occupé à rajeunir par la 
construction de nouveaux paiais l'aspect triste des 
vielles cités de Monlepulciano et de Montesansovino, 
quelques villes voisines eurent recours à son talent 
et à son expérience. 

Le siège désastreux subi par la ville de Colle Val 
d'Eisa, près de Sienne, en 1479, avait entièrement 
ruiné l'ancienne église de Saint- Augustin. Peu de 
temps après, les religieux augustins obtinrent du pape 
Innocent VIII la permission d'aliéner quelques-uns de 
leurs biens afin de pouvoir entreprendre la recon- 
struction de l'église, mais avec cette condition que la 
commune de Colle coopérerait à cette reconstruc- 
tion. 

Il y eut, comme toujours, de longues discussions, les 
pourparlers durèrent plusieurs années, enfin, en 1519, 
on tombait d'accord sur les charges à supporter de 
part et d'autre. Alors, les Augustins ayant imploré et 
obtenu le concours financier des Florentins, on élut un 
comité de marguilliers chargé de préparer les plans et 
de surveiller les travaux. Au nombre de ces nouveaux 



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ÉGLISE DE SAINT-AUGUSTIN. 



fabriciens se trouvait Mariotto de Nicolo Beltramini, 
intime ami de San Gallo; il appela notre architecte à 
Colle et lui fit confier la construction de la nouvelle 
église. Le 16 avril 1521, Antonio présentait à la com- 
mission un plan et un modèle conçus, toute proportion 
gardée, dans le genre des basiliques florentines de 
Saint-Laurent et du Saint-Esprit. 

C'était en efl"et non pas une restauration, mais une 
reconstruction véritable qu'il s'agissait de faire : on 
aou tait huit chapelles latérales, on élevait les murs et 
on voûtait les nefs. Bien entendu, rien n'était prévu 
pour la façade extérieure, aussi, comme beaucoup 
d'autres églises toscanes, celle-ci présente-t-elle encore 
aujourd'hui son grand mur tout nu, fort noirci et dé- 
crépit par l'action du temps. Le plan général est en 
forme de croix latine; l'église a 50 mètres de longueur 
sur 14 de large; trois nefs aboutissent à un transept; 
celle du milieu est limitée par une série d'arcades 
reposant sur quatorze colonnes, sept de chaque côté; 
au-dessus des arcades, passe tout autour de la nef un 
balcon soutenu par des consoles, et, au droit de la 
grande porte d'entrée, ce balcon s'élargit pour former 
la tribune de l'orgue. 

Il faut croire que. malgré le nombre et la qualité 
des donateurs, les allocations annuelles n'étaient pas 
fort importantes, ou que la construction de l'édifice eut 
à subir bien des traverses, car elle ne fut achevée que 
pendant l'année 1551, c'est-à-dire trente ans après le 



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LES SAN GALLO. 



commencement des travaux et près de vingt ans après 
la mort de San riallo'. 

CORTONE 

D'après Vasari, il faudrait attribuer à Antonio un 
plan el un modèle faits pour l'église del Calcinajo, à 
Cortone. Il est vrai que la corporation des cordonniers, 
Cahotai, avait pu réunir à cette époque, à force d'éco- 
nomies et d'aumônes, une somme pouvant s'élever à 
70000 écus. Mais Vasari a parfaitement raison d'ajou- 
ter qu'il ne pense pas que ce projet a été mis à exécu- 
tion : non penso si mettere in opéra, car il a été 
parfaitement démontré, entre autres par le professeur 
del Rosso, que l'architecte de l'église de Cortone était 
le Siennois Francesco di Georgio, et qu'elle avait été 
commencée en 1485. 

ÉTAT DE L'ITALIE 

A LA FIN DE LA VIE D'ANTONIO DA SAN GaLLO 

1S26-1636 

Les dix dernières années de la vie d'Antonio ne 
comportent plus aucune production artistique. Vieillard 
de soixante et onze ans, il aurait désiré un repos absolu, 

1. Tous CCS renseignements sont puisiîs dans les registres de la 
commune de Colle Val d'Eisa et dans les archives du couvent de 
Saint-Auguslin. — Voir Biagi Luigi, Hhtoirc de Colle Val d'Eisa. 



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FIN DE LA VIE D'ANTONIO DA SAN GALLO. 381 

mais il fallut céder, en présence des nécessités les plus 
impérieuses, devant les désirs et les injonctions réitérés 
du pape. San Gallo reprit donc la direction de quelques 
travaux de fortification à Plaisance et à Parme, vers 
1526, et l'année suivante, à Castrocaro. Florence elle- 
même réclamait son concours pour la mettre à l'abri 
des coups dont elle se sentait menacée ; il ne put s'abs- 
tenir. En véritable citoyen il mit ce qui lui restait de 
forces et d'activité au service de sa patrie. 

Clément VII occupait le trône pontifical. L'ancien 
ami, le pupille reconnaissant d'Antonio, n'avait eu garde 
d'oublier sous la tiare ce qu'il devait à son vieux servi- 
teur, mais Michel-Ange avait étendu peu à peu sa domi- 
nation sur le monde artistique; du haut de sa superbe 
grandeur, il ordonnait tout, dirigeait tout, faisait tout, 
aussi bien à Saint-Pierre qu'à la chapelle Sixtine, aussi 
bien à la bibliothèque Laurentienne qu'à la nouvelle 
sacristie des Médicis; le vide s'était fait aux côtés d'un 
tel homme, et les vieux combattants, les artistes atteints 
par l'âge, trouvaient une excuse à leur besoin de repos. 

Au reste, l'Italie entière était dans un état d'effer- 
vescence peu propice à encourager les arts en général 
et surtout l'architecture. Les italiens désiraient' une 
guerre nationale pour chasser de leur pays les barbares, 
à quelque nationalité qu'ils appartinssent. 

Alors, tout n'est que troubles, ligues, alliances, 
défections : Florence s'enflamme à la pensée de pouvoir 
de nouveau reconquérir sa liberté, chasse les Médicis, 



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388 LES SAN GALLO. 

et proclame sa liberté. On mutile partout les blasons, 
on met en pièces les statues de Léon X et de Clé- 
ment VII placées dans l'église de l'Annunziata, insulte 
grave, particulièrement ressentie par le pape qui jura 
de ne point reposer en terre bénite tant qu'il n'aurait 
pu en tirer une vengeance éclatante. 

Rien n'est plus étrange que les convulsions subites 
éprouvées par cette malheureuse Italie au moment où 
François I" et Charles-Quint se disputaient sur son 
territoire la prédominance universelle. L'armée impé- 
riale s'avance, et, après quelques hésitations, met le 
siège devant Rome ; Clément VII cherche un refuge au 
château Saint-Ange, assiste, du haut des murailles de 
SUD imprenable forteresse, au pillage et à l'incendie de 
sa ville et s'enfuit à Orvieto. Pendant son long séjour 
dans cette ville, il eut tout le loisir de venir à Mon- 
tepulciano, en 1528, inaugurer l'église de la Ma- 
donna di San Biagio et bénir l'œuvre d'Antonio da 
San Gallo. 

La papauté vaincue, Clément VII en fuite, il n'en 
fallait pas tant pour mettre de nouveau en péril, à 
Florence, l'existence même des Médicis. Les énormes 
impositions de guerre levées en Toscane pour aider 
les entreprises du pape avaient contribué à exciter l'irri- 
tation générale, si bien, que les jeunes Médicis, Hippo- 
lyte et Alexandre, durent quitter la ville; la république 
fut de nouveau proclamée, mais bientôt la peste se 
joignit aux autres fléaux pour achever d'accabler les 



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FIN DE LA VIE D'ANTONIO DA SAN GALLO. 383 

malheureux Florentins. Malgré cela, tout était mis en 
œuvre pour défendre cette liberté nouvellement recon- 
quise et résister aux armées de l'empereur appelées par 
le pape pour venger l'expulsion de sa famille. C'est 
alors que les fortifications de Florence, jugées faibles 
par suite de leur grande extension, furent restreintes et 
renforcées, et que, dans des circonstances aussi critiques, 
Antonio da San Gallo vint joindre ce qui lui restait 
d'ardeur aux efforts do Michel-Ange, pour mettre sa 
patrie en état de défense, sacrifiant tout à l'intérêt général 
et ne craignant pas de faire raser autour de la ville 
maisons de plaisance et jardins. On sait les péripéties 
dramatiques du siège de Florence, on sait après quelles 
alternatives de succès et de revers la ville fut enfin 
obligée de capituler, le 12 août 1530. Un an après, 
Alexandre de Médicis était déclaré par l'empereur duc 
et prince de l'État, et la liberté était à jamais perdue. 
A la suite de ces grands événements, un calme re- 
latif se rétablit à Florence; mais la première pensée 
d'Alexandre, qui se sent environné de haines, est de se 
créer une retraite fortifiée où il puisse se réfugier en cas 
de danger. Il choisit donc un des bastions de l'enceinte 
situé sur les bords de l'Arno, à l'endroit où se trouvait 
la porte Faenza, en augmente les défenses et en fait une 
véritable citadelle. Que Antonio, vieux et déjà malade 
peut-être, n'ait pas été désigné par le jeune Médicis 
pour prendre la haute direction de ces travaux, cela n'a 
rien que de très vraisemblable; mais il est également 



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38i LES SAN GALLO. 

fort probable que San Gallo a dû être consulté fréquem- 
ment en cette circonstance, si toutefois son intervention 
s'est bornée à des conseils et si les plans de la nouvelle 
forteresse n'ont pas été tracés suivant ses indications. 
Il eût été surprenant que le pape Clément VII, dont le 
duc Alexandre n'était, en définitive à Florence que le 
représentant, n'ait pas insisté pour que la grande ex- 
périence d'un ingénieur, dont il venait de se servir dans 
des circonstance encore récentes fût mise à contribution. 
Nous n'exprimons ici que des présomptions basées sur 
les probabilités les plus sérieuses, car aucun document, 
aucune lettre, aucun croquis, aucun plan authentique, 
tracé ou écrit par Antonio da San Gallo le Vieux, ne 
peut jusqu'ici justifier cette opinion, tandis que nous 
fournirons plus tard de nombreuses preuves établissant 
que son neveu Antonio le Jeune travailla activement à 
la construction de la forteresse. 

La dernière participation du vieil Antonio à une 
manifestation artistique ayant le caractère d'un fait 
national est cette fois de toute notoriété. 

FLORENCE 

TRANSPORT DE LA STATUE DE CACUS 

1584 

Depuis longtemps, le sculpteur Baccio di Michela- 
gnolo, plus connu sous le nom de Baccio Bandinelli, 



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TRANSPORT DE LA STATUE DE CACUS. 3K5 

avait obtenu la commande d'une statue colossale des- 
tinée à faire pendant au î&meux David de Michel-Ange: 
le sujet choisi éimi Hercule terrassant Cact/s. Le groupe 
en marbre ne fut terminé qu'en 1534; il était alors dans 
un atelier concédé à Bandinelli, dépendant des bâti- 
ments de Santa Maria del Fiore, et devait être transporté 
place dei Signori. Est-ce au titre d'architecte du dôme 
de Santa Maria del Fiore, partagé encore à cette époque 
par Antonio avec son confrère Baccio d'Agnolo, qu'il 
faut attribuer le choix fait de ces deux artistes pour 
présider au transport de la statue? Ou bien, se rappe- 
lait-on que leur science et leur expérience avaient été 
déjà mises à l'épreuve dans une circonstance analogue 
trente ans auparavant? Toutefois ce fut à eux que l'on 
s'adressa. En trois jours, au moyen de grues et de pou- 
trelles roulantes, de cabestans et de cordages, la 
statue parvint à la place qui lui était destinée et fut 
hissée sur son piédestal de marbre, le 1®' mai 1534. 

Il est certain, qu'à notre époque, une cérémonie 
pareille ne mettrait pas, comme cela se vit alors à Flo- 
rence, toute une ville en émoi. Mais dans cette circon- 
stance, une haine générale, que Bandinelli s'était atti- 
rée par son caractère violent et jaloux, ses habitudes 
d'intrigues et de dénigrement, venait s'ajoutera l'esprit 
ordinairement enthousiaste des Florentins. Au lieu 
d'éloges, on n'entendait de tous côtés que d'amères 
critiques tant à l'adresse de l'œuvre que de l'artiste ; 
on alla même jusqu'à afficher sur le piédestal des vers 



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3S6 LES SAN GALLO. 

si cruellement satiriques que le duc Alexandre fut obligé 
de sévir contre les critjqueurs et d'emprisonner quelques- 
uns des plus violents. 

MORT D'ANTONIO DA SAN GALLO LE VIEUX 
1K34 

C'est au milieu de cette tempête, soulevée par les 
événements politiques, dont le contre-coup se faisait 
sentir jusque dans les régions ordinairement calmes et 
sereines où doivent se retrancher les beaux-arts, que 
mourut Antonio da San Gallo, le 27 décembre 1534, à 
l'âge de soixante-dix-neuf ans. 

Quelques années avant la mort de son frère Giuliano, 
Antonio da San Gallo avait déposé son testament chez 
un notaire de Florence, nommé Bartolomeo di Giovanni 
del Rosso. Cet acte, conservé dans les archives d'État 
à Florence, porte la date du 29 février 1519. Il avait 
probablement été fait d'accord avec Giuliano, car Anto- 
nio y sacrifie les intérêts de ses deux filles, Angelotta 
et Caterina, à ceux de son neveu Francesco et laisse 
un simple legs à sa femme Cassandra. En voici les termes 
exacts : //; inobilibits autem et aliis ejus bonis suos 
heredes uaiversales itistituit filios masculos legitimos et 
nalwales quos hahuerit; et casu quo ipse testator non 
habuerit filios legitimos et naturales instituit suos heredes 
Franciscum fiiium legitimum et iiaturalem Juliani 



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MORT D'ANTONIO DA SAN GALLO LE VIEUX. 387 

fralris carnalts. A la mort d'Antonio, son neveu Fran- 
cesco da San Gallo habitait avec lui la maison de la via 
Pinti. 

L'histoire des Médicis est tellement liée à celle de 
la famille des San Gallo qu'il semble impossible de les 
détacher l'une de l'autre. La même année qui vit 
s'éteindre Antonio Giamberti fut également celle de la 
mort de Clément VIL Avec Antonio da San Gallo dis- 
paraissait le second de ces doux frères, les premiers 
architectes de la famille, si étroitement unis pendant 
leur vie que leurs deux personnalités s'absorbaient en 
une seule dont bénéficiait Giuliano. Tout était sacrifié 
par Antonio, le cadet, au désir d'aider son frère aîné dans 
les travaux dont il était chargé. Cette tâche, peut-être 
ingrate pour un artiste de puissante expansion, conve- 
nait au caractère réservé et aux qualités plutôt solides 
que brillantes dont Antonio était doué. C'est en suivant 
pas à pas ce frère tant aimé qu'il put acquérir l'instruc- 
tion pratique si savante dont il fît preuve plus tard, 
C'est dans un commerce constant avec les personnages, 
les écrivains et les artistes dont Giuliano faisait sa 
société habituelle, qu'il puisa les données sur l'art, 
appliquées par la suite avec tant d'autorité et de certi- 
tude. La première partie de sa carrière d'architecte, la 
plus longue sans doute, n'a donc servi qu'à préparer la 
seconde, la plus brillante et la plus courte. 

Antonio da San Gallo, le Vieux ou l'Ancien, puisqu'on 



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388 LES SAN GALLO. 

est convenu de l'appeler ainsi, prend rang vers la fin 
de sa vie parmi les maîtres éminents de l'époque de la 
Renaissance. 

Maître par les doctrines qu'il adopte et qu'il choisit, 
prenant pour guides les règles les plus certaines, prenant 
pour exemples les modèles les plus corrects, s'inspi- 
rant des expressions les plus élevées du génie de l'an- 
tiquité; maitre également par la sûreté avec laquelle il 
applique ces règles, par les effets nouveaux qu'il sait 
en tirer, par les enseignements qui se dégagent de ses 
productions toutes personnelles et originales, Antonio 
da San Galle apparaît peut-être comme une figure effacée 
tant qu'il est en contact avec son illustre frère, mais 
encore, pendant cette période de sa vie, se révèle-t-il 
comme le sage modérateur d'une fougue parfois dange- 
reuse; et, lorsque la mort est venue les séparer, lors- 
qu'il n'a plus à guider de ses précieux conseils cet 
esprit enthousiaste, ce caractère généreux prêt à tous 
les dévouements, il achève seul l'œuvre commencée 
en commun et marque le point culminant de la voie 
artistique où ils s'étaient engagés ensemble. 

Ces deux talents, ces deux intelligences, se com- 
plètent tellement l'un par l'autre, ces deux personna- 
lités se fondent si bien en une seule, que nous avons 
dû les réunir dans le même cadre, comme la mort les 
a ensevelis dans le même tombeau. Antonio est allé 
rejoindre Giuliano dans la sépulture des Giamberti, à 
Santa Maria Novella de Florence, leur patrie. 



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SEPULTURE DES GIAMBERTI. 



SEPULTURE DES GIAMBERTI 

Giuliano de Giamberti da San GalLo fut enseveli, 
ainsi que son frère Antonio, dans un tombeau de famille 
situé à l'église de Santa Maria Novella. Vasari le dit 
positivement, et il est facile de lui faire créance à cet 
égard puisque, habitant Florence aux époques de la 
mort des deux frères, il devait être bien informé. 

Il nous a paru intéressant de rechercher si l'église de 
Sainte-Marie-Nouvelle, où se voient tant et de si beaux 
monuments élevés à la mémoire d'hommes illustres, 
conservait encore quelques traces de la sépulture des 
Giamberti : voici ce que nous avons pu découvrir à ce 
sujet. 

Auprès de la troisième chapelle du bas-côté de droite, 
il y a une dalle de marbre, moderne il est vrai, mais 
placée là en remplacement d'une ancienne dalle brisée 
dont elle reproduit exactement, paraît-il, l'apparence 
et la forme. Au-dessous des armoiries de la famille 
Giamberti, telles que nous les avons reproduites en tête 
de cet ouvrage, se trouve gravée l'inscription suivante : 

SERRISTORI, PIERI 

IVSTI DE GIAMBERTI MERC(ator) 

FL(orentiDU8) MCDXIV ET D{ominiB) 

CHERCHA DE SOLDÂNIERIS ET D(iscendenlium). 



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390 LES SAN GALLO. 

Nous ne connaissons pas tes noms de Serristori, 
de Pietri, ni même celui de Juste de Giamberti, ce mar- 
chand florentin assez riche pour acheter, en 1414, le 
droit de sépulture dans une église de la ville et de 
l'affecter à ses parents, à lui-même, à sa femme et à 
ses descendants, après avoir fait recouvrir le caveau 
d'une dalle de marbre commémorative. Mais il est posi- 
tif que certains membres de la famille Giamberti ont 
été dans l'aisance à cette époque, et ont pu payer ce 
luxe. Ce Giamberti devait être probablement un frère 
ou un cousin germain de Francesco, né en 1405. 

Ce serait donc sous cette pierre que devraient repo- 
ser les corps de Giuliano et d'Antonio da San Gallo. 
Mais on lit dans un petit ouvrage publié récemment, 
intitulé : Interno délia Chiesa di Santa Maria Novella 
dopo i restauri fatti nel 1861 , que, ce qui restait des 
personnages inhumés sous les dalles de l'église fut, à 
la suite des dernières restaurations, religieusement 
conservé, et transporté sous la grande bande de marbre 
qui règne en longueur devant les piliers. Afin de don- 
ner de l'ordre à ce dépôt, et d'assurer à tous une 
identité certaine, chaque nouvelle pierre tombale porte 
un numéro qui correspond à un numéro semblable 
gravé sur le pavé de l'église au-dessus des ossements 
déplacés. Il en est ainsi pour tous les membres de la 
famille Giamberti transportés dans ce caveau. Giuliano 
et son frère Antonio, si unis pendant leur vie, reposent 
donc encore aujourd'hui à côté l'un de l'autre, sous le 



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SEPULTURE DES GIAMBERTI. 331 

pavé de marbre de l'antique église où fut fondée la 
sépulture des Giamberti. 

Les armoiries des Giamberti se composaient de : 
trois étoiles d'azur placées en travers et accotées de 
deux bandes de même couleur, le tout sur fond d'or. 



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LES DESSINS 

DE 

ANTONIO DA SAN GALLO (LE VIEUX) 



Les dessins connus d'Antonio da San Gallo le Vieux, 
bien moins nombreux que ceux de son frère Giuliano, 
ne laissent pas cependant que de former un ensemble 
important, tant par le mérite et la précision du dessi- 
nateur que par le choix des monuments qu'ils repré- 
sentent. 

Comme son frère, Antonio a pris pour sujet de ses 
premières études les anciens édifices de Rome, éludes 
qu'il a poursuivies au cours de ses longs séjours dans la 
ville des papes; les plans sont relevés, les détails me- 
surés avec une exactitude parfaite, et tout est transcrit 
sur le papier avec une netteté et une correction abso- 
lument remarquables. Quelques-uns des travaux faits en 
collaboration avec Giuliano ont fourni à Antonio ma- 
tière à plusieurs autres plans et dessins. Les œuvres 
personnelles de l'architecte sont représentées, dans 
l'ensemble de ces souvenirs graphiques, par de nom- 
breux croquis à la plume ou dessins lavés. 



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DESSINS D'ANTONIO. 393 

Rome ne possède, ni dans ses bibliothèques ni 
dans ses galeries, aucun dessin d'Antonio le Vieux. 

A Florence, au contraire, on en trouve à la Galerie 
des Offices un nombre assez considérable, une tren- 
taine au moins. Sans vouloir en faire ici une énuméra- 
tion détaillée, travail déjà fait avec beaucoup d'exacti- 
tude et de clarté par M. Ferri, conservateur du Cabi- 
net des Estampes, dans le grand Catalogue général de 
l'importante collection confiée à ses soins, nous citerons 
les principaux afin de bien montrer à quel genre 
d'études s'adonnait principalement Antonio et à 
quelles sources il allait puiser cette éducation clas- 
sique qui fit de lui un des représentants les plus au- 
torisés des traditions artistiques de l'antiquité romaine. 
Aussi, les arcs de triomphe, le théâtre de Marcellus, 
les thermes, les temples, celui d'Antonin et Faustine 
en particulier, le portique d'Octavie, le Septizonium de 
Sévère, tous ces monuments relevés en plan, dessinés 
en élévation, mesurés dans leurs principaux détails, 
voilà les initiateurs d'Antonio, ses guides dans la voie 
de l'architecture classique. Cette même collection com- 
prend aussi quelques dessins relatifs à la construction 
de l'église de la Madonna di San Biagio. 

Le baron Henri de Geymuller possède un volume 
très important, contenant à peu près cent cinquante 
dessins autographes, dont le plus grand nombre a été 
reconnu par ce savant architecte pour être de la main 
d'Antonio; ils sont accompagnés de nombreuses notes 



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394 LES SAN GALLO. 

manuscrites de son neveu Aristotele '. Ce précieux livre 
provient de la célèbre casa Gaddi à Florence où se 
trouvait déjà réunie, du temps de Vasari, une impor- 
tante collection d'objets d'art et de livres. 

De ces cent cinquante dessins, décrits et énumérés 
avec le plus grand soin par M. de Geymuller, nous 
retiendrons en premier lieu quelques études d'après I 

les monuments antiques : feuille 9, plan de la'basi- | 

lique de Constantin au Forum romanum, avec un por- , 

tique inspiré de celui du Panthéon; — feuille 62, le ' 

dessin d'un chapiteau ionique à volute tombante, très | 

semblable à celui que Giuliano avait pris pour modèle I 

au cloître de la Maddalena dei Pazzi. Dans la série res- 
treinte des monuments de la première époque chré- 
tienne, on rencontre ; l'énorme monolithe qui forme la 
voûte du tombeau de Théodoric à Ravenne; — et, ce 
qui est de beaucoup plus intéressant pour l'histoire de 
l'art, l'esquisse d'une travée intérieure de la vieille 
église de Sainte-Constance à Rome, reproduisant, jus- 
qu'à la naissance de la coupole, tout le système de la 
belle décoration en mosmque, si remplie de détails 
élégants, exécutée au iv* siècle et complètement dis- 
parue aujourd'hui. La Renaissance est représentée dans 
ce volume par un grand nombre de dessins se rappor- 

1. Documents inédits sur les manuscrits et les œuvres d'archileclure 
de la famille des San Gallo, ainsi que sur plusieurs monuments d'Italie, 
par le baron H. de Geymuller. — Extrait des Mémoires de la Société 
Nationale des Antiquaires de France. Paris, 1835. 



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DESSINS D'ANTONIO. 3!t5 

tant aux édifices construits ou étudiés par Antonio: 
feuille 3, plan d'ensemble de l'église de la Madonna di 
San Biagio, elle est suivie de trente croquis relatifs au 
môme monument; plus loin — une série d'études pour 
un projet non exécuté de portique en façade avec six 
colonnes de front et trois sur les côtés, colonnes tantôt 
régulièrement espacées, tantôt accouplées; — à la 
feuille 30, une partie du plan de Saint-Pierre de Rome; 
et quelques plans d'édifices inconnus. L'architecture 
militaire comprend plusieurs projets ou études parmi 
esquels deux représentent le château Saint-Ange avec 
bastions et fort intérieur. Enfin quelques études de 
figures sculptées. 

L'œuvre graphique d'Antonio, sans avoir l'impor- 
tance de celle de Giuliano, suffit cependant largement 
à faire apprécier son talent de dessinateur fidèle et cor- 
rect; sa plume, guidée par une main sûre, un esprit 
net et ferme, sait reproduire non seulement l'aspect, 
mais le caractère de l'architecture qui lui sert de mo- 
dèle. Souvent aux ordres de son frère et travaillant à 
lui venir en aide, il n'en trouve pas moins le temps de 
se livrer à de sérieuses études personnelles dont ses 
dessins sont le plus précieux témoignage. Il convient 
donc d'attribuer à ces souvenirs graphiques une valeur 
artistique et archéologique en rapport avec la place 
toute particulière qu'ils occupent dans l'immense série 
des dessins des San Gallo. 



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TABLE DES MATIÈRES 

PREMIER VOLUME 



INTRODUCTION 

Pagti. 

Aperçu général sur les oricines de la Renais- 
sance EN Italie : 

Époque grecque i 

Epoque romaine xxvii 

Époque gré co- byzantine xxxvii 

Époque latino-grecque xliii 

Tableau généalogique de la famille des Médicis. 

Florence et les premiers Hëdigis 1 

Cosme de Médicis (l'Ancien), 1389-1464 3 

Laurent I", 1392-iUO 10 

Pierre I", 1416-1472. . . 11 

Laurent II le Magnifique, lii8-1492 13 

Pierre de Médicis et Savnnarole, 1492-1498 20 

Soderini et Alexandre de Médicis, 1498-1537 2;i 

Rome et les Papes a l'époque de la Renaissance. 24 

Nicolas V, 1447-1453 2B 

Calixte 111, 1453-1458 58 

Pie II, 1450-1464 28 



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398 TABLE DES MATIÈRES. 

Ptgtt. 

Paul 11, li(ii-U71 2» 

Sixte IV, I17t-UH1 31 

Innocent VIII, I48i-H!12 33 

Alexandre VI, 1492-1503 31 

Pie III, 1503 35 

Jules II, 1503-1513 3S 

LéonX, 1513-1521 37 

Adrien VI, 1831-1523 39 

Clément VII, 1523-1534 39 

Noie bibliographique 43 

Tableau généalogique de la famille Giamberti 47 

Em'hkbatio.n des différents San Gallo dont il sera 

ol'estios dans cet ouvrage {1445-1533) 49 

FKANCKsno 1)1 Bahtolo Giamberti, 1405-1480 SI 

GlliLIA>0 DE FrANCESCO GiAHBEHTI, dit GlULIANO DA 

San r-ALio (llto-Ultl) SU 

Défense de Caslellina, 1478 62 

Florence. — Eglise des Servîtes, U80 61 

— Église de la Trinité. — Chapelle Sassetli, U82. . (iti 

OsTiE. — Citadelle, 1483 7! 

PiiATO- — Église de la Madonna délie Carceri, 1485 Xi 

POdGlO IXPEBIALE, 1186 1(13 

Sab/ant.. — Guerre, 1187. 107 

PÉiiorsK. - Travaux divers, 1487-1488 108 

Nai'LES. — Palais du roi, 14SS tH9 

Flohe.m:i;. — Couvent de Cestello, Sanla Maria Maddalena di-i 

Pazzi, 1487, 1488 113 



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TABLE DES MATIÈRES. 



Florence. — Couvent des Augustins, 1488 119 

— Projet d'un palais pour Laurent le Magnifique, 

1488 124 

— Capo Maestro du Dôme, 1488 126 

— Eglise de San-Spirilo, 1433-1487 127 

— Sacristie de l'église de San-Spirito, U89-1496. . i:w 

PoGGio A Gajano. — Villa n2 

Rome. — Cloître de l'église de Saint-Pierre-aux-Liens, 14!)0. . 118 

Florence. — Palais Gondi, 1490 155 

— Chapelle des Gondi, 1303 173 

— Construction d'une maison, 1490 178 . 

— Palais Strozzi, 1490 179 

HtLAN. — Palais pour Laurent de Médicis, 1490 182 

Mort de Laurent le Magnifique, 1492 191 

Rome. — Soffite de Sainte-Marie-Majeure, 1492 193 

— Ancien mattre-autel 19ti 

Savoxe. — Palais pour le cardinal Julien délia Rovere, 1493 . 199 

— Voyage et séjour dans le midi de la France, i496- 

1497 203 

FLORE:*ce. — Grande salle du Palais vieux, t497 207 

— Palais via di Pinti, 1499 211 

Lobeite. — Coupole de la basilique de Sainle-Marie, ISOd. . 216 

— Travaux divers, 13001303 230 

Rome. — Ginliano, architecte en chef de la basilique de Saint 

Pierre, 1303 223 

Florence. — Transport du David, de Michel-Ange, 1504 . . . 22t> 

ViTEHBE. — Eglise de San Giovanni dei Fiorentini, 1505. . . 228 

RojiE. — Eglise de Santa Maria dell' Anima, 1306 230 

— Niche pour le groupe du Laocoon, 1500 236 



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400 TABLE DES MATIÈRES. 

Florkhcs. — Capo Maestro de l'Opéra du Ddme, 1507-t508, . 240 

PiSE. — Siège, 1S09 243 

La MiRAnooLE. — Siège, 15H 249 

— Retour des Médicis à Florence 250 

BoME. — Travaux à la basilique de Saint-Pierre, 19U .... 252 

Florence. — Projets de façade pour l'église Saint- Laurent, 

— 1516 237 

Les Dessins dis Giuliaho da San Gallo 264 

Galerie des Ofilces à Florence 265 

Bibliothèque Barberini à Rome 268 

Bibliothèque Nationale de Sienne 279 

Portrait de Giuliano da San Gallo 282 

Antonio de Francesco Giamberti, dit Antonio da 

Sas Gailu (l'Ancien), 1453-1534 389 

Rome. — ChâLeau Saint-Ange, 1493 293 

CiviTA Castellana. — Citadelle, 1494 297 

RoMB. — Eglise de Santa Maria di Monserralo, U9S 299 

Florence. — Palais Vieux. — Poggio Impériale, 1497. . . . 302 

Nepi. — Château, 1499-1504 305 

Rome. — Florence. — Pise, 1501-1509 307 

AiiEzzo. — Eglise de la SS. Annunziata, 1506 312 

LivouBNE. — Ancienne forteresse, 1S15 319 

Floresce. — Entrée triomphale de Léon X, 1515 321 

— Loggia, place de l'AnDunziata, 1517 324 

MoHTEPULCiANO. — La Madoona di San Biagîo, 1518 332 

— Presbytère 332 



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TABLE DES MATIÈRES. 



UoKTEFULCiANO. — Les Palaîs 355 

~ Palais au cardinal del Monte, 1319. ... 356 

— Palais Tarugi 361 

Palais Avignonesi 363 

— Palais Cerviai 366 

— Palais Del Pecora 367 

MoNTESAHSOViNO. — Palaïs et Loggia 369 

— Palais de] Monte 370 

— Loggiadel Hercato 373 

Colle Val d'Elsa. — Eglise de Saint-Anguslin, 1531 .... 378 

CORTOKE 380 

ÉTAT DE l'Italie. — A la fia de la vie d'Antonio da San Gallo, 

1525-1535 380 

Florence. — Transport de la statue de Cacus, 1534 33i 

Mort d'Antonio da San Gallo (l'Ancien), 1534 386 

Sépulture des Giamberti 389 

s d'Antonio da San Gallo (le Vieux} 394 



FIS DE LA TABLE DU PRBH 



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TABLE DES PLANCHES ET DES DESSINS 



PREMIER VOLUME 



Portrait de Giuliano da San Gallo par Piero di Cosîmo. 

Armoirie des San Gallo i» 

Armoiries de la famille Giamberli !il 

Ëglise de la TriDtté & Florence. Chapelle Sassetti ti7 

OùTiE. — Citadelle, vue d'ensemble Ti 

— Forteresse, la Tour du Nord 77 

Phato. — Plan de l'église de la HadoDDa délie Carceri. ... S7 

— Ëglise de la Madonna délie Carceri, vue extérieure. 95 

— Ëglise de la Madonna delle Carceri, vue intérieure. 99 

— — — Détails de l'entablement intérieur. t03 

Naplks. — Plan du palais pour le roi de Naples Hi 

Florence. — Plan du cloître, couveol de Cestello IH 

— Cloître du couvent de Cestello. . . H 6 

— Chapiteau du cloître de Cestello 118 

— Plan de l'Église et de la Sacristie de San-Spirito. 129 

— Plan de l'Église de San-Spirito proposé par Giu- 

liano da San Gallo 13ti 

POGuio A Cajano. — Grand salon de la Villa t45 

Rome. — Cloître de Saint-Pierre-aui-Uens 130 

— Chapiteaux des colonnes da clollre loi 



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iOi TABLE DES PLANCHES ET DES DESSINS. 

Pagss. 

Florence. — Palais Gondi, Piazza di Firenze, façade 153 

— Plan du palais Gondi (58 

— Cour iDtérieure du palais Gondi 16^ 

— Chapiteau duCortile. Palais Gondi 16T 

— Cheminée du grand salon. Palais Gondi ITl 

— Plan de la chapelle des Gondi à S. M. No-vella. . 173 

— Chapelle des Gondi, vue intérieure 175 

Milan. — Restes de l'ancien palais de Laurent le Ha^iflqne . 189 

Florence. — Plan du palais des San Gallo, via di Pinli. ... 212 

— IntérieurdupalaisXiménès (autrefois San Gallo) . 213 
Roue. — Église de Santa-HariadeirAnima i33 

— Projet de nicbe pour le groupe du Laocoon S39 

— Plan de la basilique de Saint-Pierre 255 

— Projet d'un arc de triomphe auprès de Saint-Pierre- 281 
Arezzo. — l^lise de la SS. Aanunziala (intérieur) 313 

— Plan de l'église de la SS. Annunziata 317 

Florbbce. — Portique, place de l'Annumiata 325 

— Portique, place de l'Annunziata (vue latérale) . . 329 
MoNTEPULciAMO. — Plandc l'ÉgUse de laMadonna dj San Bia^o. 337 

— Église de la Hadonna di San Biagio 339 

— Ëglise de la MadonnadiSanBiagiof intérieur). 3t3 

— Presbytère. Hadonna di San Biagio. . . . 353 

— Palais du cardinal del Monte 357 

— Palais Tarugi 363 

MoNTESANSoviNO, — Palaïs Del HoDle 371 

— Loggia del Mcrcato 375 



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